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Date: 19980519

Dossier: 97-1106-UI,

97-124-CPP

ENTRE :

FRONTIER BUSINESS CENTRE LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

(Rendus à l'audience à Saskatoon (Saskatchewan) le 2 avril 1998.)

Le juge Bowman, C.C.I.

[1]            Les présents appels, interjetés en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage (l'actuelle Loi sur l'assurance-emploi) et du Régime de pensions du Canada, portent sur la question de savoir si les vendeurs à commission Ronald Bussiere et Henry Krahn travaillaient pour l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services, ce qui signifierait qu'ils exerçaient un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada.

[2]            Dans la réponse à l'avis d'appel, on parle des « travailleurs » pour désigner MM. Bussiere et Krahn, et nous utilisons parfois ce terme nous aussi pour les désigner dans les présentes.

[3]            Au cours de la période en cause, c'est-à-dire 1995, l'appelante exploitait une entreprise à titre d'agent d'assurance et une entreprise de vente d'équipement agricole neuf et d'occasion.

[4]            MM. Bussiere et Krahn ont été embauchés comme vendeurs d'équipement agricole neuf et d'occasion.

[5]            Ils n'avaient pas d'horaire fixe et travaillaient depuis leur domicile. On les avait dissuadés de se rendre au bureau, sauf pour faire état de ventes ou pour aller chercher de l'équipement afin de l'exposer ou de le livrer aux acheteurs. Cela est attribuable au fait que le président de l'appelante, M. Lalonde, voulait effectuer lui-même le travail de vente au bureau et éviter ainsi de payer une commission à cet égard.

[6]                 L'appelante appartenait à Robert Lalonde et à Raymond Bussiere, cousin de Ronald Bussiere.

[7]            Les travailleurs n'avaient pas de territoire défini et ont fait peu de cas de la suggestion en ce sens faite par M. Lalonde pour éviter les chevauchements. En général, les travailleurs réglaient les problèmes de ce genre entre eux. M. Krahn, qui était retraité, a gagné 9 000 $ environ en 1995. Il vendait surtout au sein de la collectivité mennonite, à laquelle il était lié. M. Bussiere était plus dynamique, et son revenu de commissions en 1995 s'est établi à quelque 56 000 $.

[8]            Les travailleurs recevaient une commission égale à 30 % du bénéfice net tiré de la vente d'équipement. Ils n'étaient pas tenus d'effectuer des ventes ni d'atteindre des objectifs de vente déterminés. S'ils voulaient prendre congé, ils le faisaient, et ils n'étaient pas payés à ce titre. Ils acquittaient leurs propres dépenses, dont il était tenu compte lors du versement des commissions, selon le principe qu'ils assumaient 30 % des dépenses et l'appelante, 70 %.

[9]            Même s'ils ne l'ont pas fait et qu'ils en auraient été dissuadés, ils pouvaient vendre d'autres produits s'ils le désiraient.

[10]          Ils payaient les frais relatifs aux téléphones cellulaires dont ils se servaient. M. Bussiere a déclaré qu'il avait un bureau à son domicile, qu'il en acquittait lui-même les frais et qu'il déduisait ces derniers dans le calcul de son revenu. On ne lui remboursait pas ces frais. Il payait aussi ses dépenses de publicité. Les travailleurs pouvaient embaucher des assistants. L'appelante ne leur donnait pas de directives, mais elle pouvait parfois leur fournir des pistes.

[11]                 M. Krahn utilisait sa propre automobile; M. Bussiere se servait du camion de la société, qui utilisait en retour le camion de M. Bussiere. Les deux travailleurs pouvaient utiliser le camion de la société s'ils en avaient besoin pour faire des livraisons. Ils déterminaient eux-mêmes leur horaire et décidaient où et quand ils travaillaient. Ils n'avaient pas à recevoir l'approbation de l'appelante s'ils voulaient prendre congé.

[12]          M. Krahn adhérait au régime d'assurance-médicaments et d'assurance-santé de la société, mais pas M. Bussiere. Ils ne consignaient pas leurs heures de travail. Ils pouvaient à leur guise embaucher d'autres personnes, dont la rétribution leur incombait, et ils pouvaient aussi choisir les ventes dont ils allaient s'occuper. Ils avaient une certaine latitude pour fixer le prix de vente de l'équipement et pour établir le montant à déduire de la facture lors des ventes avec reprise.

[13]          Me fondant sur le témoignage de M. Lalonde et de M. Bussiere ainsi que sur le questionnaire rempli par M. Lalonde et déposé en preuve par l'avocat de l'intimé, je conclus sans la moindre hésitation que MM. Bussiere et Krahn étaient des vendeurs indépendants, et qu'ils ne travaillaient pas aux termes d'un contrat de louage de services.

[14]                 L'examen des quatre volets du critère énoncé dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd., soit le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte, et l'intégration, étaye nettement cette conclusion. Aucun contrôle n'était exercé : les travailleurs décidaient à leur guise de leurs allées et venues, ne faisaient l'objet d'aucune supervision et déterminaient leur horaire de travail et leur territoire. Ils n'étaient pas intégrés à l'entreprise, même s'ils contribuaient sans doute à sa rentabilité générale, de la même manière que n'importe quel entrepreneur fournissant des services à la société. Pour l'essentiel, ils fournissaient leurs propres instruments de travail, entre autres les véhicules automobiles et les téléphones cellulaires, malgré le fait qu'ils pouvaient parfois utiliser le camion de la société pour livrer de l'équipement. Il existait manifestement des chances de bénéfice - plus ils vendaient, plus ils gagnaient - et des risques de perte - s'ils ne vendaient rien, ils ne gagnaient rien, sans compter la perte attribuable à leurs dépenses courantes, au titre notamment du téléphone cellulaire et du bureau à domicile.

[15]          L'arrêt Wiebe Door étaie la thèse selon laquelle il convient de tenir compte de tous les facteurs. Aucun facteur unique n'est forcément déterminant, et il faut attribuer à chacun l'importance qui lui revient dans le contexte de l'affaire. En l'espèce, tous les facteurs pertinents nous amènent à conclure que MM. Bussiere et Krahn n'étaient pas des employés et ne travaillaient pas aux termes d'un contrat de louage de services.

[16]          En conséquence, les appels sont admis et les décisions du ministre du Revenu national sont infirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mai 1998.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 1er jour de mai 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-1106(UI)

97-124(CPP)

ENTRE :

FRONTIER BUSINESS CENTRE LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus les 1er et 2 avril 1998 à Saskatoon (Saskatchewan) par

l'honorable juge D. G. H. Bowman

Comparutions

Représentant de l'appelante :           Robert Lalonde

Avocat de l'intimé :                 Me Marvin Luther

JUGEMENT

          Les appels sont admis et les décisions du ministre du Revenu national sont infirmées conformément à la transcription des motifs du jugement ci-jointe.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mai 1998.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mai 2002.

Mario Lagacé, réviseur

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