Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010803

Dossier: 1999-640-IT-G

ENTRE :

THE CIVIL SERVICE CO-OPERATIVE

CREDIT SOCIETY, LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            L'appel en l'espèce est à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1995 en vertu de l'article 137.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]            Dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1995, l'appelante a déclaré un gain en capital imposable de 2 488 082 $ relativement au montant de 3 789 206 $ qu'elle a reçu de la Société ontarienne d'assurance-dépôts. Dans la cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur le paragraphe 137.1 (10) de la Loi pour inclure dans le revenu de l'appelante la totalité du montant de 3 789 206 $ et annuler le gain en capital imposable déclaré. L'appelante conteste cette cotisation.

[3]            Aucune preuve n'a été produite au procès, les parties s'étant entendues sur les faits, qui sont résumés dans l'exposé conjoint des faits reproduit ci-après :

                                [TRADUCTION]

1.                        L'appelante, une caisse de crédit (ci-après, « caisse » ), a été établie le 14 décembre 1928 et a son siège social à Ottawa (Ontario).

2.                        La société ontarienne d'assurance des actions et dépôts (la « SOAAD » ) a été établie le 24 mars 1977 conformément aux dispositions de la Credit Unions and Caisses Populaires Act, L.O. 1976, ch. 62 (la « 1976 Credit Unions Act » ). Elle était en tout temps une société d'assurance-dépôts.

3.                        Aux termes de la 1976 Credit Unions Act, toutes les caisses en Ontario étaient membres de la SOAAD. Celle-ci a été créée pour plusieurs raisons, notamment pour exercer une surveillance sur les activités des caisses en Ontario, apporter une aide financière aux caisses membres qui en avaient besoin et assurer les dépôts effectués auprès des caisses en Ontario.

4.                        Aux termes de l'article 111 de la 1976 Credit Unions Act, la SOAAD était autorisée, dans la première année de sa création, à percevoir auprès des caisses membres un montant égal à 1% des dépôts et du capital social de chacune des caisses (le « montant » ou les « montants » , selon le cas).

5.                        L'article 111 de la 1976 Credit Unions Act prévoyait également que, chaque année suivant sa création, la SOAAD devait percevoir auprès de chaque caisse, ou rembourser à celle-ci, un montant lui permettant de maintenir une somme équivalant à 1 % des dépôts et du capital social de chaque caisse.

6.                        Si la SOAAD n'était pas autorisée à utiliser les montants à ses propres fins, elle était cependant autorisée à utiliser le revenu qu'elle en tirait pour payer ses dépenses de fonctionnement.

7.                        Dans l'exercice des pouvoirs qui lui étaient conférés à ces fins, conformément au paragraphe 111(5) de la 1976 Credit Unions Act, la SOAAD a établi quatre fonds distincts, décrits ci-après :

a)                 Le Fonds A, pour les membres de la fédération des caisses ( « credit unions » ) constituée en société sous le nom de Ontario Credit Union League ( « OCUL » ) et connue sous le nom de Credit Union Central of Ontario ( « CUCO » );

b)                Le Fonds B, pour les membres de la Fédération des caisses populaires de l'Ontario;

c)                 le Fonds C, pour les caisses ( « credit unions » ) et les caisses populaires qui n'étaient membres d'aucune ligue ou fédération (ci-après, « fédération » ) et qui, par conséquent, étaient qualifiées d' « indépendantes » ;

d)                le Fonds D, pour les membres de l'Alliance des Caisses populaires de l'Ontario Limitée.

8.                        Lorsque la SOAAD a entrepris ses activités, la CS CO-OP était indépendante. Les montants payés à la SOAAD étaient donc détenus dans le Fonds C. Plus tard, la CS CO-OP s'est jointe à la CUCO, et les montants qu'elle a payés ont été transférés au Fonds A. En bout de ligne, ils devaient atteindre 3 789 206,05 $.

9.                        Le 6 novembre 1981, la CS CO-OP s'est dissociée de la CUCO et en a avisé la SOAAD. La CS CO-OP ne se joignant à aucune autre fédération, les montants qu'elle a payés ont été transférés au Fonds C, celui des caisses indépendantes, conformément aux dispositions de la 1976 Credit Unions Act (paragraphe 113(3)).

10.                     De 1977 à 1982, la SOAAD a perçu auprès de ses caisses membres ou leur a remboursé des montants lui permettant de détenir 1 % des dépôts et du capital social de chaque caisse.

11.                     Par ailleurs, si elle avait besoin de fonds supplémentaires, la SOAAD était autorisée, aux termes de la 1976 Credit Unions Act (paragraphe 111(4)), à percevoir des montants auprès de ses caisses membres (calculés en fonction du montant total des dépôts et du capital social de chaque caisse), sous forme de cotisations extraordinaires, afin de couvrir les avances ou les paiements qu'elle était appelée à faire dans l'exercice de ses pouvoirs.

12.                     Conformément à l'article 111 de la 1976 Credit Unions Act, la SOAAD a perçu auprès de l'appelante les montants suivants, que cette dernière a déduits :

13.                    

                                Année                                                                     Déduction

                                1977                                                                         1 434 179 $

                                1978                                                                         650 978 $

                                1979                                                                         594 204 $

                                1980                                                                         557 012 $

                                1981                                                                         202 480 $

                                1983                                                                         471 763 $

                                Total                                                                        3 910 618 $

14.                     Au cours de l'année d'imposition 1982, la SOAAD a remboursé à l'appelante la somme de 121 412 $, qui a été incluse dans le calcul du revenu imposable de cette dernière pour 1982.

15.                     À la fin de 1983, la SOAAD détenait à l'égard de l'appelante la somme de 3 789 206 $, que l'appelante a déduite dans l'année où elle l'a payée (le « montant remboursé » ).

16.                     En 1983, la Credit Unions and Caisses Populaires Amendment Act, 1983, L.O. 1983, ch. 46, art. 14 (la « 1983 Credit Unions Act » ) a été promulguée. Entre autres choses, la 1983 Credit Unions Act abrogeait l'article 111 de la 1976 Credit Unions Act et y substituait une nouvelle disposition qui prévoyait notamment que, lors de l'établissement d'un fonds de réserve-assurance et d'une prime d'assurance annuelle, le solde des montants détenus en application de l'article 111 de la 1976 Credit Unions Act qui appartenaient aux différentes caisses ( « credit unions » ) et caisses populaires devait leur être remboursé par la SOAAD de la manière dont les cotisations avaient été établies.

17.                     En dépit du fait qu'elle était tenue par la loi de remettre à chacune des caisses membres les montants qu'elle détenait (c.-à-d. 1 % des dépôts et du capital social de chacune des caisses), la SOAAD a refusé de se conformer à cette obligation relativement au Fonds C. Elle a plutôt utilisé l'argent qu'elle y détenait pour consentir un prêt à remboursement conditionnel à la Caisse populaire Ste-Anne de Laurier, une caisse populaire nouvellement fusionnée qui avait besoin de son aide financière.

18.                     Le 20 février 1984, l'appelante et certaines autres caisses membres ont intenté des actions contre la SOAAD devant la Cour de l'Ontario (Division générale) pour réclamer les montants qui ne leur avaient pas été remboursés comme le prévoyait l'article 111 de la 1983 Credit Unions Act.

19.                     Dans une décision datée du 26 juin 1992, le juge Rosenberg, de la Cour de l'Ontario (Division générale), a conclu que l'appelante et les autres caisses membres étaient encore propriétaires des montants que la SOAAD détenait et que, à compter du 3 août 1983, la 1983 Credit Unions Act n'autorisait plus la SOAAD à utiliser ces montants dans le cadre de son mandat.

20.                     La Cour de l'Ontario (Division générale) a ordonné à la SOAAD de remettre les montants à chacune des caisses avec des intérêts à compter du 3 août 1983.

21.                     La SOAAD a interjeté appel de la décision de la Cour de l'Ontario (Division générale). En octobre 1995, les actions ont fait l'objet d'un règlement dont les modalités étaient les suivantes : (i) les montants détenus par la SOAAD, représentant 1 % des dépôts et du capital social de chacune des caisses, devaient être remboursés à ces caisses; (ii) la SOAAD n'était tenue d'effectuer aucun paiement aux caisses au titre des intérêts ou des dépens; (iii) la SOAAD devait se désister de l'appel interjeté à l'encontre de la décision de la Cour de l'Ontario (Division générale).

22.                     En octobre 1995, la Société ontarienne d'assurance-dépôts (anciennement appelée la SOAAD) a remis à l'appelante le montant de 3 789 206 $, lequel représentait 1 % des dépôts et du capital social de cette dernière à la fin de l'année d'imposition 1982.

23.                     Pendant toutes les périodes pertinentes, comme le prévoyait le paragraphe 111(7) de la 1976 Credit Unions Act, l'appelante a, dans les états financiers qu'elle a joints à ses déclarations de revenu, inscrit le montant en question à titre d'élément d'actif. Au cours de la même période, dans ses états financiers, la SOAAD a inscrit les montants en cause à titre d'élément de passif.

24.                     Sur les conseils de Ian Sherman, de Ernst & Young, l'appelante a déclaré, relativement au montant qu'elle a reçu de la Société ontarienne d'assurance-dépôts, un gain en capital imposable de 2 488 082 $ dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1995.

25.                     Les honoraires d'avocats et les débours engagés par l'appelante dans le cadre du litige l'opposant à la SOAAD se sont élevés à au moins 154 353,98 $. Ils ont été déduits par l'appelante dans l'année d'imposition au cours de laquelle ils ont été engagés.

26.                     Le 16 mai 1997, dans un avis de cotisation établi à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1995, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a entre autres choses inclus dans le calcul du revenu de l'appelante le total du montant remboursé.

27.                     Dans un avis d'opposition daté du 14 août 1997, l'appelante s'est opposée notamment à la décision du ministre d'inclure le montant remboursé dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition en cause.

28.                     Dans un avis de ratification daté du 25 septembre 1998, le ministre a ratifié la cotisation établie à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1995.

29.                     Dans l'appel en l'espèce, les parties n'ont soulevé aucune question relative à l'existence d'une fraude ou d'un faux énoncé attribuable à la négligence, à l'insouciance ou à une omission volontaire de l'appelante.

[4]            L'article 137.1 de la Loi, qui régit l'appel, a été adopté en mars 1975 (Loi modifiant le droit fiscal, L.C. 1974-75-76, ch. 26). Les paragraphes qui sont pertinents en l'espèce sont libellés dans les termes suivants :

Caisses de crédit, caisses d'épargne et de crédit et

compagnies d'assurance-dépôts

Section 137.1: Sommes incluses dans le revenu d'une compagnie d'assurance-dépôts.

                (1) Pour le calcul du revenu d'un contribuable qui est une compagnie d'assurance-dépôts, pour une année d'imposition, les règles suivantes s'appliquent :

                a)       le revenu de la compagnie est calculé, sauf disposition contraire du présent article, conformément aux règles applicables au calcul du revenu dans le cadre de la présente partie;

[. . .]

4 137.1(2)3

                (2) Montants exclus du revenu. Le montant de toute prime ou cotisation reçue ou à recevoir de ses institutions membres, au cours d'une année d'imposition, par un contribuable qui est une compagnie d'assurance-dépôts n'est pas inclus dans le calcul de son revenu.

4 137.1(3)3

                (3) Montant déductible dans le calcul du revenu d'une compagnie d'assurance-dépôts. Sont déductibles dans le calcul du revenu pour une année d'imposition d'un contribuable qui est une compagnie d'assurance-dépôts ceux des montants suivants qui sont applicables :

[. . .]

4 137.1(4)3

                (4) Restrictions. Aucune déduction ne peut être faite, dans le calcul du revenu, pour une année d'imposition, d'un contribuable qui est une compagnie d'assurance-dépôts, à l'égard :

[. . .]

                c)          de tout montant versé à ses institutions membres à titre d'allocations proportionnelles aux montants visés au paragraphe (2);

[. . .]

4 137.1(5)3

                (5) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« compagnie d'assurance-dépôts » - « compagnie d'assurance-dépôts »

                a) Société qui a été constituée sous le régime d'une loi fédérale ou provinciale portant sur l'établissement d'un fonds ou d'un office de stabilisation, si les conditions suivantes sont réunies :

                      (i) elle a été constituée principalement

(A)         d'une part, pour fournir ou administrer un fonds de stabilisation, de disponibilités ou d'entraide à l'intention de caisses de crédit,

                            (B) d'autre part, pour aider au paiement de toute perte subie par des membres de caisses de crédit lors d'une liquidation,

                      (ii) tout au long d'une année d'imposition à l'égard de laquelle l'expression s'applique :

                            (A) d'une part, elle est une société canadienne,

                            (B) d'autre part, le coût indiqué, pour elle, de ses biens de placement constitue au moins 50 % du coût indiqué, pour elle, de tous ses biens — à l'exclusion des titres de créance et des actions du capital-actions d'une institution membre émis par celle-ci pendant qu'elle était en difficulté financière;

                      b) société constituée par la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada.

[. . .]

« institution membre » - « institution membre » En ce qui concerne une compagnie d'assurance-dépôts donnée :

a)       une société dont le passif afférent aux dépôts est assuré par cette compagnie d'assurance-dépôts;

b) une caisse de crédit qui remplit les conditions requises pour obtenir une aide de cette compagnie d'assurance-dépôts.

[. . .]

4 137.1(10)3

         (10) Sommes versées par une compagnie d'assurance-dépôts. Le contribuable qui est une institution membre au cours d'une année d'imposition doit inclure dans le calcul de son revenu pour cette année le total des montants suivants :

         a) tout montant visé à l'un des alinéas (4)a) à c) et qu'il a reçu au cours de l'année d'une compagnie d'assurance-dépôts, dans la mesure où il n'a pas remboursé ce montant à la compagnie au cours de l'année;

[. . .]

4 137.1(11)3

         (11) Montants déductibles par une institution membre. Les montants applicables suivants sont déductibles dans le calcul du revenu, pour une année d'imposition, d'un contribuable qui est une institution membre :

         a) le montant visé au paragraphe (2) et qui est payé ou payable par le contribuable au cours de l'année, dans la mesure où il n'a pas été déduit dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

         b) la somme remboursée à une compagnie d'assurance-dépôts par le contribuable au cours de l'année au titre d'un montant visé à l'alinéa (1)a) ou b) et reçue au cours d'une année d'imposition antérieure, dans la mesure où elle n'a pas été exclue, à cause du paragraphe (12), de son revenu pour l'année antérieure.

[5]            Ainsi qu'il est indiqué dans l'exposé conjoint des faits, en octobre 1995, la Société ontarienne d'assurance-dépôts (qui a remplacé la Société ontarienne d'assurance des actions et des dépôts, toutes deux étant ci-après appelées « SOAAD » ) a remis à l'appelante un montant équivalant à 1 % de ses dépôts et de son capital social à la fin de l'année d'imposition 1982, soit 3 789 206 $. Ce montant a été remis à l'appelante par suite de l'adoption de la Credit Unions and Caisses Populaires Amendment Act, 1983, L.O. 1983, ch. 46, art. 14 (la « 1983 Credit Unions Act » ) qui, entre autres choses, abrogeait l'article 111 de la Credit Unions and Caisses Populaires Act, 1976, L.O. 1976, ch. 62 (la « 1976 Credit Unions Act » ). Il y a lieu de souligner ici qu'aux termes de l'article 111 de la 1976 Credit Unions Act, la SOAAD était autorisée à percevoir auprès de chacune des caisses membres (y compris l'appelante) un montant équivalant à un pour cent de leur capital social et de leurs dépôts. L'article 111 de la 1983 Credit Unions Act prévoyait notamment que, lors de l'établissement d'un fonds de réserve-assurance et d'une prime d'assurance annuelle, le solde des montants détenus en application de l'article 111 de la 1976 Credit Unions Act devait être remboursé par la SOAAD aux caisses de la manière dont les cotisations avaient été établies.

[6]            Pour mieux comprendre les règles qui régissaient la société d'assurance-dépôts et ses caisses en Ontario, je reproduis ici les articles pertinents de la 1976 Credit Unions Act et de la 1983 Credit Unions Act :

                                [TRADUCTION]

La 1976 Credit Unions Act

SOCIÉTÉ ONTARIENNE D'ASSURANCE DES ACTIONS ET DÉPÔTS

95.             Aux articles 96 à 118, le terme « Société » s'entend de la Société ontarienne d'assurance des actions et dépôts.

[...]

101.             La Société a pour objet :

a)                   d'accumuler, de gérer, de placer et de dépenser des sommes détenues, pour chaque fédération, dans des fonds distincts et, pour les membres indépendants, dans un autre fonds, et de prélever des sommes sur ces fonds; chaque fonds est comptabilisé séparément, est crédité de ses propres recettes et a ses propres éléments d'actif, et tous les frais directs ainsi qu'une fraction appropriée des autres frais applicables, le cas échéant, y sont imputés;

b)                   de fournir, à sa discrétion et en tenant compte du passif et de l'actif de chaque fonds, une aide financière à une caisse appartenant à la catégorie appropriée pour la continuation de ses activités ou leur liquidation ordonnée;

c)                    de fournir, au bénéfice des déposants des caisses en Ontario, une assurance-dépôts contre les pertes totales ou partielles au titre de ces dépôts, en leur versant un montant d'argent dans les limites et de la manière prévues par la présente loi.

102.             La Société peut prendre toutes les mesures nécessaires ou accessoires à la réalisation de ses objets, notamment :

a)                   acquérir l'actif d'une caisse, consentir des prêts ou des avances à une caisse et prendre des garanties y afférentes, et garantir des prêts accordés à une caisse ou des dépôts effectués auprès d'elle;

b)                   exiger des caisses qu'elles versent une cotisation aux fins de la constitution des éléments d'actif de la Société et de leur préservation;

c)                    prendre en charge les frais de liquidation d'une caisse;

d)                   acquérir l'actif d'une caisse de son liquidateur ou séquestre;

e)                    consentir une avance ou une subvention en vue du paiement des demandes de règlement légitimes contre une caisse à l'égard des retraits de leurs dépôts ou de leur capital social que lui demandent ses membres, et être subrogée à titre de créancier non garanti pour le montant de cette avance;

f)                     emprunter sur son crédit, sur des lettres de change ou des billets tirés, souscrits, acceptés ou endossés par elle ou pour son compte, et donner en garantie la totalité ou une partie de l'actif du fonds;

g)                   effectuer ou faire effectuer les inspections ou examens des caisses qui sont autorisés par la présente loi;

h)                   déclarer des dividendes et en payer à ses membres;

i)                     prendre les autres mesures compatibles avec la présente loi qui sont nécessaires à l'exercice de ses pouvoirs.

[...]

111.             (1) Au cours de sa première année d'existence, la Société impose à chaque fédération et perçoit de celle-ci un montant égal à un pour cent du total des dépôts et du capital social de chaque caisse membre de la fédération à la fin de l'exercice de celle-ci, immédiatement avant l'établissement de la cotisation; la fédération peut recouvrer un montant approprié auprès de chacun de ses membres.

(2) Au cours de sa première année d'existence, la Société impose à chaque caisse qui n'est membre d'aucune fédération, et perçoit de celle-ci, un montant égal à un pour cent du total de ses dépôts et de son capital social à la fin de l'exercice de la caisse, immédiatement avant l'établissement de la cotisation.

(3) Chaque année par la suite, la Société impose à chaque fédération et à chaque caisse qui n'est membre d'aucune fédération, et perçoit de celle-ci, ou lui rembourse, un montant égal à un pour cent de la hausse ou de la baisse du total des dépôts et du capital social de la caisse.

(4) Outre les montants visés au paragraphe (3), la Société peut imposer à chaque caisse et percevoir de celle-ci, directement ou par l'intermédiaire d'une fédération, un autre montant, calculé en fonction du montant total des dépôts et du capital social de la caisse à la fin de l'exercice, immédiatement avant l'établissement de la cotisation, que la Société estime nécessaire pour couvrir les avances ou les paiements qu'elle est appelée à faire dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la présente loi.

(5) Aux fins de la cotisation visée au paragraphe (4), la Société maintient un fonds distinct pour chaque fédération et un autre fonds pour englober les activités des caisses qui n'appartiennent à aucune fédération, et le montant de cette cotisation est déterminé par la Société compte tenu de la situation financière de chaque fonds.

(6) Pour l'application de la présente loi, tous les montants imposés par la Société à une caisse ou à une fédération sont réputés être des créances exigibles de la Société, dont le montant et les intérêts imposés par la Société au titre de l'arriéré, le cas échéant, peuvent être recouvrés par la voie d'une action intentée devant un tribunal compétent.

(7) La caisse impute aux dépenses le montant d'une cotisation visée au paragraphe (4) mais, nonobstant le paragraphe (6), elle peut traiter tout autre montant imposé en vertu du présent article comme un élément d'actif dont la valeur est rajustée à l'occasion en fonction de la situation financière du fonds correspondant accumulé par la Société.

(8) Si, au cours d'une année donnée, ses bénéfices dépassent ses dépenses, la Société peut, à sa discrétion, déclarer un dividende et verser à ce titre à toutes les caisses qui participent au fonds en cause un montant qui ne dépasse pas l'excédent des bénéfices sur les dépenses.

(9) Lors de la dissolution d'une caisse, la Société rembourse à celle-ci un montant égal aux cotisations qui ont été payées en vertu des paragraphes (1), (2) et (3), rajusté en fonction de la situation financière du fonds en cause; pour l'application de cette règle, l'évaluation, par la Société, de la situation financière du fonds est définitive.

[...]

La 1983 Credit Unions Act

10.                 L'article 101 de ladite loi [de 1976], modifiée par les Lois de l'Ontario, 1981, chapitre 62, article 5, est abrogé et remplacé par ce qui suit :

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

101.             - (1) Les objets de la Société sont les suivants :

a)                   fournir aux personnes qui possèdent des parts sociales ou qui ont des dépôts dans des caisses de l'Ontario une assurance-dépôt contre la perte de leurs parts sociales ou de leurs dépôts, en totalité ou en partie, en leur faisant des versements dans la mesure et de la façon autorisées par la présente loi;

b)                   agir en qualité d'administrateur d'une caisse si ses réserves descendent sous le seul désigné par le directeur et, s'il y a lieu, agir en qualité de liquidateur d'une caisse;

c)                    fournir, à sa discrétion, une aide financière en vue d'aider une fédération ou une caisse à poursuivre ses activités ou à les liquider méthodiquement;

d)                   recueillir et amasser les statistiques reliées aux caisses et aux fédérations nécessaires à des fins d'assurance, ainsi qu'aux fins des fédérations, des caisses et du ministère, et publier les relevés de statistiques ordonnées selon ce qui est approprié.

[...]

[TRADUCTION]

14.                 L'article 111 de ladite loi [de 1976] est abrogé et remplacé par la disposition suivante :

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

111. -      (1) À la création, par la Société, d'un fonds de réserve d'assurance et d'une prime d'assurance annuelle, le reste des cotisations gardées en vertu de l'article que le présent article remplace est remboursé aux caisses de la façon dont les cotisations ont été perçues.

                (2) Pour les besoins d'un fonds de stabilisation créé ou gardé en vertu de l'article 101a, la Société perçoit d'une caisse une cotisation égale à 1 pour cent de l'ensemble du capital social et des dépôts à la fin de l'exercice ou la cotisation fixée par les règlements relativement à l'alimentation de ce fonds au profit des caisses.

                (3) Les cotisations perçues aux termes du présent article ou de celui que le présent article remplace peuvent être traitées comme des dépenses et radiées par les caisses selon les conditions que les règlements prescrivent.

                (4) Au cours des quatre-vingt-dix jours qui suivent le début de l'année civile, la Société fixe la prime annuelle de chaque caisse selon les conditions que les règlements prescrivent, afin de faire face à ses frais d'administration et d'alimenter son fonds de réserve d'assurance. La Société peut percevoir, accumuler, gérer, placer et dépenser les sommes dont elle a besoin pour faire face aux demandes des caisses qui ont maintenu leur cote d'assurabilité et les récupérer d'un fonds créé à cet effet.

Question en litige

[7]            Il s'agit de déterminer si les montants totalisant 3 789 206 $, que la SOAAD a remis à l'appelante dans l'année d'imposition 1995, peuvent être qualifiés d'allocations proportionnelles aux primes ou aux cotisations que l'appelante a antérieurement versées à la SOAAD, au sens des paragraphes 137.1(2) et (4) de la Loi. Si la réponse à cette question est affirmative, la totalité de la somme de 3 789 206 $, que l'appelante a reçue dans l'année d'imposition 1995, doit être incluse dans le calcul de son revenu pour l'année en question, conformément au paragraphe 137.1(10) de la Loi, et la cotisation qui fait l'objet de l'appel doit être ratifiée. Si la réponse à la question est négative, la cotisation doit être annulée.

Arguments de l'appelante

[8]            Selon l'avocat de l'appelante, les paiements que sa cliente a effectués initialement à la SOAAD (dont il est question au paragraphe 12 de l'exposé conjoint des faits) n'avaient pas les caractéristiques d'une « prime » ou d'une « cotisation » au sens de la Loi, bien que l'appelante elle-même les ait traités comme tels au moment où elle a effectué les paiements en question. De fait, l'appelante a déduit ces montants dans le calcul de son revenu pour les années où ils ont été payés, conformément au paragraphe 137.1(11) de la Loi. L'avocat soutient aujourd'hui qu'il faut considérer la véritable nature des montants en question et non le traitement choisi par la contribuable.

[9]            Aux dires de l'avocat de l'appelante, la « prime » s'entend du montant payé en vue de souscrire une assurance, tandis que la « cotisation » désigne habituellement, dans le domaine de l'assurance, le montant payé lorsqu'il n'y a pas suffisamment de fonds pour couvrir les pertes. Dans les deux cas, l'avocat insiste sur la nécessité d'un paiement et d'un transfert de propriété.

[10]          D'après l'avocat, les montants en litige qui ont été payés conformément aux paragraphes 111(1), (2) et (3) de la 1976 Credit Unions Act ne peuvent être qualifiés de primes ou de cotisations car ils n'ont jamais été transférés à la SOAAD; ils ont toujours appartenu à l'appelante. Ils ont été déposés par l'appelante auprès de la SOAAD, qui finançait ses activités grâce aux intérêts, qui variaient d'une année à l'autre selon la valeur du capital en main et des dépôts effectués dans l'année. Elle n'avait pas le droit, cependant, de prélever sur ces dépôts des montants devant servir à financer ses activités (voir les motifs du jugement du juge Rosenberg, datés du 26 juin 1992, dans l'affaire CS Co-op et al. v. Ontario Share and Deposit Insurance Corporation, pièce A-1, onglet 39, aux pages 19 à 21).

[11]          En vertu du paragraphe 111(4) de la 1976 Credit Unions Act, la SOAAD avait cependant le pouvoir d'imposer un montant supplémentaire (appelé « cotisation extraordinaire » dans l'exposé conjoint des faits) aux caisses pour compenser toute avance ou tout paiement qu'elle était appelée à effectuer. Cette cotisation extraordinaire représentait la part de la caisse des pertes subies par la SOAAD, qui pouvait utiliser les montants provenant des cotisations extraordinaires à son entière discrétion.

[12]          Conformément au paragraphe 111(7) de la 1976 Credit Unions Act, la caisse devait, aux fins de comptabilité, imputer aux dépenses le montant de la cotisation extraordinaire établie en vertu du paragraphe 111(4), mais elle pouvait traiter le montant de toute autre cotisation établie en vertu de l'article 111 comme un élément d'actif, et c'est à ce titre que figuraient les montants en litige dans les états financiers de l'appelante.

[13]          Les Accounting and Auditing Guidelines for Ontario Credit Unions and Caisses Populaires rédigées en juin 1979 par le comité spécial sur les caisses ( « credit unions » ), Institut des comptables agréés de l'Ontario (déposées sous la cote A-1, onglet 7) traitent dans les termes suivants, aux pages 25 et 26, de la méthode de financement du programme d'assurance-dépôts aux termes de la 1976 Credit Unions Act :

                                [TRADUCTION]

Dépôts et autres paiements faits à la SOAAD

Le mode de financement du programme d'assurance-dépôts est exclusif au réseau des « credit unions » et des caisses populaires en Ontario. C'est la Société ontarienne d'assurance des actions et dépôts (ci-après appelée la SOAAD) — société sans capital-actions dont les affaires sont administrées par un conseil d'administration, les membres de ce dernier étant nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil — qui s'en charge. Le pouvoir de la société d'établir une cotisation à l'égard des caisses ( « credit unions » ) pour couvrir le coût du programme lui est conféré par la Credit Unions and Caisses Populaires Act, 1976.

Au lieu de payer une prime déterminée de façon actuarielle selon les réclamations prévues, chaque caisse consigne auprès de la SOAAD un montant d'argent équivalant à 1 % du total des dépôts et du capital social de ses membres, pour ainsi dire sans intérêt, pour la durée de l'existence de la caisse. Par conséquent, le coût pour la caisse de l'assurance-dépôts est le revenu d'intérêt qu'elle cède sur le montant versé à la société d'assurance. (Par exemple, si l'on suppose un rendement annuel de 10 % pour la caisse sur les fonds en cause, le coût annuel de l'assurance équivaut à un dixième de 1 % des dépôts et du capital social.) En plus de ce coût d'option, la caisse peut être appelée à l'occasion à verser à la SOAAD un montant supplémentaire permettant à cette dernière de couvrir ses pertes.

Plus précisément, conformément à l'article 111 de la Loi, chaque caisse était tenue, en 1977, de payer à la SOAAD une « cotisation initiale » équivalant à 1 % du total des dépôts et du capital social de ses membres. Annuellement, si l'on tient compte du total des soldes des dépôts et du capital social de ses membres, chaque caisse est tenue de maintenir le solde accumulé à 1 %, en acquittant une « cotisation annuelle » ou en touchant un remboursement s'il y a réduction de l'épargne totale de ses membres. Exception faite des remboursements entraînés par la réduction du solde des dépôts et du capital social de ses membres, la caisse peut obtenir le remboursement du montant qu'elle a accumulé en cas de dissolution seulement.

L'accumulation des cotisations initiales et annuelles établies à l'égard des caisses fournit à la SOAAD un capital de base qu'elle répartit en trois fonds distincts, maintenus pour trois catégories de caisses (celles qui sont affiliées à la Ontario Credit Union League Limited, celles qui sont affiliées à la Fédération des Caisses Populaires de l'Ontario Limitée, et celles qui sont indépendantes). Les capitaux mis à la disposition de la SOAAD sont ensuite investis dans des prêts ou des garanties, et le revenu annuel net, déduction faite des dépenses de fonctionnement, de l'aide financière accordée aux caisses et des pertes subies lors de la dissolution de caisses, est affecté à chacun des trois fonds à titre de bénéfices non répartis. Bien que la SOAAD ne soit pas tenue de verser des intérêts ou des dividendes sur les capitaux qui lui sont versés par les caisses, on peut concevoir que, si un fonds réalise des bénéfices, la SOAAD puisse effectuer une distribution en faveur des caisses qui ont financé le fonds en question.

L'article 111 de la Loi s'applique également au cas où la SOAAD subit des pertes qui font disparaître les bénéfices nets antérieurement accumulés dans un fonds donné. Dans un tel cas, la SOAAD peut établir une « cotisation extraordinaire » à l'égard des caisses chargées de financer le fonds en question, de façon à remédier à l'insuffisance de fonds.

Dans le cadre de l'examen des méthodes comptables que les caisses devraient appliquer relativement aux paiements faits à la SOAAD et aux remboursements effectués par celle-ci, le comité spécial a conclu qu'il était utile de distinguer entre a) les cotisations initiales et annuelles, et b) les cotisations extraordinaires.

Se penchant d'abord sur les cotisations initiales et annuelles, qui constituent la contribution des caisses aux capitaux de la SOAAD, le comité spécial a étudié les choix s'offrant aux caisses : consigner les paiements à titre de dépenses ou à titre d'éléments d'actif.

Le comité spécial est arrivé à la conclusion que le montant accumulé des cotisations initiales et annuelles devait être traité comme un élément d'actif. Le montant accumulé représente des fonds transférés à une autre entreprise, qui peuvent être récupérés lorsque sont éteintes les obligations de la caisse au moment de sa liquidation. En outre, le montant accumulé engendre un avantage car il permet aux caisses membres d'obtenir une assurance-dépôts.

[...]

Se penchant ensuite sur les cotisations extraordinaires, le comité spécial est arrivé à la conclusion que les caisses n'avaient d'autre choix que d'imputer les montants payés à ce titre aux dépenses faites dans la période comptable au cours de laquelle ils deviennent payables. La cotisation extraordinaire est considérée par le comité spécial comme la part de la caisse des pertes subies par la société d'assurance. Si cette cotisation n'était pas établie à l'égard des caisses, il y aurait insuffisance des dépôts à la SOAAD.

[14]          D'après l'avocat, la SOAAD n'avait pas le droit de s'approprier ou de diviser, ni, donc, d'allouer le principal des fonds provenant du paiement des cotisations initiales et annuelles, car elle n'était pas propriétaire des fonds en question.

[15]          L'appelante soutient que la loi modificatrice, la 1983 Credit Unions Act, entraînait un changement en ce sens qu'elle établissait un véritable fonds de stabilisation, les caisses devant à partir de ce moment-là payer de véritables primes, qui devenaient la propriété de la SOAAD. D'après l'avocat, cette nouvelle loi ontarienne est beaucoup plus compatible avec la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est aux termes de cette nouvelle loi provinciale que la Cour de l'Ontario (Division générale) a ordonné à la SOAAD de remettre les montants en litige à l'appelante. Dans sa décision, le juge Rosenberg a déclaré que [TRADUCTION] « les montants composant les dépôts faits au titre des cotisations appartenaient aux différentes caisses [...] qui avaient effectué les dépôts » en application de la 1976 Credit Unions Act (page 21 de la décision de la Cour de l'Ontario (Division générale), pièce A-1, onglet 39).

[16]          De l'avis de l'avocat, l'absence de transfert de propriété n'est pas compatible avec la nature d'une prime ou d'une cotisation. Se fondant sur des définitions propres au domaine de l'assurance que l'on retrouve dans les dictionnaires ou que donnent les auteurs, l'avocat a fait valoir que la notion de « prime » ou de « cotisation » suppose un paiement en contrepartie de quelque chose, c'est-à-dire le transfert d'un montant d'argent pour assurer un risque ou couvrir des pertes. Ainsi, l'avocat s'est reporté à Couch on Insurance (3e édition) (Clark Boardman Callaghan Pub., 1996), chapitre 70:1, où l'on retrouve la définition suivante de « cotisation » à la page 70-5 :

                                [TRADUCTION]

La cotisation est la somme spécifiquement perçue, habituellement par une compagnie mutuelle ou une société mutualiste, pour couvrir les pertes, ou encore les pertes et les frais d'administration engagés. La cotisation et la prime sont semblables en ce qu'elles fournissent toutes deux les fonds nécessaires aux règlements et qu'elles doivent toutes deux être acquittées à une date donnée pour que l'assurance soit maintenue en vigueur. Toutefois, il existe une distinction entre la cotisation et la prime : la cotisation est conçue pour essuyer les pertes et payer les dépenses à mesure qu'elles se présentent, tandis que la prime est habituellement calculée sans référence à des pertes ou à des dépenses déterminées.

Le terme « cotisation » est défini également dans Lewis E. Davids, Dictionary of Insurance (7e édition révisée) (Maryland: Rowman & Littlefield Publisher Inc., 1990) :

                                [TRADUCTION]

Assessment [ « cotisation » ].              Montant supplémentaire réclamé à un assuré par une compagnie d'assurance mutuelle ou une mutuelle privée à cotisations variables pour couvrir les pertes qui se révèlent plus élevées que ce qui avait été prévu. Montant réclamé à un assuré par des assureurs qui perçoivent une prime provisionnelle déterminée lorsque leurs fonds se révèlent insuffisants pour respecter leurs obligations. Montant réclamé aux assureurs pour le maintien d'organisations ou de services publics.

La « prime » est définie dans les termes suivants dans la Loi sur l'assurance, L.R.O. 1990, ch. I.8, article 1 :

« prime » Paiement unique ou périodique effectué aux termes d'un contrat d'assurance. Le terme s'entend en outre des droits, des cotisations ou des frais d'administration de ce contrat, et d'autres contreparties. ( « premium » )

[17]          Voici la définition qu'en donne le Black's Law Dictionary, 6e édition :

                                [TRADUCTION]

Premium [ « prime » ]. [...]

Somme qu'un assuré paie ou convient de payer à l'assureur en contrepartie d'une assurance. Coût de la couverture d'un risque pour une période donnée.

[18]          L'avocat soutient que toutes les définitions de « prime » et de « cotisation » ont un élément en commun : il y a paiement, et le montant ainsi payé devient la propriété du bénéficiaire du paiement. À son avis, seule la cotisation extraordinaire établie en vertu de la 1976 Credit Unions Act est conforme à cette définition; les dépôts faits au titre des cotisations ordinaires, en cause dans l'appel en l'espèce, qui demeuraient la propriété des caisses, ne correspondent pas à cette définition.

[19]          L'avocat a souligné également le fait que la SOAAD n'avait effectué aucune allocation des dépôts faits au titre d'une cotisation, comme le requiert la Loi de l'impôt sur le revenu, parce qu'elle n'était pas propriétaire des dépôts et que, par conséquent, elle n'avait pas le pouvoir d'allouer les montants en question. Encore une fois, l'avocat se reporte aux définitions lexicographiques pour appuyer sa prétention. Plus particulièrement, il renvoie aux définitions suivantes du Black's Law Dictionary, 6e édition :

                                [TRADUCTION]

Allocation. Cession ou affectation. Jacobson v. Bowles, D.C.Tex., 53 F. Supp. 532,534.

Assignment [ « cession » ]. Acte de transférer une partie ou la totalité d'un bien, d'une participation ou de droits. Transfert ou disposition en faveur d'une autre partie de la totalité d'un bien, meuble ou immeuble, en possession ou en action, ou de toute succession ou de tout droit à cet égard. Sont inclus les transferts de toutes sortes de biens (Higgins v. Monckton, 28 Cal. App. 2d 723, 83 P. 2d 516, 519), y compris de titres négociables. Transfert par une partie de tous ses droits sur un bien quelconque, habituellement un bien incorporel, par exemple un bail, une hypothèque, une convention d'achat ou une société de personnes. Le bien matériel est le plus souvent transféré par la possession et par des actes transférant le titre, comme un acte formaliste ou un acte de vente. Voir aussi Collateral Assignment [ « mise en gage » ].

Allotment [ « affectation » ]. Part ou portion; résultat de l'affectation; ventilation; répartition; distribution d'actions dans une entreprise publique ou une société ouverte. Partage; distribution d'un bien-fonds aux termes d'une loi sur l'enclosure.

Distribute [ « distribuer » ]. Répartir ou partager proportionnellement ou en fonction des parts. Voir Distribution.

Dans le Black's Law Dictionary, 7e édition, le terme « allocation » est défini dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

Allocation. n. Désignation ou ventilation à une fin donnée; particulièrement inscription d'une rentrée de fonds au crédit d'un compte ou imputation d'une dépense à un compte.

[20]          De l'avis de l'avocat, le terme « allocation » suppose le transfert d'un bien, ce qui ne s'est pas produit en l'espèce. Par conséquent, soutient l'avocat, le montant des dépôts que la SOAAD a remis à l'appelante n'était pas visé par l'article 137.1 de la Loi.

[21]          En résumé, l'avocat fait valoir que, avant 1983, la façon dont la société d'assurance-dépôts était constituée et son financement, structuré, aux termes de la 1976 Credit Unions, était inhabituelle et, à l'époque, propre à l'Ontario. L'article 137.1 de la Loi ne visait pas à couvrir ce cas très particulier, et il n'y a, à son avis, aucune raison d'élargir le sens de « prime » et de « cotisation » de façon à tenir compte de cette situation.

[22]          L'avocat invoque la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Antosko c. La Reine, [1994] 2 R.C.S. 312 (94 DTC 6314) pour soutenir que, dans les lois fiscales, il faut donner aux termes utilisés leur sens clair et ordinaire. Le sens ordinaire des termes « prime » et « cotisation » ne couvre pas les dépôts effectués par l'appelante à la SOAAD.

Arguments de l'intimée

[23]          Dès le départ, l'avocat de l'intimée a indiqué clairement qu'il estimait que les montants que l'appelante avait payés à la SOAAD et qui lui avaient ensuite été remis ne constituaient pas des primes, mais plutôt des cotisations. De l'avis de l'avocat, le juge Rosenberg n'est pas arrivé à la conclusion que les caisses étaient propriétaires des dépôts. Quoi qu'il en soit, l'avocat ne croit pas que la propriété de ces dépôts soit un facteur pertinent pour déterminer ce que constitue une cotisation ou s'il existe un droit d'en allouer un certain montant. De fait, l'avocat soutient qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait transfert de propriété des fonds pour qu'il y ait cotisation perçue par la SOAAD ou pour que celle-ci exerce son pouvoir discrétionnaire relativement aux montants qu'elle a en sa possession ou à leur allocation.

[24]          L'avocat se fonde plutôt sur le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il ne conteste pas que les montants remis ne doivent pas être inclus dans le calcul du revenu sous le régime du paragraphe 9(1)de la Loi.

[25]          Effectivement, l'avocat ne conteste pas le fait que, à des fins comptables, ces montants puissent être traités comme des éléments d'actif et non comme des dépenses. Cependant, il est d'avis que l'article 137.1 de la Loi est une disposition expresse qui commande l'application d'un traitement précis à l'égard de ce genre de dépense. À ce propos, l'avocat a invoqué la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canderel Ltée. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 147, où le juge Iacobucci a dit au paragraphe 32 :

La grande difficulté qui semble avoir affligé les tribunaux dans la détermination du bénéfice aux fins de l'impôt sur le revenu fait ressortir la nécessité de formuler le plus clairement possible le critère juridique applicable à cet égard. Le postulat de départ est évidemment que la détermination du bénéfice visé au par. 9(1) est une question de droit, non de fait. Les facteurs juridiques déterminants sont au nombre de deux: premièrement, l'existence d'une disposition expresse de la Loi de l'impôt sur le revenu commandant l'application d'un traitement précis à l'égard de certaines dépenses ou recettes, notamment la limite générale formulée à l'al. 18(1)a), et, deuxièmement, l'existence de règles de droit établies découlant de l'interprétation que les tribunaux ont donnée de ces diverses dispositions au fil des ans.

[26]          Les états financiers sont dressés pour les membres des caisses, mais l'article 137.1 de la Loi exige un rajustement aux fins d'impôt. C'est pourquoi, selon l'avocat, les montants en litige en l'espèce sont inscrits à titre d'éléments d'actif et non à titre de revenu dans les états financiers.

[27]          L'avocat soutient que les montants qui ont été payés à la SOAAD par l'appelante et subséquemment remis à cette dernière constituaient des cotisations au sens juridique de l'article 137.1 de la Loi. De fait, la 1976 Credit Unions Act elle-même définit le terme « cotisation » à l'article 111; c'est à cet article qu'est prévue l'obligation de payer la cotisation et qu'est établi le montant de cette dernière. L'article 137.1 utilise le même terme, à savoir « cotisation » , que la loi provinciale, qui en énonce la définition juridique aux fins de l'industrie de l'assurance-dépôts et des caisses qui est régie par cette loi.

[28]             L'avocat se fonde sur une déclaration faite dans l'affaire Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 915, une autre décision de la Cour suprême du Canada, où le juge Major a dit, aux paragraphes 32 et 33 :

32 Il est également conforme au principe moderne de l'interprétation des lois en fonction de leur objet de s'en remettre au contexte plus large du droit commercial pour déterminer le sens à donner aux termes employés dans la Loi. Comme le dit E.A. Driedger dans Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87:

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au par. 21. Pour l'interprétation des lois fiscales, notre Cour a appliqué la méthode moderne. Voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, au par. 5, le juge Bastarache, et au par. 50, le juge Iacobucci; Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, à la p. 578.

33 La nature technique de la Loi ne permet pas d'élargir le principe du sens ordinaire de manière à englober le sens courant. Le mot vente a un sens juridique bien établi et reconnu.

[29]          Dans la présente affaire, les paiements faits au départ à la SOAAD ont été effectués conformément aux paragraphes 111(2) et (3) de la 1976 Credit Unions Act. Le terme juridique utilisé à l'article 111 est « cotisation » ; il figure également dans la Loi de l'impôt sur le revenu. L'avocat souligne que le terme « cotisation » respecte la terminologie utilisée dans l'industrie de l'assurance-dépôts. Il a renvoyé à tous les documents qui ont été déposés dans le recueil conjoint des pièces, dont les auteurs travaillaient dans ce secteur (entre autres le président de l'appelante) et dans lesquels on renvoie au terme « cotisation » lorsqu'il s'agit de montants de nature identique à celle des montants qui sont en cause en l'espèce. Plus particulièrement, le rapport annuel de 1993 de la SOAAD parlait des [TRADUCTION] « soldes des cotisations des membres » (pièce A-1, onglet 27, page 4). L'avocat a souligné également la déclaration que l'appelante a déposée à la Cour suprême de l'Ontario et dans laquelle elle demandait la [TRADUCTION] « remise des cotisations de 3 789 206,05 $ que l'appelante a payées à la SOAAD conformément à la 1976 Credit Unions Act » (voir pièce A-1, onglet 38, page 7).

[30]          L'avocat a renvoyé également à une note que des avocats et des comptables ont adressée au conseil d'administration de l'appelante, dans laquelle ils déterminaient que la remise des dépôts devait être considérée comme un revenu aux termes de la Loi et que 45 % de ce revenu serait imposable (pièce A-1, onglet 43). D'après l'avocat de l'intimée, cette note n'était pas simplement un document visant à faire état du meilleur scénario et du pire scénario possibles, dont l'appelante devait tenir compte si elle songeait à conclure un règlement avec la SOAAD, ainsi que l'avocat de l'appelante l'a fait valoir. Une lecture attentive de la note révèle que, dans les différents scénarios envisagés, les conséquences financières de l'acceptation par l'appelante d'un règlement avec la SOAAD étaient prévues. La possibilité que la somme de 3,8 millions de dollars remise à l'appelante soit traitée autrement que comme un revenu n'était pas évoquée. En fait, la somme de 3,8 millions de dollars est composée de montants qui avaient toujours été considérés comme ayant été payés au titre de cotisations au sens de la Loi — depuis 1976, aux fins de l'impôt sur le revenu, l'appelante avait toujours effectué une déduction sur ce fondement en vertu du paragraphe 137.1(11). D'ailleurs, la décharge finale accordée par la SOAAD dans les procédures instituées devant les tribunaux ontariens a libéré l'appelante de toutes les dettes découlant de cotisations impayées (pièce A-1, onglet 45). Tout cela, soutient l'avocat, montre que les personnes travaillant dans l'industrie de l'assurance-dépôts ont toujours considéré les montants en litige comme des cotisations.

[31]          En conclusion, l'avocat soutient que les caisses de crédit et les compagnies d'assurance-dépôts font partie d'un secteur d'activités très particulier, dont l'assujettissement à l'impôt a été établi par l'adoption de l'article 137.1 de la Loi. La Loi utilise les termes « cotisation » et « prime » afin d'englober les lois provinciales et fédérale qui régissent ce secteur de l'industrie (en fait, dans la version anglaise de Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada, qui est la contrepartie fédérale de la loi provinciale, on trouve l'expression « assessment of premiums » — en français, « fixation des primes » ). Le terme « assessment » ( « cotisation » ) est utilisé dans la loi ontarienne en cause dans l'appel en instance, et il n'est pas nécessaire de renvoyer à d'autres domaines, ni non plus au domaine de l'assurance en général, pour lui attribuer un sens autre que celui qui lui est donné dans la 1976 Credit Unions Act.

Analyse

[32]          La question en litige en l'espèce est de savoir si l'article 137.1 de la Loi s'applique à la présente affaire. Chaque avocat s'est fondé sur des principes d'interprétation législative pour faire valoir sa thèse. L'avocat de l'appelante estime que la Cour canadienne de l'impôt doit interpréter de façon stricte les termes utilisés à l'article 137.1 et conclure que les montants des dépôts qui ont été remis par la SOAAD ne satisfont pas à la définition stricte de « cotisation » ou de « prime » qui s'applique au secteur de l'assurance, la principale raison étant que ces montants n'appartenaient pas à la SOAAD. L'avocat indique également que, pour la même raison, la SOAAD n'avait pas le pouvoir d'allouer les montants des dépôts. Pour sa part, si je le suis bien, l'avocat de l'intimée préconise une approche contextuelle selon laquelle les tribunaux doivent interpréter un terme eu égard à l'ensemble de la disposition ou de la loi. Suivant cette approche, il faut rechercher l'intention objective du législateur dans les termes qui sont utilisés dans la disposition où se trouve le terme en cause (voir Joel Nitikman et Derek Alty, « Some Thoughts on Statutory Interpretation in Canadian Tax Law: A Reply to Brian Arnold » , dans Report of Proceedings of the Fifty-Second Tax Conference, 2000 Conference Report (Toronto, Association canadienne d'études fiscales, 2001), 9:1-3). L'article 137.1 fait partie de la section F de la partie I de la Loi, où sont énoncées les règles spéciales qui s'appliquent dans certaines circonstances. La section F s'applique notamment aux caisses de crédit et aux compagnies d'assurance-dépôts. Par conséquent, les termes « allocation » , « prime » et « cotisation » doivent être interprétés conformément au sens qui leur est attribué dans le secteur d'activités des institutions en question. De l'avis de l'intimée, c'est ce même sens que l'on retrouve dans les lois ontariennes qui régissent les caisses. Ces lois contiennent de nombreux renvois au pouvoir de la SOAAD d'établir des cotisations à l'égard des caisses aux fins de maintenir un fonds de réserve pour s'acquitter de ses obligations, ainsi que le prévoit l'article 101 de la 1976 Credit Unions Act et de la 1983 Credit Unions Act.

[33]          Les principes d'interprétation législative invoqués par les avocats ont été analysés par la Cour suprême du Canada. Dans l'affaire Antosko, précitée, le juge Iacobucci, qui a rendu le jugement unanime de la Cour, a décrit la méthode d'interprétation législative moderne dans les termes suivants aux pages 324 à 327 (DTC aux pages 6319 et 6320) :

         Le point de départ de cette analyse est l'arrêt de notre Cour Stubart Investments Ltd. c. La Reine.

[. . .]

[. . .] Après avoir exposé la méthode traditionnelle de l'interprétation stricte des lois fiscales, le juge Estey fait remarquer, à la p. 578:

      Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposition fiscale, il sera assujetti à l'impôt.

Le juge Estey s'appuie, à la p. 578, sur le passage suivant tiré de la p. 87 de l'ouvrage de Dreidger, intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983):

      [TRADUCTION] Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[. . .]

[. . .] Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l'impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu'ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l'effet juridique et pratique de l'opération est incontesté : [. . .] .

[34]             Au cours des années précédant l'affaire Québec (Commission de l'industrie de la construction) c. C.T.C.U.M., [1986] 2 R.C.S. 327, la Cour suprême du Canada était revenue à la règle du sens ordinaire et avait statué que les tribunaux devaient déterminer l'intention du législateur à la lumière du langage utilisé. (Voir Nitikman et Alty, op. cit., page 9:18). Le juge Chouinard, s'exprimant pour la Cour, a approuvé le passage suivant des motifs du juge Duff dans The Canadian National Ry. Co. v. The Province of Nova Scotia et al., [1928] R.C.S. 106, aux pages 120 et 121 :

                                [TRADUCTION]

Le rôle de cette cour est de donner effet à l'intention du législateur révélée par le langage qu'il a choisi pour exprimer cette intention. Quelles que soient les opinions qui aient pu être à l'origine du principe de la loi, ce n'est pas le rôle d'une cour de justice, en se référant à ces opinions, même si elle pouvait les connaître avec certitude, d'élargir la portée des dispositions exécutoires de la Loi dans lesquelles le législateur a énuméré les moyens précis par lesquels sa politique doit être mise à exécution.

[35]          Récemment, la Cour suprême du Canada a réitéré que, dans le cas d'une disposition claire de la Loi, nul n'est besoin de lui attribuer un sens autre que son sens clair et ordinaire (voir Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, à la page 643 ( 99 DTC 5669, à la page 5676)).

[36]          Dans la présente affaire, l'article 137.1, qui est la disposition à l'étude, renvoie expressément au calcul du revenu des caisses et des compagnies d'assurance-dépôts.

[37]          Le paragraphe 137.1(1) prévoit que, « sauf disposition contraire du présent article » , le revenu de la compagnie d'assurance-dépôts est calculé conformément aux règles applicables au calcul du revenu dans le cadre de la partie I de la Loi. Suivant les règles particulières énoncées à l'article 137.1 aux fins du calcul du revenu des caisses de crédit et des compagnies d'assurance-dépôts, le montant de toute prime ou cotisation reçu par une compagnie d'assurance-dépôts de ses institutions membres n'est pas inclus dans le calcul de son revenu (paragraphe 137.1(2)), mais il est déductible dans le calcul du revenu de l'institution membre pour l'année au cours de laquelle le montant de la prime ou de la cotisation a été payé (paragraphe 137.1(11)). Par ailleurs, aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu d'une compagnie d'assurance-dépôts à l'égard du montant versé à ses institutions membres à titre d'allocations proportionnelles aux montants des primes ou des cotisations payés par les institutions membres (paragraphe 137.1(4)). Une institution membre doit cependant inclure dans le calcul de son revenu tout montant reçu de la compagnie d'assurance-dépôts (paragraphe 137.1(10)).

[38]          Il y a lieu de noter qu'à l'article 137.1 le législateur utilise les mêmes termes, soit « assessment » [ « cotisation » ] et « premium » [ « prime » ], que ceux que l'on trouve dans les différentes versions anglaises des lois fédérale et provinciales relatives aux caisses. J'infère du langage choisi à l'article 137.1 que le législateur visait délibérément les montants payés aux compagnies d'assurance-dépôts en vue de créer un fonds de réserve dans le but énoncé dans les lois fédérale et provinciales relatives aux caisses de crédit et aux compagnies d'assurance-dépôts, peu importe le mode de financement retenu par chaque organisme législatif.

[39]          Une interprétation législative directe permet de conclure que l'article 137.1 de la Loi a pour objet de traiter précisément du calcul du revenu des caisses de crédit et des compagnies d'assurance-dépôts. La question n'est pas de savoir si les montants en cause doivent être inclus dans le revenu uniquement sur le fondement de l'article 9 de la Loi. En fait, l'intimée admet que ces montants ne constitueraient probablement pas un revenu pour l'appelante en vertu des principes généraux reconnus en matière de pratiques commerciales, que reflète le paragraphe 9(1) de la Loi. Cependant, l'objet de l'article 137.1, comme le révèle le langage qui y est utilisé, est d'instaurer des règles particulières pour le calcul du revenu dans le cas des caisses de crédit et des compagnies d'assurance-dépôts. L'atteinte de cet objet sera grandement entravée s'il est permis à l'appelante de se soustraire à l'obligation d'inclure les montants dont il est question ici dans le calcul de son revenu. Cela est d'autant plus vrai lorsque l'on considère que l'appelante a elle-même tiré profit des règles particulières énoncées à l'article 137.1 en déduisant les montants qu'elle a payés à la SOAAD, alors que ces montants n'auraient probablement pas été déductibles dans le calcul des bénéfices de l'appelante pour les années en question aux termes de l'article 9 de la Loi.

[40]          J'établirai ici un parallèle avec le libellé de l'article 63 de la Loi, dont l'objet est de limiter les déductions pour frais de garde d'enfants aux personnes assumant les frais d'entretien qui ont un revenu moins élevé. Rendant un jugement majoritaire, la Cour suprême a décidé, dans l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, que l'article 9 ne pouvait pas être interprété comme constituant une autorisation de déduire des frais de garde d'enfants à titre de dépenses d'entreprise, à la lumière du libellé de l'article 63. S'exprimant pour la majorité, le juge Iacobucci a dit ceci aux pages 744 à 746 :

[. . .] j'estime inutile de décider si une nouvelle approche conceptuelle s'impose, en raison de l'art. 63 de la Loi, dont on ne peut ignorer l'existence à la légère (E.A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87):

[TRADUCTION] [. . .] les mots d'une loi doivent être interprétés dans le contexte global, selon leur acception logique courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur.

En fait, comme je tenterai maintenant de le démontrer, compte tenu du libellé de l'art. 63, je ne crois pas que l'art. 9 et les al. 18(1)a) et h) puissent être interprétés de façon à justifier une déduction des frais de garde d'enfants à titre de dépense d'entreprise.

[...]

Le fait que ces dispositions décrivent exactement la situation en l'espèce — une associée dans un cabinet d'avocats qui paie des frais de garde afin de pouvoir travailler — est en soi un motif convaincant de supposer que l'art. 9 et les al.18(1)a) et 18(1)h) ne peuvent être interprétés de façon à autoriser une déduction des frais de garde d'enfants à titre de dépense d'entreprise. Le juge Décary de la Cour d'appel fédérale a dit, en l'espèce, que l'art. 63 « de par ses termes mêmes, clairs, indiscutables » est « un véritable code en soi, complet, autonome » (p. 525) [. . .].

[. . .]

         En outre, il importe de reconnaître le contexte dans lequel se situe l'art. 63 dans l'ensemble de la Loi.

[41]          Par conséquent, la question reste de savoir si les montants en cause sont visés par l'article 137.1. Personne ne conteste que la SOAAD est une compagnie d'assurance-dépôts et que l'appelante est une institution membre au sens de l'article 137.1. Il faut donc déterminer si les montants qui ont été remis à l'appelante peuvent être considérés comme des allocations proportionnelles aux montants des cotisations précédemment payés par l'appelante.

[42]          Il est vrai que les termes « prime » et « cotisation » ne sont pas définis dans la Loi. Cependant, à mon avis, le sens ordinaire du terme « cotisation » couvre la situation en l'espèce, c'est-à-dire que, aux termes de la 1976 Credit Unions Act, l'appelante était tenue de payer un montant déterminé suivant un taux établi et d'effectuer le paiement même si elle ne se départissait pas des fonds ainsi payés. En effet, dans Black's Law Dictionary, 7e édition, le terme « assessment » est défini dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

assessment [ « cotisation » ]. n. 1. Fixation du taux ou du montant de quelque chose, comme une taxe ou des dommages-intérêts. < détermination des pertes couvertes par une assurance > 2. Imposition d'une chose, comme un impôt, une taxe ou une amende, selon un taux déterminé; impôt, taxe ou amende ainsi levé ou imposé. < cotisation au titre d'un impôt sur le luxe > .

[43]          De fait, la 1976 Credit Unions Act elle-même fait mention du pouvoir de la SOAAD de percevoir chaque année auprès d'une caisse un montant égal à un pour cent du total des dépôts et du capital social de cette dernière à la fin de son exercice, juste avant l'établissement de la cotisation (voir les paragraphes 111(1), (2) et (3) de la 1976 Credit Unions Act).

[44]          Le fait que ce fonds de réserve ait été financé au moyen de la perception, par la SOAAD, d'un pourcentage du total des dépôts et du capital social de la caisse, sans que celle-ci se départisse de la propriété du montant que cela représente, ne change pas à mon avis la véritable nature de la cotisation. Il est vrai que la caisse pouvait traiter une cotisation ainsi imposée comme un élément d'actif (conformément au paragraphe 111(7)) car le montant accumulé représentait des fonds transférés à une autre entreprise qui pouvaient être récupérés au moment de l'extinction des obligations de la caisse, mais il demeure que tous les montants réclamés par la SOAAD à une caisse pour l'application de la 1976 Credit Unions Act étaient réputés être une créance de la SOAAD dont le montant pouvait être recouvré au moyen d'une action intentée devant un tribunal compétent (paragraphe 111(6)).

[45]          En ce sens, même si les montants d'argent n'étaient que déposés auprès de la SOAAD, l'appelante avait l'obligation de les payer, selon un taux fixé par la loi, pour bénéficier du régime d'assurance-dépôts administré par la SOAAD. Ces capitaux, déposés auprès de la SOAAD, étaient placés de manière à produire un revenu, et le revenu annuel net était utilisé par la SOAAD pour payer ses frais d'exploitation, fournir une aide financière aux caisses et couvrir les pertes subies lors de la dissolution de caisses, soit autant d'obligations prévues dans la 1976 Credit Unions Act et figurant au nombre des objets de la SOAAD. Pour bénéficier de l'assurance-dépôts, la caisse devait donc assumer un coût, lequel coût était égal aux intérêts cédés sur le montant déposé auprès de la SOAAD.

[46]          Il me semble même que la situation dans la présente affaire est directement visée par les définitions de « cotisation » que l'avocat de l'appelante a fournies et qui s'appliquent au domaine de l'assurance. Selon Couch on Insurance, op. cit., [TRADUCTION] « la cotisation est la somme spécifiquement imposée [...] par une compagnie mutuelle [...] pour couvrir les pertes ou encore les pertes et les frais d'administration engagés. La cotisation [...] fourni[t] [...] les fonds nécessaires aux règlements et [...] doi[t] être acquittée à une date donnée pour que l'assurance soit maintenue en vigueur » . Je ne vois dans cette définition aucune exigence voulant que le principal doive être dévolu à la compagnie d'assurance, comme le soutient l'avocat de l'appelante. Il est clair qu'une cotisation a été établie à l'égard de l'appelante en vertu de la 1976 Credit Unions Act et que l'appelante en a payé le montant à la SOAAD. Je ne vois dans les définitions mentionnées par l'appelante aucune exigence selon laquelle, à titre de condition préalable, les montants imposés devraient devenir la propriété de la SOAAD.

[47]          En outre, je ne vois pas pourquoi le terme « cotisation » ne devrait inclure que la cotisation extraordinaire pouvant être établie conformément au paragraphe 111(4) de la 1976 Credit Unions Act pour couvrir les pertes subies par la SOAAD, comme le soutient l'appelante. La Loi renvoie aux cotisations en général. La 1976 Credit Unions Act utilisait le même langage pour tous les paiements effectués par les caisses au titre, d'une part, des cotisations initiales et annuelles, lesquelles fournissaient à la SOAAD un capital de base, et, d'autre part, des cotisations extraordinaires, lesquelles étaient établies à l'égard des caisses pour éviter l'insuffisance de fonds. Dans tous les cas, la 1976 Credit Unions Act conférait à la SOAAD le pouvoir de déterminer l'un ou l'autre de ces montants.

[48]          Par suite de l'adoption de la 1983 Credit Unions Act, la SOAAD a dû rembourser aux caisses le solde des montants des cotisations qu'elle détenait en vertu de la 1976 Credit Unions Act, de la manière dont les cotisations avaient été établies. La nouvelle loi renvoyait directement aux montants des cotisations détenus par la SOAAD en vertu de l'ancienne loi et au remboursement de ces montants aux caisses.

[49]          C'est justement en vertu de cette nouvelle loi que l'appelante avait droit au remboursement des montants qu'elle avait antérieurement payés à la SOAAD et qui sont en litige en l'espèce, c'est-à-dire les montants des cotisations, soit 3 789 206 $ (comme l'a soutenu l'appelante devant la Cour de l'Ontario (Division générale)), qu'elle avait payés à la SOAAD conformément à la 1976 Credit Unions Act.

[50]          Il est intéressant de lire le commentaire suivant sur le traitement fiscal réservé aux dépôts remboursés dans les Accounting and Auditing Guidelines for Ontario Credit Unions and Caisses Populaires, op. cit., à la page 29 :

                                [TRADUCTION]

Aux termes des lois fiscales en vigueur, les montants versés à la Société ontarienne d'assurance des actions et dépôts au titre de cotisations ordinaires (qui sont traitées comme des éléments d'actif à des fins comptables) sont traités comme des déductions à des fins fiscales. Parallèlement, le montant de tout remboursement de ces dépôts, par exemple lors de la liquidation d'une caisse, serait inclus dans le calcul du revenu aux fins de l'impôt.

[51]          En fait, l'appelante elle-même a inclus, dans le calcul de son revenu pour l'année 1982 un premier remboursement de 121 412 $ reçu de la SOAAD dans l'année d'imposition 1982. Les fiscalistes de l'appelante étaient d'avis également que les dépôts de 3,8 millions de dollars qui lui avaient été remis devaient être considérés comme un revenu (voir la pièce A-1, onglet 43). Cette interprétation, qui reflète l'opinion que l'industrie a adoptée après la mise en application du régime des caisses, constitue à mon avis une application juste de la Loi.

[52]          En résumé, je conclus que le sens ordinaire du terme « cotisation » à l'article 137.1 — envisagé en tenant compte de l'ensemble du contexte, en concordance avec le régime et l'objet de la Loi — exprime l'intention du législateur de couvrir les montants réclamés aux caisses aux termes des différentes lois fédérale et provinciales relatives aux caisses, dont la 1976 Credit Unions Act de l'Ontario. Plus particulièrement, je ne vois rien dans le libellé de cette disposition qui fasse en sorte que celle-ci ne s'applique pas aux paiements effectués par l'appelante à la SOAAD de 1977 à 1983.

[53]          En conclusion, je me pencherai brièvement sur l'argument de l'appelante selon lequel le remboursement des montants en question par la SOAAD n'était pas une « allocation » proportionnelle aux cotisations payées, puisque la SOAAD n'était pas propriétaire de ces montants. Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée que le terme « allocation » utilisé à l'alinéa 137.1(4)c) ne fait qu'indiquer la possibilité qu'une institution membre puisse ne pas recouvrer en totalité le montant qu'elle a payé au départ à titre de prime ou de cotisation. Les montants qui sont remboursés doivent être inclus dans le calcul du revenu car ils en ont été déduits antérieurement. C'est en songeant à de telles circonstances, à mon avis, que le législateur a prévu qu'une institution membre pouvait bénéficier d'une allocation proportionnelle au montant qu'elle avait initialement payé.

[54]          Cette interprétation est appuyée par le libellé de l'article 111 de la 1983 Credit Unions Act, qui prévoit que [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] « le reste des cotisations gardées en vertu de l'article que le présent article remplace est remboursé » par la SOAAD [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] « de la façon dont les cotisations ont été perçues » . Elle est appuyée également par le libellé du paragraphe 111(9) de la 1976 Credit Unions Act, qui prévoyait que, lors de la dissolution d'une caisse, la SOAAD devait rembourser à celle-ci [TRADUCTION] « un montant égal aux cotisations qui ont été payées en vertu des paragraphes (1), (2) et (3), rajusté conformément à la situation financière du fonds en cause » . En fait, la SOAAD avait dû rembourser des montants à ses membres dans certaines années (par exemple, 121 412 $ à l'appelante en 1982) du fait de l'exigence selon laquelle les capitaux qui lui étaient confiés devaient toujours correspondre à un pour cent du capital social et des dépôts des membres.

[55]          La SOAAD ne doit pas nécessairement être propriétaire des fonds pour avoir le pouvoir de les allouer. Les définitions soumises par l'avocat de l'appelante ne font même pas état de l'existence d'une telle condition préalable. En fait, le terme « allocation » revient à maintes reprises dans la Loi et, pour qu'il y ait allocation, il doit y avoir un pouvoir d'allouer, lequel est conféré à diverses parties qui ne sont pas nécessairement propriétaires du montant alloué.

[56]          Pour ces motifs, je ne crois pas que les arguments de l'appelante puissent être retenus. Je conclus par conséquent que la somme de 3 789 206 $ que la SOAAD a remise à l'appelante dans l'année d'imposition 1995 était une allocation proportionnelle aux cotisations perçues de l'appelante par la SOAAD au cours des années d'imposition 1977 à 1983, au sens des paragraphes 137.1(2) à (4) de la Loi. En conséquence, cette somme devait être incluse dans le revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1995 conformément au paragraphe 137.1(10) de la Loi.

[57]          La cotisation visée par l'appel est par conséquent ratifiée et l'appel est rejeté, avec frais.

Signé à Montréal (Québec), ce 3e jour d'août 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de mai 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-640(IT)G

ENTRE :

THE CIVIL SERVICE CO-OPERATIVE

CREDIT SOCIETY, LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 7 décembre 2000 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Michael L. Phelan

Avocat de l'intimée :                            Me Richard Gobeil

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté, avec frais.


Signé à Montréal (Québec), ce 3e jour d'août 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mai 2002.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.