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Date: 19980127

Dossier : 97-901-IT-I

ENTRE :

JAMES F. SHERRER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Le présent appel, portant sur l'année d'imposition 1995, a été interjeté sous le régime de la procédure informelle. La question à trancher consiste à savoir si l'appelant peut demander le crédit d'impôt pour personne entièrement à charge prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard de ses enfants lorsqu'il a droit à une déduction prévue à l'alinéa 60b), c) ou c.1).

[2]            Voici les faits pertinents en l'espèce, tels qu'exposés aux paragraphes 13, 14 et 17 de la réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ) :

[TRADUCTION]

13.            Dans le calcul de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1995, l'appelant a inclus, aux fins de déterminer le montant de crédits d'impôt non remboursables auquel il avait droit, une somme de 5 380 $ au titre du crédit pour personne entièrement à charge.

14.            Par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 3 septembre 1996, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour son année d'imposition 1995 et a rejeté le crédit pour personne entièrement à charge mentionné au paragraphe précédent.

[...]

17.            Le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour ratifier la nouvelle cotisation relative à l'année d'imposition 1995 :

                a)              les faits énoncés et admis précédemment;

b)             l'appelant a versé une somme de 3 900 $ à son ancienne conjointe, Esther Aiken, au cours de l'année d'imposition 1995 pour subvenir aux besoins de ses deux enfants, conformément à un jugement de divorce rendu le 21 février 1991;

c)              aux fins du calcul de son revenu net pour l'année d'imposition 1995, l'appelant avait droit à une déduction prévue à l'alinéa 60b), c) ou c.1) de la Loi au titre des paiements de pension alimentaire;

d)             l'appelant a déduit le montant de 3 900 $ dans le calcul de son revenu net pour l'année d'imposition 1995 conformément à l'alinéa 60b), c) ou c.1) de la Loi;

e)              aux termes du paragraphe 118(5) de la Loi, les enfants de l'appelant sont réputés ne pas être ses enfants au cours de l'année d'imposition 1995 pour l'application de l'article 118 de la Loi;

f)              l'appelant ne peut inclure un montant à titre de crédit d'impôt pour personne entièrement à charge dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables et de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1995.

[3]            Les motifs de l'appel interjeté par l'appelant à l'encontre de la nouvelle cotisation sont exposés de la façon suivante dans l'avis d'appel :

                                [TRADUCTION]

[...]

Je suis père de deux enfants, et je suis divorcé depuis de nombreuses années. L'entente de garde prévoit la garde partagée des enfants. Elle stipule aussi que les enfants doivent habiter pendant une période égale chez chacun des deux parents, ce qui a été le cas.

Dans le cadre de l'entente, j'ai accepté de faire des paiements mensuels à mon ancienne épouse dans le cadre de ce que l'on appelle maintenant le « Régime des obligations alimentaires envers la famille » . Je me suis conformé à cet engagement. Les paiements en question sont destinés à subvenir aux besoins de mes enfants lorsqu'ils sont sous la garde de mon ancienne épouse et qu'ils habitent chez elle, soit la moitié du temps. En contrepartie, mon ancienne conjointe assume le coût de l'ensemble des services de garde d'enfants.

[...]

Je subviens aux besoins de deux personnes à charge habitant chez moi la moitié de l'année.

C'est pourquoi je soutiens que, dans mon cas, l'année est scindée en deux. Ainsi, puisque j'ai deux personnes à ma charge la moitié de l'année, je devrais avoir droit au crédit équivalent pour une personne entièrement à charge pour l'année.

En outre, les paiements que je fais afin de subvenir aux besoins des enfants ne sont pas liés à la période où ceux-ci sont sous ma garde, mais au contraire à la moitié d'année où ils ne le sont pas. Le total de ces paiements serait certainement bien plus élevé si j'étais un parent n'ayant pas la garde des enfants.

La déduction au titre des personnes à charge n'a-t-elle pas pour objet d'aider les parents qui élèvent des enfants à assumer les dépenses engagées à ce titre? Ma résidence n'est pas destinée à une seule personne mais est au contraire équipée pour accueillir également mes deux enfants. Mon budget vestimentaire comprend les dépenses d'habillement de deux enfants en pleine croissance. Les factures d'épicerie et de nettoyage sont nettement supérieures à celles que paierait une personne vivant seule.

Malgré cela, je n'ai pas droit à une déduction qui est accordée à tous les autres parents et particuliers qui subviennent aux besoins d'enfants.

[...]

Je maintiens que les lignes directrices appliquées par le ministère du Revenu ne sont pas équitables dans mon cas particulier. Je demande que l'on scinde l'année d'imposition en deux, de façon que je puisse demander le crédit équivalent pour une seule personne à charge.

[4]            Les faits ne sont pas contestés. La déclaration de revenus (pièce R-1) et le jugement de divorce mentionné à l'alinéa 17b) de la réponse (pièce A-1) ont été déposés en preuve. L'appelant a invoqué plus particulièrement les dispositions suivantes du jugement de divorce :

                                [TRADUCTION]

[...]

b)             le mari et l'épouse ont la garde partagée des enfants issus du mariage [...];

[...]

e)              les enfants passeront un temps égal chez l'un et l'autre parents;

Arguments et conclusions

[5]            La représentante de l'intimée a fait valoir que l'appelant avait droit à une déduction prévue à l'alinéa 60b), c) ou c.1) et que, conformément au paragraphe 118(5) de la Loi, ses enfants étaient réputés ne pas être ses enfants au cours de l'année d'imposition 1995 pour l'application de l'article 118 de la Loi. Par conséquent, l'appelant ne pouvait inclure un montant au titre du crédit d'impôt pour personne entièrement à charge prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables et de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1995.

[6]            La représentante de l'intimée a mentionné les décisions suivantes :

Morin c. La Reine, C.C.I., no 96-4172(IT)I, 21 mai 1997 (1997 CanRepNat 739)

Werring c. La Reine, C.C.I., no 96-3864(IT)I, 29 avril (1997 CanRepNat 599)

Paustian c. La Reine, C.C.I., no 94-1482(IT)I, 8 décembre 1994 ([1995] 1 C.T.C. 2395).

[7]            L'appelant a soutenu que le montant des paiements qu'il avait effectués pour subvenir aux besoins de ses enfants avait été fixé en tenant compte du fait que les enfants étaient sous la garde de leur mère la moitié du temps, et qu'il n'était donc pas juste d'accorder uniquement la déduction de ce montant, étant donné qu'il devait lui aussi tenir un établissement domestique autonome où il subvenait aux besoins de ses enfants lorsqu'ils habitaient avec lui, soit la moitié de l'année. Pour cette raison, il estimait avoir droit au crédit d'impôt pour personne entièrement à charge prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi, ou du moins à une proportion de ce crédit, ainsi qu'il l'explique au dernier paragraphe de son avis d'appel, exposé précédemment.

[8]            Voici le libellé du paragraphe 118(5) de la Loi :

Dans le cas où un particulier a droit à une déduction prévue à l'alinéa 60b), c) ou c.1) dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition au titre d'un paiement effectué pour subvenir aux besoins de son conjoint ou de son enfant, le conjoint ou l'enfant sont réputés, pour l'application du présent article — sauf pour l'application de la définition de « revenu de pension admissible » au paragraphe (7) —, ne pas être le conjoint ou l'enfant du particulier.

[9]            Voici le libellé de l'alinéa 118(1)b) de la Loi :

(1)            Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à d) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

[...]

b)             Crédit équivalent pour personne entièrement à charge — le total de 6 000 $ et du montant calculé selon la formule suivante :

5 000 $ - (D - 500 $)

où :

D              représente le plus élevé de 500 $ et du revenu d'une personne à charge pour l'année,

si le particulier n'a pas droit à la déduction prévue à l'alinéa a) et si, à un moment de l'année :

(i)             d'une part, il n'est pas marié ou, s'il l'est, ne vit pas avec son conjoint ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son conjoint ne subvient à ses besoins,

(ii)            d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

(A)           elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier,

(B)            elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes,

(C)            elle est liée au particulier,

(D)           sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique;

[...]

[10]          Selon moi, le paragraphe 118(5) de la Loi établit clairement que l'appelant ne peut pas avoir droit au crédit d'impôt prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi. Dès le moment où un particulier peut déduire un montant, quel qu'il soit, à titre de pension alimentaire pour enfants, les enfants de ce particulier sont réputés ne pas être ses enfants. La disposition ne contient rien qui permette de répartir proportionnellement le montant ni de scinder l'année d'imposition.

[11]          J'ai déjà entendu un appel assez semblable dans l'affaireChristopher P. Youé et La Reine. Dans ma décision, rendue le 17 novembre 1995, j'ai rejeté l'appel pour le motif suivant :

Cette disposition déterminative s'applique sans contredit à la totalité de l'année d'imposition. Elle ne contient rien qui permettrait de scinder l'année et son libellé m'apparaît tout à fait dénué d'ambiguïté.

[12]          Cette conclusion concorde également avec les affaires citées par la représentante de l'intimée ainsi qu'avec la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Reine c. Marshall, C.A.F., no A-544-95, 26 mars 1996 (96 DTC 6292), où l'on indique à la page 2 (DTC : à la page 6293) que le Parlement peut seul prévoir le partage proportionnel d'avantages et que, dans la mesure où il ne l'a pas fait, la Cour ne peut pas légiférer à sa place. Voici le passage pertinent de cette décision :

Cet article de la Loi prévoit qu'un seul des deux parents est un « particulier admissible » aux fins d'admissibilité aux avantages. L'article ne prévoit aucun partage proportionnel entre deux parents qui prétendent être des parents admissibles. Seul, le Parlement peut prévoir le partage proportionnel des avantages, mais il ne l'a pas fait.

La décision en question avait trait au partage de la prestation fiscale pour enfants entre conjoints ayant la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants. Le même raisonnement vaut en l'espèce.

[13]          Pour ces raisons, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-901(IT)I

ENTRE :

JAMES F. SHERRER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 21 janvier 1998 à Ottawa (Canada), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Représentante de l'intimée :                  Nadine Hamelin (stagiaire)

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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