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Date: 20010608

Dossier: 1999-4412-GST-G

ENTRE :

RIVERFRONT MEDICAL EVALUATIONS LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Bell C.C.I.

QUESTION :

[1]            Il s'agit de savoir si la fourniture de rapports d'évaluation médicale indépendante (les « EMI » ) à des compagnies d'assurance et à des avocats pour la période allant du 1er juillet 1995 au 31 janvier 1998 est une fourniture exonérée au sens de l'article 2 (l' « article 2 » ) ou de l'article 5 (l' « article 5 » ) de la partie II de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ), portant sur la taxe sur les produits et services ( « TPS » ), et si, dans l'éventualité où elle n'en serait pas une, l'appelante est tenue de payer les pénalités imposées en vertu de l'article 280 de la Loi.

[2]            Les critères établis à l'article 2 sont les suivants :

a)              s'agit-il de la fourniture de « services de santé en établissement » ?

b)             s'agit-il d'une fourniture effectuée par l'administrateur d'un « établissement de santé » ?

c)              s'agit-il d'une fourniture effectuée à un patient?

[3]            Les critères de l'article 5 sont les suivants :

a)              s'agit-il d'une fourniture effectuée par un « médecin » ?

b)             s'agit-il d'une fourniture de services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d'autres services de santé?

c)              s'agit-il d'une fourniture effectuée à un particulier?

LA LOI :

[4]            En vertu du paragraphe 123(1) de la Loi, une « fourniture exonérée » est une fourniture comprise dans l'annexe V.

[5]            L'article 2 est ainsi libellé :

2.              La fourniture de services de santé en établissement effectuée par l'administrateur d'un établissement de santé au profit d'un patient ou d'un résident, à l'exclusion des services liés à la prestation de services chirurgicaux ou dentaires exécutés à des fins esthétiques plutôt que médicales ou restauratrices.

[6]            L'article 5 est ainsi libellé :

5.              La fourniture par un médecin de services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d'autres services de santé rendus à un particulier, à l'exclusion de services chirurgicaux ou dentaires exécutés à des fins esthétiques plutôt que médicales ou restauratrices.

[7]            Les expressions « services de santé en établissement » et « établissement de santé » et le terme « médecin » figurant aux articles 2 et 5 susmentionnés sont définis à l'article 1 de la partie II de l'annexe V de la manière suivante :

1.              Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« établissement de santé »

a)             tout ou partie d'un établissement où sont donnés des soins hospitaliers, notamment aux personnes souffrant de maladie aiguë ou chronique, ainsi qu'en matière de réadaptation;

b)            hôpital ou établissement destiné aux personnes souffrant de troubles mentaux;

c)             tout ou partie d'un établissement où sont donnés des soins intermédiaires en maison de repos ou des soins en établissement, au sens de la Loi canadienne sur la santé, ou des soins comparables pour les enfants.

                « médecin » Personne autorisée par la législation provinciale à exercer la profession de médecin ou de dentiste.

                « services de santé en établissement » Les services suivants offerts dans un établissement de santé :

a)             les services de laboratoire, de radiologie et autres services de diagnostic;

b)             les drogues, substances biologiques ou préparations connexes administrées dans l'établissement et accompagnées de la fourniture d'un service figurant à l'un des alinéas a) et c) à g);

c)              l'usage des salles d'opération, des salles d'accouchement et des installations d'anesthésie, ainsi que l'équipement et le matériel nécessaires;

d)            l'équipement et le matériel médicaux et chirurgicaux :

(i)            utilisés par l'administrateur de l'établissement en vue d'offrir un service figurant aux alinéas a) à c) et e) à g),

(ii)           fournis à patient (sic) ou à un résident de l'établissement autrement que par vente;

e)             l'usage des installations de radiothérapie, de physiothérapie ou d'ergothérapie;

f)              l'hébergement;

g)            les repas (sauf ceux servis dans un restaurant, une cafétéria ou un autre établissement semblable où l'on sert des repas);

h)            les services rendus par des personnes rémunérées à cette fin par l'administrateur de l'établissement.

LES FAITS :

[8]            Le premier témoin, le Dr Harvey Lewis, est médecin et il réside à Toronto, mais il n'est pas autorisé à pratiquer la médecine dans la province d'Ontario. Il était - et est toujours - l'unique actionnaire et le président de l'appelante. Il a déclaré que les activités de l'appelante consistaient à fournir des EMI. Il a indiqué que ces évaluations étaient des examens effectués par un médecin et comportaient l'étude des dossiers, l'examen minutieux des antécédents, un examen physique, l'étude des rayons X et des données de laboratoire, la fourniture d'un diagnostic et d'un pronostic et l'évaluation du degré du handicap, s'il y avait lieu. Il a déclaré qu'on procédait à cet examen non pas par une simple étude de documents, mais par l'examen physique de la personne à l'établissement de l'appelante.

[9]            Il a indiqué, dans son témoignage, qu'il cherchait les praticiens spécialistes les plus éminents et qualifiés au sein de la collectivité. Il a déclaré que les notes que les médecins rédigeaient pour Riverfront après l'examen d'une personne étaient exactement celles qu'un médecin prendrait s'il pratiquait en tant que spécialiste dans son propre cabinet. Il a ajouté que, dans le cadre normal de l'établissement d'un avis médical, un médecin devait franchir différentes étapes. Il a indiqué que ces étapes étaient les mêmes, que les médecins les accomplissent aux fins d'une EMI pour l'appelante ou qu'ils évaluent une personne en consultation ou une personne dirigée vers leur cabinet. Il a déclaré qu'ils devaient examiner les dossiers de soins de santé, examiner attentivement les antécédents du patient, effectuer un examen physique minutieux, examiner toutes les études de laboratoire et des rayons X appropriées, parvenir à un avis motivé et rédiger un rapport sur leurs conclusions.

[10]          Le Dr Lewis a décrit les médecins comme des « médecins à contrat » payés par l'appelante sur une base individuelle.

[11]          Il a également décrit l'établissement où tous ces médecins effectuaient des EMI. Cet établissement est composé de bureaux où l'appelante fournit des salles de consultation, des salles d'examen, des services de transcription et tout l'équipement et le matériel nécessaires aux examens. Il a indiqué que l'établissement était plus grand que la plupart des cabinets de médecins et qu'il contenait également une salle d'attente, un service administratif, etc. Il a en outre indiqué qu'avant de voir un patient, le médecin devait normalement obtenir une copie de tous les dossiers médicaux se rapportant à la santé de ce patient. Le personnel administratif de l'appelante préparait les dossiers médicaux des patients. Le Dr Lewis a décrit une procédure d'examen typique. Il a affirmé qu'après l'obtention de tous les renseignements démographiques, la taille, le poids, la pression sanguine, le pouls et la température du patient étaient déterminés. Ce dernier était ensuite amené à une salle de consultation, où le médecin procédant à l'évaluation examinait l'information médicale précédente et prenait soigneusement en note les antécédents du patient. Finalement, le patient était amené à la salle d'examen où il était examiné.

[12]          Le Dr Lewis a indiqué dans son témoignage que les médecins étaient tous des « spécialistes » qui pouvaient « examiner plus en profondeur » un problème particulier, davantage peut-être que le médecin de famille. Il a également déclaré qu'il y avait un service de rayons X et de laboratoire dans l'édifice abritant l'établissement de l'appelante et que les médecins préparaient les demandes d'analyse supplémentaire nécessaire.

[13]          Le Dr Lewis a également déclaré que la relation médecin-patient était primordiale et qu'il était normal pour un médecin spécialiste de faire des recommandations quant au traitement. Il a déclaré que l'appelante avait ses audiotypistes internes qui tapaient les rapports médicaux. Une fois révisés par le médecin traitant pour éviter qu'ils comportent des erreurs ou des omissions, ces rapports étaient envoyés à la compagnie d'assurance qui les avait demandés. Il a déclaré que les recommandations de traitements des médecins étaient habituellement examinées par le médecin en compagnie du patient. Il a également indiqué que cela se faisait normalement la première fois que le patient consultait un médecin spécialiste, ce qui fait que l'avis de ce dernier était souvent précieux pour la détermination de la série de traitements à venir. Il a affirmé que le fait que la compagnie d'assurance payait pour le rapport ne nuisait d'aucune manière à la primauté de la relation médecin-patient. Il a également souligné que les patients avaient le droit légitime de déposer des plaintes, le cas échéant, auprès du Collège des médecins et chirurgiens.

[14]          Répondant directement à la question de savoir si les médecins étaient des employés, le Dr Lewis a déclaré :

                                [TRADUCTION]

Non, ils sont des entrepreneurs indépendants.

[15]          Un échange entre l'avocat de l'intimée et le Dr Lewis, en contre-interrogatoire, a suivi :

                                [TRADUCTION]

Q.             Vous êtes d'avis que Riverfront, qui est une société à responsabilité limitée, est un praticien?

R.             Non, c'est aux praticiens qui travaillent dans notre établissement qu'il revient d'examiner les patients, et cetera, et cetera, et de rédiger un rapport.

[16]          Le Dr Lewis a été interrogé et contre-interrogé au sujet d'une lettre du 23 janvier 1991, envoyée par Coopers & Lybrand à l'appelante. Cette lettre a été déposée au complet et se lit comme suit :

                                [TRADUCTION]

23 janvier 1991

Mme Karen Lewis

Riverfront Medical Services Ltd.

123, rue Edward, bureau 808

Toronto (Ontario)

M5G 1E2

Madame Lewis,

On nous a demandé de clarifier la situation des fournitures suivantes relativement au projet de loi C-62 (la taxe sur les produits et services);

i)               Les services fournis par les médecins engagés en vertu d'un contrat par Riverfront Medical Services Ltd. dans le cadre des examens diagnostiques offerts à des patients de la clinique médicale Riverfront.

Analyse

Comme ces services sont rendus à des particuliers (peu importe qui les paie), ils sont exonérés de la TPS en vertu de l'article 5 de la partie II de l'annexe V de la loi.

En conséquence, aucune TPS n'est payable au praticien qui offre ces services.

ii)              Les services fournis par Riverfront Medical Services Ltd. aux compagnies d'assurance, qui sont décrits comme les services rendus par les médecins visés en i), y compris les services administratifs consistant à prendre les rendez-vous, à offrir des locaux, à engager des médecins aux termes de contrats, à rémunérer les médecins et à fournir les documents nécessaires concernant les résultats d'examen.

Analyse

Techniquement, ce service n'est pas exonéré de la TPS, parce que la disposition prévoyant l'exonération (annexe V, partie II, article 2) ne s'applique qu'aux services de santé en établissement rendus par l'administrateur d'un établissement de santé aux patients de l'établissement. Dans votre cas, le service est rendu à des compagnies d'assurance, même si les patients sont examinés par les médecins.

Toutefois, Revenu Canada (Accise) nous a verbalement indiqué avoir adopté la position administrative selon laquelle cette fourniture serait exonérée de la TPS en vertu de la deuxième mesure législative susmentionnée. Cette interprétation nous a été fournie par un fonctionnaire local de Revenu Canada et un haut fonctionnaire d'Ottawa. Si cette interprétation reste valable, la fourniture est exonérée, et Riverfront Medical Services Ltd. n'aura pas à percevoir la TPS sur ses fournitures de services de diagnostic médical à des compagnies d'assurance.

Vous devez savoir que Revenu Canada a renversé des décisions orales par le passé et qu'il est possible que Riverfront Medical Services Ltd. doive payer la TPS sur ces fournitures, taxe qu'il ne sera peut-être pas possible de percevoir des clients par la suite. Ce risque pourra dans une certaine mesure être réduit par les crédits de taxe sur les intrants qui seraient disponibles sur les intrants imposables dans l'éventualité où la loi s'appliquerait plus tard rétroactivement dans un sens plus strict.

Pour plus de certitude, nous avons demandé à Revenu Canada de nous fournir une décision anticipée écrite concernant cette question afin de nous rassurer quant à l'interprétation verbale que nous avions reçue.

Veuillez agréer, Madame Lewis, l'expression de nos sentiments distingués.

« Coopers & Lybrand »

I. H. Mida

/bs/jbo

[17]          L'avocat de l'intimée, lors du contre-interrogatoire du Dr Lewis, a posé un certain nombre de questions au sujet de la confiance de ce dernier en la lettre de Coopers & Lybrand. Il a déclaré ceci :

                                [TRADUCTION]

Eh bien, je crois que la lettre a été clarifiée par la conclusion. Elle a répondu très clairement à la question que je m'étais posée.

[18]          Le Dr Lewis a indiqué dans son témoignage que, pour ce qui est du point i), aucune TPS n'avait été payée relativement à des paiements effectués aux praticiens par l'appelante.

[19]          En ce qui concerne le point ii), l'échange suivant a eu lieu :

                                [TRADUCTION]

Q.             Et la première phrase sous la rubrique « analyse » précise :

                « Techniquement, ce service n'est pas exonéré de la TPS, »

R.             C'est exact.

Q.             Et, à l'époque, étiez-vous au courant que, selon eux, techniquement, peu importe ce que cela veut dire, ce service n'était pas exonéré de la TPS?

R.             C'est ce qui est écrit.

Q.             C'est ce qui est écrit, mais en étiez-vous au courant?

R.             Oui.

Q.             Oui.

[20]          L'avocat de l'intimée a ensuite fait référence au premier paragraphe complet de la deuxième page de la lettre. En réponse à la question de savoir s'il était possible que cette interprétation puisse ne pas être valable, le Dr Lewis a déclaré ne pas en être au courant et il a ajouté :

                                [TRADUCTION]

[...] il me semblait très clair que l'on me disait que nous n'étions pas tenus de payer la TPS, et j'ai accepté ce fait.

[21]          En ce qui concerne le troisième paragraphe, le Dr Lewis a déclaré qu'il l'avait lu et compris. Il a également déclaré qu'il avait compris que le risque était la possibilité que Revenu Canada renverse ses décisions et assujettisse les évaluations à la TPS. L'échange suivant a conclu le contre-interrogatoire au sujet de la lettre de Coopers & Lybrand :

                                [TRADUCTION]

Q.             Et qu'il ne sera peut-être pas possible de percevoir la TPS des clients par la suite?

R.             C'est ce qui est écrit.

Q.             C'est exact.

Et elle précise ceci :

« Ce risque pourra dans une certaine mesure être réduit par les crédits de taxe sur les intrants qui seraient disponibles sur les intrants imposables [...] »

Connaissez-vous bien la notion de « crédits de taxe sur les intrants » ?

R.             Non.

Q.             Puis, le dernier paragraphe précise ceci :

« Pour plus de certitude, nous avons demandé à Revenu Canada de nous fournir une décision anticipée écrite concernant cette question afin de nous rassurer quant à l'interprétation verbale que nous avions reçue. »

Et étiez-vous au courant de cela lorsque vous avez reçu la lettre?

R.             Oui, monsieur.

Q.             Et est-ce que Riverfront a reçu une telle décision?

R.             Non, monsieur.

Q.             Vous êtes-vous déjà renseigné auprès de ces comptables pour savoir ce qu'il est advenu de la demande de décision?

R.             Je ne crois pas que je l'ai fait.

Q.             Les comptables vous ont-ils dit ce qu'il était advenu de cette demande de décision?

R.             Non, ils ne l'ont pas fait.

Q.             Depuis quand la société Cooper & Lybrand offre-t-elle des services comptables à Riverfront?

R.             Probablement depuis plusieurs années après la lettre.

Q.             Et ce sujet n'a jamais refait surface?

R.             Non, monsieur.

Q.             Alors, vous n'avez jamais discuté de la TPS avec elle après cette époque?

R.             C'est exact.

Q.             Et je suppose alors que vous vouliez à ce moment prendre le risque que la position de Revenu Canada soit différente de ce que l'on vous avait dit. Est-ce exact?

R.             Je ne pensais pas que c'était un risque.

Q.             Même si Coopers & Lybrand vous avait informé qu'il pouvait y avoir un risque?

R.             Il y a habituellement une déclaration de non-responsabilité dans la plupart des lettres envoyées par les comptables ou les avocats.

Q.             Et vous avez simplement choisi de ne pas tenir compte du risque auquel s'exposait Riverfront.

R.             Oui.

[22]          Le Dr John Russell Carlisle, médecin et avocat, et registraire adjoint du Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario, a témoigné pour l'appelante. Sa qualité de témoin expert a été établie pour qu'il éclaire la Cour sur certaines des questions qui découlent des évaluations médicales indépendantes et qui touchent la pratique de la médecine ainsi que les droits, les obligations et les responsabilités des médecins effectuant des EMI en Ontario. Il a expliqué la relation médecin-patient, affirmant que l'obligation du médecin envers son patient est primordiale et que les éléments suivants ne sont pas pertinents : le choix du médecin par le patient, l'existence d'un contrat avec un tiers, et le genre d'établissement où l'examen est effectué.

[23]          Le Dr Carlisle a reconnu que lorsque le médecin commence à examiner une personne, une relation médecin-patient se crée et qu'en de telles circonstances, les mêmes considérations professionnelles et déontologiques s'appliquent. Il a également déclaré que les étapes franchies lors d'une EMI étaient très semblables à celles d'un examen normal effectué par un spécialiste. Il a ajouté que la norme de compétence requise du médecin procédant à l'examen ne changeait pas parce que la demande d'examen émanait d'un tiers, que les normes déontologiques qui le régissent n'étaient ainsi pas touchées et que son obligation de poser un diagnostic approfondi et exact et de formuler des recommandations demeurait inchangée. Il a affirmé que les médecins ont la responsabilité de consigner les opinions ou les conclusions auxquelles ils parviennent au sujet de leurs patients.

[24]          Des extraits de l'interrogatoire préalable de M. G. S. Dobson ( « M. Dobson » ), un représentant de l'Agence, ont confirmé que l'Agence n'avait rien à redire au sujet des services fournis par les médecins praticiens relativement à l'utilisation de salles d'accouchement, y compris l'équipement et le matériel nécessaires. Les extraits suivants sont tirés de l'interrogatoire préalable :

                                [TRADUCTION]

Q.             Voici ma question : l'Agence conteste-elle le fait que, si un diagnostic est posé et que des recommandations de traitement sont en fait formulées, cela constitue des soins médicaux?

R.             Seulement pour ce qui est de cette question, je suppose que oui, il y aurait des soins médicaux offerts, oui.

M. Dobson a également reconnu que l'appelante possédait six cabinets de médecins et six salles d'accouchement et d'examen.

OBSERVATIONS DE L'APPELANTE ET DE L'INTIMÉE :

[25]          L'intimée, au soutien de sa cotisation, a adopté la position selon laquelle l'appelante ne fournissait aucun « service de santé en établissement » et qu'elle n'administrait pas un établissement de santé. Elle affirme au contraire que l'appelante fournissait des rapports à un assureur ou à un avocat qui en faisait la demande et qu'elle ne fournissait rien à « un patient » de l'établissement.

[26]          L'appelante a soutenu que les personnes se rendant à l'établissement pour un examen et une évaluation avaient une relation médecin-patient et qu'elles recevaient des « services de santé en établissement » offerts, en effet, par l'appelante grâce à ses médecins, qu'elle avait engagés à titre d'entrepreneurs indépendants aux fins des examens et des évaluations. L'appelante affirme en outre qu'elle administrait un « établissement de santé » , offrant des services de santé en établissement aux patients de cet établissement.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[27]          Tout d'abord, je dois déterminer si la personne examinée par un médecin dans l'établissement de l'appelante était un « patient » de cet établissement. Il ne fait aucun doute que la personne était un patient selon la description effectuée par le Dr Carlisle quant à la primauté de la relation médecin-patient. Le patient est manifestement un patient du médecin procédant à l'examen. Les mots de la version anglaise de l'article 2 « a patient or resident of the facility » (un patient ou un résident de l'établissement) sont curieux. Il n'est pas difficile de comprendre l'expression « resident of the facility » (résident de l'établissement) : il évoque une personne qui vit dans un établissement où des soins sont fournis. Toutefois, que penser de l'expression « patient... of the facility » (patient de l'établissement)? Selon l'usage, le patient d'un médecin pratiquant dans une clinique est considéré comme un patient de cette clinique. Il est possible que le médecin et cette clinique puissent être tenus responsables dans le cadre d'une action en négligence intentée par un patient. Cet usage s'étend de toute évidence à l'appelante. L'expression serait plus claire si elle était ainsi rédigée :

A patient at or resident of the facility (Un patient à l'établissement ou un résident de l'établissement).

[28]          Je me penche maintenant sur la question de savoir s'il y a eu fourniture de « services de santé en établissement » . La preuve démontre clairement que les éléments suivants de « services de santé en établissement » existaient dans le cas de l'appelante :

                selon l'alinéa a), des services de diagnostic étaient offerts;

selon l'alinéa c), l'utilisation de salles d'accouchement, y compris l'équipement et le matériel nécessaires, était offerte;

selon l'alinéa h), des services étaient rendus par des médecins qui étaient rémunérés à cette fin par l'administrateur de l'établissement, à savoir l'appelante.

[29]          L'un ou l'autre de ces éléments constituerait un service de santé en établissement s'il était « offert » dans un établissement de santé. La question de savoir si l'appelante est un établissement de santé comporte la nécessité de déterminer le sens du terme « soins » figurant à l'alinéa a) de la définition de « établissement de santé » . L'affaire d'Abrumenil v. Commissioners of Customs & Excise (16 March 1999), VAT and Duties Tribunals (U.K.), Lexis: England and Wales Reported and Unreported Tax Cases Online est utile à cet égard. La nature des soins y est ainsi examinée :

                                [TRADUCTION]

[...] selon moi, le sens premier est la fourniture de services dans le cadre de la relation médecin-patient visant en général la santé physique et mentale de cette personne [...]

...

Le fait d'assimiler les soins au traitement équivaudrait à limiter la signification de « soins » d'une manière qui ne serait pas justifiée par le libellé de la disposition. À mon avis, un médecin offre de toute évidence des soins, par exemple qu'il prescrive des antibiotiques ou d'autres médicaments, ce qui serait le résultat de la plupart des visites au cabinet d'un omnipraticien, ou qu'il donne simplement des conseils en matière de santé. Un médecin offre clairement des soins, à mon avis, à la personne qui vient le voir pour un examen de santé, y compris lorsque la visite est organisée et payée par son employeur. L'identité de la personne qui organise et paie la consultation dans ce contexte n'est pas pertinente.

[30]          La question, dans l'affaire d'Abrumenil, concernait la mesure dans laquelle les fournitures effectuées par l'appelante étaient des fournitures de « soins » exonérées. Le Dr d'Abrumenil, un omnipraticien qualifié, a constitué une société à responsabilité limitée afin d'exploiter une entreprise de services médico-légaux. Deux des principaux types de services offerts par la société consistaient à effectuer des examens médicaux à l'intention d'assureurs et à préparer des rapports médicaux d'experts dans des cas de dommages corporels.

[31]          La disposition pertinente de la VAT était ainsi libellée :

                                [TRADUCTION]

[...] la fourniture de soins dans le cadre de la pratique des professions médicales et paramédicales [...]

[32]          Les Commissaires au Service des douanes et impôts directs ont reconnu que les services de préparation de rapports médicaux d'experts dans des cas de dommages corporels étaient exonérés. Bien que le président ait conclu que les services de fourniture d'examens médicaux à des assureurs ne concernaient pas les soins offerts à la personne examinée ou le traitement de ses troubles médicaux, il a considéré que ces types de services, fournis par la société à responsabilité limitée, constituaient des soins pour les motifs suivants :

                                [TRADUCTION]

[...] il n'est pas réellement sensé de dire que, lorsqu'une personne est examinée par un médecin ou qu'elle en consulte un en vue de recevoir un avis sur sa santé physique ou mentale, il ne s'agit pas de soins fournis dans le cadre de la profession médicale dans le sens large de cette expression. Il est particulièrement difficile de considérer qu'une procédure chirurgicale devant être effectuée par un médecin (ou quelqu'un possédant les qualifications médicales appropriées) n'est pas une fourniture de soins pour la raison pour laquelle la procédure est effectuée. Si l'on considère objectivement la nature de ce qui se produit, comme il se doit selon moi, il n'est pas important que le bénéficiaire direct du conseil puisse ne pas être la personne examinée, mais un employeur éventuel ou un assureur.

[33]          Lorsqu'il a décrit la procédure suivie par les médecins pour établir des rapports visant à déterminer si les patients étaient admissibles à une aide gouvernementale, à des prestations d'assurance ou à un emploi, le Dr Carlisle a déclaré :

                                [TRADUCTION]

L'examen et le processus visant à former et à donner cette opinion correspondent au même processus qui serait suivi si une personne se présentait avec une maladie et que l'on doive découvrir pourquoi elle ne se sent pas bien, ce qui s'est passé et ce qui doit être fait.

[34]          Il a également répondu par l'affirmative à la question suivante :

                                [TRADUCTION]

Et, en ce qui concerne l'objet de l'examen du patient par le médecin, cet objet est-il le même : poser un diagnostic, évaluer, etc.?

[35]          En conséquence, je conclus que des soins étaient offerts à l'établissement.

[36]          Je dois maintenant déterminer si l'appelante administrait un « établissement de santé » en vue d'offrir des soins médicaux. L'unique source de revenu de l'appelante était la préparation de EMI. Puisqu'il a été établi que la préparation de EMI représentait des soins, il s'ensuit que l'appelante administrait son établissement en vue d'offrir des soins. Par conséquent, je conclus qu'elle administrait un « établissement de santé » . L'appelante administrait cet établissement, notamment grâce à des médecins, qu'elle engageait aux termes de contrats afin d'offrir des services de santé en son nom.

[37]          Par conséquent, je conclus que l'appelante est visée par l'exonération prévue à l'article 2 de la partie II de l'annexe V, lequel, répété par souci de commodité, est ainsi libellé :

2.              La fourniture de services de santé en établissement effectuée par l'administrateur d'un établissement de santé au profit d'un patient ou d'un résident [...][1]

[38]          L'avocat de l'appelante a également soutenu que cette dernière était exonérée en vertu de l'article 5. Ayant conclu que l'appelante est exonérée en vertu de l'article 2, je n'ai pas à analyser ces observations.

[39]          Enfin, bien que j'aie exposé les faits concernant la responsabilité potentielle de l'appelante à l'égard des pénalités qui ont été imposées, je n'ai pas à examiner cette question compte tenu de ma conclusion relative à l'exonération des taxes. De toute évidence, la pénalité sera supprimée.

[40]          L'appel sera admis et les dépens, adjugés à l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de mars 2002.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4412(GST)G

ENTRE :

RIVERFRONT MEDICAL EVALUATIONS LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 21 mars 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Susan L. Van Der Hout

                                                          Me Sean Aylward

Avocats de l'intimée :                           Me Harry Erlichman

                                                                   Me Michael Ezri

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise dont l'avis est daté du 10 juin 1999 et porte le numéro 05B 6418 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.


          Les dépens sont adjugés à l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2002.

Isabelle Chénard, réviseure



[1]           L'exception, à savoir « à l'exclusion des services liés à la prestation de services chirurgicaux ou dentaires à des fins esthétiques plutôt que médicales ou restauratrices » , ne concerne pas l'appelante.

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