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Date: 20020322

Dossier: 2000-5127-GST-I

ENTRE :

GINETTE V. PAQUET,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

P. R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) dont l'avis est en date du 27 juillet 1999 et porte le numéro PACT-0217055 pour la période du 1er juin 1995 au 31 décembre 1997.

[2]            La cotisation porte sur un montant de taxe sur les produits et services ( « TPS » ) de 4 789,07 $ qui n'aurait pas été perçu et remis à l'égard de fournitures taxables ainsi que sur un montant de 6 479,17 $ à titre de crédits sur intrants ( « CTI » ) qui auraient été réclamés sans droit à l'égard de fournitures exonérées, soit un total de 11 268,24 $. Des pénalités au montant de 1 874,36 $ ainsi que des intérêts au montant de 1 334,82 $ ont également été cotisés.

[3]            Aux fins de cette cotisation, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a tenu pour acquis les hypothèses de fait et les conclusions énoncées aux alinéas 19 a) à i) de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent :

19.            En cotisant l'appelante, le Ministre s'est fondé sur les conclusions et les hypothèses de faits suivantes :

a)              l'appelante est inscrite aux fins de l'application de la TPS;

b)             l'appelante a fait l'objet d'une vérification pour les fins de l'application de la Loi sur la taxe d'accise;

c)              au cours de la période du 1er juin 1995 au 31 décembre 1997, l'appelante exploitait une entreprise de services de traiteur;

d)             lors de cette vérification, il fut constaté que les fournitures effectuées aux personnes et/ou aux entreprises oeuvrant dans le domaine de service de garde dans les écoles n'étaient pas taxées par l'appelante;

e)              devant cet état de fait, le représentant de l'intimé a procédé à l'examen de la fourniture effectuée aux personnes et/ou aux entreprises mentionnées au sous-paragraphe d);

f)              l'étude des documents disponibles dont notamment les factures émises a révélé les faits suivants, à savoir :

-                la contrepartie payée par le client est établie selon le nombre de personnes ou le nombre de portions;

-                les repas sont préparés selon les spécifications du client;

-                les repas sont livrés à l'endroit désigné par le client;

-                l'appelante est connue (publicité) comme étant un traiteur;

g)             suite à des discussions avec l'appelante et tenant compte des faits susmentionnés, le représentant de l'intimée a déterminé que la fourniture effectuée aux personnes et/ou aux entreprises auxquelles fait référence le sous-paragraphe d) était un service de traiteur dont la fourniture était exonérée;

h)             suite à l'analyse des données inscrites aux registres comptables, le représentant de l'intimée a procédé à la détermination des taxes qui auraient dû être perçues ainsi que des CTI qui auraient dû être réclamés, le tout plus amplement détaillé à l'annexe ci-jointe;

i)               le représentant de l'intimée a ainsi constaté que la TPS au montant de 4 789,07 $ n'avait pas été remise par l'appelante et que des CTI de l'ordre de 6 479,17 $ avaient été réclamés par l'appelante sans droit s'agissant de CTI réclamés à l'égard de fournitures exonérées, le tout tel qu'il appert au tableau ci-après:

PÉRIODE

MOTIF (S)

MONTANT

95-06-01 au 95-12-31

TPS non perçue.

1 732,47 $

CTI réclamés sur achats relatifs à la production de fournitures exonérées.

1 313,13 $

96-01-01 au 96-12-31

TPS non perçues.

1 061,68 $

CTI réclamés sur achats relatifs à la production de fournitures exonérées.

3 310,74 $

97-01-01 au 97-12-31

TPS non perçues.

1 994,92 $

CTI réclamés sur achats relatifs à la production de fournitures exonérées.

1 855,30 $

ANNEXE

CALCUL DES TAXES À REMETTRE

01-01-98 au 30-09-98

01-01-97 au 31-12-97

01-01-96 au 31-12-96

01-09-94 au 31-12-95

TOTAL ÉCARTS

TVQ ET TPS

VENTES TOTALES

147 262 $

206 693 $

208 095 $

326 813 $

VENTES ÉCOLES PRIM. (EXO.)

62 514,45 $

114 714,85 $

140 013,53 $

163 022,27 $

VENTES ANAPHARM (TAX.)

28 337,57 $

- $

- $

- $

AUTRES VENTES (TAX.)

56 409,98 $

91 978,15 $

68 081,47 $

163 790,73 $

TOTAL DES VENTES TAX.

84 747,55 $

91 978,15 $

68 081,47 $

163 790,73 $

TPS CALCULÉE (VTES*7%)

5 932,33 $

6 438,47 $

4 765,70 $

11 465,35 $

TPS DÉCLARÉE

2 923,11 $

4 443,55 $

3 704,02 $

7 505,42 $

ÉCART TPS

3 009,22 $

1 994,92 $

1 061,68 $

3 959,93 $

10 025,75 $

% DES VENTES TAXABLES

58%

44%

33%

50%

TVQ CALCUL. (VTES* 1,07*0,075)

6 800,99 $

TVQ CALCUL. (VTES*1,07*0,065)

6 397,08 $

4 735,07 $

11 391,65 $

TVQ DÉCLARÉE

3 210,21 $

4 415,01 $

3 669,52 $

6 095,81 $

ÉCART TVQ

3 590,78 $

1 982,07 $

1 065,55 $

*4 633,86 $

11 272,26 $

21 298,01 $

CALCUL DES INTRANTS CORRIGÉS

01-01-98 au 30-09-98

01-01-97 au 31-12-97

01-01-96 au 31-12-96

01-09-94 au 31-12-95

TOTAL DES CTI ET RTI REFUSÉS

% DES VENTES EXONÉRÉES

42%

56%

67%

50%

CTI RÉCLAMÉS À 100%

2 791,62 $

3 313,03 $

4 941,40 $

6 002,88 $

CTI À COUPER SELON % EXON.

1 172,48 $

1 885,30 $

3 310,74 $

3 001,44 $

9 339,96 $

CTI ACCORDÉS

1 619,14 $

1 457,73 $

1 630,66 $

3 001,44 $

RTI RÉCLAMÉS À 100%

3 009,70 $

3 290,38 $

4 844,89 $

3 766,14 $

RTI À COUPER SELON % EXON.

1 264,07 $

1 842,61 $

3 246,08 $

*1 647,69 $

8 000,45 $

RTI ACCORDÉS

1 745,63 $

1 447,77 $

1 598,81 $

1 883,07 $

17 340,41 $

PÉR. 1-9-94 AU 31-12-95:

Période prescrite selon rapports de tvq. (sept. et oct. 94) :

Ajustement écart tvq *                                        écart trouvé                            5 295,84 $

                                                                                $ prescrit                                 661,98 $ (x 2/16 mois)

                                                                                écart tvq ajusté                      4 633,86 $ au lieu de 5 295,84 $

Ajustement rti à couper *                                   rti à couper                             1 883,07 $

                                                                                $ prescrit                                 235,38 $ (x 2/16 mois)

                                                                                rti à couper aj.                        1 647,69 $ au lieu de 1 883,07 $

[4]            Bien que l'annexe à la Réponse à l'avis d'appel reproduite ci-dessus présente les chiffres pertinents aux périodes s'échelonnant du 1er septembre 1994 au 30 septembre 1998, la cotisation en litige dans le présent dossier ne porte que sur la période du 1er juin 1995 au 31 décembre 1997.

[5]            Les alinéas 19 c), f), g), h) et i) ont été niés par le représentant de l'appelante. Toutefois, celui-ci n'a appelé personne à témoigner.

[6]            Mesdames Constance Roussos, Sylvie Desjardins, Gina Boudreau et Esther Guérin ont témoigné pour l'intimée. Ces personnes, ont, à un titre ou un autre, fait affaire avec l'appelante pour le service de repas chauds offert aux élèves dans différentes écoles primaires et secondaires. Monsieur Yvon Bourque et madame France Blouin du ministère du Revenu du Québec ont également témoigné pour l'intimée.

[7]            Madame Constance Roussos est responsable du service de garde à l'école Fernand-Séguin, école de niveau primaire de la Commission scolaire Les Découvreurs. Madame Roussos s'est décrite comme l'intermédiaire entre le Comité des parents pour les repas chauds et le traiteur, Ginette V. Paquet, l'appelante dans le présent dossier. À l'aide des factures (pièce I-1), madame Roussos a expliqué que suite à une entente avec le traiteur, les parents des élèves étaient appelés à choisir, selon le menu offert par le traiteur pour chaque jour de la semaine, le nombre de repas chauds qu'ils désiraient pour leur(s) enfant(s) à chaque semaine. Les repas étaient à prix fixe selon l'entente préalable. Le prix par repas comprenait la vaisselle et le service (pièces I-2 et I-3). Les parents faisaient leur paiement au Comité en fonction du nombre de repas commandés. Une fois que la compilation du nombre de repas désirés pour chaque jour de la semaine était faite, l'information était transmise au traiteur. Le préposé du traiteur qui livrait les repas faisait aussi le service aux élèves. Il y avait un réfrigérateur et une cuisinière dont cette personne pouvait se servir. Le traiteur envoyait une facture à toutes les deux semaines et était payé par chèque portant la signature de deux membres du Comité.

[8]            En somme, c'est le Comité des parents pour les repas chauds qui gérait le tout et madame Roussos se chargeait simplement d'acheminer les documents et les chèques entre le comité et le traiteur. Selon elle, le conseil d'établissement de l'école ou préalablement, le comité des parents utilisateurs, avait un droit de veto sur l'entente avec le traiteur, par exemple, si le prix était trop élevé.

[9]            Madame Sylvie Desjardins a oeuvré comme bénévole à titre de membre du Comité de parents de l'école Les Sources, une école offrant ses services de la maternelle à la 4ième année du primaire. Madame Desjardins a expliqué le fonctionnement du système de repas chauds pour les étudiants, système qui est à peu près le même que celui décrit précédemment. Dans ce cas, c'était au nom du Comité des parents que madame Desjardins s'occupait d'encaisser leurs chèques, de faire la commande au traiteur et de payer celui-ci (voir pièce I-5). L'école ne possédait pas véritablement de cafétéria mais un local dans lequel il y avait un réfrigérateur et une cuisinière. Les repas étaient livrés dans des bacs avec réchauds et étaient servis aux étudiants par la personne qui faisait la livraison. Les repas étaient consommés, soit dans les classes, soit dans un local servant aux réunions.

[10]          À l'époque pertinente, madame Gina Boudreau était responsable du Service de garde à l'école St-Claude, une école primaire offrant ses services de la maternelle à la 6ième année. Dans son témoignage, elle a fait état de l'entente entre le service de garde et le traiteur, Ginette V. Paquet. Le fonctionnement était sensiblement le même que celui décrit précédemment. Les parents choisissaient le nombre de repas qu'ils désiraient pour les enfants en remplissant un formulaire à cet effet. Ils payaient le montant requis au Service de garde. La facture du traiteur était envoyée à madame Boudreau, qui la remettait à l'école. L'école faisait parvenir la facture à la Commission scolaire qui émettait le chèque à l'ordre du traiteur (voir pièces I-6 et I-7). Le tout était autorisé par le directeur de l'école. L'école ne possédait pas de cafétéria mais un local dans lequel il y avait un four à micro-ondes permettant de réchauffer les plats. À cette école, le service des repas livrés par le traiteur était fait par les éducateurs et les éducatrices.

[11]          Madame Esther Guérin était responsable des activités à l'école des Grandes Marées à Cap-Rouge. C'est à ce titre qu'il a fait affaire avec l'appelante de 1995 à 1997 pour le service des repas chauds du midi aux élèves de l'école. La façon de procéder avec le traiteur était la même que dans les autres cas. Les parents choisissaient selon les menus proposés par le traiteur le nombre de repas désirés pour leur(s) enfant(s). Ils payaient par chèque. Le traiteur livrait le nombre de repas commandés à chaque jour, envoyait la facture à l'école à chaque semaine ou aux deux semaines et l'école lui émettait un chèque pour le montant de la facture (voir pièces I-8 et I-9). L'école possède une cafétéria complètement équipée. Les repas livrés en vrac par le traiteur dans des bacs ou chaudrons étaient servis et consommés dans cette cafétéria. Le service était effectué par deux employés de l'école.

[12]          Monsieur Yvon Bourque, technicien en vérification fiscale a expliqué qu'il avait considéré la fourniture des repas dans les écoles primaires et secondaires comme des fournitures exonérées et non des fournitures détaxées comme l'appelante les avait traitées. En conséquence, les CTI ont été refusés en rapport avec ces fournitures exonérées. En l'absence des documents nécessaires pour établir le montant exact des CTI auxquels l'appelante avait droit en relation avec ses fournitures taxables, monsieur Bourque a procédé avec les chiffres fournis par l'appelante dans ses états financiers et a refusé les CTI dans la proportion des ventes exonérées par rapport aux ventes totales de l'entreprise pour les années 1997, 1996 et 1995. Pour 1995, monsieur Bourque a établi un prorata pour les sept mois de l'année qui n'étaient pas prescrits, soit du 1er juin au 31 décembre 1995. Essentiellement, l'appelante fut considérée comme traiteur, titre sous lequel elle faisait d'ailleurs sa publicité (voir pièce I-11). Les ventes de repas dans les écoles primaires et secondaires furent considérées comme des fournitures exonérées et non des fournitures détaxées.

[13]          Contre-interrogé par le représentant de l'appelante, monsieur Bourque a admis qu'on lui avait aussi soumis qu'il y avait eu également des ventes en vrac de garniture pour sandwich à certains magasins Provigo ainsi que des ventes à différents ministères gouvernementaux. Toutefois, il a affirmé n'avoir jamais été en possession des documents concernant ces fournitures. Monsieur Bourque a admis avoir eu une première rencontre avec le représentant de l'appelante en janvier 1999, puis une seconde à laquelle était présente une certaine dame Mailloux, une fiscaliste représentant l'appelante ainsi que deux fiscalistes du ministère. Il aurait été question d'obtenir une interprétation technique sur la qualification exacte des ventes aux écoles. Finalement, aucune interprétation ne fut demandée et monsieur Bourque procéda à la cotisation, vu que le délai de prescription de quatre ans était déjà écoulé en rapport avec une partie de l'année 1995. Monsieur Bourque a affirmé n'avoir reçu aucun document nouveau entre le projet de cotisation et la cotisation elle-même dont l'avis est daté du 27 juillet 1999.

[14]          Il est à noter que le représentant de l'appelante a voulu soumettre en preuve certains certificats d'exonération fiscale du gouvernement du Québec. J'ai refusé d'admettre ces documents au motif qu'ils ne contenaient aucune information permettant de déterminer à quelles ventes ils pouvaient s'appliquer. L'un de ces documents portait une date en 1998, soit après la période de cotisation en litige. Les autres n'étaient même pas datés. De plus, le représentant de l'appelante n'a fourni aucune facture relativement à des ventes, à des ministères ou organismes gouvernementaux.

[15]          En réalité, le représentant de l'appelante soutient qu'il a soumis un grand nombre de documents à monsieur Bourque dont celui-ci a fait des photocopies et que parmi ces documents se trouvaient ceux relatifs à des ventes de produits en vrac à certains magasins Provigo ainsi qu'à des ventes à plusieurs ministères du gouvernement du Québec, ce que nie monsieur Bourque. De plus, ce dernier justifie également l'utilisation d'un prorata pour établir les CTI auxquels l'appelante avait droit par l'absence de factures concernant les dépenses de l'entreprise.

[16]          Le représentant de l'appelante qui a accusé ni plus ni moins monsieur Bourque de n'avoir pas considéré tous les documents soumis dont il avait fait des photocopies, a lui-même affirmé que son épouse avait détruit tous les originaux des documents demeurés en sa possession tellement elle était excédée par ses problèmes avec le fisc.

[17]          Madame France Blouin, agent d'opposition au ministère du Revenu du Québec a aussi témoigné pour l'intimée. Madame Blouin a affirmé avoir eu des communications principalement avec madame Mailloux qui représentait l'appelante. Elle a confirmé qu'il avait été question de ventes de nourriture en vrac à Provigo de même que de ventes au gouvernement. Elle a affirmé avoir donné un délai d'un mois et demi à deux mois pour la production des factures pertinentes mais ne les a jamais reçues. Par ailleurs, les factures qu'elle a obtenues d'un collègue de la Division-impôt ne portent que sur des ventes taxables de buffets chauds ou froids à Provigo et diverses autres sociétés (pièce I-13). Madame Blouin a également affirmé qu'aucune facture n'a été produite concernant les dépenses en rapport avec les CTI.

[18]          L'avocat de l'intimée a d'abord rappelé l'obligation imposée par l'article 286 de la Loi de tenir des registres appropriés. Il a également souligné la nécessité de conserver les documents pertinents. Selon lui, en l'absence de tels documents, notamment les factures de dépenses, le Ministre n'avait d'autre choix que d'utiliser un prorata pour établir les CTI auxquels l'appelante avait droit, c'est-à-dire à l'égard des fournitures taxables dans le cadre de ses activités commerciales. L'avocat de l'intimée soutient que la fourniture par l'appelante de repas aux élèves des écoles primaires et secondaires est une fourniture exonérée spécifiquement visée à l'article 14 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi dans les termes suivants :

14.           Fourniture d'aliments ou de boissons aux termes d'un contrat — La fourniture d'aliments et de boissons, y compris les services de traiteur, effectuée au profit d'une administration scolaire, d'une université ou d'un collège public aux termes d'un contrat visant à offrir des aliments ou des boissons soit à des étudiants dans le cadre d'un régime visé à l'article 13, soit dans la cafétéria d'une école primaire ou secondaire principalement aux élèves de l'école, sauf dans la mesure où les aliments, les boissons et les services sont offerts dans le cadre d'une réception, d'une conférence ou d'un autre occasion ou événement spécial.

[19]          Selon l'avocat de l'intimée, le terme « cafétéria » n'est pas un terme technique et peut s'entendre de tout endroit utilisé pour servir et consommer de la nourriture. De plus, selon lui, l'appelante est un traiteur et s'identifie comme tel. Elle a fourni des repas aux termes d'un contrat au profit d'une administration scolaire visant à offrir des aliments principalement aux élèves d'écoles primaires ou secondaires. Selon l'avocat de l'intimée, l'article 14 est en réalité un complément de l'article 12 qui prévoit le cas où c'est l'administration scolaire elle-même qui se charge de fournir les repas. L'article 14, qui complète en quelque sorte cette disposition, prévoit le cas où la fourniture est effectuée par un tiers au terme d'un contrat au profit d'une administration scolaire.

[20]          L'avocat de l'intimée souligne également l'alinéa 1.o.5) de la Partie III de l'Annexe VI qui exclut des produits alimentaires de base qui constituent des fournitures détaxées « les aliments ou boissons vendus dans le cadre d'un contrat conclu avec un traiteur » .

[21]          De plus, selon lui, l'exception du sous-alinéa 1.q)(i) de la Partie III de l'Annexe VI n'est pas applicable en l'espèce puisque les aliments vendus par l'appelante dans les écoles peuvent être consommés immédiatement ou après avoir été simplement réchauffés. Le sous-alinéa 1.q)(i) de la Partie III de l'Annexe VI constitue une exception aux aliments et boissons mentionnés à l'alinéa 1.q), lesquels ne sont pas considérées des fournitures détaxées à titre de produits alimentaires de base. L'alinéa 1.q)(i) se lit ainsi :

                1.              Aliments et boissons destinés à la consommation humaine — La fourniture d'aliments et de boissons destinés à la consommation humaine (y compris les édulcorants, assaisonnements et autres ingrédients devant être mélangés à ces aliments et boissons ou être utilisés dans leur préparation), sauf les fournitures suivantes :

                [...]

q)             les aliments et boissons vendus dans un établissement où la totalité, ou presque, des ventes d'aliments et de boissons portent sur des aliments et boissons visés à l'un des alinéas a) à p), sauf si :

(i)             les aliments ou boissons sont vendus sous une forme qui n'en permet pas la consommation immédiate, compte tenu de la nature du produit, de la quantité vendue ou de son emballage,

[...]

[22]          Quant à la prétention du représentant de l'appelante selon laquelle la vente en vrac de garniture pour sandwich à certains magasins Provigo, de même que les ventes à différents ministères du gouvernement du Québec devraient lui donner droit à des CTI, l'avocat de l'intimée soutient que l'appelante n'a jamais soumis de factures concernant des ventes de fournitures détaxées à des magasins Provigo ou concernant des ventes pour lesquelles elle n'a pas perçu la taxe parce que la fourniture était au profit du gouvernement provincial.

[23]          Le représentant de l'appelante soutient pour sa part que la nourriture pour les repas dans les écoles est préparée au poids et est livrée en vrac dans les écoles, soit dans des bacs ou des chaudrons. Selon lui, cette nourriture ne peut être consommée immédiatement puisque les aliments sont froids et qu'il faut les réchauffer. Il fait également valoir que dans la majorité des cas, le service des repas dans les écoles est effectué par les animateurs ou les animatrices. Le représentant de l'appelante soutient donc que la vente des repas dans les écoles est une fourniture détaxée en vertu du sous-alinéa 1.q)(i) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi sauf en ce qui concerne la vente des assiettes et ustensiles jetables, laquelle constitue une fourniture taxable.

[24]          Le représentant de l'appelante souligne aussi le fait que les repas pour les élèves sont en réalité vendus à des comités de parents et non à l'école même, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une fourniture exonérée comme le prétend l'avocat de l'intimée.

[25]          En ce qui concerne les ventes de produits en vrac sous forme de garniture pour sandwich aux magasins Provigo, le représentant de l'appelante considère également qu'il s'agit de fournitures détaxées et il soutient que toutes les factures demandées ont été soumises aux autorités bien que les représentants du Ministre qui ont témoigné aient affirmé le contraire. Il en est de même en ce qui concerne les fournitures aux différents ministères du gouvernement du Québec à l'égard desquelles la taxe n'a pas été perçue.

Analyse

[26]          L'appelante exerce une activité commerciale de traiteur et s'identifie d'ailleurs comme tel, tant dans le bottin téléphonique (pièce I-11) que sur les ententes qu'elle signe et les factures qu'elle émet (pièces I-1 à I-9). Le mot traiteur n'est pas défini au paragraphe 123(1) de la Loi. Toutefois, Le Petit Robert lui donne le sens moderne suivant :

                Celui qui prépare des repas, des plats à emporter et à consommer chez soi.

[27]          Dans l'Énoncé de politique P-224 (4 janvier 1999) portant sur l'expression « Service de traiteur » certaines lignes directrices sont énoncées indiquant que des services de traiteur sont fournis. Ce sont les suivantes :

•                Les aliments ou boissons sont transformés ou arrangés selon les spécifications du client une fois que la commande est passée. Lorsque les aliments ou les boissons sont fournis au client, ils peuvent être consommés soit immédiatement, soit après avoir été réchauffés.

•                La contrepartie payée par le client est établie selon le nombre de personnes ou le nombre de portions.

•                Les aliments ou boissons sont livrés au client ou en son nom.

•                Les aliments ou boissons sont fournis avec une partie ou avec l'ensemble des équipements nécessaires au service ou à la consommation des aliments ou boissons.

[28]          Les circonstances du présent dossier sont conformes à ces lignes directrices. L'appelante, selon l'entente négociée avec une administration scolaire primaire ou secondaire ou avec un Comité de parents d'une telle école vend des repas préparés selon le menu proposé pour chaque jour de la semaine. La fourniture des repas est effectuée pour un prix unitaire. Il ne s'agit pas là de la vente de nourriture en vrac. Les repas sont préparés par l'appelante et sont livrés aux écoles, prêts à être consommés par les élèves si ce n'est qu'ils doivent être réchauffés dans certains cas. Le fait qu'ils soient livrés dans des bacs ou des chaudrons contenant de multiples portions n'implique aucunement qu'ils ne peuvent être consommés immédiatement par les élèves puisque effectivement, ils le sont. Sinon, il faudrait conclure que les aliments vendus par un traiteur et livrés autrement qu'en portions individuelles ne sont pas des aliments vendus dans le cadre d'un contrat conclu avec un traiteur, ce qui est un non sens. Au point de départ donc, les repas vendus par l'appelante à l'unité et livrés au client doivent être considérés comme des aliments vendus dans le cadre d'un contrat conclu avec un traiteur. Ainsi, ils sont spécifiquement visés par l'alinéa 1.o.5) de la Partie III de l'Annexe VI et ne constituent pas des fournitures détaxées. À mon avis, l'exception du sous-alinéa 1.q)(i) qui ferait des repas préparés par l'appelante et livrés chaque jour dans les écoles des fournitures détaxées n'est tout simplement pas applicable en l'espèce. Les ententes pour la fourniture de repas pour les élèves avaient précisément pour but de permettre aux élèves de pouvoir consommer, de façon immédiate, à l'heure du lunch, des repas chauds préparés et livrés par l'appelante sous réserve qu'ils devaient être réchauffés dans certains cas.

[29]          Les repas vendus par l'appelante n'étant pas des fournitures détaxées, il reste à déterminer si elles constituent des fournitures exonérées. Cette qualification emporte comme conséquence que l'appelante ne peut réclamer des CTI relativement à de telles fournitures. L'article 14 de la Partie III de l'Annexe V vise précisément la fourniture d'aliments et de boissons, y compris les services de traiteur, au profit d'une administration scolaire, en vertu d'un contrat visant à offrir des aliments ou des boissons dans une cafétéria d'une école primaire ou secondaire principalement au profit des élèves, sauf dans les cas d'exception prévus. D'abord, il ne fait pas de doute que l'appelante a contracté, comme traiteur, pour la fourniture d'aliments devant être consommés principalement par des élèves d'une école primaire ou secondaire. Quant à la question de savoir si la fourniture d'aliments était effectuée dans la cafétéria d'une telle école primaire ou secondaire, il faut d'abord reconnaître que le mot « cafétéria » n'est pas défini. Certaines écoles possèdent un local ainsi désigné où l'on peut servir et consommer des aliments, d'autres n'en ont pas à proprement parler mais utilisent un autre local à cette fin, local qui peut aussi servir à d'autres activités. J'estime que dans la mesure où un local d'une école est utilisé pour servir et consommer des repas, il peut être désigné comme une cafétéria pour les fins de l'article 14.

[30]          Reste à savoir si l'appelante a contracté avec une administration scolaire pour la fourniture des repas aux élèves. Dans certains cas, la preuve démontre que c'est clairement le cas puisque le contrat ou l'entente était avec une personne en autorité dans l'école et que l'appelante était payée directement par l'école ou par la Commission scolaire. Dans d'autres cas, c'est avec un Comité de parents que l'appelante a signé une entente et la situation m'apparaît alors moins claire. Il n'a pas été démontré comment un Comité de parents bénévoles s'occupant des repas chauds pour les élèves pouvait être considéré comme représentant une administration scolaire ou comme faisant partie d'une telle administration. Dans la mesure où l'on estime que ce n'est pas le cas, l'exonération prévue à l'article 14 ne pourrait s'appliquer et la fourniture des repas par l'appelante dans ces cas devrait être considérée comme une fourniture taxable donnant droit à des CTI à moins que l'on ne puisse prétendre qu'une autre disposition visant les fournitures exonérées ne soit applicable tel l'article 12 de la Partie III de l'Annexe V. Selon l'avocat de l'intimée, l'article 12 couvre la situation où l'administration d'une école primaire ou secondaire effectue elle-même la fourniture d'aliments principalement au profit des élèves ce qui n'est pas le cas ici. Je me contenterai de noter simplement que l'article 12 ne précise aucunement l'identité de la personne qui doit effectuer la fourniture des aliments pour que celle-ci soit exonérée.

[31]          Le Ministre a cotisé l'appelante en tenant pour acquis que les fournitures de repas dans les circonstances décrites constituaient des fournitures exonérées en vertu de l'article 14 de la Partie III de l'Annexe V et non des fournitures détaxées en vertu du sous-alinéa 1.q)(i) de la Partie III de l'Annexe VI avec la conséquence qu'il a refusé à l'appelante les CTI réclamés en proportion de ces fournitures exonérées. Bien que l'on puisse douter que l'article 14 de la Partie III de l'Annexe V soit applicable à toutes les ventes de repas dans les écoles par l'appelante pour la raison mentionnée, ce traitement est nettement plus favorable que si le Ministre avait considéré une partie des ventes comme des fournitures taxables donnant droit à des CTI puisque la taxe nette à payer aurait alors été plus élevée que les CTI refusés. En effet, compte tenu du genre de fourniture, les CTI pouvant être réclamés auraient été assez limités puisque aucune taxe n'a été payée à l'égard des produits alimentaires de base utilisés et à l'égard de la main-d'oeuvre.

[32]          En tout état de cause, comme personne ne m'a fourni les détails nécessaires à une analyse plus poussée et comme je ne peux en arriver à une décision entraînant une augmentation de montant cotisé, j'estime inutile de poursuivre dans cette direction.

[33]          Quant à la question des ventes de produits en vrac à des magasins Provigo et à celle des ventes à différents ministères du gouvernement du Québec à l'égard desquelles l'appelante n'a pas perçu la TPS, aucun document soumis en preuve ne permet d'établir qu'il y a effectivement eu de telles ventes et, si tel est le cas, pour quel montant. Il n'est donc pas possible d'établir qu'il y a eu des ventes détaxées à des magasins Provigo et partant, que l'appelante aurait droit à des CTI en rapport avec ces ventes. Il en est de même pour les ventes qui auraient été faites à des ministères ou organismes gouvernementaux dont le traitement est équivalent à celui des fournitures détaxées aux fins des CTI. (Voir mémorandum sur la TPS 500-6-2, le 19 mars 1993, paragraphe 10).

[34]          En conséquence de ce qui précède, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2002.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2000-5127(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 GINETTE V. PAQUET

                                                                                                                et Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)                 

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 25 février 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                                      le 22 mars 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                                  Marcel Paquet

                                                                                               

Pour l'intimée :                                                       Me Michel Morel

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                                      

                                Étude :                                    

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

2000-5127(GST)I

ENTRE :

GINETTE V. PAQUET,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 25 février 2002 à Québec (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Représentant de l'appelante :                         Marcel Paquet

Avocat de l'intimée :                                     Me Michel Morel

JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise dont l'avis est daté du 27 juillet 1999 et porte le numéro PACT-0217055 couvrant la période du 1er juin 1995 au 31 décembre 1997 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2002.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.


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