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Dossier : 2003-2736(IT)I

ENTRE :

WILLIAM L. SEARS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 2 juin et le 22 octobre 2004 à Hamilton (Ontario)

Devant : L'honorable Judith Woods

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me A'Amer Ather

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JUGEMENT

L'appel relatif à la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2004.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juin 2005.

Sara Tasset


Référence : 2004CCI751

Date : 20041110

Dossier : 2003-2736(IT)I

ENTRE :

WILLIAM L. SEARS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

[1]      Dans le présent appel visant l'année d'imposition 2001, William Sears cherche à déduire la pension alimentaire qu'il a versée au titre des dépenses liées au logement comme les impôts fonciers, l'électricité et les assurances.

[2]      Selon la Couronne, la déduction devrait être refusée parce qu'une des conditions préalables, soit que le bénéficiaire des sommes puisse les utiliser à sa discrétion, n'était pas satisfaite. Dans sa réponse, elle a soutenu aussi qu'une autre condition, soit que les paiements doivent être régis par une ordonnance d'un tribunal compétent ou un accord écrit, n'était pas non plus satisfaite, mais cet argument a été abandonné à l'audience. Je limiterai donc mon examen à la question du pouvoir discrétionnaire.

Faits

[3]      Une ordonnance judiciaire délivrée en 1976 par suite de la séparation de M. Sears et de son épouse, Pauline, a obligé M. Sears à verser une pension alimentaire mensuelle régulière et à payer les dépenses liées au logement dans lequel habitait Mme Sears à cette époque, situé au 2 Keats Road, à Hamilton. La partie pertinente de cette ordonnance est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

Le requérant, William Lewis Sears, devra verser à l'intimée, Pauline Elinore Sears;

[...]

(c) et payer tous les montants au titre de l'électricité, du gaz, de l'huile, des impôts fonciers,des assurances et du téléphone (exception faite des frais d'interurbain) en rapport avec le logement dans lequel habite actuellement l'intimée.

[4]      En 1998, Mme Sears a déménagé au 163 Highbury Drive, à Stoney Creek (Ontario). Dans le cadre des arrangements juridiques et financiers qui ont entouré le déménagement, l'avocat de Mme Sears a rédigé un accord qui disposait notamment ce qui suit : le transfert, par M. Sears, de sa part de l'ancien logement situé au 2 Keats Road; une hypothèque sans intérêt en faveur de M. Sears sur le nouveau logement; l'obligation par M. Sears de payer les dépenses relatives au nouveau logement. La clause de l'accord portant sur la pension alimentaire se lit comme suit :

[TRADUCTION]

L'époux convient par les présentes de continuer et entend continuer à verser à l'épouse une pension alimentaire pour conjoint de 480,83 $ par mois et convient également de continuer à payer les dépenses liées au logement, conformément au jugement conditionnel de divorce daté du 12 novembre 1976, en acquittant les impôts fonciers et les frais d'électricité, de gaz, d'eau et d'assurance sur le foyer conjugal actuel, sommes qui seront payées à l'égard de ce foyer jusqu'à ce que les lieux soient vidés. L'époux assumera par la suite ces dépenses relativement à la nouvelle maison que l'épouse doit acheter au 163 Highbury Drive, à Stoney Creek (Ontario).

[5]      M. et Mme Sears ont agi conformément aux modalités de cet accord et, plus particulièrement, M. Sears a continué de payer les dépenses liées au logement du 163 Highbury Drive. Mme Sears a pris ses dispositions pour que les factures soient envoyées à son ex-époux, et ces factures ont été réglées directement.

[6]      M. Sears n'a pu trouver de copie signée de cet accord et a présenté en preuve une version ne portant aucune date ni signature. Il a essayé d'obtenir une copie signée pour l'audience mais n'a pu retracer l'avocat qui avait rédigé l'accord.

[7]      Dans ses déclarations de revenus, M. Sears avait toujours déduit la pension alimentaire, dont les dépenses liées au logement. Jusqu'à l'année d'imposition 2001, le ministre du Revenu national avait toujours accepté la déduction mais, cette année-là, il a refusé une partie des dépenses liées au logement. Le montant total refusé se chiffrait à 10 725 $.

Analyse

[8]      Pour que la pension alimentaire puisse être déductible aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, elle doit correspondre à la définition de la « pension alimentaire » figurant au paragraphe 56.1(4). La partie de la définition qui est pertinente dans le cadre du présent appel est le fait que le bénéficiaire doit pouvoir « utiliser le montant à sa discrétion » .

[9]      M. Sears avait l'obligation précise de « payer » certaines dépenses particulières liées au logement. Même si les factures ont été réglées directement, M. Sears affirme que Mme Sears aurait pu insister pour que les paiements soient faits à son attention. J'accepte cette interprétation, sauf que Mme Sears ne pouvait exiger de paiement à moins d'avoir effectué une dépense. La question est donc de savoir si Mme Sears a exercé un pouvoir discrétionnaire quant à la façon d'utiliser la pension alimentaire lorsqu'elle a enjoint à son ex-époux de régler directement les frais des tierces parties.

[10]     Selon les dictionnaires, le « pouvoir discrétionnaire » désigne la liberté de décider alors que l' « utilisation » s'entend de l'emploi de quelque chose. En règle générale, l'argent est employé lorsqu'il sert à une fin quelconque, notamment l'achat de biens ou de services. À moins qu'une personne ait la possibilité de choisir comment appliquer les fonds, je ne pense pas qu'elle possède le pouvoir discrétionnaire de décider de leur utilisation. Mme Sears n'avait pas, fondamentalement, de pouvoir discrétionnaire lui permettant de décider comment l'argent pouvait être utilisé. L'obligation alimentaire était affectée à des dépenses particulières liées au logement, et Mme Sears n'aurait pas le droit de recevoir d'argent à moins que ces dépenses particulières ne soient effectuées.

[11]     Cette interprétation semble conforme aux règles établies par le législateur en matière de pension alimentaire. Selon ces règles, la pension alimentaire n'est généralement pas déductible (ni incluse dans le revenu du bénéficiaire) à moins que le bénéficiaire ne puisse utiliser les montants à sa discrétion. Cependant, si la pension alimentaire vise des dépenses particulières, elle peut être déductible (et incluse dans le revenu du bénéficiaire) si le traitement fiscal prévu est énoncé dans l'ordonnance judiciaire ou l'accord écrit : paragraphe 60.1(2) de la Loi. Par conséquent, le Parlement semble avoir voulu faire en sorte que les paiements versés au titre de dépenses particulières ne soient pas déductibles (ni inclus dans le revenu du bénéficiaire) à moins que les parties n'en aient convenu expressément.

[12]     En outre, cette interprétation cadre avec la majorité des arrêts dont j'ai connaissance et qui ont porté sur des clauses semblables, y compris une décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. Armstrong, 96 D.T.C. 6315 (C.A.F.), Borsellino v. The Queen, [1997] 2 C.T.C. 2923 (C.C.I.) et Levy v. The Queen, 2003 D.T.C. 1512 (C.C.I.).

[13]     La jurisprudence n'est pas totalement cohérente, cependant. L'avocat de la Couronne a porté à mon attention un jugement récent prononcé par le juge Mogan au sujet d'une clause semblable : Carmichael v. The Queen, 2003 D.T.C. 856 (C.C.I.).

[14]     L'affaire Carmichael fait partie des quelques jugements que je connais où la Cour a décidé qu'un bénéficiaire a un pouvoir discrétionnaire lorsque l'obligation alimentaire s'assortit du paiement de dépenses particulières. Le juge Mogan a mentionné la décision du juge en chef adjoint Bowman dans l'arrêt Hakv. The Queen, 99 D.T.C. 36 (C.C.I.), mais les faits dans cette affaire étaient quelque peu différents.

[15]     D'après l'arrêt Carmichael, où la Cour a conclu que l'épouse avait un pouvoir discrétionnaire, l'épouse avait exercé un pouvoir discrétionnaire en faisant de son époux son mandataire pour régler les dépenses en son nom à elle. Je conviens que la nomination de l'époux constitue l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, mais je ne crois pas, en toute déférence, qu'il s'agisse de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire relatif à l'utilisation de l'argent.

[16]     Pour ces motifs, je conclus que Mme Sears n'avait pas de pouvoir discrétionnaire quant à l'utilisation des paiements versés au titre des dépenses liées au logement. M. Sears aurait pu s'assurer de pouvoir déduire ces paiements si l'accord écrit avait expressément prévu la déduction des sommes versées par le payeur et leur inclusion dans le revenu du bénéficiaire. Cela n'a pas été fait.


[17]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2004.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juin 2005.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2004CCI751

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2736(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

William L. Sears c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 2 juin et le 22 octobre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable Judith Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me A'Amer Ather

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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