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Date: 20010525

Dossiers: 1999-548-IT-G,

1999-2486-IT-G

ENTRE :

AUDREY J. SERO,

CYRIL FRAZER

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

FAITS

[1]            Audrey J. Sero interjette appel à l'encontre de la nouvelle cotisation établie à son égard pour l'année d'imposition 1995 et Cyril Frazer interjette appel à l'encontre de la nouvelle cotisation établie à son égard pour l'année d'imposition 1996 (les « appelants » ). Ces appels régis par la procédure générale ont été entendus sur preuve commune.

[2]            Dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition 1995, l'appelante Audrey Sero n'a pas inclus un revenu de placements de 13 499 $ gagné sur des placements à terme.

[3]            Dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition 1996, l'appelant Cyril Frazer n'a pas inclus un revenu de placements de 10 509,55 $ gagné sur des placements à terme et il n'a pas inclus un revenu en intérêts de 239,46 $ tiré de son compte d'épargne.

[4]            Au début de l'audience, les appelants ont déposé le document suivant comme exposé conjoint partiel des faits :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

AUDREY SERO

1.              L'appelante Audrey Sero est une Indienne au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5 (la « Loi sur les Indiens » ). Mme Sero est inscrite comme membre de la bande mohawk de la baie de Quinte no 140, réserve indienne des Six-nations de la rivière Grand no 40 (la « réserve des Six-nations » ).

2.              La réserve des Six-nations est une « réserve » aux fins de la Loi sur les Indiens.

3.              Mme Sero est née en 1928. Elle n'a jamais habité dans une réserve. Depuis 1977, elle habite à Etobicoke (Ontario) et non dans une « réserve » au sens de la Loi sur les Indiens. Mme Sero est une bibliotechnicienne à la retraite. Avant sa retraite, elle exerçait un emploi pour le conseil scolaire de la ville de York, à savoir un conseil faisant partie du système scolaire de l'Ontario.

4.              La Banque Royale du Canada (la « Banque Royale » ) est une « banque figurant à l'annexe I » au sens de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46.

5.              La Banque Royale exploite une succursale dans la réserve des Six-nations. Cette succursale se trouve à l'Iroquois Village Plaza d'Ohsweken (Ontario), sur un terrain commercialement loué de la Couronne conformément à une cession, pour location, par les Six-nations de la rivière Grand (la « succursale d'Ohsweken » ).

6.              Mme Sero avait un compte d'épargne, ainsi qu'un coffre, à la succursale d'Etobicoke de la Banque Canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ) située près de chez elle et de son lieu de travail. Son salaire et son revenu de pension provenant du conseil scolaire de la ville de York étaient déposés directement dans le compte d'épargne de la CIBC.

7.              Mme Sero et son conjoint ont été avisés par la succursale d'Ohsweken qu'ils auraient avantage à ouvrir un compte à intérêt quotidien Signature à cette succursale, à savoir un compte indiqué dans l'exemplaire de la brochure de la Banque Royale qui leur a été fourni (onglet 16).

8.              En 1992, Mme Sero a ouvert deux comptes de dépôt Placement Royal Plus — forfait Troisième âge. Un de ces comptes était un compte qu'elle détenait en commun avec son conjoint, qui est également un Indien au sens de la Loi sur les Indiens. Mme Sero et son conjoint ont alors tous les deux signé une carte de signature pour ce compte conjoint (copie annexée à l'onglet 5 du volume I du recueil conjoint de documents pour Audrey Sero[1]). Un compte Placement Royal Plus — forfait Troisième âge — est un compte de dépôt d'épargne personnel avec privilège de chèques qui est offert aux clients de 60 ans et plus. Les clients peuvent accéder à ces comptes au moyen de guichets automatiques bancaires ou de terminaux de point de vente (paiement direct Interac). Il n'y a pas de frais de service dans le cas de clients de 60 ans et plus.

9.              Pour ce qui est du compte Placement Royal Plus — forfait Troisième âge —, les documents suivants sont pertinents : la carte de signature (onglet 5) et la brochure relative au compte de dépôt personnel (onglet 6).

10.            Périodiquement, Mme Sero virait des fonds de la succursale d'Etobicoke de la CIBC à la succursale d'Ohsweken pour faire des placements. Habituellement, elle virait des fonds par téléphone, mais, à peu près une fois par année, elle se rendait à la succursale d'Ohsweken.

11.            Pour acheter un titre de placement à terme, un client doit conclure une convention de compte de dépôt à terme. En annexe à l'onglet 1 figure une convention de compte de dépôt à terme au nom d'Audrey Sero en date du 17 janvier 1992 (signée par erreur par le conjoint de Mme Sero et non par Mme Sero elle-même). Les conditions de cette convention étaient énoncées au verso de la convention de compte de dépôt à terme. Une version redactylographiée de ces conditions figure en annexe à l'onglet 1.

12.            Conformément à cette convention de compte de dépôt à terme, Mme Sero a, de 1992 à 1995, acquis neuf placements à terme à la succursale d'Ohsweken (les « placements à terme » ), lesquels ont donné lieu au revenu en intérêts qui est en litige. Les fonds utilisés par Mme Sero pour acheter les titres de placement à terme provenaient de revenus non gagnés dans une réserve. Un de ces placements à terme (compte numéro 7014335-03) était détenu par Mme Sero en commun avec son conjoint. Les fonds que le conjoint de Mme Sero a versés comme contribution à l'égard de ce placement à terme n'étaient pas des fonds qu'il avait gagnés dans une réserve. Il s'agissait de fonds tirés de son emploi à Selkirk Communications et de la vente d'actions inscrites en bourse.

13.            Généralement, lorsqu'un client acquiert un placement à terme (en concluant une convention de compte de dépôt à terme (onglet 1 du volume I du recueil conjoint de documents pour Cyril Frazer)), le client reçoit un reçu de dépôt à terme comme confirmation des modalités du placement à terme, puis il reçoit une confirmation proprement dite des modalités du placement à terme.

14.            Mme Sero et son conjoint ont reçu en commun un reçu de dépôt à terme relatif au compte de placement à terme numéro 7014335-03 (onglet 3) et une confirmation des modalités de ce placement à terme (onglet 4).

15.            Dans l'année d'imposition 1995 (l'année à laquelle se rapporte l'appel), Mme Sero a gagné un revenu total en intérêts de 13 499,86 $ sur les placements à terme, comme l'indiquent les T5 et les feuillets de renseignements T5 qui lui ont été remis pour son année d'imposition 1995 (copies annexées aux onglets 7-12), à savoir :

Numéro de compte

Description

              Intérêts

702 790 7-01

dépôt à terme

                 725,00 $

702 790 7-02

dépôt à terme

              1 755,00

702 790 7-03

dépôt à terme

              1 238,84

702 790 7-04

dépôt à terme

                 251,51

702 790 7-05

dépôt à terme

                 314,18

702 790 7-09

dépôt à terme

                 628,47

702 790 7-12

dépôt à terme

              1 162,68

933 021 2-01

dépôt à terme

                 299,18

701 433 5-03

dépôt à terme (en commun avec le conjoint)

            7 125,00

Total des intérêts

          13 499,86 $

16.            Mme Sero ignorait ce que la Banque Royale faisait des fonds qu'elle y plaçait, mais elle présumait que la banque s'en servait dans son entreprise, par exemple pour consentir des prêts hypothécaires (comme Mme Sero l'a dit au cours de son interrogatoire préalable).

17.            Pendant que Mme Sero détenait les divers placements à terme, les intérêts gagnés sur les placements à terme lui étaient versés selon les instructions en matière de paiement qu'elle avait données à la succursale d'Ohsweken.

18.            Mme Sero a produit sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1995 en se fondant sur le fait que ce revenu en intérêts était exonéré d'impôt parce qu'il s'agissait de « biens meubles d'un Indien [...] situés sur une réserve » au sens de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

19.            Le revenu en intérêts de 13 499,86 $ détaillé au paragraphe 14 ci-dessus représente des « biens meubles » de Mme Sero au sens de la Loi sur les Indiens.

20.            Mis à part le revenu en intérêts qui est en litige, Mme Sero a déclaré aux fins de l'impôt pour l'année d'imposition 1995 un revenu de pension provenant d'un emploi de 4 062,12 $, des prestations du Régime de pensions du Canada de 4 294,08 $ et un revenu de régime enregistré d'épargne-retraite de 8 878,90 $ (T1, onglet 13). Le revenu provenant de ces sources n'a pas été gagné dans une réserve.

21.            Trois semaines avant l'échéance d'un placement à terme, la Banque Royale envoyait à un client un avis indiquant à combien le principal et les intérêts courus s'élèveraient à l'échéance et confirmant les instructions préalables, s'il y en avait, données par un client concernant le remboursement du principal et le paiement des intérêts gagnés sur le principal pendant la durée du placement. De tels avis ont été envoyés à Mme Sero.

22.            Mme Sero a retiré deux sommes de ses placements à terme avant l'échéance. Ces sommes lui ont été versées conformément aux instructions qu'elle avait données à la succursale d'Ohsweken.

23.            Mme Sero a détenu certains des placements à terme jusqu'à l'échéance et ne les a pas renouvelés (par exemple, un placement à terme de 100 000 $ détenu en commun avec son conjoint). Dans le cas de tels placements à terme, le principal et tous intérêts impayés sur ces placements à terme ont été versés à Mme Sero. Cette dernière a détenu d'autres placements à terme jusqu'à l'échéance et les a renouvelés. Concernant tous ces placements à terme, ou bien on lui a remboursé le principal et versé les intérêts impayés, ou bien elle a renouvelé les placements à terme, ce qui comprenait les intérêts impayés.

La Banque Royale — placements à terme

24.            La succursale d'Ohsweken a été ouverte le 2 décembre 1991.

25.            La succursale d'Ohsweken a vendu des titres de placement à terme Premières nations pour la première fois en 1991 ou en 1992.

26.            Les placements à terme Premières nations comportaient des taux d'intérêt comparables aux taux d'intérêt de certificats de placement garantis et étaient remboursables avant l'échéance.

27.            Du personnel du siège social de la Banque royale définissait les modalités — y compris les taux d'intérêt devant être payés par la banque — concernant tous les titres de placement à terme émis par la banque, rédigeait les documents de promotion, ainsi que les documents bancaires pertinents, et autorisait la vente des titres de placement aux clients. Le siège social n'approuvait pas chaque vente de titres de placement à terme.

28.            N'importe quel client, indien ou non, pouvait acheter un titre de placement à terme Premières nations à la succursale d'Ohsweken. De plus, un placement à terme comportant exactement les mêmes modalités était disponible à toutes les succursales de la Banque Royale, mais n'était pas qualifié de placement à terme Premières nations.

29.            Certains des placements à terme de Mme Sero peuvent avoir été des placements à terme Premières nations. Ni Mme Sero ni la Banque Royale ne peuvent déterminer lesquels des placements à terme de Mme Sero étaient des placements à terme Premières nations.

30.            Toutefois, certains des placements à terme de Mme Sero étaient assujettis aux modalités énoncées dans le document mentionné au paragraphe 11, et certains étaient assujettis aux modalités énoncées dans la convention de client — placements à terme (pièce A-4).

31.            Il est impossible pour la Banque Royale ou la succursale d'Ohsweken de retracer l'utilisation de fonds que la Banque Royale a reçus de Mme Sero pour les placements à terme. Cet argent a été amalgamé à l'ensemble des fonds de la Banque Royale devant être utilisés par cette dernière à sa discrétion pour gagner son revenu.

32.            Un très petit pourcentage de l'entreprise de la Banque Royale (de ses activités productives de recettes) est exploité sur une réserve.

33.            Un très petit pourcentage d'actifs de la Banque Royale est situé sur une réserve.

34.            Durant toute la période pertinente, la Banque Royale exploitait au Canada un grand nombre de succursales et autres éléments (comme des comptoirs de service dans des magasins), ainsi qu'un grand nombre de guichets automatiques bancaires.

35.            Plus précisément, en l'an 2000, la Banque Royale exploitait au Canada environ 1 300 succursales et autres éléments (comme des comptoirs de service dans des magasins), ainsi qu'environ 4 500 guichets automatiques bancaires. En 1999, le nombre de succursales et autres éléments était de 1 400.

36.            Actuellement, la Banque Royale exploite six succursales qui sont situées sur une réserve, y compris la succursale d'Ohsweken.

37.            Le Groupe Financier Banque Royale inclut le courtier en valeurs mobilières de la Banque Royale, RBC Dominion Valeurs mobilières Limitée, et le courtier exécutant de la Banque Royale, Actions en direct Banque Royale. Ces deux sociétés offrent tous les types de titres de placement, y compris des actions, des obligations et des CPG de banques à charte.

38.            Hors du Canada, la Banque Royale a 300 bureaux dans plus de 30 pays. Elle gagne environ 30 p. 100 de son revenu net hors du Canada.

39.            Ni les administrateurs ni les sièges sociaux de la Banque Royale ne se trouvent sur une réserve.

40.            Les réunions des administrateurs ne se tiennent pas sur une réserve, et le contrôle et la gestion de la Banque Royale ne s'exercent pas sur une réserve.

41.            La Banque Royale n'est pas située sur une réserve, quoique la succursale d'Ohsweken le soit.

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

CYRIL FRAZER

1.              L'appelant Cyril Frazer est un Indien au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5 (la « Loi sur les Indiens » ). M. Frazer est inscrit comme membre de la bande mohawk de Walker no 68, réserve des Six-nations de la rivière Grand no 40 (la « réserve des Six-nations » ).

2.              La réserve des Six-nations est une « réserve » aux fins de la Loi sur les Indiens.

3.              M. Frazer est né en 1932 sur la réserve des Six-nations et y a habité jusqu'à l'âge de 17 ans. Avant que, en 1985, il prenne sa retraite, il travaillait comme surveillant de travaux de construction à Simcoe (Ontario) et non sur une réserve. De 1949 à 1985, il n'a pas habité sur une réserve continuellement (ou pendant une longue période). Depuis 1985, il habite sur la réserve des Six-nations.

4.              Depuis 1985, M. Frazer exploite sur la réserve des Six-nations une entreprise de blanchissage de laquelle il a tiré environ 80 000 $ par an, déduction faite des frais. Ce revenu est exonéré d'impôt.

5.              La Banque Royale du Canada (la « Banque Royale » ) est une « banque figurant à l'annexe I » au sens de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46.

6.              La Banque Royale exploite une succursale dans la réserve des Six-nations. Cette succursale se trouve à l'Iroquois Village Plaza d'Ohsweken (Ontario), sur un terrain commercialement loué de la Couronne conformément à une cession, pour location, par les Six-nations de la rivière Grand (la « succursale d'Ohsweken » ).

7.              M. Frazer a, avec sa conjointe, ouvert un compte conjoint appelé Placement Royal Plus — forfait Troisième âge. M. Frazer et sa conjointe ont alors signé tous les deux une carte de signature pour ce compte conjoint (copie annexée à l'onglet 8 du volume I du recueil conjoint de documents pour Cyril Frazer[2]). Un compte Placement Royal Plus — forfait Troisième âge — est un compte de dépôt d'épargne personnel avec privilège de chèques qui est offert aux clients de 60 ans et plus. Les clients peuvent accéder à ces comptes au moyen de guichets automatiques bancaires ou de terminaux de point de vente (paiement direct Interac). Il n'y a pas de frais de service dans le cas de clients de 60 ans et plus.

8.              Pour ce qui est du compte Placement Royal Plus — forfait Troisième âge —, les documents suivants sont pertinents : la carte de signature (onglet 8) et la brochure relative au compte de dépôt personnel (onglet 9).

9.              Le 27 août 1993, M. Frazer a conclu une convention de compte de dépôt à terme (onglet 1). Les conditions de cette convention étaient énoncées au verso de la convention de compte de dépôt à terme. Une version redactylographiée de ces conditions figure en annexe à l'onglet 1. Conformément à cette convention de compte de dépôt à terme, M. Frazer a acquis divers placements à terme (les « placements à terme » ). La source des fonds pour ces placements à terme était l'entreprise de blanchissage mentionnée au paragraphe 4.

10.            Lorsqu'un client acquiert un placement à terme à une succursale de la Banque Royale (en concluant une convention de compte de dépôt à terme (onglet 1 et onglet 1 (sic) du volume I du recueil conjoint de documents pour Audrey Sero)), le client reçoit par la suite un document confirmant les modalités du placement à terme.

11.            En ce qui a trait aux placements à terme mentionnés au paragraphe 9 ci-dessus, M. Frazer a reçu des certificats de placement à terme comme confirmations (copies annexées aux onglets 2 à 7). Au dos de ce certificat figurait la convention de client — placements à terme. Une version redactylographiée de la convention de client — placements à terme — figure en annexe (onglet 10).

12.            Dans l'année d'imposition 1996 (l'année à laquelle se rapporte l'appel), M. Frazer a gagné un revenu total en intérêts de 10 749 $ sur le compte Placement Royal Plus — forfait Troisième âge — et sur les placements à terme, comme l'indique le formulaire T5 remis à M. Frazer pour son année d'imposition 1996 (onglet 11), à savoir :

Numéro de compte

Description

              Intérêts

702 035 7

compte Troisième âge

                 239,46 $

702 035 7-01

dépôt à terme

                 429,50

702 035 7-02

dépôt à terme

              1 532,66

702 035 7-03

dépôt à terme

                 283,25

702 035 7-05

dépôt à terme

                 167,96

702 035 7-06

dépôt à terme

              1 040,14

702 035 7-07

dépôt à terme

                 359,18

790 007 4-02

dépôt à terme

              6 456,05

933 056 6-01

dépôt à terme

                 122,44

933 056 6-02

dépôt à terme

               118,36

Total des intérêts

            10 749,00 $

13.            Les placements à terme donnant lieu au revenu en intérêts indiqué au paragraphe 12 ci-dessus ont été acquis par M. Frazer à diverses dates en 1995 et en 1996. L'un a été acquis avant 1995.

14.            M. Frazer a produit sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1996 en se fondant sur le fait que ce revenu en intérêts était exonéré d'impôt parce qu'il s'agissait de « biens meubles d'un Indien [...] situés sur une réserve » au sens de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

15.            Le revenu en intérêts de 10 749 $ détaillé au paragraphe 12 ci-dessus représente des « biens meubles » de M. Frazer au sens de la Loi sur les Indiens.

16.            Mis à part le revenu en intérêts qui est en litige et le revenu d'entreprise exonéré d'impôt de 80 000 $ mentionné au paragraphe 4 ci-dessus, M. Frazer a, pour l'année d'imposition 1996, déclaré aux fins de l'impôt un revenu de pension provenant d'un emploi de 18 065,40 $, des prestations du Régime de pensions du Canada de 4 864,08 $, un revenu de régime enregistré d'épargne-retraite de 2 400 $ et un revenu en intérêts de 306,64 $ (T1, onglet 12).

17.            M. Frazer détenait en outre un certificat de placement garanti ( « CPG » ) de 40 000 $ à une succursale de la Banque Canadienne Impériale de Commerce située sur la réserve de New Credit. M. Frazer n'est pas certain quant à savoir si ce CPG a été acquis en 1996 ou ultérieurement.

18.            Lorsque M. Frazer a acquis les placements à terme, il croyait comprendre qu'ils étaient semblables ou identiques à des CPG (comme il l'a dit au cours de son interrogatoire préalable).

19.            Trois semaines avant l'échéance d'un placement à terme, la Banque Royale envoyait au client un avis indiquant à combien le principal et les intérêts courus s'élèveraient à l'échéance et confirmant les instructions préalables, s'il y en avait, données par le client concernant le remboursement du principal et le paiement des intérêts gagnés sur le principal pendant la durée du placement. De tels avis ont été envoyés à M. Frazer.

20.            M. Frazer n'a effectué aucun retrait anticipé. À l'échéance, les placements à terme ont été renouvelés, ce qui comprenait les intérêts impayés, conformément aux instructions données préalablement par M. Frazer.

21.            M. Frazer a reçu de la Banque Royale des états et feuillets T5 indiquant le revenu en intérêts gagné en 1996 sur le compte Placement Royal Plus — forfait Troisième âge — et sur les placements à terme (onglet 11).

La Banque Royale — placements à terme

22.            La succursale d'Ohsweken a été ouverte le 2 décembre 1991.

23.            La succursale d'Ohsweken a vendu des titres de placement à terme Premières nations pour la première fois en 1991 ou en 1992.

24.            Les placements à terme Premières nations comportaient des taux d'intérêt comparables aux taux d'intérêt de CPG et étaient remboursables avant l'échéance.

25.            Du personnel du siège social de la Banque royale définissait les modalités — y compris les taux d'intérêt devant être payés par la banque — concernant tous les titres de placement à terme émis par la banque, rédigeait les documents de promotion, ainsi que les documents bancaires pertinents, et autorisait la vente des titres de placement aux clients. Le siège social n'approuvait pas chaque vente de titres de placement à terme.

26.            N'importe quel client, indien ou non, pouvait acheter un titre de placement à terme Premières nations à la succursale d'Ohsweken. De plus, un placement à terme comportant exactement les mêmes modalités était disponible à toutes les succursales de la Banque Royale, mais n'était pas qualifié de placement à terme Premières nations.

27.            Certains des placements à terme de M. Frazer — numéros de compte 702 035 7-01 à 07 et 790 007 4-02 indiqués au paragraphe 12 ci-dessus — peuvent avoir été des placements à terme Premières nations. Ni M. Frazer ni la Banque Royale ne peuvent déterminer lesquels des placements à terme de M. Frazer étaient des placements à terme Premières nations.

28.            Toutefois, les placements à terme de M. Frazer étaient assujettis aux modalités énoncées dans les documents mentionnés aux paragraphes 9 et 11 ci-dessus.

29.            Il est impossible pour la Banque Royale ou la succursale d'Ohsweken de retracer l'utilisation de fonds que la Banque Royale a reçus de M. Frazer pour les placements à terme. Cet argent a été amalgamé à l'ensemble des fonds de la Banque Royale devant être utilisés par cette dernière à sa discrétion pour gagner son revenu.

30.            Un très petit pourcentage de l'entreprise de la Banque Royale (de ses activités productives de recettes) est exploité sur une réserve.

31.            Un très petit pourcentage d'actifs de la Banque Royale est situé sur une réserve.

32.            Durant toute la période pertinente, la Banque Royale exploitait au Canada un grand nombre de succursales et autres éléments (comme des comptoirs de service dans des magasins), ainsi qu'un grand nombre de guichets automatiques bancaires.

33.            Plus précisément, en l'an 2000, la Banque Royale exploitait au Canada environ 1 300 succursales et autres éléments (comme des comptoirs de service dans des magasins), ainsi qu'environ 4 500 guichets automatiques bancaires. En 1999, le nombre de succursales et autres éléments était de 1 400.

34.            Actuellement, la Banque Royale exploite six succursales qui sont situées sur une réserve au sens de la Loi sur les Indiens ( « réserve » ), y compris la succursale d'Ohsweken.

35.            Le Groupe Financier Banque Royale inclut le courtier en valeurs mobilières de la Banque Royale, RBC Dominion Valeurs mobilières Limitée, et le courtier exécutant de la Banque Royale, Actions en direct Banque Royale. Ces deux sociétés offrent tous les types de titres de placement, y compris des actions, des obligations et des CPG de banques à charte.

36.            Hors du Canada, la Banque Royale a 300 bureaux dans plus de 30 pays. Elle gagne environ 30 p. 100 de son revenu net hors du Canada.

37.            Ni les administrateurs ni les sièges sociaux de la Banque Royale ne se trouvent sur une réserve.

38.            Les réunions des administrateurs ne se tiennent pas sur une réserve, et le contrôle et la gestion de la Banque Royale ne s'exercent pas sur une réserve.

39.            La Banque Royale n'est pas située sur une réserve, quoique la succursale d'Ohsweken le soit.

POINTS EN LITIGE

[5]            Concernant les appels d'Audrey Sero et de Cyril Frazer, les intérêts tirés des dépôts à terme à la succursale d'Ohsweken sont-ils des « biens meubles d'un Indien [...] situés sur une réserve » et donc exonérés d'impôt sur le revenu en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et de l'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu? En ce qui a trait à l'appel de Cyril Frazer, les intérêts tirés du compte d'épargne, des dépôts à terme et des CPG à la succursale d'Ohsweken sont-ils des « biens meubles d'un Indien [...] situés sur une réserve » et donc exonérés d'impôt sur le revenu en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et de l'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu?

CADRE LÉGISLATIF

3. Pour déterminer le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, pour l'application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a)        le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien) dont la source se situe au Canada ou à l'étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

b)        le calcul de l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i) le total des montants suivants :

(A) ses gains en capital imposables pour l'année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,

(B) son gain net imposable pour l'année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

(ii) l'excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l'année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise pour l'année, subies par le contribuable;

c)        le calcul de l'excédent éventuel du total établi selon l'alinéa a) plus le montant établi selon l'alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous-section e dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l'alinéa a));

d)        le calcul de l'excédent éventuel de l'excédent calculé selon l'alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l'année qui résultent d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien et des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise subies par le contribuable pour l'année;

Pour l'application de la présente partie, les règles suivantes s'appliquent :

e)        si un montant est calculé selon l'alinéa d) à l'égard du contribuable pour l'année, le revenu du contribuable pour l'année correspond à ce montant;

f)          sinon, le revenu du contribuable pour l'année est réputé égal à zéro.

9. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

(2) Sous réserve de l'article 31, la perte subie par un contribuable au cours d'une année d'imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l'année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l'application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

(3) Dans la présente loi, le revenu tiré d'un bien exclut le gain en capital réalisé à la disposition de ce bien, et la perte résultant d'un bien exclut la perte en capital résultant de la disposition de ce bien.

12. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

[...]

c) [...] les sommes reçues ou à recevoir par le contribuable au cours de l'année (selon la méthode qu'il suit normalement pour le calcul de son revenu) à titre ou en paiement intégral ou partiel d'intérêts, dans la mesure où ces intérêts n'ont pas été inclus dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

81. (1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a) une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

Loi sur les Indiens

87. (1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a) le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b) les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.

(2) Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.

(3) Aucun impôt sur les successions, taxe d'héritage ou droit de succession n'est exigible à la mort d'un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession visant un tel bien, si ce dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d'aucun bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89 des Statuts revisés du Canada de 1952, ou l'impôt payable, en vertu de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, chapitre E-9 des Statuts revisés du Canada de 1970, sur d'autres biens transmis à un Indien ou à l'égard de ces autres biens.

Loi sur les banques

461. (1) Pour l'application de la présente loi, la succursale de tenue du compte en matière de compte de dépôt est :

a) celui dont le nom et l'adresse apparaissent sur un exemplaire de la fiche spécimen de signature ou d'une délégation de signature, portant la signature du titulaire du compte ou celui convenu d'un commun accord entre la banque et le déposant lors de l'ouverture du compte;

b) à défaut d'indication de la succursale ou de l'accord prévus à l'alinéa a), celui désigné dans l'avis écrit envoyé par la banque au déposant.

(2) La dette de la banque résultant du dépôt effectué à un compte de dépôt est payable à la personne qui y a droit, uniquement à la succursale de tenue du compte; la personne n'a le droit ni d'exiger ni de recevoir le paiement à une autre succursale.

(3) Nonobstant le paragraphe (2), la banque peut autoriser, d'une manière occasionnelle ou régulière, le déposant à effectuer des retraits ou à tirer des chèques et autres ordres de paiement à une succursale autre que celle de tenue du compte.

(4) La dette de la banque résultant du dépôt effectué à un compte de dépôt est réputée avoir été contractée au lieu où est situé la succursale de tenue du compte.

POSITION DES APPELANTS

[6]            Pour satisfaire aux exigences de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, les trois conditions suivantes doivent être réunies :

(i)             le contribuable en cause doit être un Indien au sens de la Loi sur les Indiens;

(ii)            les biens en litige doivent être des biens meubles;

(iii)                 le situs des biens meubles en litige doit être une réserve.

                                                                                                                                                     

Les deux parties reconnaissaient que les deux premiers éléments étaient présents; il reste toutefois la question du situs des dépôts à terme. En ce qui a trait à la question du situs, les appelants soutenaient d'abord que, dans l'interprétation de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, les tribunaux ne doivent se reporter au critère des facteurs de rattachement que lorsque le libellé de la loi est ambigu. Les appelants ont ensuite fait valoir que dans la présente affaire, en vertu des paragraphes 461(1) et (4) de la Loi sur les banques, il est clair que le situs des dépôts à terme est une réserve aux fins de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Donc, comme il n'y a aucune ambiguïté dans l'interprétation de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, cette cour n'a pas besoin d'appliquer le critère des facteurs de rattachement en l'espèce.

[7]            Le paragraphe 461(1) de la Loi sur les banques contient les termes « Pour l'application de la présente loi [...] » . Les appelants soutenaient que les termes « Pour l'application » , à tout le moins, font qu'il s'agit d'une disposition déterminative. En ce qui a trait aux termes restrictifs « [...] de la présente loi [...] » , les appelants ont fait référence au texte de Crawford et Falconbridge Banking and Bills of Exchange, qui rejette les implications restrictives de ces termes. Le texte en question souligne plutôt que l'effet pratique de cette disposition sera presque certainement plus vaste que la Loi sur les banques. La disposition ensuite invoquée par les appelants a été le paragraphe 461(4) de la Loi sur les banques. Les appelants soulignaient que, en vertu du paragraphe 461(4), le situs des dépôts à terme en cause est réputé être la réserve d'Ohsweken.

[8]            Les appelants reconnaissaient en outre que, en l'absence des paragraphes 461(1) et (4) de la Loi sur les banques, le critère des facteurs de rattachement devrait être utilisé pour déterminer le situs des dépôts à terme. Ils soutenaient toutefois que, en l'espèce, l'application des deux dispositions déterminatives des paragraphes 461(1) et (4) de la Loi sur les banques rend l'application du critère des facteurs de rattachement inutile dans la détermination du situs des dépôts à terme.

POSITION DE L'INTIMÉE

[9]            Le ministre soutenait que la Loi sur les banques ne devrait pas être appliquée dans la détermination du situs des dépôts bancaires. L'intimée a présenté trois arguments à l'appui de sa position. Premièrement, l'article 461 de la Loi sur les banques a codifié l'utilisation d'une approche fondée sur le droit international privé (conflit de lois), qui a été expressément rejetée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Williams c. Canada[3]. Cette approche ne peut donc pas servir à déterminer le situs d'un dépôt à terme. Deuxièmement, l'objet de l'article 461 est d'indiquer l'endroit où un client est réputé pouvoir exiger un paiement et n'est applicable qu'aux fins bancaires. L'article 461 ne vise pas à déterminer le situs des fonds du compte du client. Troisièmement, l'article 461 ne s'applique pas aux placements à terme en cause, car des placements à terme ne sont pas des comptes de dépôt au sens de cet article.

[10]          Subsidiairement, l'intimée soutenait toutefois que, si la Cour conclut que l'article 461 s'applique en totalité ou en partie au revenu de placements en cause, cet article sert simplement à accorder plus d'importance à l'un des facteurs de rattachement. De plus, selon l'intimée, dans l'application du critère des facteurs de rattachement, soutenait l'intimée, la Cour devrait adopter une approche semblable à celle qui a été utilisée dans l'affaire Recalma. Selon l'approche de la Cour dans l'affaire Recalma c. Sa Majesté la Reine[4], le revenu de placements — qu'il soit gagné grâce à l'achat de titres d'un fonds commun de placement ou grâce au dépôt de sommes d'argent dans un compte bancaire — est gagné en raison des efforts d'autres personnes et est ainsi un revenu gagné par l'investisseur d'une manière passive.

[11]          L'intimée a en outre reconnu que, dans l'application du critère des facteurs de rattachement, il y a des facteurs importants qui rattachent M. Frazer à la réserve, contrairement à ce qu'il en est dans le cas de Mme Sero. Le ministre a toutefois soutenu que, malgré les facteurs rattachant M. Frazer à la réserve, seulement des facteurs clairs quant à la réserve en tant que situs du revenu en intérêts dans les deux appels sont en litige. Dans la présente affaire, l'acquisition du revenu en intérêts ne se rattachait pas à la réserve ou à des chatels qui y étaient situés. Donc, le revenu en intérêts ne devrait pas être exonéré d'impôt simplement parce qu'un compte a été ouvert dans une succursale bancaire située sur une réserve ou qu'un titre de placement à terme y a été acheté.

APPLICATION DE LA LOI SUR LES BANQUES

[12]          Avant la promulgation de l'article 461 de la Loi sur les banques, la détermination du situs de dépôts bancaires pour diverses fins comportait bel et bien un examen compliqué. L'examen dépendait de la forme de tout reçu ou certificat émis par la banque, de l'emplacement du siège social de la banque, du domicile du déposant et d'autres facteurs pouvant varier selon l'objet de l'examen. Fondamentalement, l'approche fondée sur le droit international privé était utilisée pour déterminer le situs de dépôts bancaires. Pour simplifier les choses, on a promulgué l'article 461 de la Loi sur les banques, qui a codifié l'utilisation d'une approche fondée sur le droit international privé. En vertu du paragraphe 461(4) de la Loi sur les banques, le situs du dépôt bancaire est expressément réputé être la succursale où le particulier a placé son argent.

[13]          Je conclus que les placements des appelants sont des dépôts. Je renvoie au passage de l'affaire Saskatchewan Co-operative Credit Society Ltd. c. Canada (Ministre des Finances)(1re inst.)[5] où le juge Collier a traité de la définition de « dépôt » . Le juge Collier a dit :

[...] Afin de définir ce mot de façon appropriée dans le contexte de l'activité bancaire, il faut examiner la nature contractuelle du lien créé par ladite activité, lequel a été décrit dans la jurisprudence comme un lien débiteur-créancier. Dans R. v. Davenport, [1954] 1 W.L.R. 569 (C.A.), lord Goddard, juge en chef, a décrit comme suit le lien à la page 571 :

[TRADUCTION] Bien que l'on parle des personnes qui ont de l'argent à la banque, il faut comprendre que la seule personne qui a de l'argent à la banque est le banquier. Si je verse de l'argent à ma banque en lui remettant un montant en espèces ou un chèque, cet argent devient immédiatement l'argent du banquier. Le lien entre le banquier et le client est un lien débiteur-créancier. Il ne détient pas mon argent comme mandataire ou fiduciaire; ce concept a été exploré dans l'arrêt-clé Foley v. Hill [(1844), 1 P.H. 399]. Dès que l'argent est payé à la banque, il devient celui du banquier et le contrat conclu entre celui-ci et le client est celui par lequel le banquier reçoit un prêt d'argent du client et promet, en échange, d'honorer les chèques du client sur demande. Lorsque le banquier remet de l'argent, qu'il remette un montant en espèces au comptoir ou qu'il crédite le compte bancaire de quelqu'un d'autre, il paie à même son propre argent et non à même celui du client; il débite toutefois le compte du client. Le client a une chose in action, c'est-à-dire le droit de s'attendre à ce que le banquier honore son chèque. En conséquence, en l'espèce, l'argent payé à l'égard de ces chèques était l'argent du banquier, mais il a donné lieu à un débit dans le compte du client.

                À mon sens, un dépôt est un contrat par lequel un client prête de l'argent à une banque. Les conditions du prêt peuvent varier selon l'entente conclue entre le banquier et le client[6].

Manifestement, les appelants ont prêté de l'argent à la Banque Royale, comme en fait foi l'acquisition, par les appelants, de titres de placement à terme, d'un compte d'épargne et de CPG. Les appelants ont donc plusieurs dépôts à la Banque Royale, plus précisément à la succursale d'Ohsweken. Je ne peux toutefois accepter la position des appelants selon laquelle l'article 461 de la Loi sur les banques met fin à l'examen quant à la détermination de la question litigieuse en l'espèce.

[14]          Dans l'affaire Williams, le juge Gonthier a expressément traité de l'approche fondée sur le droit international privé. Il a dit au sujet de cette approche :

[...] Cela peut être raisonnable pour les fins générales du droit international privé. Cependant, il faut s'interroger sur son utilité aux fins qui sous-tendent l'exemption fiscale prévue dans la Loi sur les Indiens[7].

Il a poursuivi en disant :

En répondant à cette question, il est évident qu'il serait complètement contraire à l'économie et aux objets de la Loi sur les Indiens et de la Loi de l'impôt sur le revenu d'adopter simplement les principes généraux du droit international privé dans le présent contexte. En effet, les objets du droit international privé ont peu sinon rien en commun avec ceux qui sous-tendent la Loi sur les Indiens. On ne voit pas en quoi le lieu d'exécution normal d'une dette est pertinent pour décider si l'imposition de la réception du paiement de la dette représenterait une atteinte aux droits détenus par un Indien à titre d'Indien sur une réserve. Le critère du situs en vertu de la Loi sur les Indiens doit être interprété conformément aux objets de cette loi et non à ceux du droit international privé. En conséquence, il faut réexaminer attentivement, en fonction des objets de la Loi sur les Indiens, si l'on doit retenir la résidence du débiteur comme facteur exclusif pour déterminer le situs de prestations comme celles qui ont été versées en l'espèce. Il se peut que la résidence du débiteur demeure un facteur important, voire même le seul. Toutefois, on ne peut arriver directement à cette conclusion à partir d'une analyse de la façon dont le droit international privé tranche cette question[8].

Il est clair que l'approche fondée sur le droit international privé ou plutôt l'article 461 de la Loi sur les banques ne peut être exclusivement utilisé dans la détermination de la question litigieuse en l'espèce; je conclus toutefois que c'est un élément du critère des facteurs de rattachement.

CRITÈRE DES FACTEURS DE RATTACHEMENT

(I)             Historique législatif

[15]          Tout d'abord, dans l'affaire Williams[9], la Cour suprême du Canada a réitéré l'objet législatif général des articles 87 et 90 de la Loi sur les Indiens. Le juge Gonthier a cité l'extrait suivant de la décision rendue par le juge La Forest dans l'affaire Mitchell c. Bande indienne Peguis[10] :

[...] Historiquement, les exemptions de taxe et de saisie ont protégé de deux façons la capacité des Indiens de profiter de cette propriété. Premièrement, elles empêchent qu'un palier de gouvernement, par l'imposition de taxes, puisse porter atteinte à l'intégrité des bénéfices accordés par le palier de gouvernement responsable du contrôle des affaires indiennes. Deuxièmement, la protection contre les saisies assure que l'exécution de jugements obtenus par des non-Indiens en matière civile ne pourra entraver les Indiens dans la libre jouissance des avantages qu'ils ont acquis ou pourront acquérir conformément à l'exécution par la Couronne de ses obligations prévues par traité. Dans les faits, ces articles ont protégé les Indiens contre l'imposition d'obligations de nature civile qui pouvaient conduire, quoique indirectement, à l'aliénation de leurs terres à la suite de ventes forcées et par d'autres moyens semblables; voir l'examen par le juge Brennan du but des exemptions de taxe accordées aux Indiens en contexte américain dans l'arrêt Bryan v. Itasca County, 426 U.S. 373 (1976), à la p. 391.

                En résumé, le dossier historique indique clairement que les art. 87 et 89 de la Loi sur les Indiens, auxquels s'applique la présomption de l'art. 90, font partie d'un ensemble législatif qui fait état d'une obligation envers les peuples autochtones, dont la Couronne a reconnu l'existence tout au moins depuis la signature de la Proclamation royale de 1763. Depuis ce temps, la Couronne a toujours reconnu qu'elle est tenue par l'honneur de protéger les Indiens de tous les efforts entrepris par des non-Indiens pour les déposséder des biens qu'ils possèdent en tant qu'Indiens, c'est-à-dire leur territoire et les chatels qui y sont situés.

                Il est également important de souligner la conséquence de la conclusion que je viens de tirer. Le fait que la loi contemporaine, comme sa contrepartie historique, prenne tant de soin pour souligner que les exemptions de taxe et de saisie ne s'appliquent que dans le cas des biens personnels situés sur des réserves démontre que l'objet de la Loi n'est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d'acquérir, de posséder et d'aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens. Un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l'extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens[11].

[16]          L'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens exonère d'impôt « les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve » . Dans l'affaire Mitchell, le juge La Forest a dit que l'objet législatif de l'exonération prévue dans la Loi sur les Indiens est « de protéger les Indiens de tous les efforts entrepris par des non-Indiens pour les déposséder des biens qu'ils possèdent en tant qu'Indiens » [12]. [Le caractère gras est de moi.] Dans son jugement, le juge La Forest a souligné que l'objet de l'exonération n'est pas d'accorder un avantage économique aux Indiens et que les biens que des Indiens détiennent sur le marché sont détenus selon les mêmes modalités que dans le cas d'autres Canadiens. Il a clarifié ce principe en donnant l'exemple qui suit :

Lorsque les bandes indiennes s'engagent dans le marché commercial, il faut s'attendre à ce qu'elles puissent parfois conclure des accords purement commerciaux avec les Couronnes provinciales de la même façon qu'avec des parties privées. Après tout, les Couronnes provinciales sont des acteurs importants sur le marché. Donc, si une bande indienne conclut une opération commerciale ordinaire, que ce soit avec une Couronne provinciale ou une société privée, et acquiert des biens personnels, que ce soit sous forme de chatels ou de titres de créances, comment doit-on qualifier les biens en question? À mon avis, il est illogique de les comparer aux biens qui échoient aux Indiens conformément aux traités et à leurs accords accessoires. Les Indiens ont un droit absolu à ces biens; ils leur sont dus en tant qu'Indiens. La situation des biens personnels acquis par des Indiens au cours d'opérations commerciales ordinaires est nettement différente; il s'agit simplement de biens que toute autre personne aurait pu acquérir et je ne vois aucune raison pour laquelle dans ces circonstances les Indiens ne devraient pas être traités de la même façon que toute autre personne[13].

[17]          Ultérieurement, dans l'affaire Brant c. M.R.N.[14], le juge Sobier a énuméré les quatre exigences auxquelles il doit être satisfait pour que les biens d'un Indien soient exonérés d'impôt :

(1) il doit s'agir de biens meubles;

(2) l'Indien doit en être propriétaire;

(3) l'Indien doit être assujetti à l'impôt quant à ces biens;

(4) les biens doivent être situés sur la réserve [15]. [Le caractère gras italique est de moi.]

[18]          Il est clairement satisfait aux trois premiers critères dans les deux présents appels. Le fait que les intérêts en cause représentent des biens meubles des appelants n'est pas contesté. Les deux appelants sont des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens. Le ministre cherche à imposer une obligation fiscale à l'égard des intérêts en cause. Seul le quatrième critère est en litige dans les deux dossiers. Depuis l'affaire Brant, le critère relatif au situs d'un bien a donné lieu à une abondante jurisprudence et à de nombreuses discussions théoriques. Différents critères ont été élaborés dans le passé. Dans l'affaire Williams, la Cour a opté pour une approche fondée sur l'objet dans la détermination du situs d'un bien. Il s'agit de ce que l'on appelle le critère des « facteurs de rattachement » . Dans l'affaire Williams, le juge Gonthier a donné les détails suivants sur ce critère :

[...] Il faut d'abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d'identifier l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses :

(1) l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens,

(2) le genre de bien en cause et

(3) la nature de l'imposition de ce bien. [Le caractère gras italique est de moi.]

Il s'agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l'imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve[16].

[19]          Dans l'application du critère des « facteurs de rattachement » , la Cour examinerait les trois aspects cités ci-dessus. Il est à noter que l'objet législatif sous-jacent à l'exonération est le principe énoncé par la Cour dans l'affaire Mitchell. Plus récemment, dans la détermination du situs d'un revenu de placements, la Cour canadienne de l'impôt a dit dans l'affaire Recalma c. Sa Majesté La Reine :

[...] il y a lieu de tenir compte des éléments de rattachement suivants pour déterminer le situs du revenu de placement :

a)      la résidence des appelants;

b)      la source ou l'emplacement du capital utilisé pour acheter les valeurs mobilières;

c)      l'emplacement de la succursale bancaire où les valeurs mobilières ont été achetées;

d)      l'endroit où le revenu de placement est utilisé;

e)      l'emplacement des instruments de placement;

f)      l'endroit où le revenu de placement est versé;

g)     la nature des valeurs mobilières, et en particulier :

(i) le lieu de résidence de l'émetteur;

(ii) l'endroit où l'émetteur exerce l'activité qui engendre un revenu et donne lieu au placement;

(iii) l'emplacement du bien de l'émetteur qui, en cas de défaut, pourrait faire l'objet d'une saisie.[Le caractère gras italique est de moi.]

Il est important de souligner d'abord la nature des biens en question. Les biens consistent en un revenu tiré, sous forme d'intérêt, de valeurs mobilières appartenant aux appelants. Ce ne sont pas les valeurs mobilières elles-mêmes. Aussi, l'élément essentiel est-il le revenu. Parmi les facteurs énumérés, ceux qui se rapportent exclusivement à l'emplacement ou à la source des valeurs mobilières elles-mêmes ont un poids moindre. Il s'agit notamment de la source du capital utilisé pour acheter les valeurs mobilières et de l'emplacement de la succursale bancaire où les valeurs mobilières ont été achetées. De même, en ce qui concerne l'endroit où le revenu de placement est utilisé après avoir été reçu, il revêt une importance moindre, mais demeure néanmoins un facteur[17].

[20]          La Cour d'appel fédérale[18] a en outre déclaré en confirmant la décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Recalma :

En évaluant les différents facteurs pertinents, la Cour doit décider de l'endroit où il est « le plus logique » de situer les biens meubles afin d'éviter de porter « atteinte à un bien détenu par un Indien en tant qu'Indien » dans le but de protéger le mode de vie traditionnel des autochtones. Dans l'évaluation des différents facteurs pertinents, il est également important de déterminer si l'activité qui a généré le revenu était « étroitement liée » à la réserve, c'est-à-dire si elle faisait « partie intégrante » de la vie dans la réserve, ou s'il est plus approprié de la considérer comme une activité accomplie sur « le marché ordinaire » (voir Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269 (C.A.F.)). Il convient de préciser que le concept « du marché ordinaire » n'est pas un critère ayant pour but de déterminer si les biens sont situés dans une réserve; il s'agit simplement d'un élément qui aide à l'évaluation des divers facteurs à l'étude. Ce n'est absolument pas un critère déterminant. L'exercice de raisonnement primordial est de décider, en tenant compte de l'ensemble des facteurs de rattachement et en gardant à l'esprit l'objet de l'article, de l'endroit où sont situés les biens, c'est-à-dire si le revenu gagné fait « partie intégrante de la vie de la réserve » , s'il est « étroitement lié » à cette vie, et s'il devrait être protégé pour empêcher de porter atteinte aux biens détenus par les Indiens en tant qu'Indiens.

Il est bien évident que les différents facteurs pourront avoir une importance différente dans chaque cas. [Le caractère italique est de moi.] Ce qui est extrêmement important, surtout en l'espèce, c'est le type de revenus que l'on veut assujettir à l'impôt. Lorsque le revenu est tiré d'un emploi ou qu'il s'agit d'un salaire, le lieu de résidence du contribuable, le type de travail effectué, l'endroit où le travail a été effectué et la nature de l'avantage qu'en tire la réserve ont une très grande importance (voir Folster, précité). Lorsque le revenu provient de prestations d'assurance-chômage, le facteur le plus important est de savoir où le travail ouvrant droit aux prestations a été effectué (voir Williams, précité). Lorsqu'il s'agit d'un revenu d'entreprise, le facteur primordial sera l'endroit où le travail a été effectué et où se trouve la source du revenu (voir Southwind c.La Reine, le 14 janvier 1998, dossier A-760-95 (C.A.F.))[19].

(ii)            Application du critère des facteurs de rattachement

Mme Audrey Sero

[21]          Ce qui est en litige, ce sont des intérêts sur les dépôts à terme. Dans le cas de Mme Sero, tous les facteurs de rattachement mentionnés permettent de conclure que, pendant toute la période pertinente, les intérêts gagnés sur les dépôts à terme n'étaient pas situés sur une réserve aux fins du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens. Durant la période pertinente, ni Mme Sero ni la Banque Royale n'étaient des résidents de la réserve. Les actifs de la Banque Royale étaient situés hors de la réserve. Le capital utilisé pour générer les intérêts en cause avait été gagné hors de la réserve. En outre, l'activité « qui engendre un revenu et donne lieu au placement » a été exercée hors de la réserve. Il y a seulement deux facteurs qui rattachent les intérêts en cause à la réserve. Premièrement, la succursale bancaire où les placements ont été faits était située sur la réserve. Deuxièmement, les dépôts bancaires sont, en vertu de la Loi sur les banques, réputés être situés sur la réserve. Ayant soupesé ces différents facteurs et ayant notamment examiné la nature du revenu de placements, notre cour est parvenue à la conclusion que les intérêts en cause n'étaient pas situés sur une réserve au sens du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens.

M. Cyril Frazer

[22]          Ce qui est en litige, ce sont des intérêts sur le compte d'épargne et sur les dépôts à terme, y compris les CPG. Dans le cas de M. Frazer, tous les facteurs de rattachement, à l'exclusion du flux du revenu en intérêts, étayent la position selon laquelle les intérêts en cause étaient situés sur une réserve au sens du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens. M. Frazer est un résident de la réserve depuis que, en 1985, il a pris sa retraite. Le capital qui a donné lieu aux intérêts avait été gagné sur la réserve, grâce à l'entreprise de blanchissage de M. Frazer, qui était également située sur la réserve. La succursale bancaire où les placements ont été faits était située sur une réserve et, en vertu de la Loi sur les banques, le compte d'épargne et les dépôts à terme, y compris les CPG, sont réputés être situés sur la réserve.

[23]          Un seul facteur reste en litige, à savoir la nature du revenu, et notamment :

(i)             le lieu de résidence de l'émetteur;

(ii)            l'endroit où l'émetteur exerce l'activité qui engendre un revenu et donne lieu au placement;

(iii)           l'emplacement du bien de l'émetteur qui, en cas de défaut, pourrait faire l'objet d'une saisie.

[24]          En l'espèce, la Banque Royale et les actifs de cette dernière étaient situés hors de la réserve. Les intérêts en cause ont en outre été générés hors de la réserve. Ainsi, une analyse de la nature des intérêts en cause étaye la conclusion selon laquelle ces intérêts n'étaient pas situés sur une réserve au sens du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens.

[25]          Les faits de l'affaire Recalma sont un peu semblables à ceux de l'appel de M. Frazer. Dans l'affaire Recalma, tous les facteurs pertinents, à part la nature du revenu de placements, étayaient la conclusion selon laquelle le revenu gagné dans ce cas-là était situé sur une réserve. Toutefois, dans l'affaire Recalma, notre cour a statué que, concernant un revenu tiré d'acceptations bancaires et de titres d'un fonds commun de placement, il convenait d'accorder plus de poids à la nature du revenu de placements, et notamment au flux du revenu. En accordant plus de poids au flux du revenu en intérêts et à l'emplacement de la banque et des actifs de cette dernière, notre cour était parvenue à la conclusion selon laquelle le revenu tiré d'acceptations bancaires et de titres d'un fonds commun de placement n'était pas situé sur une réserve au sens du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens. La Cour d'appel fédérale a confirmé les conclusions rendues par notre cour dans l'affaire Recalma.

[26]          Une lecture plus approfondie des motifs rendus par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Recalma indique que la Cour d'appel fédérale est allée plus loin en statuant que la même analyse appliquée par les tribunaux dans l'affaire Recalma est applicable à tous les cas relatifs à un revenu de placements. Depuis la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Recalma, notre cour a, dans une série de jugements, appliqué l'analyse faite dans l'affaire Recalma à des revenus de placements autres que des revenus tirés de placements dans des acceptations bancaires et des titres d'un fonds commun de placement. Dans l'affaire sous le régime de la procédure informelle Hill c. R.[20], notre cour a statué que des intérêts gagnés sur des dépôts à terme à la Banque Royale n'étaient pas dissemblables au revenu tiré des acceptations bancaires décrites dans l'affaire Recalma. Notre cour a ensuite appliqué l'analyse faite par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Recalma aux intérêts gagnés sur des dépôts à terme et elle a rejeté l'appel. Dans l'affaire récente Lewin c. La Reine, 1999-504(IT)G, actuellement en appel (l'affaire « Lewin » ), notre cour a appliqué l'analyse faite par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Recalma et elle a statué que des intérêts tirés de certificats de placement émis par la Caisse populaire Desjardins n'étaient pas situés sur une réserve au sens du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens.

[27]          Les faits de l'espèce ne peuvent être distingués de ceux des affaires Hill et Lewin. Ainsi, en appliquant le critère des facteurs de rattachement au revenu de placements dans la présente affaire, notre cour est tenue d'appliquer l'analyse faite par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Recalma en accordant plus de poids à un facteur de rattachement unique, à savoir le flux du revenu.

[28]          Ainsi, notre cour reste liée par le raisonnement tenu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Recalma et par la force persuasive de la série de jugements postérieurs à l'affaire Recalma. Les appels sont donc rejetés, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour d'avril 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-548(IT)G

ENTRE :

AUDREY J. SERO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Cyril Frazer (1999-2486(IT)G), les 14 et 15 mars 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge D. Hamlyn

Comparutions

Avocats de l'appelante :    Me Richard B. Thomas, Me Lisa Wong

Avocate de l'intimée :        Me Wendy M. Yoshida

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté, avec frais. L'ordonnance pour les dépens est limitée à un seul mémoire de frais pour les deux appels, à savoir celui-ci et l'appel Cyril Frazer c. Sa Majesté la Reine (1999-2486(IT)G).

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'avril 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2486(IT)G

ENTRE :

CYRIL FRAZER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel d'Audrey J. Sero (1999-548(IT)G), les 14 et 15 mars 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge D. Hamlyn

Comparutions

Avocats de l'appelant :      Me Richard B. Thomas, Me Lisa Wong

Avocate de l'intimée :        Me Wendy M. Yoshida

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté, avec frais. L'ordonnance pour les dépens est limitée à un seul mémoire de frais pour les deux appels, à savoir celui-ci et l'appel Audrey J. Sero c. Sa Majesté la Reine (1999-548(IT)G).

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'avril 2002.

Martine Brunet, réviseure




[1] Sauf indication contraire, tous les onglets mentionnés sont des onglets du volume I du recueil conjoint de documents pour A. Sero.

[2] Sauf indication contraire, tous les onglets mentionnés sont des onglets du volume I du recueil conjoint de documents pour C. Frazer.

[3] Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877 (l'affaire « Williams » ).

[4] C.C.I., no 94-1971(IT)G, 17 juin 1996 (96 DTC 1520) (l'affaire « Recalma » ).

[5] Saskatchewan Co-operative Credit Society Ltd. c. Canada (Ministre des Finances) (1re inst.), [1990] 2 C.F. 115.

[6] Ibid., à la page 124.

[7] Affaire précitée, note 3, à la page 890.

[8] Affaire précitée, note 3, aux pages 890 et 891.

[9] Affaire précitée.

[10] Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85 [l'affaire « Mitchell » ].

[11] Ibid., aux pages 130 et 131.

[12] Ibid., à la page 131.

[13] Ibid., à la page 138.

[14] Brant c. M.R.N., C.C.I., no 89-8(IT), 30 septembre 1992 (92 DTC 2274).

[15] Ibid., à la page 3 (DTC : à la page 2276).

[16] Affaire précitée, note 3, aux pages 892 et 893.

[17] Affaire précitée, note 4, aux pages 8 et 9 (DTC : à la page 1523).

[18] Recalma c. Sa Majesté la Reine, C.A.F., no A-571-96, 27 mars 1998 (98 DTC 6238).

[19] Ibid., aux pages 5 et 6 (DTC : à la page 6239).

[20] C.C.I, no 95-1005(IT)I, 4 mai 1999 ([1999] 3 C.T.C. 2073) (l'affaire « Hill » ).

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