Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20020318

Dossier: 2000-3807-IT-I

ENTRE :

FRANCINE RIENDEAU,

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel ayant trait à l'année d'imposition 1997.

[2]            La question en litige consiste à déterminer si la somme mensuelle de 2 200 $ constitue une somme imposable dans les mains de l'appelante à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement.

[3]            Tous les faits pris pour acquis et allégués à la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) ont été admis. Les clauses de la convention sur lesquelles porte le litige, sont les suivantes :

a)              La défenderesse devra elle-même effectuer directement le paiement hypothécaire (incluant les taxes municipales et scolaires) de la résidence du 755, Croissant De La Bolduc, à Ville Ste-Catherine, en faisant un dépôt direct au compte bancaire du demandeur, à la Caisse Populaire de Kateri, à Ville Ste-Catherine, ledit dépôt devra s'effectuer le 13e jour de chaque mois et s'élèvera à la somme mensuelle approximative de 800 $;

b)             La défenderesse devra également effectuer les paiements des comptes tels Hydro-Québec, ,Bell Canada, Câblevision ainsi que le paiement de l'assurance-habitation inhérent à la résidence du 755, Croissant De La Bolduc, à Ville Ste-Catherine;

c)              La défenderesse assumera les frais d'entretien courants de la résidente sise au 755, Croissant De La Bolduc, à Ville Ste-Catherine;

...

[4]            Les faits ne font l'objet d'aucun litige, lequel découle essentiellement de l'interprétation ou du sens à donner à la convention intervenue entre les parties, laquelle a été ratifiée par la Cour supérieure dans un jugement en date du 11 décembre 1996.

[5]            S'appuyant sur le Bulletin d'interprétation IT-530 du 11 janvier 1999, sur une directive du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) identifiée P102(F) Rév. 96, sur un document intitulé no 2000-0007667, May 04 2000, sur les décisions suivantes : Renée Badeau v. The Queen, 2000 DTC 2300, Antoine Assaf c. Sa Majesté la Reine, [1992] A.C.I. no 46, The Queen v. Armstrong, 96 DTC 6315 ainsi que sur la définition du mot « Devoir » dans Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire de la langue française, l'appelante a plaidé qu'une partie du montant reçu de son ex-conjoint ne devrait pas être qualifiée de pension alimentaire imposable.

[6]            Elle a, en effet, soutenu que tous les montants relatifs aux engagements qu'elle devait respecter en vertu de la convention, et cela à même le montant global obtenu de son ex-conjoint, devaient être exclus de la pension alimentaire imposable entre ses mains; il s'agissait là, selon elle, de montants sur lesquels elle n'avait aucune discrétion, étant tenue de les payer à des tiers selon des instructions très claires et bien définies.

[7]            De son côté, l'intimée a soutenu que le montant total était imposable puisque la convention ne précisait pas de façon spécifique et expresse que les déboursés devaient être pris à même le montant global. En d'autres termes, l'intimée a soutenu qu'à défaut d'avoir prévu spécifiquement et expressément que les déboursés devaient être assumés à même le montant identifié comme pension alimentaire, qu'elle avait conservé son droit de disposer à sa guise du plein montant obtenu.

[8]            Selon l'intimée, une fois reçu, le montant de 2 200 $ était fondu dans le patrimoine de l'appelante; les paiements étaient subséquemment pris à même la masse de son patrimoine pour les paiements aux tiers, faisant en sorte qu'elle avait effectivement discrétion quant à l'utilisation des sommes payées par son ex-conjoint. En d'autres termes, l'intimée aurait voulu que l'appelante prenne note des numéros de série des billets reçus de son ex-conjoint et qu'elle remette les billets identifiés en question directement aux tiers identifiés dans la convention.

[9]            De toute évidence, il s'agit d'un autre dossier où les procureurs, lors des procédures de divorce ont joué d'astuces pour que les montants relatifs aux aliments soient déductibles d'un côté et non imposables de l'autre.

[10]          L'impact fiscal représente une composante importante dans l'appréciation de l'équilibre entre les besoins alimentaires de l'un des époux et la capacité de payer de l'autre.

[11]          Au fil des ans, la Cour supérieure a développé une expertise très poussée en la matière et s'est dotée d'outils sophistiqués pour fixer adéquatement les montants de pensions alimentaires, tout en tenant compte des incidences fiscales.

[12]          Malgré la clarté des dispositions légales relatives aux pensions alimentaires, les avocats consciemment ou inconsciemment formulent les conventions relatives à la pension alimentaire de manière à avantager leur client respectif, ce qui a évidemment pour effet que les conventions n'ont pas la transparence et la cohérence souhaitables en la matière.

[13]          Il s'agit souvent d'une très mauvaise stratégie puisque les effets ne profitent aucunement aux conjoints concernés. En effet, le Ministre se rend très rapidement compte du stratagème et questionne le dossier.

[14]          L'exercice a souvent pour effet de générer de nouvelles cotisations obligeant ainsi le créancier ou créancière alimentaire à retourner devant la Cour supérieure pour obtenir le manque à gagner conséquent aux nouvelles cotisations.

[15]          La Cour canadienne de l'impôt n'a pas juridiction pour s'ingérer dans le processus de détermination d'une pension alimentaire; elle doit essentiellement décider si la convention rencontre et respecte les exigences requises pour être déductibles ou imposables.

[16]          Malheureusement, la décision de cette Cour a souvent pour effet de modifier les paramètres pris en considération par la Cour supérieure, seul Tribunal ayant pleine juridiction peut fixer, modifier et annuler une pension alimentaire.

[17]          En l'espèce, les procureurs du débiteur alimentaire ont sans doute voulu donner leur accord à la convention, en étant convaincus que les montants payés seraient déductibles. De l'autre côté, l'appelante a sans doute donné son assentiment à la convention en croyant qu'une partie importante de la somme globale reçue ne serait pas imposable.

[18]          Conséquence : les parties à la convention au centre du présent litige devront, sans doute, recommencer l'exercice pour en arriver à un dénouement soit négocié, soit imposé par jugement.

[19]          Pour l'instant, je dois déterminer si la convention rencontre les exigences pour être totalement imposable pour l'appelante.

[20]          Le libellé de la convention est clair et non équivoque; l'appelante devait amputer de la somme globale obtenue de son ex-conjoint des montants spécifiques ou bien définis pour assumer le paiement d'obligations à l'endroit de tiers pièces.

[21]          En termes clairs, l'appelante agissait comme intermédiaire ou mandataire pour le débiteur alimentaire. La partie du montant que recevait l'appelante et qu'elle devait utiliser d'une manière spécifique afin d'acquitter des obligations expressément définies faisait qu'elle n'avait aucune discrétion ou latitude quant à la jouissance de ces montants.

[22]          Malgré cette clarté, il semble que le Ministre aurait voulu que l'appelante agisse comme porteuse ou messagère d'un chèque préparé par son ex-conjoint à l'ordre des tiers créanciers pour admettre que cette dernière n'avait aucune discrétion sur les montants en question.

[23]          Ma compréhension du vocabulaire utilisé est à l'effet que l'appelante n'avait aucune discrétion quant aux montants dont elle devait assumer la responsabilité en vertu de la convention.

[24]          Pour ce qui est du montant, il n'y a pas de litige; le montant de 13 130 $ a été admis comme correspondant au montant total déboursé par l'appelante en respect des obligations découlant de la convention.

[25]          L'appel de la cotisation pour l'année d'imposition 1997 est admis et la cotisation est déférée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada pour un nouvel examen sur la base que le montant de 13 130 $ qui fait partie d'un montant global de 26 400 $ reçu par l'appelante, ne devra pas être inclus dans ses revenus pour l'année 1997.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-3807(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Francine Riendeau et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 6 septembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 18 mars 2002

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :                        Me Martin Fortier

Avocat de l'intimée :                            Me Claude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                Nom :                                       Me Martin Fortier

                Étude :                                     De Chantal, D'amour, Fortier

                Ville :                                                       Longueuil (Québec)

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-3807(IT)I

ENTRE :

FRANCINE RIENDEAU,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 6 septembre 2001 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Martin Fortier

Avocat de l'intimée :                  Me Claude Lamoureux

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


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