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Date: 20010730

Dossier: 1999-1962-IT-G

ENTRE :

576315 ALBERTA LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Bonner, C.C.I.

[1]            L'appelante interjette appel à l'encontre des cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1988 et 1990. La question en litige est de savoir si les trois sommes suivantes sont déductibles pour 1990 en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) :

a)                    la somme de 1,7 million de dollars que 241467 Alberta Ltd. ( « 241467 » ), soit un prédécesseur de l'appelante, a avancée à 161062 Canada Ltd. ( « 161062 » ) en juin 1989;

b)                    la somme de 325 000 $ que 241467 a avancée à 600666 Ontario Ltd. ( « 600666 » ) entre la fin de 1989 et le début de 1990;

c)                    la somme de 410 000 $ que 241467 a versée à 161062 le 27 juin 1988 - si ce versement était un prêt comme en convenaient l'appelante et l'intimée à un moment donné et non, comme dit maintenant l'appelante, un paiement du prix de souscription d'actions de 161062.

[2]            L'appelante soutenait dans l'avis d'appel que les trois prêts étaient devenus des créances irrécouvrables dans son année d'imposition se terminant le 31 décembre 1990, ce qui donnait lieu à des déductions en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(ii), qui se lit comme suit :

(1)            Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant :

[...]

p)      le total des montants suivants :

[...]

(ii) les montants dont chacun représente la partie du coût amorti, pour le contribuable, à la fin de l'année d'un prêt ou d'un titre de crédit qu'un contribuable — qui est un assureur ou dont l'entreprise habituelle consiste en partie à prêter de l'argent — a consenti ou acquis dans le cours normal de ses affaires, qu'il a établie comme étant devenue irrécouvrable au cours de l'année;

[3]            Par suite de l'interrogatoire préalable, l'avocat de l'appelante a fait valoir à l'audition de l'appel que le paiement de 410 000 $ n'était pas un prêt et faisait plutôt partie du prix de souscription payé par 241467 à 161062 pour l'émission d'actions. L'avocat de l'appelante soutenait donc que le montant total déductible par l'appelante pour 1990 en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(ii) de la Loi était de 2 025 000 $.

[4]            L'avocate de l'intimée soutenait que les trois paiements étaient des prêts et que l'appelante ne pouvait se prévaloir d'aucune déduction en vertu de l'alinéa 20(1)p) parce que :

a)              le prêt d'argent ne faisait pas partie de l'entreprise habituelle de l'appelante;

b)             l'appelante n'a pas consenti les prêts dans le cours normal de ses affaires;

c)              l'appelante n'a pas établi que les prêts étaient devenus des créances irrécouvrables en 1990.

[5]            Une personne a témoigné à l'audition de l'appel : Donald Evernden. Il a été un témoin attentif et digne de foi. Peu après que, en 1955, il eut terminé ses études secondaires, il est allé travailler dans l'industrie pétrolière et gazière. En 1965, il s'est lancé dans le domaine des camions-citernes. Au début de 1980, M. Evernden ou ses entreprises ont exploité jusqu'à 135 citernes et semi-remorques servant au transport de pétrole. M. Evernden a témoigné que 241467 avait été constituée pour prêter de l'argent et exploiter une entreprise financière, car il voulait sortir du domaine du camionnage et se lancer dans le prêt d'argent. Durant toute la période pertinente, M. Evernden détenait directement ou indirectement 100 p. 100 des actions de 241467. Durant toute la période pertinente, cette corporation détenait au moins 90 p. 100 des actions de 161062, qui, de son côté, détenait 100 p. 100 des actions de 600666. 241467 n'avait pas d'employés. Elle était dirigée par M. Evernden.

[6]            Jusqu'en 1987, 241467 a gagné des revenus en louant des camions, des semi-remorques, des aéronefs et des immeubles à des corporations dans lesquelles M. Evernden détenait une participation. Par la suite, 241467 a commencé à conclure des opérations comportant le prêt d'argent à divers particuliers et corporations. 241467 ne faisait pas de publicité ou ne se présentait pas au public en tant que prêteur. De la publicité n'était pas nécessaire. Il appert que les occasions de prêter de l'argent se présentaient parce que, selon le cas : a) M. Evernden était uni à l'emprunteur par les liens du sang ou du mariage; b) M. Evernden avait connu l'emprunteur dans le domaine du camionnage ou au cours d'activités qu'il avait exercées dans le domaine de l'aviation; c) l'opération était portée à l'attention de M. Evernden par son conseiller en placement, M. Parker.

[7]            M. Evernden a témoigné au sujet de la nature générale de l'entreprise de 241467. Il a rapporté certains des détails relatifs à 24 opérations ou séries d'opérations énumérées dans un tableau figurant sous la cote A-1, onglet 24. Au moins 6 des opérations n'aident guère à déterminer si l'entreprise habituelle de 241467 consistait en partie à prêter de l'argent. Dans 4 des 6 opérations, dont une était un prêt à M. Evernden lui-même, aucun intérêt n'a été demandé. Dans les 2 autres opérations, des intérêts n'ont été demandés que sur certaines des avances. Dans 3 des 24 cas, les prêts ont été consentis à des parents. Dans 2 de ces 3 cas, il s'agissait de prêts au beau-fils de M. Evernden. Il y a eu défaut de rembourser ces 2 prêts, et des pertes importantes en ont résulté. Je considère les 6 prêts comme des opérations n'entrant pas dans le cadre d'une entreprise.

[8]            Dans 2 des 24 opérations, il ne s'agissait nullement de prêts. Il faut établir une distinction entre une dette résultant du report du paiement de la totalité ou d'une partie d'un prix d'achat et une dette résultant d'un prêt[1]. La prétendue avance de 1,9 million de dollars mentionnée à l'onglet 24 de la pièce était en fait non pas un prêt, mais plutôt le solde reporté du prix d'achat d'un aéronef vendu par 241467 à une corporation appelée Sunwest Charters. De même, le témoignage de M. Evernden indique que ce qui est enregistré pour l'année 1988 sous la rubrique « Prêt à Koch » comme étant une avance de 4,29 millions de dollars est en fait un solde dû à 241467 en raison de la vente, par cette dernière à Koch, de matériel de camionnage précédemment loué à Koch par 241467.

[9]            Un certain nombre des prêts mentionnés dans la preuve présentée avaient été consentis à des camionneurs, à des exploitants de garage et à d'autres personnes oeuvrant directement ou indirectement dans le domaine du camionnage. Le témoignage de M. Evernden indique que les prêts ont été consentis pour permettre aux emprunteurs d'acquérir du matériel ou des locaux commerciaux ou encore des camions nécessaires pour exploiter leurs entreprises respectives. Cette catégorie de prêts inclut :

a)              l'avance consentie en 1989 à Lady Carmen Trucking;

b)             l'avance consentie en 1987 à B.J.'s Transportation;

c)              l'avance consentie en 1988 à GBM Trailer;

d)             l'avance consentie en 1988 à Harvey;

e)              l'avance consentie en 1989 à Bob Robertson;

f)              l'avance consentie en 1991 à Ivor Parker;

g)             les avances consenties en 1991 et en 1992 à GN Transportation;

h)             l'avance consentie en 1991 à Bob Scott;

i)               l'avance consentie en 1991 à Dave Lyons.

La pertinence de consentir les 9 prêts avait été étudiée, les prêts étaient bien documentés, c'est-à-dire qu'ils s'appuyaient sur des billets, et 241467 avait pris des garanties au besoin.

[10]          Les activités de prêt d'argent de 241467 ne se limitaient pas à des opérations n'offrant à la corporation qu'une rémunération sous forme d'intérêts. Le prêt consenti en 1988 à GBM Trailer se fondait sur le fait que 241467 devait recevoir 75 p. 100 des actions de l'emprunteur. L'entente devait permettre à 241467, en tant que prêteur, de surveiller et de contrôler les activités de l'emprunteur. En outre, après le remboursement, 241467 a pu revendre les actions et réaliser un profit considérable. M. Evernden a décrit une autre opération, dans laquelle 241467 avait avancé des fonds à 408653 Alberta Ltd. pour lui permettre d'exploiter une entreprise de promotion immobilière. Étant donné que 241467 avait avancé 75 p. 100 de l'argent nécessaire pour l'entreprise, elle avait reçu 75 p. 100 des actions émises de l'emprunteur, en plus des intérêts sur le principal. Encore là, 241467 pouvait, en tant que détenteur d'une majorité absolue des actions de l'emprunteur, surveiller et contrôler les activités de l'emprunteur.

[11]          Enfin, en 1989, 241467 a avancé une somme d'argent importante à une corporation qui exploitait un bar ou une taverne. Elle a pris une hypothèque de deuxième rang à titre de garantie. À la suite du non-paiement du prêt hypothécaire de premier rang, elle a racheté l'hypothèque. Elle a fini par devenir propriétaire de l'immeuble, ce qui lui a permis de gagner un revenu de location pendant un certain temps, avant que l'immeuble ne soit vendu. M. Evernden a dit que, globalement, l'opération avait été rentable.

[12]          M. Evernden a expliqué les événements qui ont fait que 241467 s'est trouvée mêlée aux affaires de 161062 et de 600666. Frederick Saturley, qui avait été le directeur de banque de M. Evernden, voulait se lancer dans le franchisage de restaurants. Il avait demandé de l'aide de M. Evernden pour le franchisage d'une chaîne de restaurants devant s'appeler Phil's. M. Evernden avait consulté son conseiller d'affaires, M. Parker. 161062 avait été constituée le 15 avril 1988. 241467 avait souscrit 86 p. 100 des actions de 161062. D'autres actions avaient été émises en faveur de Lady Carmen Trucking Ltd. et de Stratrek Distributors Ltd., soit la corporation de M. Saturley. M. Evernden était devenu président, et M. Saturley, secrétaire-trésorier. M. Evernden a témoigné sans équivoque que la contrepartie de l'émission d'actions de 161062 en faveur de 241467 incluait un paiement de 410 000 $. Ce témoignage était étayé par une photocopie d'une pièce justificative enregistrant l'émission, par 241467 en faveur de 161062, d'un chèque de 410 000 $. Cette pièce justificative porte la mention [TRADUCTION] « Objet : règlement d'actions - franchise Phil's Pancake » . Quoique 161062 ait bel et bien émis un billet de 410 000 $ en date du 27 juin 1988, signé par M. Saturley au nom de l'entreprise, j'accepte l'explication de M. Evernden selon laquelle le billet a été émis par suite d'un simple malentendu. Je fais en outre remarquer que l'idée selon laquelle le paiement de 410 000 $ était une avance est incompatible avec les états financiers de 161062 pour 1989. Je conclus donc que le paiement de 410 000 $ a été effectué non pas à titre de prêt, mais à titre de contrepartie de l'émission d'actions.

[13]          En juin 1989, 161062 a acquis, dans le cadre d'une opération sans lien de dépendance, les actions et créances de 600666, en contrepartie d'une somme de 1,7 million de dollars. 600666 exploitait quatre restaurants qui se voulaient des restaurants d'essai ou de démonstration devant servir à promouvoir le concept de franchises Phil's. 241467 a prêté la somme totale de 1,7 million de dollars à 161062 et a reçu un billet comme attestation de la dette. Le prêt était remboursable par versements mensuels de 30 000 $ au titre du principal, plus des intérêts au taux de 12 p. 100 par année. L'opération a eu lieu à une époque où la situation économique générale était défavorable. Les quatre restaurants ont perdu de l'argent et il n'a pas été possible de vendre des franchises.

[14]          Le 10 janvier 1990 ou vers cette date, 241467 a avancé 325 000 $ à 600666 pour lui permettre de payer un loyer, des impôts et d'autres dettes accumulées. Le prêt était attesté par un billet payable le 31 décembre 1990 et portant intérêts au taux de 12 p. 100 par année. M. Evernden a expliqué qu'il se sentait responsable de [TRADUCTION] « nous voir passer au travers de cela » et qu'il avait donc fait en sorte que 241467 prête l'argent, même s'il savait que l'emprunteur avait des problèmes financiers.

[15]          En 1990, M. Evernden a concentré ses efforts à essayer de vendre les restaurants et à [TRADUCTION] « sortir de cela avec ce que je pourrais » . En mai 1991 ou à peu près, les actions de 600666 ont été vendues, mais pour une très faible contrepartie, de sorte que ni 161062 ni 241467 n'ont tiré quoi que ce soit de la vente.

[16]          La question de savoir si l'entreprise habituelle d'un contribuable consiste en partie à prêter de l'argent est une question de fait qui doit être déterminée par rapport à ce que le contribuable concerné fait habituellement pour réaliser un profit. La continuité est un des facteurs qui permettent de faire la différence entre des prêts consentis comme simples investissements de capitaux et des prêts consentis dans le cadre de l'entreprise d'un prêteur. Dans l'affaire Newton v. Pyke[2], le juge Walton a dit :

                                [TRADUCTION]

La question de savoir si une personne exploitait une entreprise à titre de bailleur de fonds doit, comme on l'a fait remarquer dans l'affaire Litchfield v. Dreyfus, être tranchée en fonction des faits de chaque cas. Il semble impossible d'établir une définition ou une description qui serait très utile, mais je crois qu'il ne serait pas suffisant de simplement établir qu'une personne a en différentes occasions prêté de l'argent à des taux d'intérêt rémunérateurs; il doit y avoir dans une certaine mesure un système et une continuité au sujet des opérations.

[17]          L'argumentation de l'avocate de l'intimée était en grande partie fondée sur des hypothèses qui, a fait valoir l'intimée, avaient été formulées par le ministre du Revenu national à l'étape de la cotisation[3]. L'avocate de l'intimée a avancé que l'appelante n'avait pas établi un mode systématique et continu de prêt d'argent, qu'elle ne percevait pas toujours d'intérêts sur les prêts, qu'elle ne se présentait pas au public comme étant un prêteur et qu'elle avait consenti un certain nombre de prêts à des personnes liées ou à des associés. Elle a fait en outre remarquer que les déclarations de revenus de 241467 n'indiquaient pas le prêt d'argent comme activité.

[18]          L'avocat de l'appelante a bien caractérisé les activités globales de 241467 comme représentant une entreprise financière. C'est ce que M. Evernden voulait que l'entreprise soit et c'est effectivement ce qu'elle était. Je suis d'accord là-dessus. La preuve que j'ai résumée montre que 241467 a maintes fois conclu des opérations de location et de prêt en vue de gagner un revenu sous forme de paiements locatifs ou d'intérêts. L'entreprise financière était l'entreprise habituelle de cette corporation, et le prêt d'argent faisait partie de cette activité. Comme l'a fait remarquer le lord juge Cotton dans l'affaire Erichsen v. Last[4] :

[TRADUCTION]

[...] Lorsqu'une personne fait habituellement quelque chose de susceptible de donner lieu à un profit, et ce, en vue de réaliser un profit, et qu'elle conclut un contrat, habituellement, elle fait du commerce ou des affaires.

La présomption découlant de la constitution de la corporation doit en outre être prise en compte. Dans l'affaire Canadian Marconi c. R.[5], la Cour suprême du Canada s'est penchée sur la distinction entre un revenu provenant d'une entreprise et un revenu provenant de biens. La Cour suprême a fait remarquer l'existence d'une présomption réfutable, selon laquelle, dans le cas d'un contribuable qui est une corporation, un revenu tiré d'une activité exercée aux fins de la réalisation d'un objet énoncé dans les documents constitutifs de la corporation est un revenu provenant de l'entreprise. La Cour suprême a en outre fait remarquer à la page 530 (C.T.C. : à la page 470) que des corporations créées en vertu de certaines lois n'ont pas à énumérer leurs objets. Je crois comprendre que 241467 était une telle corporation. Le juge Wilson, parlant pour la Cour suprême, a exprimé à la page 530 (C.T.C. : à la page 470) l'opinion selon laquelle la présomption réfutable doit s'appliquer aux corporations créées en vertu de ces lois, pourvu qu'il soit reconnu que la présomption est réfutable. À mon avis, l'activité de 241467 consistant à recevoir, à étudier et à rejeter ou à accepter les demandes de prêt qui lui étaient présentées correspond à l'exploitation d'une entreprise. Il n'y a rien pour réfuter la présomption.

[19]          L'avocate de l'intimée soulignait que 241467 avait dans certains cas consenti des prêts à des membres de la famille de M. Evernden et qu'elle ne percevait pas d'intérêts sur tous les prêts. Cela ne change rien au fait que, en consentant les prêts productifs d'intérêts qu'elle a bel et bien accordés, la corporation exploitait un aspect de son entreprise financière. À mon avis, les exemples invoqués par l'avocat de l'appelante n'étaient pas représentatifs des activités de 241467 dans leur ensemble.

[20]          L'avocate de l'intimée prétendait en outre que les prêts à 161062 et à 600666 n'avaient pas été consentis dans le cours normal des affaires de 241467. Je ne suis pas d'accord pour ce qui est du prêt à 161062, mais je suis d'accord concernant le prêt à 600666.

[21]          L'argument de l'avocate de l'intimée quant au prêt à 161062 était un peu alambiqué. On se souviendra que M. Evernden a témoigné que, en avançant le montant de 1,7 million de dollars à 161062, 241467 avait acquis un bloc d'actions de l'emprunteur. M. Evernden a témoigné que les actions étaient destinées à accorder à 241467 un contrôle absolu des voix à l'égard des activités de l'emprunteur, tant que le prêt n'était pas remboursé. Le plan était que, après le remboursement du prêt, les actions seraient vendues à M. Saturley selon leur valeur marchande. Donc, si l'opération se révélait un succès, 241467 non seulement gagnerait des intérêts sur le prêt, mais réaliserait en outre un profit sur la vente des actions. L'argument de l'intimée voulant que le prêt n'ait pas été consenti dans le cours normal des affaires de 241467 était que, si l'opération avait été un succès et que la vente des actions ait bel et bien eu lieu comme prévu, une partie ou la totalité du rendement pour 241467 aurait été reçue sous forme de dividendes. L'avocate de l'intimée se fondait là-dessus pour affirmer que [TRADUCTION] « l'ensemble de l'opération vise en réalité à acquérir une valeur immobilisée » .

[22]          À mon avis, cet aspect de l'argument de l'intimée n'est pas étayé par la preuve et n'a guère de rapport avec la question de savoir si le prêt a été consenti dans le cours normal des affaires de 241467. Je réitère que j'accepte la preuve de M. Evernden en général, et notamment quant à la nature du plan. Le libellé du sous-alinéa 20(1)p)(ii) n'est pas obscur. Les termes « dans le cours normal de ses affaires » se rapportent aux pratiques commerciales du contribuable prêteur. Le fait qu'un prêteur acquière un contrôle sur l'emprunteur représente un arrangement sensé, particulièrement lorsque le prêteur avance une somme représentant presque tout le capital de l'emprunteur, comme c'était le cas en l'espèce. La preuve indiquait que 241467 avait acquis le contrôle de l'emprunteur d'une manière semblable dans au moins deux autres cas. Le plan visant à réaliser un profit, si possible, dans la vente des actions à M. Saturley ou à son entreprise ne fait pas que l'opération n'entre pas dans le cours normal des affaires. Je conclus donc que le prêt de 1,7 million de dollars a été consenti dans le cours normal des affaires.

[23]          À mon avis, le prêt de 325 000 $ à 600666 est différent. L'argent a été avancé dans des circonstances bien distinctes du cours normal des affaires de 241467. Il n'a pas été avancé en vue de gagner des intérêts. À l'époque où l'argent a été avancé, on n'espérait guère être remboursé et encore moins de recevoir des intérêts. Le montant de 325 000 $ représentait le total de plusieurs avances consenties à 600666 entre la fin de 1989 et le début de 1990 pour permettre à l'emprunteur de payer ses factures. Une partie de l'argent a été avancée par voie de chèques faits directement à des créanciers de 600666. L'emprunteur perdait de l'argent à l'époque. Je ne trouve rien dans la preuve qui me permettrait de conclure que le prêt de 325 000 $ avait été consenti par 241467 dans le cours normal de l'entreprise consistant à prêter de l'argent.

[24]          Enfin, je conclus que le contribuable a établi que les prêts étaient devenus des créances irrécouvrables dans son année d'imposition 1990. M. Evernden a dit au cours de son témoignage : [TRADUCTION] « [...] à la fin de 1990, je savais que c'était une cause perdue. » Comme je l'ai indiqué précédemment, c'était une cause perdue bien avant la fin de l'année. De nombreux éléments étayaient cette conclusion.

[25]          Il s'ensuit que l'appelante a droit à une déduction pour l'année d'imposition 1990 en vertu du sous-alinéa 20(1)p)(ii) à l'égard du prêt de 1,7 million de dollars à 161062. Elle n'a pas droit à une déduction en vertu de cette disposition à l'égard du prêt de 325 000 $ à 600666. Elle n'a pas droit à une déduction en vertu de cette disposition à l'égard du paiement de 425 000 $, qui n'était pas un prêt. Il est entendu qu'une partie de la perte résultante peut être reportée rétrospectivement sur l'année d'imposition 1988. Je rendrai donc un jugement admettant les appels avec frais et déférant les cotisations au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation selon les présents motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2001.

« M. J. Bonner »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 16e jour d'avril 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-1962(IT)G

ENTRE :

576315 ALBERTA LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 28 février 2001 à Calgary (Alberta), par

l'honorable juge M. J. Bonner

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me George McKenzie

Avocate de l'intimée :                           Me Margaret Irving

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1988 et 1990 est admis avec frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2001.

« M. J. Bonner »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2002.

Martine Brunet, réviseure



[1]           McCool v. M.N.R., 49 DTC 700.

[2] (1908), 25 T.L.R. 127, à la page 128.

[3] Dans la réponse à l'avis d'appel, l'intimée a invoqué un nombre étonnant d'hypothèses, soit 42, dont des hypothèses de droit, des hypothèses de fait et des hypothèses mixtes de fait et de droit. Il est loin d'être clair pour moi que ce genre d'excès était envisagé lorsque la Cour suprême du Canada a rendu l'arrêt Johnston v. M.N.R., [1948] C.T.C. 195. Le juge Rand a dit à la page 203 : [TRADUCTION] « Il faut évidemment présumer que la Couronne a, comme il se doit, pleinement communiqué au contribuable les conclusions de fait et décisions de droit précises qui ont donné lieu à la controverse. » Les actes de procédure, y compris les hypothèses invoquées dans le cas d'appels en matière d'impôt, doivent restreindre et définir les questions devant être soumises au juge. Cet objectif n'a pas été atteint en l'espèce.

[4] 4 T.C. 422, à la page 427.

[5] [1986] 2 R.C.S. 522 ([1986] 2 C.T.C. 465).

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