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Date: 20010920

Dossier: 2000-2639-IT-I

ENTRE :

STÉPHANE RIVARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel à l'encontre de cotisations établies par le ministre du Revenu national (le " ministre ") pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. L'appelant s'est représenté lui-même. Le ministre a refusé, dans le calcul du revenu d'emploi de l'appelant, la déduction de certaines dépenses engagées par ce dernier.

[2]            La première question en litige est de savoir si l'appelant était un salarié de Métal Marquis inc. (la " société "). Pour établir et maintenir les avis de nouvelle cotisation en date du 22 mars 1999 pour les années d'imposition en litige, le ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

                                a)              en 1994, l'appelant a été un salarié de la société Métal Marquis inc. [...] toute l'année;

                                b)             l'appelant était ingénieur junior lorsqu'il a été embauché par la société;

                                c)              les tâches et responsabilités de l'appelant n'ont pas beaucoup changé depuis l'embauche de celui-ci;

                                d)             au cours des années d'imposition en litige, l'appelant travaillait sous la supervision de Monsieur Guillaume Marquis;

                                e)              au cours des années d'imposition en litige, la planification du travail à effectuer était déterminée par son superviseur, Monsieur Guillaume Marquis;

                                                f)              [...] l'appelant travaillait sur plusieurs projets à la fois pour la société;

                                g)             [...] l'appelant avait un horaire régulier de travail qui était celui de la société, soit de 8 heures à 17 heures;

                                                h)             [...] l'appelant devait remplir un formulaire de répartition du temps;

                                i)               [...] l'appelant était payé par la société, sur une base horaire;

                                j)               [...] au cours des années d'imposition en litige, toutes les dépenses encourues par l'appelant dans le cadre de son travail, étaient remboursées par la société;

                                k)              les comptes de dépenses de l'appelant étaient présentés sur papier à en-tête de la société et approuvés par celle-ci;

                                l)               [...] l'appelant avait un bureau au lieu d'affaires de la société;

                                m)             [...] la société était la seule cliente de l'appelant;

                                n)             [...] le Ministre a conclu que l'appelant était un salarié de la société, au cours des années d'imposition en litige;

                                o)             par conséquent, le Ministre a émis les avis de nouvelle cotisation en date du 22 mars 1999 pour les années d'imposition en litige.

[3]            Monsieur Rivard a témoigné pour lui-même et monsieur Guillaume Marquis a témoigné pour l'intimée.

[4]            L'appelant a exposé les faits suivants :

Faits pertinents:

1)              J'ai été durant les années 1995 à 1998 consultant en génie. J'avais une place fixe d'affaire [sic].

2)              J'exploitais mon entreprise sous la raison sociale S.R.I. J'étais un inscrit aux fins des taxes à la consommation (TPS/TVQ).

3)              Je réalisais des mandats de consultation auprès de différents clients. On faisait appel à mes services pour des projets biens [sic] particuliers.

4)              Mon bureau était mon principal lieu de travail et ce même si je devais me déplacer régulièrement dans le cadre de mes mandats chez mes clients.

5)              Métal Marquis inc (ci-après "Marquis") était l'un de mes clients les plus importants.

6)              Je n'avais aucun contrat écrit me liant avec Marquis. Contrairement aux employés de Marquis, je ne bénéficiais d'aucune protection sociale assumée par Marquis. J'ai souscrit moi-même à une assurance revenu.

7)              J'assumais moi-même toutes les dépenses d'entreprise. En 1997, j'ai engagé un employé pour m'assister dans mes différents mandats. J'ai assumé toutes les charges (fiscales, sociales ou autres) reliées à cet employé.

8)              Mes honoraires étaient calculés en fonctions [sic] du temps consacré aux différents mandats et de la valeur économique du travail réalisé. C'est moi qui décidais du montant à facturer pour un contrat.

9)              J'organisais et je planifiais l'exécution de mes mandats en fonction de différents facteurs. Notamment, je tenais compte des disponibilités des autres intervenants au dossier. Cependant, je fixais moi-même les échéances, les lieux d'exécution et l'horaire.

10)            Durant cette période, j'assumais moi-même le risque professionnel rattaché à l'exécution de ma profession. J'ai limité le risque en suivant les normes professionnelles et en souscrivant à une assurance responsabilité. Finalement, aux fins [de] l'ordre des ingénieurs du Québec, j'étais considéré comme étant un consultant en pratique privé [sic].

11)            Je possédais tous les équipements (informatique, équipements, outils et véhicules) nécessaires à la réalisation de mes mandats. J'assumais tous les frais d'entretien, de réparation et d'assurance. Je supportais les risques de bris ou de vol.

12)            Je procédais à la facturation de mes clients. J'assumais tous les risques financiers d'affaires.

13)            Aux fins fiscales, j'ai préparé mes déclarations d'impôt en prenant pour acquis que j'étais un "travailleur autonome".

14)            Suite à une vérification chez Marquis, Revenu Canada Impôt a déterminé que les services que je rendais à cette société constituaient en emploi.

[5]            Les commentaires que je formule concernant ces faits sont les suivants :

1.              En partie exact, mais induisant quelque peu en erreur. À titre de consultant en génie, l'appelant n'avait essentiellement qu'un seul client, la société, et son entreprise était principalement exploitée à partir des locaux de la société;

2.              Exact;

3.              En fait, il n'avait qu'un seul client, la société;

4.             Son principal lieu d'affaires n'était pas son bureau à la maison, mais était plutôt les locaux de la société où il passait plus de 90 % de ses heures de travail;

5.             Exact, la société constituait cependant plus qu'un client. Monsieur Guillaume Marquis était également son superviseur;

6.              Exact;

7.              Pour la majeure partie, la société lui remboursait ses dépenses. Les deux autres phrases sont exactes;

8.              Il est vrai que, la plupart du temps, il facturait ses services à la société au taux horaire de 20 $. La facturation mensuelle équivalait à 35 à 50 heures de travail par semaine, accomplies régulièrement, mois après mois, à l'exception de deux semaines de vacances l'été;

9.              Probablement exact, bien que je sois convaincu que la décision finale appartenait à la société;

10             Exact;

11.            L'appelant possédait un ordinateur personnel; il pouvait toutefois utiliser le matériel de la société;

12.            Je ne crois pas que l'appelant assumait un risque financier autre que le risque de faillite de la société, qui est présent dans la majorité des relations employeur-employé;

13.            Exact;

14.            Également exact.

[6]            La Cour d'appel a explicitement approuvé la manière dont le juge Cooke a formulé la question dans l'affaire Market Investigations[1], à savoir :

                [TRADUCTION] Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : " La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte? " Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel.

[7]            Le ministre croit que monsieur Marquis et l'appelant ont tenté d'établir une relation entre entrepreneurs indépendants mais qu'il s'agissait en réalité d'une relation employeur-employé. L'appelant avait été un employé en 1994 et s'était considéré comme un employé de la société après 1997 quand un régime d'options d'achat d'actions destiné aux employés a été établi.

[8]            Appliquant les critères énoncés dans l'arrêt Wiebe Door, [1986] 3 C.F. 553, je conclus :

1. Critère du contrôle

Il ne fait aucun doute que la société, et plus précisément monsieur Marquis, exerçait un contrôle sur l'appelant.

2. Profit-perte

L'appelant consignait ses heures et facturait selon un taux horaire fixe. Il se faisait rembourser certaines de ses dépenses engagées pour ses déplacements pour les affaires de la société. Il était difficile de préciser quelles dépenses il peut avoir lui-même payées, pour lesquelles il n'a pas été remboursé. Il travaillait à l'occasion pour des tiers, mais 98 % de ses services étaient fournis à la société. L'appelant courait peu ou point de risque de perte. Il bénéficiait d'un taux horaire fixe. Il présentait sa facture à la société à tous les mois et était alors payé.

3. Instruments de travail

La société fournissait la majorité des instruments de travail.

4. Intégration

La société comptait une cinquantaine d'employés. L'appelant figurait parmi plusieurs ingénieurs de qui dépendait la production de la société.

[9]            Il ressort de ce qui précède que l'appelant et monsieur Marquis ont tenté d'établir une relation employeur-employé, mais ont échoué. Il est légitime de chercher à organiser ses affaires en vue d'obtenir un dégrèvement d'impôt sur le revenu dans la mesure où la loi le permet. En l'espèce, cependant, l'appelant n'a pas réussi.

[10]          L'appelant affirme avoir repris en 1998 le statut d'employé de la société, parce qu'il souhaitait profiter des options d'achat d'actions destinées aux employés. Il ne suffit pas de se désigner soi-même comme un entrepreneur indépendant. Ce n'est pas qu'une question de nomenclature. La Cour doit examiner l'ensemble de la relation entre les parties. Je suis convaincu que l'appelant était, pour les années d'imposition en litige, un salarié de la société et les dépenses en question ne sont pas déductibles. L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de septembre 2001

"Mc Arthur"

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-2639(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Stéphane Rivard et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Rouyn-Noranda (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 15 août 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge C.H. McArthur

DATE DU JUGEMENT :                      le 20 septembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant     :                                L'appelant lui-même

Avocat pour l'intimée :                        Me Dany Leduc

AVOCAT INSCRITE AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                       --

                                Étude :                     --

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-2639(IT)I

ENTRE :

STÉPHANE RIVARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 15 août 2001 à Rouyn-Noranda (Québec) par

l'honorable juge C.H. McArthur

Comparutions

Pour l'appelant :               L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :         Me Dany Leduc

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de septembre 2001.

" C.H. McArthur "

J.C.C.I.



[1]               Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 at 737.

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