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Date: 20010725

Dossier: 2000-1220-EI

ENTRE :

HOWARD WELLMAN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifsdu jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel a été entendu à St. John's, Terre-Neuve, le 13 juillet 2001. L'appelant a été le seul témoin.

[2]            L'appelant a interjeté appel à l'encontre d'une décision prise en vertu de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage selon laquelle il n'était pas employé en vertu d'un contrat de louage de services pendant la période du 22 mai 1995 au 15 décembre 1995.

[3]            Les paragraphes 4 et 5 de la réponse à l'avis d'appel sont ainsi rédigés :

                                [TRADUCTION]

4.              L'intimé a informé l'appelant qu'il avait été décidé que son emploi auprès de la payeuse pendant la période du 22 mai 1995 au 15 décembre 1995 (la « période en litige » ) n'était pas un emploi assurable au motif qu'il n'était pas employé en vertu d'un contrat de louage de services.

5.              En rendant sa décision, le ministre s'est fondé sur les faits suivants :

a)           la payeuse a été constituée en personne morale en vertu des lois de la province de Terre-Neuve le 15 novembre 1988;

b)           pendant toute la période pertinente, les actionnaires de la payeuse étaient l'appelant (35 p. 100), Donald Barry (35 p. 100) et Brian Whitehorn (30 p. 100);

c)           Brian Whitehorn n'était pas employé par la payeuse à quelque titre que ce soit;

d)           en 1988, Brian Whitehorn a payé 1 000 $ pour ses actions dans la payeuse et, en 1997, il les a vendues à l'appelant pour 1 $;

e)           le seul moment où Brian Whitehorn participait aux activités de la payeuse était lors des réunions annuelles dans le cadre desquelles les discussions étaient axées sur les changements d'adresse de la payeuse et des administrateurs;

f)            Brian Whitehorn n'était pas informé des décisions qui pouvaient avoir une incidence sur la direction de l'entreprise ou des activités de la payeuse et l'on ne le consultait pas non plus à ce sujet;

g)           l'appelant et Don Barry prenaient toutes les décisions en ce qui concerne la payeuse;

h)           l'appelant et Don Barry se sont présentés à l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) comme les actionnaires détenant chacun 50% des actions de la payeuse;

i)            la payeuse offrait un service de maîtrise de la végétation en milieu industriel et la plupart des contrats étaient conclus avec le gouvernement provincial et des compagnies de services publics;

j)            en plus de la gestion de la maîtrise de la végétation en milieu industriel, la payeuse exploitait également un certain nombre de filiales dont Nutri Lawn (entretien des gazons), Weed Free Lawn (entretien des gazons, travaux d'entreprise générale et aménagement paysager) et Pioneer Pest Control (services de lutte antiparasitaire);

k)           l'appelant a été engagé afin de superviser les contrats obtenus par la payeuse qui se rapportaient à l'entretien des gazons, à la pulvérisation d'herbicide et à la gestion de la végétation ainsi qu'à la gestion du travail sur le terrain et à la supervision des autres travailleurs;

l)            l'appelant a continué de remplir ses fonctions pour la payeuse pendant les périodes où son nom ne figurait pas sur la feuille de paye;

m)          l'appelant contrôlait son propre emploi et il décidait du moment où il serait payé pour ses services et où il ne le serait pas;

n)           l'appelant et la payeuse n'ont pas conclu de contrat de louage de services.

[4]            Les hypothèses 5a) et b) sont vraies. L'hypothèse 5k) n'a pas été réfutée par la preuve.

[5]            Les hypothèses 5e), f) et g) ne sont pas correctes. Selon la preuve, les actionnaires originaux de Nfld. Vegetation Control Ltd. (la « payeuse » ) ont continué de détenir le même pourcentage d'actions jusqu'en avril 1997. Brian Whitehorn en possédait 30 p. 100, Donald Barry, 35 p. 100 et l'appelant, 35 p. 100. M. Barry et l'appelant étaient employés par la payeuse depuis le début. M. Whitehorn avait un bon emploi et prévoyait être employé par la compagnie, mais il ne l'a jamais été. Toutefois, les administrateurs tenaient des réunions informelles trois à six fois par année et M. Whitehorn y a participé pendant qu'il a été administrateur. Il y a eu une période au cours de laquelle l'appelant a été l'unique administrateur de la payeuse. À d'autres moments, il y a eu également d'autres administrateurs. Toutefois, M. Whitehorn, M. Barry et l'appelant, lorsqu'ils furent administrateurs, ont pris ensemble les décisions qui touchaient la direction de l'entreprise de la payeuse ou ses activités. Par conséquent, les hypothèses 5e), f) et g) sont erronées.

[6]            L'hypothèse 5h) est erronée. L'appelant et Donald ne se sont pas présentés ainsi. L'appelant a indiqué dans son témoignage qu'il n'a pas reconnu la pièce A-R 1, vol. 1, onglet 26. Elle est datée du 15 février 1996.

[7]            Les hypothèses 5i), j), k) et l) sont correctes.

[8]            Pour ce qui est de l'hypothèse 5l), l'appelant a rempli des fonctions administratives pour la payeuse, dont la signature de chèques, lorsque son nom ne figurait pas sur la feuille de paye. Il a également continué d'essayer un pulvérisateur pour les plantes que la payeuse fabriquait pendant la période au cours de laquelle son nom ne figurait pas sur la feuille de paye.

[9]            L'hypothèse 5m) n'est pas correcte. La Cour accepte le témoignage de l'appelant selon lequel lui-même, ainsi que MM. Barry et Whitehorn, contrôlaient son emploi et, qu'ensemble, ils décidaient du moment où il serait payé pour ses services et de celui où il ne le serait pas. La payeuse exploitait une entreprise de maîtrise de la végétation qui n'en était qu'à ses débuts et qui était, et est encore, une exploitation saisonnière. Toutefois, la payeuse disposait toujours de personnel administratif composé, à tout le moins, d'un comptable et de M. Barry.

[10]          L'hypothèse 5h) fait l'objet du litige.

[11]          La payeuse semble avoir exploité officieusement une entreprise à Terre-Neuve et au Labrador qui a crû rapidement. Il s'agissait essentiellement d'une entreprise de maîtrise de la végétation autour de sites industriels, dont les corridors de transport d'énergie, les secteurs industriels, les exploitations pétrolières et les sites gouvernementaux. Au début de 1997, l'appelant a découvert que M. Barry avait fait un mauvais usage d'un montant d'environ 79 000 $. Le 2 avril 1997, M. Whitehorn a transféré ses actions à l'appelant pour 1 $ et, vers le 7 avril 1997, M. Barry a transféré ses actions à l'appelant pour 75 000 $ et la moitié d'une part dans un édifice. Une partie de l'argumentation de l'intimé repose sur le fait que cela établit que M. Whitehorn était simplement un actionnaire symbolique. Toutefois, selon l'ensemble de la preuve, la Cour conclut que M. Whitehorn était l'actionnaire reconnu en droit de 30 p. 100 des actions qui a simplement quitté la payeuse pendant que cette dernière éprouvait des difficultés en 1997. (Il est évident que les trois hommes basaient leur valeur sur leur propre « apport de compétences » et que M. Whitehorn n'avait pas encore fourni toutes les compétences que la payeuse était en droit d'attendre de lui.) M. Wellman souhaitait que M. Barry quitte ce qui était devenu une bonne entreprise, à tout prix, parce qu'il ne pouvait plus lui faire confiance et qu'il tenait les cordons de la bourse de la payeuse.

[12]          La théorie de l'intimé selon laquelle l'appelant contrôlait la payeuse et en était l'âme dirigeante est réfutée par la preuve qui indique que M. Barry a pu détourner plus de 79 000 $ de la payeuse en 1997 et celle qui indique que, en outre, l'appelant lui a versé un autre montant de 75 000 $ ainsi qu'une part dans un édifice pour que M. Barry lui vende ses actions en avril 1997. Si l'appelant avait exercé le contrôle envisagé par l'intimé, rien de tout cela ne se serait produit. Enfin, il convient de noter que tout cela est survenu après la « période » en 1995.

[13]          D'un autre côté, la plupart des employés ne rempliraient pas de fonctions au nom de la payeuse pendant leur période de mise à pied. L'appelant l'a fait, comme il est précisé au paragraphe [8] des présentes.

[14]          Si l'on se penche sur les critères examinés par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), en 1995, l'appelant possédait 35 p. 100 de la payeuse et ne la contrôlait pas. Au contraire, la payeuse contrôlait le travail de l'appelant et des autres employés. La payeuse possédait les instruments de travail. Les bénéfices et les pertes étaient ceux de la payeuse. Le travail de l'appelant était intégré aux activités de la payeuse. En fait et en droit, l'entreprise de la payeuse était celle de la payeuse et non celle de l'appelant.

[15]          En particulier, le travail de l'appelant se faisait à l'extérieur de l'établissement de la payeuse, alors que celui de M. Barry s'effectuait à l'intérieur, soit la comptabilité, les finances et l'administration. L'appelant supervisait les employés et les entrepreneurs de la payeuse travaillant sur le terrain à Terre-Neuve et au Labrador. Il était l'employé en chef de la payeuse qui supervisait les achats et les applications d'herbicide et il donnait des directives aux travailleurs sur le terrain. Lui-même et M. Barry ont obtenu des contrats pour la payeuse dans le cadre de leur emploi. Les renouvellements de contrat étaient effectués au bureau et M. Barry, ou le comptable du bureau, donnait des indications à l'appelant à leur sujet. La payeuse embauchait des travailleurs à la tâche, à l'hectare, selon le travail devant être effectué ou sur une base horaire ou mensuelle. Pendant chaque année entre 1995 et 1997, elle a embauché 100 travailleurs. Maintenant, elle embauche environ 200 travailleurs par année. Le travail était en grande partie saisonnier, à l'exception de l'administration, mais la payeuse fonctionne dorénavant presque toute l'année. Elle effectue désormais l'entretien domestique de gazons ainsi que l'entretien industriel qu'elle effectuait à ses débuts.

[16]          L'appelant n'est pas son unique actionnaire. Il possède environ 69 p. 100 de la payeuse en ce moment. Il est un décrocheur, et son expérience de travail n'est pas liée à l'administration ou à la comptabilité. La Cour accepte son témoignage selon lequel, en particulier en 1995 et en 1997, il ne connaissait pas bien les finances, les contrats d'achat-vente ou les questions commerciales. Il affirme qu'il se fondait sur les autres, dont M. Barry et ses avocats, qu'il a signé des contrats en faisant confiance à l'autre partie et qu'il a signé des chèques en blanc. Je le crois, en partie pour ce qui précède, en partie parce que c'est pour cette raison que la payeuse a embauché d'autres personnes et en partie parce qu'il est de toute évidence une personne travaillant à l'extérieur qui a, avec d'autres, contribué à faire de la payeuse un succès et il n'avait simplement pas assez de temps pour tout faire ou pour tout faire lui-même.

[17]          Toutefois, un employé très ordinaire qui souhaitait progresser au sein d'une petite société en croissance et qui s'intéressait à la machinerie pouvait très bien se présenter au bureau pendant ses congés ou pendant sa période de mise à pied et signer quelque chose ou effectuer plus de travail sur une machine qui est à un stade expérimental, en particulier s'il n'avait pas beaucoup d'argent pendant ses congés, ce qui était le cas de l'appelant, puisque son salaire avant retenues était de 850 $ par semaine en 1995.

[18]          En outre, s'il avait effectué beaucoup de travail administratif, il aurait peut-être eu connaissance des détournements de fonds de M. Barry avant 1997. Le fait qu'il n'en avait pas connaissance indique qu'il signait, comme il l'a déclaré dans le cadre de son témoignage, des chèques en blanc et qu'il n'effectuait pas de véritable travail administratif pendant ses congés.

[19]          Compte tenu de ces conclusions, l'appelant occupait du 22 mai au 15 décembre 1995 un emploi assurable en vertu d'un contrat de louage de services conclu avec la payeuse. L'appel est accueilli.

                Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juillet 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour d'avril 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1220(EI)

ENTRE :

HOWARD WELLMAN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 13 juillet 2001 à St. John's (Terre-Neuve) par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :                            Me Kelly Smith Wayland

JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre est infirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.


          Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juillet 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'avril 2002.

Mario Lagacé, réviseur

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