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Date: 20000327

Dossier: 98-2393-IT-I

ENTRE :

GEORGE J. TKACH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            L'appelant en a appelé des cotisations d'impôt sur le revenu pour ses années d'imposition 1994 et 1995 dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction de pertes agricoles s'élevant à 5 463,23 $ et 1 746,56 $, respectivement. Selon le ministre, l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit de quelque activité agricole qu'il avait entreprise au cours de ces années d'imposition.

[2]            John Melnychuk a témoigné qu'il est présentement retraité, mais qu'il a grandi dans une ferme mixte où il a vécu jusqu'en 1941. Il a servi dans l'armée canadienne entre 1941 et 1946 et, après son licenciement, il s'est lancé dans l'agriculture dans la région proche de Kelvington en Saskatchewan. Plus tard, il a déménagé à Regina et a travaillé pour Inland Cement jusqu'à sa retraite en 1988. Alors qu'il travaillait pour le groupe cimentier, il a acheté une terre agricole. Durant l'hiver 1989-90, il a vu une annonce dans le journal placée par George Tkach, l'appelant, demandant une personne intéressée à communiquer avec lui pour l'aider à travailler dans une exploitation maraîchère intensive. Melnychuk a répondu à l'annonce et, au printemps de 1990, il a commencé à travailler sur la terre appartenant à l'appelant près de Craven en Saskatchewan. En vertu de l'accord qu'ils ont conclu, Melnychuk pourrait cultiver son propre jardin sur la propriété et cueillir également les baies qui se trouvaient sur la propriété. Il ne serait pas rémunéré pour ses services avant que l'activité réalise un profit. Il a travaillé avec l'appelant les fins de semaine et pendant leurs heures libres. Il était au courant que l'appelant avait vendu son cabinet d'avocats, mais qu'il travaillait toujours pour son ancien cabinet. En 1990, l'appelant s'est rendu aux États-Unis pour fréquenter l'université et Melnychuk a travaillé la terre dans le but de contrôler les mauvaises herbes. L'appelant était propriétaire de deux tracteurs, l'un de marque John Deere et l'autre de marque Ford, de même que d'un motoculteur. Les tracteurs étaient vieux et exigeaient beaucoup de réparation et d'entretien. En 1990, l'équipement était entreposé à un autre endroit, appartenant à l'appelant, près de Fairy Hill qui était à environ 12 milles de Craven. Au site de Fairy Hill, il y avait quelques bâtiments ainsi que de l'équipement d'irrigation, des pompes et un réservoir de 1 000 gallons. La terre à Craven était plate et comportait 10 acres de terre arable, divisés en deux parcelles dont l'une était plus élevée que l'autre. En 1990, une culture de luzerne et une autre de brome ont été semées et ont produit du foin sur une base annuelle pour être coupé et compacté en balles. En 1991, des plans ont été faits pour le printemps et Melnychuk a accepté d'aider l'appelant comme convenu précédemment. En juin, l'appelant a eu une crise cardiaque et n'a pas été en mesure d'aider à la ferme pour le reste de l'année. Melnychuk s'est occupé de son propre jardin sur la propriété et il a cultivé, au besoin, afin de contrôler les mauvaises herbes. En 1992, le projet d'exploitation maraîchère s'est poursuivi, mais l'appelant a subi une chirurgie à coeur ouvert et n'a pas été en mesure d'aider jusque tard à l'automne, lorsque les tracteurs ont été ramenés à Fairy Hill pour y être entreposés. En 1993, l'appelant a discuté de la construction d'une structure pour entreposer les tracteurs sur la propriété de Craven et ils ont tenté de moderniser la machinerie durant cette année-là. En 1994, un entrepreneur a été engagé pour construire un hangar d'entreposage avec un deuxième étage qui serait utilisé pour entreposer des dossiers, des boîtes et des meubles de bureau qui avaient été utilisés auparavant dans le cabinet d'avocats de l'appelant. Les tracteurs ont été entreposés à l'étage principal. En 1994, il y a eu une bonne récolte de baies et l'appelant et Melnychuk ont discuté de la possibilité de cultiver d'autres produits comme les pommes de terre et l'ail en utilisant des méthodes biologiques, donc sans produits chimiques. L'appelant s'est présenté à la ferme les samedis, les dimanches et quelques fois durant les soirées, mais il n'y avait aucun horaire de travail fixe. En 1995, les eaux ont inondé environ 75 p. 100 de la partie inférieure de la ferme. Par conséquent, le jardin a du être exploité sur un sol plus élevé. L'inondation a affecté les framboises, les fraises et les pommes de terre. L'ail n'a pas bien poussé. Il fallait construire une nouvelle chaussée afin de créer une nouvelle entrée sur la propriété. Après la décrue des eaux, les mauvaises herbes ont trop poussé et une faucheuse a dû être utilisée pour les couper. On était rendu à l'automne. Melnychuk a expliqué qu'en 1996 l'eau inonda encore quelque peu et il était évident que l'inondation de l'année précédente avait enlevé un peu de couche arable et, à la place, il y avait une couche de cailloux et de mauvaises herbes. L'appelant avait acheté un nouveau tracteur de jardin diesel avec plusieurs accessoires et il a commencé à construire des digues autour des bâtiments à titre de mesure de protection contre les inondations, puisque, en fait, l'eau était entrée dans le bâtiment d'entreposage en 1995. Les cultures de luzerne et de brome avaient pourri en raison de l'eau. Le plan consistait à les faire disparaître en les enfouissant par le labourage au cours de l'année suivante. En 1997, la graminée a été ainsi labourée par quelqu'un engagé par l'appelant sur commande, parce que cela demandait un équipement spécial. Même après que la terre a été labourée, il a fallu la retravailler au cours de cette année-là. À l'automne, un peu d'ail a été semé. En 1998, l'ail a fort bien poussé et, bien qu'il y ait eu des problèmes associés à la récolte, celle-ci a été, dans l'ensemble, satisfaisante. La partie de la terre précédemment endommagée par les inondations a été inondée encore une fois. L'activité d'ensemencement sur la petite partie cette année-là comprenait des bleuets, des framboises et des fraises, ainsi que six ou sept variétés d'ail d'automne semées dans les parties plus basses. En 1999, dix ou douze variétés de pommes de terre ont été semées ainsi que de l'ail et des baies. L'ail a produit quelques bons résultats, mais une partie de la récolte n'était pas satisfaisante, parce que l'été a été frais et que l'ail n'a pas mûri correctement. Une partie de la récolte a été conservée pour les fins d'ensemencement et le reste a été distribué comme échantillons à des acheteurs intéressés. Certains types de pommes de terre se sont avérés meilleurs que d'autres et des échantillons ont été offerts à des acheteurs potentiels. Dans l'ensemble, Melnychuk a déclaré qu'il conservait l'espoir d'être en mesure de recevoir un jour une quote-part des bénéfices provenant de l'exploitation de la ferme.

[3]            En contre-interrogatoire, Melnychuk a déclaré qu'il avait grandi sur un quart de section de terre appartenant à son père. Il se plaisait à aider l'appelant dans son projet et il aimait l'agriculture, la cueillette des baies et la culture de son propre jardin. Étant à la retraite, il est en mesure de consacrer du temps à l'activité. Bien qu'il concède que la progression apparaît lente, il reste que l'inondation a affecté la terre pendant quatre ans sur cinq. Une fois que la santé de l'appelant s'est améliorée après l'intervention chirurgicale en 1992, il a déclaré qu'ils ont tous les deux consacré 10 heures de travail par semaine sur la terre en 1994 et en 1995. La ferme de Craven est située à 41 kilomètres de Regina.

[4]            George Tkach a témoigné qu'il est avocat et qu'il attend la retraite avec impatience. Il a été élevé dans une petite ferme de 160 acres, avec un bon sol, attenante à une pépinière. Sa famille cultivait des fruits et des légumes et exploitait également une petite laiterie. En 1944, après avoir achevé l'école à l'âge de 17 ans, il s'engagea dans l'ARC. Après son licenciement, il a fréquenté la University of Saskatchewan et a été diplômé de la faculté de droit. Il a débuté sa pratique à Carlisle en Saskatchewan et il est devenu associé dans une petite ferme céréalière qu'il a plus tard vendue. Il a déménagé à Regina et il a commencé à suivre des cours prémédicaux pendant qu'il pratiquait le droit à temps partiel, notamment une journée par semaine à Carlisle. En 1963, il a commencé à pratiquer le droit à temps plein. En 1970, il a commencé à chercher une terre dans la vallée de la Qu'Appelle, une région connue pour la culture maraîchère, s'étendant sur une distance de 40 à 50 milles le long de la rivière. Il a acheté des terres, environ 14 acres, situées au centre de la zone de culture maraîchère. La terre a été inondée en 1971 et encore une fois en 1972. Il l'a donc vendue, à perte, plus tard cette année-là. Il a continué à chercher une propriété et il a découvert des terres situées à l'est de Craven où la rivière Qu'appelle serpente à travers la région. En 1973, il possédait un total de 139 acres à Fairy Hill, divisés en trois parcelles, de 60, 70 et neuf acres. La propriété présentait des ravins et quelques zones plates dans lesquelles il y avait du gravier et des arbres. Une partie de la terre plate était arable et il a acheté un petit tracteur et de l'outillage. Il a été en mesure de récupérer deux ou trois acres à trois ou quatre places différentes. Il a construit un hangar à deux étages pour entreposer de l'équipement. En 1975, il a acheté la propriété en question, la parcelle C, à Craven. En 1977, il a décidé de construire son propre immeuble à bureaux à Regina et, dans le but de financer ce projet, il a vendu la parcelle de 60 acres faisant partie de la propriété de Fairy Hill. Il a conservé les deux autres parcelles et il a semé des tomates à titre de culture indicatrice. Cependant, ces propriétés étaient difficiles à cultiver et il a découvert que cela n'en valait pas la peine. La terre de Craven, totalisant 10 acres, comportait des zones arables. La même année, il a également acheté deux autres parcelles attenantes de 130 et de 90 acres respectivement, chacune sur un titre de propriété distinct. Au milieu des années 1980, il a commencé à considérer l'utilisation de la terre qui était située juste au côté d'une route pavée. Il a engagé quelqu'un pour travailler la terre avec le tracteur et la machinerie. Il a semé cinq ou six acres de luzerne et de brome sur la parcelle de 10 acres en concluant un accord de participation à la production avec un agriculteur local selon lequel l'agriculteur avait droit aux trois premières récoltes en entier et, par la suite, ils se partageraient les récoltes restantes dans un rapport de 1/3 à 2/3, la plus grande partie allant à l'agriculteur. Tkach a déclaré que sa part de la récolte lui rapportait entre 200 $ et 300 $ par année. Il a commencé à mettre en jachère cinq acres conduisant à la rivière. En 1981 ou 1982, il a décidé d'agrandir son immeuble à bureaux à Regina. Les taux d'intérêt ont augmenté à 22 p. cent et, dans le but de trouver l'argent pour son projet d'immeuble, il a vendu les parcelles de 90 et de 130 acres attenantes à la parcelle C, le lot riverain. En 1985-86, il a semé de longs rangs de framboises. En 1989, avec l'intention de commencer sa retraite, il a vendu son cabinet d'avocats de trois personnes, mais il y est demeuré à titre d'employé. En 1990, il s'est rendu à la University of Arkansas, au campus de Fayetteville, afin d'y recevoir un enseignement d'études supérieures en droit de l'agriculture. Avant d'y être admis, il a été informé qu'il devait prendre un cours pré-requis à Georgetown, Washington DC et c'est à ce moment-là qu'il a placé une annonce dans le journal de Regina. John Melnychuk y a répondu et il a rencontré l'appelant, indiquant qu'il était intéressé à l'aider sur la propriété. Tkach a déclaré qu'il a quitté Regina en juin 1990, qu'il a été absent pendant six semaines et qu'il n'est retourné chez lui que pour une semaine avant de repartir pour l'Arkansas. Il est demeuré à l'université jusqu'à la mi-mai, achevant deux des trois semestres du cours. Il avait conservé son adhésion à la Law Society of Saskatchewan et il a travaillé sur certains dossiers jusqu'en juin. C'est alors qu'il a subi une crise cardiaque qui l'a conduit à l'hôpital. À la mi-août, il est retourné en Arkansas afin d'achever le troisième semestre et il a laissé Melnychuk en charge de la ferme. En 1992, il a eu à se rendre encore une fois à la University of Arkansas dans le but d'achever un travail et ce fût pendant ce temps qu'il a consulté un cardiologue qui diagnostiqua quatre blocages dans les artères nécessitant une intervention chirurgicale qui a eu lieu le jour suivant. Tkach n'est retourné à Regina qu'en mars 1992, lorsqu'il a loué un petit bureau et qu'il a commencé à prendre quelques clients. En 1993-94, il a eu le sentiment que certains progrès avaient été réalisés sur la ferme de Craven. Il a donc décidé de construire un hangar pour l'équipement. La propriété de Fairy Hill avait été utilisée depuis 1975 pour entreposer de vieux dossiers et de l'équipement de bureau. Après que le hangar a été construit, des pommes de terre ont été semées sur la parcelle de Craven pendant l'expérimentation de différentes cultures indicatrices. Il a également cultivé des baies et il pensait pouvoir cultiver des semences pour certaines cultures sur une base biologique, ce qui devenait de plus en plus populaire. Ils n'ont jamais utilisé de produits chimiques sur la terre de Craven et ils étaient en mesure de satisfaire aux exigences pour des denrées sans produits chimiques. Les framboises n'étaient pas vendues sur une base commerciale, même après une période de développement de trois ans. En 1995, une inondation a détruit les framboises ainsi que la luzerne et le brome. Il a tenté de semer de l'ail qu'évitaient les jardiniers maraîchers de la région à cause du problème de maturation tardive qui allait au-delà de la période de vente dans les éventaires routiers. Cependant, il a découvert qu'en semant l'ail à la fin de l'automne, il atteignait la taille adulte au mois d'août suivant durant la saison maraîchère. Il croyait que cette culture avait un potentiel commercial et il a essayé de la semer dans différentes zones à l'intérieur des petites parcelles de terrains. Une ferme biologique, d'une grandeur de quatre acres, s'était installée à environ trois milles de là. En 1997-98, Tkach a commencé à se renseigner relativement au programme d'accréditation pour les agriculteurs biologiques. Il a appris qu'il y a une période au cours de laquelle une ferme doit être inspectée et accréditée par la suite. En 1999, il avait complété une année du programme de trois ans. Les mesures de protection contre les inondations avaient été exécutées dans le but de protéger le hangar d'équipement et l'ail d'automne a été semé. En 1999, treize variétés de pommes de terre ont été semées. Ses recherches ont révélé que seulement 20 p. 100 du marché de Regina était approvisionné par des agriculteurs locaux et que 80 p. 100 était importé. La récolte de 1999 n'était pas assez importante pour être vendue commercialement, mais il a emballé quelques échantillons qu'il a offerts aux restaurants et aux autres acheteurs potentiels, y compris ceux qui les achèteraient pour les utiliser comme semence. Il était difficile de trouver des semences d'ail en Saskatchewan et a également vu un marché potentiel pour cette culture. Par conséquent, lui et Melnychuk ont surveillé la production sur les différentes parcelles de terre. Une fois que les cultures de luzerne et de brome ont été détruites par les inondations, la ferme de Craven n'a jamais généré de revenus. Tous les revenus déclarés de la ferme provenaient de la propriété de Fairy Hill qui n'était utile que pour la location en tant que pâturage. En 1997, il a vendu la parcelle de 70 acres et l'année suivante a vendu celle de neuf acres. Il a utilisé les fonds que la vente lui a rapporté dans le but d'acheter 100 acres de terre attenante pour les utiliser comme prairies de fauche naturelles. C'était la même propriété qui lui avait appartenue 15 ans plus tôt. Selon l'appelant, il n'était pas possible de prévoir les résultats et le problème d'inondation était inhabituel en ce que la région de Craven, sur une longue période, n'était pas sujette aux inondations. La ferme biologique moyenne n'a que quatre acres et les coûts de production sont d'environ 4 000 $ l'acre, ce qui conduit à un bénéfice net de 1 000 $ l'acre, toutes choses étant égales. Il a délibérément choisi de développer l'infrastructure de Craven sur une base plus lente et méthodique, surtout en ce qui concerne l'achat de machinerie. Il a déclaré qu'il ne peut pas démontrer qu'un profit est possible d'ici 2004, mais qu'il désire consacrer plus de temps et d'argent au projet. Cela lui semblait faisable, considérant que l'ail est importé de la Chine ou de la Colombie-Britannique. Il pensait également qu'il existait un potentiel dans le marché de la pomme de terre, mais la diversification exige du temps et des capitaux pour mener un projet à bien.

[5]            En contre-interrogatoire, Tkach a reconnu que, en 1994-95, son cabinet d'avocats occupait la plus grande partie de son temps et qu'il y mettait 12 heures par jour. Le travail sur la ferme était intensif et il a dû employer quelqu'un à temps partiel pour aider John Melnychuk, qui était alors âgé de 76 ans. Tkach a déclaré qu'il voulait rendre le projet payant et lui permettre de rembourser Melnychuk pour tous ses efforts investis au cours des neuf dernières années.

[6]            L'appelant a soumis des éléments de preuve démontrant qu'il y avait un potentiel pour produire des revenus une fois que la bonne infrastructure serait en place, à savoir posséder la bonne machinerie, des hangars d'entreposage, des outils et un processus pour semer les cultures d'essai. Les variétés de pommes de terre et d'ail ont été réduites afin de ne conserver que les meilleures en termes de production, et les investissements de capitaux nécessaires ont déjà été effectués. Plusieurs stratégies de marketing ont été essayées et, bien qu'il puisse avoir été trop prudent en développant le projet, il ne voulait pas avoir de charges financières excessives. Selon l'argument de l'appelant, « l'agriculture c'est l'agriculture » et non quelque activité exécutée sous des conditions strictes de laboratoire et cela doit être vu sous un angle différent et non simplement en termes stricts, statistiques et économiques, mais avec une perspective pour reconnaître le potentiel inhérent au projet qui ne peut tout simplement pas être abandonné.

[7]            L'avocat de l'intimée a soutenu que la période de démarrage a été indûment longue, que l'appelant a régulièrement déclaré des pertes, totalisant 71 606 $, pendant la plupart des années entre 1981 et 1997. Le revenu d'agriculture déclaré provenant de la propriété de Fairy Hill ne constituait pas réellement un revenu agricole, pour la majeure partie, et une fois que la terre a été vendue, aucun revenu n'a été produit à Craven. Les efforts de l'appelant, selon l'avocat, en étaient au stade expérimental et aucun plan ferme n'était en place durant les années en question, malgré que l'appelant et John Melnychuk étaient tous les deux bien qualifiés pour exploiter l'entreprise. Dans l'ensemble, il n'y avait aucun motif pour conclure qu'il y avait une attente raisonnable de profit durant les années faisant l'objet de l'appel.

[8]            Dans Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73 (96 DTC 6001), la Cour d'appel fédérale a examiné le concept d'attente raisonnable de profit et son évolution au cours des années à partir du jugement de la Cour suprême du Canada dans Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480. Le juge Linden, s'exprimant au nom de la Cour, a entrepris l'analyse et a déclaré à la page 97 (DTC : page 6009) des motifs du jugement :

Il appert d'un examen plus approfondi de la jurisprudence que cette interprétation est maintenant celle qui est retenue dans la plupart des cas. Les litiges dans lesquels le critère de « l'attente raisonnable de profit » est appliqué appartiennent à deux catégories. La première se compose des cas où l'activité reprochée se caractérise en grande partie par un élément personnel. Il s'agit de situations dans lesquelles le contribuable a investi de l'argent pour poursuivre une activité qui lui procure une satisfaction ou des avantages personnels, notamment sur le plan psychologique. L'exploitation de fermes d'élevage pour chevaux30, la location d'unités en copropriété à Hawaï et en Floride31 ou de chalets de ski32, l'affrètement de yachts33, l'exploitation de chenils34 et ainsi de suite ont été considérés comme des activités de cette nature. Même si ces activités peuvent parfois être poursuivies comme s'il s'agissait d'une entreprise, les tribunaux ont généralement décidé qu'elles visaient avant tout des fins personnelles. Le désir de réaliser un bénéfice dans ce genre de situation n'est rien de plus qu'un voeu pieux ou un rêve impraticable35 et ne constitue qu'une intention secondaire liée à l'activité. En réalité, le contribuable cherche à subventionner le coût de ces activités en déduisant de son revenu ce qui constitue effectivement une dépense personnelle.

[9]            Le juge Linden, a poursuivi en examinant de nombreux cas où il était question de passe-temps ou d'activités animées par un élément de satisfaction personnelle. Dans un cas où un appelant poursuit un but pendant une longue période, le ministre a tendance à assimiler le dévouement à celui d'une personne qui se consacre à un passe-temps. Cependant, cela doit être examiné avec soin dans le contexte des circonstances particulières. Comme je l'ai dit dans Gordon Dick c. Sa Majesté La Reine, [1996] A.C.I. no 1314 (95-3189(IT)I) :

On s'attendrait d'un entrepreneur débutant qu'il ait une certaine connaissance du produit, du processus ou du service qu'il s'apprête à offrir dans le cadre d'une entreprise commerciale. L'essentiel, à mon avis, consiste à considérer dans quelle mesure la soi-disant entreprise est intimement liée aux activités récréatives que le contribuable exerce avec la passion et l'ardeur d'une personne qui s'adonne à un passe-temps ou qui est, au sens véritable du terme, un amateur par opposition à une activité entreprise sans les contraintes d'un emploi à plein temps et permettant au contribuable de puiser dans l'acquis, qu'il s'agisse de compétences, d'outils, de matériel ou de connaissances concernant un processus.

[10]          Aux fins de l'examen de la preuve dans le présent appel, à mon avis, l'appelant n'est pas quelqu'un tombant dans la catégorie des personnes s'adonnant à un passe-temps, ni une personne poursuivant une activité dans laquelle il y a un élément personnel important. Par conséquent, la norme qui doit être appliquée est celle qui est énoncée par le juge Linden, dans Tonn, précité, lorsqu'il continue aux pages 102 et 103 (DTC : pages 6012-6013) :

                L'application du critère de l'arrêt Moldowan principalement comme critère objectif vise donc à empêcher les réductions d'impôt illégitimes; le critère ne doit pas servir d'instrument permettant de faire des conjectures sur l'appréciation commerciale des contribuables. Un avertissement doit être formulé dans les cas où le critère est appliqué aux activités commerciales. Sauf s'il en est prévu autrement dans la Loi, les erreurs de jugement n'empêchent pas un contribuable de réclamer les déductions des pertes qui en découlent. Sheldon Silver a bien insisté sur ce dernier point:

                [Traduction] Il n'appartient pas à Revenu Canada de déterminer les fins que les contribuables qui exploitent une entreprise devraient viser. En fait, les gouvernements du Canada ont reconnu à maintes reprises la nécessité de favoriser la création de nouvelles entreprises et d'inciter les contribuables à prendre des risques et ont adopté à l'occasion des lois visant à stimuler ce genre d'activité. Récemment, les banques à charte canadiennes ont été vivement critiquées par la presse et les fonctionnaires gouvernementaux parce que leurs services de prêt étaient mal adaptés aux besoins des petites entreprises et des nouvelles. De toute évidence, lorsque Revenu Canada tente de pénaliser les contribuables qui ont échoué dans leurs tentatives, il agit à l'encontre de la politique gouvernementale visant à encourager les entrepreneurs privés52.

Dans l'arrêt Bélec (E.) c. Canada, le juge Bowman a repris cette critique en ces termes:

                Il faut souligner que ces pertes ont été subies dans un contexte complètement commercial. Il n'y avait aucun élément de [sic] personnel ni dans son achat ni dans son utilisation de l'immeuble. L'appelant est un homme de commerce expérimenté. Il a pris sa décision de bonne foi sur son meilleur jugement commercial et sur les faits qui lui étaient disponibles à cette époque. Il n'appartient pas au ministre (ou à cette cour) de substituer, avec le bénéfice de sa sagesse d'après coup, son jugement commercial pour celui du contribuable. Il ne faut pas se poser la question « En sachant ce que je sais maintenant, est-ce que je me serais embarqué dans cette entreprise? » La réponse est sans aucun doute « non » , parce que la question ne se soulève que lorsqu'il y a des pertes53.

Enfin, le même avertissement a été répété dans Nichol (G.) c. Canada54

[M. Nichol] a fait ce qui peut, rétrospectivement, être considéré comme une erreur de jugement, mais il s'agissait d'une question d'appréciation commerciale et cette appréciation n'était manifestement pas déraisonnable au point d'autoriser cette Cour ou le ministre du Revenu national à y substituer leur propre appréciation ou à pénaliser le contribuable pour avoir pris une décision que moi-même ou le ministre, forts de la clairvoyance qu'un gérant d'estrade possède toujours, ne prendrions peut-être pas aujourd'hui. Après tout, nous n'étions pas là en 198655.

Même si je ne suis pas d'accord avec l'utilisation du mot « manifestement » dans l'arrêt Nichol, je, par ailleurs, reconnais que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l' « appréciation commerciale » du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

[11]          Après la décision dans Tonn, précité, la Cour d'appel fédérale dans Mastri c. La Reine, [1998] 1 C.F. 66 (97 DTC 5420) a été exhortée par l'avocat du ministre de reconsidérer la décision dans Tonn qui, pour le ministre, semblait rendre les principes énoncés dans Moldowan, précité, applicables seulement lorsque la preuve établissait que le contribuable était engagé dans une activité donnant lieu à « une réduction d'impôt inappropriée » , qu'il en tirait un « avantage personnel » ou que l'attente de profit était, dans les circonstances, déraisonnable au point de « soulever un doute » . Les contribuables dans Mastri ont fait valoir dans leur argumentation que, lorsque les motifs du contribuable sont purement commerciaux, il n'est pas besoin, d'après les motifs dans Tonn, d'appliquer le critère de l'attente raisonnable de profit dans sa forme habituelle. Aux pages 73 à 76 (DTC : pages 5422-5423) de son jugement, le juge Robertson déclarait :

                Je ne suis pas d'avis qu'il faille traiter des arguments du ministre de façon détaillée pour la simple raison qu'ils sont dénués de fondement. Il n'est pas possible d'affirmer que la Cour dans l'arrêt Tonn a confondu le concept du caractère déductible d'une dépense avec le concept du caractère déductible de perte locative du revenu tiré d'autres sources. Il faut convenir que des renvois indirects au critère de l'attente raisonnable de profit établi dans l'arrêt Moldowan sont utilisés pour refuser la déduction des dépenses personnelles plutôt que les pertes d'entreprise ou les pertes matérielles : voir Tonn, supra, aux pages 90 et 91 et 95. Ces renvois ont été établis dans le contexte d'une analyse qui vise à démontrer l'origine du critère de l'attente raisonnable de profit qui découlerait de l'interdiction contre la déduction des « frais personnels et frais de subsistance » aux termes de l'alinéa 18(1)h), expression qui est définie au paragraphe 248(1). Je dois reconnaître que même les analystes fiscaux ont commis le même lapsus : voir S. Silver, « Great Expectations: Are They Reasonable? » dans 1995 Corporate Management Tax Conference, Real Estate Transactions: Tax Planning for the Second Half of the 1990s, Toronto, Association canadienne d'études fiscales, 1996, 6:1 aux pages 6:15 et 6:16, citées dans l'arrêt Tonn aux pages 93 et 94. Toutefois, en fin de compte il est évident que la Cour dans l'arrêt Tonn a reconnu que la question qui lui était posée était de savoir si les pertes locatives pouvaient être déduites d'autres sources de revenus : voir Tonn, supra, aux pages 79 et 83.

                Afin de préserver l'intégrité de la doctrine, il convient également de souligner qu'il faut établir une distinction entre le fait de savoir si une source de revenu d'un contribuable est tirée d'une entreprise par opposition à un bien. Je peux être propriétaire d'un bien locatif mais le fait de savoir si j'exploite une entreprise à l'égard de celui-ci constitue une question juridique distincte qui donne lieu à d'autres conséquences fiscales qui ne sont pas pertinentes relativement aux affaires visées. Par conséquent, à proprement parler il ne convient pas de dire qu'il s'agit de dépenses d'entreprise engagées relativement à un bien locatif à moins, évidemment, que les actes du contribuable soient considérés en droit comme une entreprise. De toute façon, il convient à ce stade d'énoncer les conclusions de droit précises établies dans l'arrêt Moldowan.

                Premièrement, il a été décidé dans l'arrêt Moldowan que pour avoir une source de revenu, un contribuable doit avoir une attente raisonnable de profit. Deuxièmement, « on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit » (supra, à la page 486). Si, comme conclusion de fait un contribuable est jugé ne pas avoir d'attente raisonnable de profit alors il n'y a aucune source de revenu et, par conséquent, aucun fondement à l'égard duquel le contribuable est en mesure de calculer une perte locative. Il est évident que après l'arrêt Moldowan, la Cour a suivi et appliqué cette décision : voir Landry (C.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 3 (C.A.F.); Poetker c. Ministre du Revenu national, [1996] 1 C.T.C. 202 (C.A.F.); et Hugill (R.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 16 (C.A.F.). La seule question qui reste à trancher est de savoir si l'arrêt Tonn s'écarte de cette jurisprudence lorsqu'il prévoit que le critère de l'attente raisonnable de profit n'est pas pertinent en ce qui a trait à la question du caractère déductible des pertes jusqu'à ce qu'il puisse être établi que l'affaire comporte une déduction d'impôt inappropriée, la présence d'un élément personnel important ou de circonstances suspectes. Deux passages de l'arrêt Tonn sont cités à l'appui de cet argument et il convient d'en faire état (supra, à la page 96 et aux pages 103 et 104) :

                Par conséquent, le critère de l'arrêt Moldowan est un critère utile qu'il est possible d'appliquer pour conclure qu'une activité du contribuable est inappropriée en l'absence d'éléments de preuve plus directs. Ainsi, lorsque les circonstances ne soulèvent nullement la question de savoir si une perte d'entreprise a été engagée dans un but personnel ou dans un but non lié à l'entreprise, le critère devrait être appliqué avec modération et avec une latitude favorisant le contribuable, dont le sens des affaires a peut-être fait défaut.           

...

                ... je, par ailleurs, reconnais que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l' « appréciation commerciale » du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

Avec égards, aucun des extraits cités précédemment n'appuie l'argument juridique invoqué par le ministre et les contribuables. Il n'est tout simplement pas raisonnable d'affirmer que la Cour avait l'intention d'établir une règle de droit selon laquelle, même s'il n'y avait aucune attente raisonnable de profit, les pertes sont déductibles d'autres sources de revenu à moins, par exemple, que l'activité productrice de revenu comporte un élément personnel. La mention que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué « avec modération » n'est pas destinée à devenir une règle de droit, mais à être une ligne directrice fondée sur le bon sens pour les juges de la Cour de l'impôt. En d'autres termes, l'expression « avec modération » visait à expliquer que dans certains cas, par exemple, où il n'y a aucun élément personnel, le juge devrait appliquer le critère de l'attente raisonnable de profit de façon moins assidue qu'il ne l'aurait fait en présence d'un tel facteur. C'est dans ce sens que la Cour dans l'arrêt Tonn a fait une mise en garde en ce qui concerne l'appréciation rétrospective des décisions commerciales des contribuables. De crainte qu'un doute soit soulevé à ce sujet, il n'est pas nécessaire d'aller plus loin que l'analyse effectuée par la Cour dans l'arrêt Tonn.

Dans l'arrêt Tonn, la Cour a clairement jugé que le contribuable qui cherchait à déduire des pertes locatives de ses autres sources de revenus n'avait obtenu aucun avantage personnel. Néanmoins, la Cour a continué à examiner la question relative au caractère déductible des pertes en appliquant les facteurs énoncés dans l'arrêt Moldowan lorsqu'elle a examiné s'il y avait une attente raisonnable de profit. Le résumé fait par la Cour à la page 109 écarte tout doute en ce qui concerne ce qui a été décidé dans l'arrêt Tonn :

Ma décision en l'espèce est donc la suivante. Le juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur de principe ainsi qu'une erreur dans la façon dont il a appliqué le critère de l'attente raisonnable de profit selon le sens actuel de ce critère. Il n'a pas tenu compte de tous les facteurs qu'il aurait dû examiner et il n'a pas évalué non plus tous les aspects de la situation. Il appert clairement de la preuve que les contribuables se sont lancés dans une entreprise commerciale et que leurs attentes de profit n'étaient pas déraisonnables dans les circonstances. Une petite entreprise de location a été créée sans l'aide d'une étude de marché sophistiquée à une époque où le marché de la location semblait prometteur. Peu après, par suite de circonstances imprévues, il est devenu précaire. Les contribuables n'ont tiré aucun avantage personnel des ententes de location. La propriété n'était pas un lieu de vacances. Elle n'a pas été utilisée non plus pour offrir un logement à prix modique ou sans frais à des parents ou à des amis. Les contribuables se sont honnêtement trompés et ont perdu de l'argent plutôt que d'en gagner. Il n'appartient pas au Ministère ou à la Cour de les pénaliser pour cette erreur en appliquant le critère de l'attente raisonnable de profit sans donner à l'entreprise suffisamment de temps pour prouver qu'elle est rentable.

Bref, la décision de la Cour dans l'arrêt Tonn n'a pas pour but de modifier le droit établi dans l'arrêt Moldowan. L'arrêt Tonn confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la pespicacité (sic) commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévue.

[12]          La citation tirée du jugement du juge Dickson (tel était alors son titre) dans Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. à la p. 485 vaut la peine d'être examinée. Il y déclarait :

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants : l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise : La Reine c. Matthews3. Personne ne peut s'attendre à ce qu'un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.

[13]          En appliquant les faits dans le présent appel aux critères énoncés dans Moldowan, il est clair que l'état des profits et pertes pour les années antérieures était médiocre. Le lieu de l'activité projetée de culture maraîchère a été changé à trois reprises en moins de 10 ans et le revenu déclaré pour les années d'imposition 1994 et 1995 provenait des sources suivantes :

1994 :       Vente de foin                                                                                                                       Droits reçus pour l'utilisation de la route vers la gravière                            Location de pâturages                                                                                                               Total de revenus bruts                                                                       

261,30 $

250,00 $

1 000,00 $

1 511,32 $

1995 :       Vente de foin                                                                                                                       Remboursement au titre de l'assurance                                                            Droits reçus pour l'utilisation de la route vers la gravière

                Location de pâturages

                Récupération de l'amortissement (vente d'un tracteur)

                Total de revenus bruts                                                       

261,30 $

12,00 $

250,00 $

1 000,00 $

502,41 $

2 025,71 $

Il y avait des pertes se chiffrant à 5 463,23 $ en 1994 et à 1 746,56 $ en 1995.

[14]          Tous les revenus agricoles déclarés pour ces années d'imposition provenaient de la terre de Fairy Hill. Elle ne servait qu'à la location de pâturages ou que pour avoir accès à une gravière. Ces parcelles de terre ont été vendues en 1997 et en 1998. L'appelant a combiné les opérations de Fairy Hill et de Craven en une seule entreprise aux fins de la déclaration de revenu. Des pertes ont été enregistrées chaque année de 1989 à 1997, inclusivement. Un profit d'une somme de 946,00 $ a été déclaré en 1981. En 1992, il y a eu une perte de 1 629,00 $ et l'année d'imposition 1993 n'indiquait aucun revenu et aucune perte. L'année d'imposition 1984 fait apparaître un profit de 38,00 $ et il y a eu des profits de 130,00 $ en 1985, de 85,00 $ en 1987 et de 287,00 $ en 1988. Les profits produits ont été le résultat de la conclusion d'un accord de participation à la production de foin avec un agriculteur local. Aussitôt que l'appelant a commencé à acheter de la machinerie, à construire des hangars et à engager quelqu'un pour faire quelques travaux sur commande, les pertes ont commencé à s'accumuler. La récolte de foin a été inondée et cette source antérieurement fiable a cessé de produire des revenus. On n'a jamais tenté de produire des revenus de d'autres cultures telles que les baies, les pommes de terre ou l'ail. Les baies étaient cueillies par John Melnychuk et d'autres personnes et le reste des produits a été distribué dans le contexte de quelque plan élémentaire de marketing. L'appelant et son assistant travailleur non rémunéré, Melnychuk, ont essayé différents types de pommes de terre et d'ail et ont déplacé leurs emplacements d'ensemencement dans le but de déterminer les zones de production les plus efficaces. C'était une ferme expérimentale. L'avocat de l'intimée a concédé que l'appelant et Melnychuk étaient capables de pratiquer l'activité projetée. Je suis d'accord. Cependant, la production de revenus provenant de la terre que possédait, à différentes époques, l'appelant était subordonnée à ses autres activités commerciales, telle que l'activité qu'il exerçait à titre d'entrepreneur général relativement à la construction de son immeuble à bureaux à Regina. Dans le but de financer le projet, il a vendu une parcelle de terre à Fairy Hill. Plus tard, en 1981-82, lorsque des fonds ont été nécessaires afin d'achever une annexe à son immeuble locatif commercial, deux parcelles de terre ont été vendues à Craven. Tout au long des années, la terre achetée ne convenait pas, en général, à la culture. Des 10 acres de Craven, seulement cinq ou six étaient arables et il y a eu des problèmes causés par les inondations quatre ans sur cinq à un moment donné. La terre située près d'une rivière tend - de temps à autre - à être inondée. Le projet de l'appelant de faire accréditer la parcelle de Craven en tant que ferme biologique était assujetti à un processus de trois ans, débutant en 1998. Il n'y a eu aucune preuve de l'existence d'un marché précis pour la production, que ce soit aux fins de la consommation ou de l'ensemencement. L'appelant n'a pas encore choisi un type de pommes de terre ou de bulbes d'ail en particulier à produire et à vendre. L'appelant a déclaré que ses recherches ont indiqué que l'on pouvait réaliser un bénéfice net de 1 000 $ l'acre en exploitant une ferme biologique, mais il n'y a aucune donnée ou comparaison avec d'autres exploitations dans la région pour soutenir cette hypothèse. L'entreprise a été capitalisée adéquatement en fonction des besoins, considérant la vitesse avec laquelle l'activité était exécutée, et, heureusement pour lui, l'appelant avait conclu un marché avec Melnychuk pour obtenir neuf ans de travail gratuit et lui permettre de fréquenter l'université, de recouvrer la santé, de construire son immeuble à bureaux à Regina et d'exploiter un cabinet d'avocats. Pour la plus grande partie de la période entre 1990 et 1995, l'appelant n'a consacré qu'un temps minimal à l'activité de culture maraîchère. En 1993, Melnychuk a consacré son temps à réparer la machinerie. En 1994, un entrepreneur a construit un hangar d'entreposage sur la parcelle de Craven aux fins d'entreposer un tracteur et certains équipements, mais également pour y ranger des boîtes de dossiers et du mobilier de bureau désuet provenant des précédents cabinets d'avocats de l'appelant. Encore une fois, la récolte des baies n'a pas été vendue et aucun revenu n'a été généré de quelque activité agricole. D'après la preuve, il est clair que l'activité, telle qu'elle a été structurée, abstraction faite de la question des profits, n'avait aucune capacité de produire des revenus au cours des années faisant l'objet de l'appel. De plus, il n'y avait aucun fondement en place qui aurait amené l'activité jusqu'à un flux suffisant de revenu pour produire un profit les années suivantes. Le fait que l'appelant continuait à réaliser des expériences additionnelles sans suivre un plan défini le prouve. En affirmant cela, nous ne faisons pas une évaluation rétrospective ou des conjectures sur les pratiques commerciales de l'appelant. Nous reconnaissons plutôt, par suite d'une analyse objective des faits, qu'il n'y avait aucune attente raisonnable de profit durant les années faisant l'objet de l'appel. L'activité exécutée par l'appelant n'avait pas atteint sa maturité. Elle était encore au stade de l'essai, elle était encore en évolution. Malgré qu'il se soit écoulé plus de dix ans, elle ne s'était pas développée au point où il était raisonnable de projeter un flux de revenu capable de couvrir les coûts d'exploitation, avant de produire des mouvements de trésorerie positifs. Le ministre a eu raison de refuser les déductions pour les pertes agricoles.

[15]          L'appel est rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 27e jour de mars 2000.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 7e jour de juin 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2393(IT)I

ENTRE :

GEORGE J. TKACH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 26 janvier 2000 à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Carol Fleischhaker

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'égard des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 27e jour de mars 2000.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de juin 2002.

Mario Lagacé, réviseur



30          Lemieux (L.) c. M.R.N., [1991] 1 C.T.C. 2180 (C.C.I.).

31          Voir Laurence (E.) c. M.R.N., [1987] 1 C.T.C. 2234 (C.C.I.); Perratt (W. P. et R.) c. MNR, [1985] 1 CTC. 2089 (C.C.I.); Lorentz (V) c MRN, [1985] 1 CTC 2144 (C.C.I.); Cheesmond (J. E.) c. Canada, [1995] E.T.C. 402 (C.C.I.); Baker (C. B.) c. M.R.N., [1987] 2 C.T.C. 2271 (C.C.I.); et Aucoin c. M.R.N., [1991] 1 C.T.C. 2191 (C.C.I.).

32          Fish (S.) c. Canada, [1995] E.T.C. 403 (C.C.I.).

33          Daudlin (R.M.P.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2731 (C.C.I.).

34          Escudero (J) c MRN, [1981] CTC 2340 (C.R.I.).

35          Sipley (P. D.) c. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2073 (C.C.I.) à la p. 2075, décision du juge Hamlyn, J.C.C.I.

52             Silver Sheldon, supra, à la p. 45. Pour d'autres critiques dans la même veine, voir R. B. Thomas et T. E. McDonnell, supra, note 15 ainsi que le juge Bowman de la C.C.I. dans les décisions mentionnées à la note 20, supra.

53             Bélec, supra, à la p. 2812.

54             Nichol (G.) c. Canada, supra.

55             Ibid., aux p. 2909 et 2910.

3           (1974), 74 D.T.C. 6193.

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