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Date: 20001023

Dossiers: 1999-3627-EI,

1999-3957-EI,

ENTRE :

CLARENCE GODIN,

YVON GODIN

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

Intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1]            Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Bathurst (Nouveau-Brunswick), le 13 octobre 2000.

[2]            Les appelants interjettent appel des décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), datées du 27 mai 1999 selon lesquelles les emplois exercés au cours des périodes en cause, soit du 10 mars au 19 octobre 1997 et du 26 février au 16 octobre 1998 dans la cause d'Yvon Godin, et du 24 février au 14 novembre 1997 et du 13 février au 31 octobre 1998 dans la cause de Clarence Godin, chez N.Y.C. Construction Ltée, le payeur, sont exclus des emplois assurables au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, au motif qu'il existait un lien de dépendance entre eux et le payeur.

[3]            La Loi applicable se retrouve aux paragraphes 5(2) et 5(3) de la Loi sur l'assurance-emploi et à l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4]            Les paragraphes 5(2) et 5(3) de la Loi sur l'assurance-emploi se lisent en partie comme suit :

« (2) N'est pas un emploi assurable :

[...]

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i):

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. »

[5]            L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :

« Article 251 : Lien de dépendance.

(1)Pour l'application de la présente loi :

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

[...]

(2) Définition de lien « personnes liées » . Pour l'application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :

a)                   des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

b) une société et :

(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

(ii) une personne qui est membre d'un groupe lié qui contrôle la société,

(iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii);

[...] »

[6]            Le juge Décary de la Cour d'appel fédérale dans la cause Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. M.R.N., 178 N.R. 361, a clairement indiqué que lorsqu'il s'agit d'appliquer le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage (maintenant l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi), on doit se demander si la décision du Ministre « résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire » ; l'appelant doit dans un premier temps faire « la preuve d'un comportement capricieux ou arbitraire du Ministre, preuve qui n'est généralement pas chose facile » .

[7]            Dans la cause Sa Majesté la Reine et Bayside Drive-In Ltd. (1997) 218 N.R. 150, signée le 25 juillet 1997, le juge en chef Isaac de la Cour d'appel fédérale a déclaré :

« À la première étape de l'analyse, l'examen effectué par la Cour de l'impôt doit se limiter à s'assurer que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon légale. Si, et seulement si, le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon qui est contraire à la loi, la Cour de l'impôt pourra ensuite procéder à une analyse du bien-fondé de la décision. »

[8]            La Cour suprême du Canada dans la cause Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 aux pages 7 et 8 a déclaré ce qui suit :

« ...C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. ... »

[9]            Le Ministre s'est fondé, pour rendre ses décisions, sur les allégations de faits suivants dans l'appel de Clarence Godin :

« a) le payeur est une personne morale dûment incorporée dans la province du Nouveau-Brunswick depuis ou vers le 26 mai 1989 et dont les actionnaires sont les suivants :

Yvon Godin (frère de l'appelant) 33 %

Clarence Godin (l'appelant) 33 %

Nicholas Godin (père de l'appelant) 34 %

b) le payeur opère une entreprise de construction résidentielle et commerciale;

c) le payeur opère à l'année longue selon le travail disponible;

d)                    les tâches de l'appelant pour le payeur consistaient à faire les devis, à s'occuper des commandes, à recevoir les livraisons et à faire le travail de charpentier;

e)                    Yvon Godin, le frère de l'appelant, faisait à peu près les mêmes tâches et s'occupait en plus des livres du payeur;

f)                     le père de l'appelant a indiqué qu'il n'était pas activement impliqué dans la marche quotidienne du payeur;

(g)                  pour sont travail de charpentier, l'appelant recevait un salaire hebdomadaire de 750,00 $ pour 45 heures;

(h)                  l'appelant préparait les devis et cherchait des contrats pour le payeur sans recevoir de rémunération;

(i)                    pendant les périodes en litige, en plus de semaines de 45 heures, l'appelant était inscrit sur le registre de paye du payeur pour un montant de 133,28 $, pendant 8 semaines en 1997 et 5 semaines en 1998;

(j)                    les semaines mentionnées au sous-paragraphe i) indiquent 8 heures de travail, que l'appelant ait travaillé 1, 2, ou 3 jours pendant la semaine;

(k)                  à certaines périodes, des travaux furent accomplis sans que ni l'appelant ni un autre employé ne soit inscrit au registre de paye du payeur;

(l)                    le registre de paye du payeur ne reflète pas exactement quand l'appelant a travaillé pour le payeur;

(m)                 les heures de travail inscrites au registre de paye ne reflètent pas exactement le nombre d'heures actuellement travaillées par l'appelant;

(n)                  l'appelant et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu;

(o)                  l'appelant et le payeur ont entre eux un lien de dépendance;

(p)                  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l'appelant et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable, s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. »

[10]          Le Ministre s'est fondé sur des allégations de faits semblables dans l'appel d'Yvon Godin.

[11]          À l'audience, les appelants ont reconnu les faits allégués aux alinéas (a) à (e) et (g) à (o) et ont nié les faits allégués aux alinéas (f) et (p).

[12]          Le fardeau de la preuve incombe aux appelants. Ces derniers doivent établir, selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre sont mal fondées en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[13]          Il semblerait que la Cour doit premièrement trancher la question suivante avant de statuer sur l'affaire conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés à l'article 104 de la Loi sur l'assurance-emploi : est-ce que les appelants ont réussi à s'acquitter du fardeau qui leur incombait d'établir selon la prépondérance de la preuve que les décisions du Ministre résultent d'un « comportement capricieux ou arbitraire » ou d'un exercice de sa discrétion qui est « contraire à la loi » lorsque ce dernier n'a pas été « convaincu » qu'il était « raisonnable de conclure » que l'employeur et l'employé « auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable » s'ils n'avaient pas été réputés avoir un lien de dépendance selon l'alinéa 251(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu?

[14]          Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, notamment les témoignages, les aveux et la preuve documentaire, je suis convaincu que les appelants n'ont pas réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le Ministre a agi d'une façon capricieuse ou arbitraire ou d'une manière contraire à la loi, en rendant ses décisions.

[15]          En conséquence, l'emploi des appelants pendant les périodes en cause sont exclus des emplois assurables selon le paragraphe 5(2) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[16]          Les appels sont rejetés et les décisions rendues par le Ministre datées du 27 mai 1999 sont confirmées.

[17]          Les appelants ont témoigné d'une façon honnête et ouverte à l'audience et ils ont démontré qu'ils avaient agi de bonne foi quand ils ont fait leurs demandes de prestations d'emploi pour les années 1997 et 1998, considérant qu'ils ont fait les mêmes demandes depuis 1989 et ils ont été considérés assurables pour les années 1989 à 1996. Leurs emplois étaient les mêmes pour les années précédentes et pour le même payeur que pendant les périodes en litige.

[18]          Dans ces circonstances assez exceptionnelles, je fais une forte recommandation à la Commission pour qu'elle étudie ces dossiers à la lumière du Règlement sur l'assurance-emploi, le paragraphe 56.(1) qui se lit en partie comme suit :

« 56. (1) La Commission peut défalquer ... une somme due aux termes des articles 43 ... ou 65 de la Loi si, selon le cas :

[...]

f)         elle estime, compte tenu des circonstances :

[...]

(ii)                  soit que le remboursement ... de la somme imposerait au débiteur un préjudice abusif. »

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2000.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                 1999-3627(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                Clarence Godin et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Bathurst (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :                      le 13 cotobre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                 l'honorable juge suppléant D.R. Watson

DATE DU JUGEMENT :                         le 23 octobre 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                           L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :                 Me Vlad Zolia

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé :                                 Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

No DU DOSSIER DE LA COUR :                 1999-3957(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                Yvon Godin et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Bathurst (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :                      le 13 cotobre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                 l'honorable juge suppléant D.R. Watson

DATE DU JUGEMENT :                         le 23 octobre 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                           L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :                 Me Vlad Zolia

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé :                                 Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

1999-3627(EI)

ENTRE :

CLARENCE GODIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel d'Yvon Godin (1999-3957(EI)) le 13 octobre 2000 à Bathurst (Nouveau-Brunswick), par

l'honorable juge suppléant D.R. Watson

Comparutions

Pour l'appelant :              L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :           Me Vlad Zolia

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2000.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.


1999-3957(EI)

ENTRE :

YVON GODIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Clarence Godin (1999-3627(EI)) le 13 octobre 2000 à Bathurst (Nouveau-Brunswick), par

l'honorable juge suppléant D.R. Watson

Comparutions

Pour l'appelant :              L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :           Me Vlad Zolia

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2000.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.

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