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Date: 20010629

Dossier: 98-2653-IT-G, 98-2816-IT-G

ENTRE :

HENRI SIMON, GILDA SIMON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]            Madame Gilda Simon et son mari, monsieur Henri Simon, contestent des cotisations établies le 4 septembre 1997 par le ministre du Revenu national (ministre) en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi). Appliquant cet article, le ministre tient le couple Simon responsable du paiement des retenues à la source que la société Aviron Limitée (Aviron) aurait omis de faire relativement à l'impôt à payer par ses employés sur les salaires qu'elle leur a versés. Les cotisations concernent aussi des cotisations dues par Aviron et ses employés en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (LAE). Le manquement d'Aviron relativement à toutes ces sommes (DAS) qu'elle aurait dû retenir et remettre au ministre se serait produit à l'égard de la période du 1er mai 1993 au 30 juin 1994 (période pertinente). Voici le détail des DAS qu'Aviron aurait omis de faire et de remettre au ministre et des montants de pénalité et d'intérêt exigés d'Aviron dans les cotisations établies à son égard :

Date

Détail de la cotisation

Impôt

fédéral

Assurance-chômage

Pénalité

Intérêt

Total

27/04/94

D.A.S. de mai

à décembre 1993

39 253,34 $

2 266,20 $

3 751,95 $

1 837 $

47 108,49 $

27/04/94

D.A.S. de janvier

à mars 1994

11 082,50 $

484,59 $

1 006,70 $

66 $

12 639,79 $

25/01/95

D.A.S. d'avril

à juin 1994

15 396,00 $

1 539,60 $

759 $

17 694,60 $

21/02/96

Différence T4 de 1994

5 381,34 $

488,13 $

654 $

6 523,47 $

Moins :

15/05/94

Paiement imputé

(4 000,00 $)

19/09/94

Paiement imputé

(3 832,74 $)

Plus :

04/09/97

Intérêt couru

24 829,39 $

Frais judiciaires

   100,69 $

Solde dû :

101 063,69 $

[2]            Les seuls moyens invoqués par les Simon au cours de l'audience pour contester ces cotisations sont les suivants : i) ils n'étaient pas administrateurs d'Aviron durant la période pertinente; ii) de façon subsidiaire, s'ils l'étaient, ils ne l'étaient plus au 4 septembre 1995 et, comme elles sont en date du 4 septembre 1997, les cotisations sont prescrites; iii) le montant des DAS qu'Aviron aurait omis de faire et de remettre pour l'année 1994 n'a pas été établi de façon satisfaisante. Quant au montant pour l'année 1993, les appelants ne le contestent pas. De son côté, le ministre reconnaît que le montant de 100,69 $ représentant des frais judiciaires doit être retranché du montant de la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 de la Loi.

Les faits

[3]            Aviron a été constituée en société le 9 décembre 1940 en vertu de la partie I de la " Loi des compagnies Québec "[1]. Aviron a exploité une école d'enseignement de métiers (école) depuis cette époque. Monsieur et madame Simon, de même qu'un certain Kamal Chehab, ont acquis en mai ou juin 1990, directement ou par l'intermédiaire d'une société, toutes les actions d'Aviron. Monsieur Chehab est une connaissance d'enfance de monsieur Simon et un de ses anciens clients. Leurs mères étaient des amies en Égypte. C'est monsieur Chehab qui a encouragé les Simon à se joindre à lui pour acquérir toutes les actions d'Aviron. Lors de cette acquisition, Aviron était en difficulté financière. Elle avait des dettes d'environ 800 000 $, ce qui expliquerait pourquoi le prix d'achat des actions d'Aviron s'est élevé à une somme minime de 1 $.

[4]            La répartition des actions entre les nouveaux actionnaires n'a pas été établie de façon précise lors de l'audience. Malheureusement, la preuve est contradictoire. Selon le témoignage de madame Simon, elle aurait été actionnaire d'Aviron depuis le début. Selon monsieur Chehab, lui et monsieur Simon détenaient chacun 45 actions, et madame Simon, 10 actions[2]. Selon monsieur Simon, seuls lui et monsieur Chehab étaient actionnaires d'Aviron, possédant 45 actions chacun. Toutefois, il n'a pas expliqué comment il se trouve qu'il y a 100 actions ordinaires le 6 mai 1994 : selon le rapport annuel, monsieur Chehab détenait 45 actions, et une société à dénomination numérique, 2744-6020 Québec Inc. (GSI), 55 actions. Il est possible que les actions de madame Simon et de monsieur Chehab aient été acquises par GSI à l'automne 1990 mais cela n'a pas été établi de façon convaincante.

[5]            Monsieur Chehab est devenu le directeur général de l'école et, selon les dires de monsieur Simon, il aurait été le seul administrateur d'Aviron. Par contre, lors de son témoignage, madame Simon a affirmé avoir été administratrice d'Aviron depuis le début. Monsieur Chehab devait consacrer toutes ses énergies à la rentabilisation de l'exploitation de l'école par cette société.

[6]            À l'automne 1990, madame Simon a commencé à prendre part à la gestion quotidienne d'Aviron. Elle décrit son travail comme étant au tout début, celui de secrétaire. Quelques mois après son arrivée à l'école, elle aurait noté qu'il existait des conflits de personnalité entre monsieur Chehab et le personnel enseignant. De plus, elle aurait constaté qu'une carte de crédit d'Aviron avait été utilisée par monsieur Chehab pour payer des achats personnels d'un de ses proches. Tout cela aurait provoqué, selon les Simon, le départ de monsieur Chehab vers les mois d'octobre 1990[3]. Ce dernier aurait été remplacé comme administrateur par un certain monsieur Sandy Lapenna. Au bout de quelques mois, monsieur Lapenna a quitté Aviron pour fonder sa propre entreprise et, selon monsieur Simon, il aurait été remplacé en 1991 par madame Simon, qui a alors occupé le poste de directrice générale de l'école et la charge d'administratrice.

[7]            Monsieur Simon affirme avoir peu participé à la gestion quotidienne de l'école. Avant août 1992, monsieur Simon n'aurait jamais été administrateur d'Aviron. Il dit avoir limité son rôle à celui de conseiller juridique. En cette qualité, il aurait négocié avec la banque le refinancement de la société et négocié avec les autres créanciers ce celle-ci. Pourtant, il a signé le certificat d'actions comme président d'Aviron. Monsieur Simon est avocat depuis 1975 : il pratique le droit des affaires, plus particulièrement dans le domaine du financement d'entreprises. Au début, affirme-t-il, il ne rencontrait monsieur Chehab que les vendredis après son travail. De plus, il a lui-même donné un cours sur la sécurité entre 1992 et 1994. Il s'agissait d'un cours de base donné par bloc de quatre heures. Il affirme l'avoir donné à une dizaine de reprises, notamment les lundis.

[8]            Madame Malo a donné une version différente des faits. Elle a affirmé avoir vu monsieur Simon à l'école, au tout début, pratiquement tous les jours. Par la suite, en 1993 et 1994, il était, selon elle, dans son bureau à l'école tous les lundis, durant toute la journée. Il y était aussi à l'occasion les autres jours de la semaine. Le comptable Lafond a aussi indiqué que monsieur Simon était à l'école tous les lundis entre 1991 et 1994.

[9]            Aviron a obtenu de la Banque Nationale en août 1992 un nouveau financement de 750 000 $ à l'égard duquel monsieur Simon a dû fournir personnellement caution. Ce financement se composait d'un prêt à terme de 500 000 $ et d'une marge de crédit de 250 000 $. En plus de la caution qu'il a donnée, monsieur Simon aurait été obligé d'accepter de participer davantage à la gestion d'Aviron et de devenir, à la demande de la Banque Nationale, un des administrateurs d'Aviron. Le 13 août 1992, monsieur et madame Simon donnent à la Banque Nationale confirmation par écrit qu'ils sont les deux administrateurs d'Aviron[4] et que monsieur Simon en est le président, et madame Simon, la vice-présidente.

[10]          Selon madame Simon, l'école comptait à cette époque environ 35 employés. La rentrée scolaire à l'automne 1992 a été catastrophique au dire de monsieur Simon. L'école n'avait qu'environ 120 à 150 élèves. La situation économique à l'époque a contribué fortement à faire diminuer le nombre d'élèves d'environ 200. Selon monsieur Simon, le nombre d'élèves n'était plus suffisant pour que l'école puisse être exploitée de façon rentable. Il aurait donc recommandé à son épouse de la fermer. Toutefois, cette dernière croyait qu'elle pouvait améliorer la situation. Elle travaillait d'ailleurs de très longues heures, de neuf heures le matin jusqu'à dix ou onze heures le soir. Malheureusement, pour la session d'hiver 1993, le nombre d'inscriptions a été aussi désastreux que pour la session d'automne de 1992. Cette situation aurait encouragé monsieur Simon à trouver un nouvel acquéreur ou, à défaut, de fermer l'école.

[11]          Selon monsieur Simon, monsieur Chehab serait revenu cogner à sa porte au mois de mai 1993. Celui-ci aurait su qu'il y avait eu une chute importante d'inscriptions et que les affaires d'Aviron allaient mal. Toujours selon monsieur Simon, monsieur Chehab " voulait absolument reprendre l'école ". Monsieur Simon aurait alors offert de lui vendre toutes les actions d'Aviron pour une somme symbolique de 1 $. Comme il avait donné à la banque une caution pour 750 000 $, monsieur Simon affirme qu'il avait intérêt à vendre ainsi ses actions puisque le nouveau propriétaire verrait aux versements des sommes dues à la Banque Nationale.

[12]          À l'appui de son allégation que lui et sa femme avaient vendu à monsieur Chehab le 3 mai 1993 tous leurs intérêts dans Aviron et qu'ils avaient alors été remplacés comme administrateurs de cette société, monsieur Simon a produit lors de son témoignage la copie du certificat d'actions au dos duquel il est indiqué que monsieur Simon l'avait transféré à monsieur Chehab le 3 mai 1993[5]. Monsieur Simon a déclaré que le certificat avait été endossé le 3 mai 1993. Madame Simon aurait peut-être cédé ses actions de GSI à monsieur Chehab quelques jours plus tard.

[13]          Monsieur Simon a aussi produit une copie d'une résolution des actionnaires d'Aviron (résolution du 3 mai 1993) tenant lieu d'assemblée annuelle et adoptée lors d'une réunion qui se serait tenue le 3 mai 1993, à 10 h 30, au 3975, rue de Courtrai à Montréal, soit l'adresse de l'école. Monsieur Simon affirme avoir rédigé ce document sur les directives de monsieur Chehab et avoir été témoin de la signature du document. Il s'agit d'une résolution par laquelle monsieur Chehab et GSI, à titre d'actionnaires, élisent trois administrateurs, à savoir : Kamal Chehab, Robledo David et Vasilios Alefantis (trois désignés). En plus de cette résolution, monsieur Simon a produit le rapport annuel dans lequel on indique que les trois désignés sont les administrateurs d'Aviron. Ce rapport préparé par monsieur Simon est signé par monsieur Chehab.

[14]          Lors de son témoignage, monsieur Chehab a affirmé n'avoir signé la résolution du 3 mai 1993 que vers le 20 juin 1994 et a dit que ce document aurait donc été antidaté. Il affirme n'avoir agi qu'à titre de prête-nom pour les Simon lorsqu'il a acquis les actions d'Aviron en juin 1994[6]. Il ajoute de plus n'avoir jamais reçu le certificat d'actions qui aurait été endossé en sa faveur par monsieur Simon. C'est d'ailleurs monsieur Simon qui l'a produit, sous la cote A-1, et qui l'a décrit comme une " photocopie du certificat d'actions ". Monsieur Chehab affirme aussi n'avoir jamais reçu le livre des procès-verbaux d'Aviron ou les registres des actionnaires et des administrateurs. Il affirme ne pas connaître messieurs David et Alefantis. Selon lui, monsieur Simon aurait tiré ces noms de l'annuaire téléphonique. Monsieur Simon a reconnu lui aussi ne pas connaître ces deux personnes.

[15]          Monsieur Simon affirme que le responsable du compte (responsable des prêts) d'Aviron à la Banque Nationale aurait insisté pour que madame Simon demeure, après la vente des actions à monsieur Chehab, la signataire des chèques émis par Aviron et pour qu'il n'y ait pas de changement d'administrateurs de la société. Ce responsable des prêts n'est pas venu témoigner pour corroborer les dires de monsieur Simon. Jusqu'au mois de juillet 1994, madame Simon a été la seule signataire en ce qui concerne le compte courant bancaire d'Aviron[7].

[16]          Même s'ils avaient vendu, comme ils l'affirment, tous leurs intérêts dans Aviron à monsieur Chehab dès le mois de mai 1993, les Simon ont accepté de consentir, le 30 juillet 1993, une hypothèque de 100 000 $ sur leur résidence pour garantir la marge de crédit d'Aviron. De plus, c'est madame Simon qui a continué à s'occuper de la gestion de l'école au moins jusqu'à la fin de 1993. Elle a expliqué que la présence de monsieur Chehab aurait causé une révolte à l'école. D'ailleurs, une visite de monsieur Chehab en mai 1993 aurait suscité beaucoup d'inquiétude au sein du personnel. Elle décrit la période entre mai 1993 et juin 1994 comme " en étant une de sevrage " qui visait à permettre un retour progressif de monsieur Chehab. Voici comment elle a décrit la situation :

[...] Alors évidemment moi j'étais intéressée, je voulais m'en aller. À l'époque j'avais trois enfants et ce n'était plus une vie pour moi de toutes les façons. Alors quand il est rentré, tranquillement, personne ne l'a su évidemment, on ne l'a pas dit, ça aurait été je crois que les employés se seraient mis en grève, il y aurait eu une révolte incroyable et quand il y a des problèmes avec les employés, les étudiants et quand leur cours n'est pas bon ou qu'il n'est pas donné adéquatement ou il y a aussi des étudiants se plaignent et les étudiants, vous comprenez. Alors un problème sur un autre, alors il fallait qu'on fasse comme une sorte, que je fasse moi comme une sorte de sevrage pour faire entrer monsieur Chehab. Ça répond?

                                Me HENRI SIMON :

                92             Q.             Et ce sevrage pour vous que vous avez exprimé, pouvez-vous l'expliquer?

                                R.             Bien j'ai continué moi à faire une sorte de figure pour lui en attendant tranquillement je suis venue tout le temps, tout le temps, tout le temps et à un moment donné tranquillement je me suis retirée et là je venais trois jours par semaine. Et là j'ai même continué à signer des chèques un petit moment pour d'abord pour la banque et d'abord pour monsieur Chehab. Il ne pouvait pas avoir la signature de monsieur Chehab, il était comme inexistant à ce moment-là. Ça répond?

                                                                                                                                                [Je souligne.]

[17]          Madame Simon a mentionné qu'elle était enceinte d'un quatrième enfant. À compter du mois d'octobre 1993, elle aurait diminué ses présences à l'école à deux ou trois jours par semaine et ce n'était pas des journées entières qu'elle y passait. Elle aurait quitté l'école au mois de janvier 1994 pour son accouchement. Elle ne serait plus revenue par la suite sauf en de rares occasions. Voici comment elle a décrit la situation :

                94             Q.             ... vous avez réduit et ensuite qu'est-ce qui s'est passé, la réduction jusqu'à quand?

                                R.             La réduction, moi j'étais enceinte, j'ai accouché en janvier 94. Ça veut dire que j'ai complètement quitté je dirais deux trois mois avant comme octobre peut-être, dans ce bout-là, octobre 93 puisque j'ai accouché en janvier 94.

                                MONSIEUR LE JUGE :

[. . .]

                96             Q.             Je m'excuse, qu'est-ce qui se passe en octobre 93?

                                R.             Octobre 93, je m'en vais chez nous. Je vais accoucher dans pas longtemps.

                97             Q.             Est-ce que là vous quittez à cent pour cent (100 %)?

                                R.             Et là, mais je viens de temps en temps toujours.

                98             Q.             D'accord.

                                R.             Jamais à cent pour cent (100 %). Ça faisait un petit moment que j'allais de temps en temps.

                99             Q.             Donc d'octobre 93 à janvier 94, où vous cessez complètement, vous venez à raison de combien de jours par semaine?

                                R.             Peut-être deux jours.

                100           Q.             D'accord.

                                R.             Ça pouvait varier chaque semaine, deux jours, des fois trois jours et même pas à temps plein toute la journée comme auparavant.

                                                                                                                                                [Je souligne.]

[18]          Lors de son contre-interrogatoire, elle a fournit ces explications complémentaires :

                312           Q.             Et monsieur Chehab est-ce qu'il était là à toutes les semaines, à tous les jours?

                                R.             Je ne sais pas la fréquence. Monsieur Chehab se faisait très discret pendant un moment. Il avait intérêt à être très discret.

                313           Q.             Alors qui prenait les décisions?

                                R.             Et je ne sais pas, il essayait de faire... Mais l'école elle a toujours roulé normalement, elle continuait et tous les employés étaient à leur poste et ils faisaient leur travaux, chacun sa tâche. Les classes continuaient à rouler, les professeurs étaient là, c'était le noyau principal.

                                MONSIEUR LE JUGE :

                314           Q.             Qui s'occupait de la direction quand vous avez quitté?

                                R.             Mais même s'il y avait... À la direction.

                315           Q.             Oui.

                                R.             Monsieur Chehab.

                                Me VALÉRIE TARDIF :

                316           Q.             Mais vous dites qu'il n'était pas là?

                                R.             Il n'était pas là tout le temps probablement parce qu'il faisait, il faisait ça discrètement mais après ça...

                317           Q.             Mais qu'est-ce que vous voulez dire il faisait ça discrètement, il était où? Il était chez lui, il était à son magasin?

                                R.             Je ne sais pas où il était. Avant qu'il soit présent complètement et continuellement, et ça c'était je ne sais pas quelle date, ne me le demandez pas, il n'a pas apparu tout de suite continuellement parce qu'évidemment les employés sachant que lui allait être leur patron ça, ça créait un problème.

                                                                                                                                                [Je souligne.]

[19]          Comme madame Simon était toujours la seule signataire des chèques d'Aviron durant son congé de maternité, monsieur Lafond faisait préparer les chèques et les envoyait par un messager, souvent le concierge de l'école, chez madame Simon pour qu'elle les signe. Il gardait un contact téléphonique avec cette dernière. Jamais monsieur Chehab n'appelait madame Simon " pour les chèques "; c'est plutôt elle qui l'appelait. Lorsqu'elle n'était pas disponible, le comptable s'adressait à monsieur Simon.

[20]          Madame Malo et monsieur Lafond[8] ont indiqué lors de leur témoignage qu'ils n'avaient pas du tout noté la présence de monsieur Chehab à l'école entre 1991 et juin 1994. Selon madame Malo, monsieur Chehab n'est réapparu " qu'au même moment de la vente de l'école " par Aviron à 2853-2968 Québec Inc. (RTI). Selon le contrat de vente, l'opération s'est effectuée le 28 juin 1994 moyennant un prix de 480 000 $, soit le montant garanti dû à la Banque Nationale. On dit dans ce contrat que l'administrateur et le vice-président[9] d'Aviron est monsieur Chehab et que le président de RTI est un certain monsieur Reza Tehrani. Monsieur Simon affirme ne pas savoir à qui appartient RTI. Le 28 juin 1994, monsieur Chehab et RTI ont aussi conclu un contrat de travail d'une durée de dix ans. Monsieur Chehab devenait le directeur général de RTI à un salaire annuel de 50 000 $.

[21]          Selon la version présentée par monsieur Tehrani, c'est monsieur Chehab qui lui aurait présenté monsieur Simon. Monsieur Tehrani aurait rencontré monsieur Chehab pour la première fois en février 1994 à son magasin d'informatique situé à Lasalle et c'est alors qu'il aurait appris que monsieur Chehab possédait une école tout comme lui.

[22]          Selon la version de monsieur Chehab, c'est monsieur Simon qui lui aurait présenté monsieur Tehrani en juin 1994. Monsieur Simon lui aurait annoncé qu'il avait trouvé un nouvel acheteur pour Aviron et qu'il y avait possibilité d'un emploi de dix ans pour monsieur Chehab dans l'administration de l'école puisque, selon monsieur Simon, monsieur Tehrani n'avait aucune expérience dans la gestion d'une école[10]. Toutefois, pour obtenir ce nouvel emploi, il fallait, selon monsieur Chehab, qu'il devienne l'actionnaire et l'administrateur d'Aviron. Toujours selon monsieur Chehab, il ne le serait devenu qu'une semaine avant la vente à RTI, soit vers le 21 juin 1994.

[23]          Lors de son témoignage, monsieur Simon a expliqué qu'un transfert de fonds de commerce était assujetti à des conditions assez sévères en vertu du nouveau Code civil du Québec et que les négociations entre Aviron et RTI auraient duré du mois de mars au mois de juin 1994. L'avocat de monsieur Tehrani aurait constaté qu'Aviron n'avait pas présenté de rapport annuel à l'Inspecteur général des institutions financières. Monsieur Simon a alors préparé le rapport annuel pour les années 1992 et 1993. L'adresse du " bureau de transfert des actions de la compagnie ", tout comme celle indiquée pour la correspondance, correspond à celle donnée par monsieur Simon comme son adresse[11] sur son avis d'appel du 5 octobre 1998.

[24]          Selon monsieur Tehrani, monsieur Chehab aurait quitté son emploi chez RTI en avril 1995, à la suite d'une enquête sur un vol de 4 000 $ commis à l'école. Les trois principaux suspects s'étaient prêtés à un test de polygraphe et seul monsieur Chehab l'avait échoué. De plus, lors de son contre-interrogatoire par monsieur Simon, monsieur Chehab a admis avoir été condamné à payer une somme de 10 000 $ pour avoir copié illégalement des logiciels. Monsieur Simon pour sa part a témoigné que monsieur Chehab avait aussi détourné des fonds d'une entreprise qu'il avait exploitée avec ses cousins avant de se joindre à lui dans l'achat d'Aviron. Monsieur Simon aurait appris cette histoire des cousins de monsieur Chehab après que monsieur Chehab eut quitté Aviron en 1990.

[25]          Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Chehab a reconnu avoir discuté de la possibilité de ne pas témoigner en faveur du ministre si on lui versait une somme d'argent. Selon monsieur Chehab, alors qu'il attendait dans la salle d'attente de la Cour, il aurait été invité par monsieur Tehrani à descendre prendre un café. Lors de cette rencontre, monsieur Tehrani aurait indiqué qu'il avait une offre intéressante à lui faire et qu'il l'appellerait le lendemain. Le lendemain, monsieur Tehrani aurait offert à monsieur Chehab de lui verser une somme de 35 000 $. Selon monsieur Chehab, il n'avait jamais sérieusement envisagé d'accepter cette offre. À preuve, il aurait exigé plutôt une somme de 1 000 000 $, et ce dans un dossier où le montant en litige était bien inférieur à un million.

[26]          Par la suite, monsieur Tehrani a témoigné et a informé la Cour qu'il avait enregistré sa conversation téléphonique avec monsieur Chehab. La suggestion lui en avait été faite par monsieur Simon qui, la veille, avait appris de monsieur Tehrani que monsieur Chehab était prêt à accepter une somme de 35 000 $[12]. Selon la version de monsieur Tehrani — qui a eu recours à plusieurs reprises aux services professionnels de monsieur Simon après l'achat de l'école — c'est monsieur Chehab qui aurait demandé à monsieur Tehrani d'aller au restaurant et c'est monsieur Chehab qui aurait offert de ne pas se présenter comme témoin s'il recevait 50 000 $. Monsieur Tehrani lui aurait alors demandé s'il pouvait être plus raisonnable, ce à quoi monsieur Chehab aurait répondu que le minimum qu'il pouvait accepter était 35 000 $. Lors de la conversation téléphonique, telle qu'elle a été enregistrée par monsieur Tehrani, ce dernier a avisé monsieur Chehab que le prix devait être réduit à 30 000 $. Monsieur Chehab a alors insisté pour obtenir la somme de 35 000 $ dont il avait été question. L'écoute de l'enregistrement a révélé qu'il n'avait jamais été question lors de cet entretien d'une somme de 1 000 000 $, contrairement à ce qu'avait prétendu monsieur Chehab.

[27]          Après avoir écouté l'enregistrement, monsieur Chehab a d'abord nié qu'il s'agissait bien de sa voix. Puis, après une pause de quelques minutes, monsieur Chehab a présenté ses excuses à la Cour pour avoir menti. Il a déclaré se sentir honteux. Même s'il reconnaissait avoir été prêt à accepter une somme de 35 000 $, monsieur Chehab a continué à soutenir que c'est monsieur Tehrani qui lui avait fait des offres pour qu'il ne témoigne pas et a maintenu son témoignage selon lequel il n'était devenu administrateur qu'à compter du mois de juin 1994.

[28]          Relativement à l'établissement des cotisations de monsieur et madame Simon, l'intimée a fait témoigner deux agents de recouvrement, messieurs Martin Girard et Richard Dvaranauskas et une vérificatrice de DAS, madame Céline Couture. Monsieur Girard a relaté qu'il avait fait une partie du travail préliminaire à l'établissement des cotisations en vertu de l'article 227.1 de la Loi, et c'est monsieur Dvaranauskas qui avait établi les cotisations le 4 septembre 1997. Dans leur travail préliminaire, messieurs Girard et Dvaranauskas se sont contentés de prendre connaissance, dans les données informatisées du ministère, des montants fixés dans les cotisations, et réclamés d'Aviron, par trois vérificateurs de DAS, soit messieurs Jacques Daï et Christopher Prokop et madame Couture.

[29]          Monsieur Daï aurait établi ses cotisations à l'égard d'Aviron le 27 avril 1994. Ces cotisations concernaient les DAS non remises pour la période de mai à décembre 1993 et les mois de janvier à mars 1994. Quant à monsieur Prokop, il aurait établi une cotisation arbitraire[13] en janvier 1995 pour les DAS non remises pour les mois de mai et juin 1994. Il semble qu'Aviron ait remis les montants voulus de DAS pour le mois d'avril 1994. Ni monsieur Daï ni monsieur Prokop ne sont venus témoigner pour expliquer leur travail de vérification, notamment en décrivant les livres comptables qu'ils avaient pu consulter et en indiquant les personnes qu'ils avaient pu rencontrer.

[30]          Madame Couture a relaté les circonstances qui l'ont amenée à établir une nouvelle cotisation à l'égard d'Aviron le 21 février 1996. On lui avait demandé de vérifier les gains assurables d'un certain monsieur Fouad Sarrouf pour les fins de la LAE. Elle s'est présentée à l'établissement occupé jusqu'en juin 1994 par Aviron. Comme RTI avait déménagé l'école dans de nouveaux locaux, madame Couture s'est donc rendue à la nouvelle adresse de l'école. Elle a alors appris l'existence du nouveau propriétaire de celle-ci. En effectuant ses vérifications relativement à monsieur Sarrouf, elle a constaté que vingt-neuf feuillets de renseignements T4 pour 1994 avaient été traités par erreur comme faisant partie du dossier de RTI plutôt que d'être inclus dans celui d'Aviron. Elle a alors procédé à la rectification des dossiers du ministre. Le montant du rajustement de DAS s'élevait à 29 866,46 $. Comme il y avait eu des remises faites au ministre et que les montants exigés par voie de cotisation totalisaient 24 485,12 $, le montant de DAS non payé par Aviron, selon la cotisation de madame Couture, s'élevait à 5 381,34 $.

[31]          Compte tenu du fait qu'elle devait répondre à une demande pressante concernant l'assurabilité de monsieur Sarrouf, madame Couture ne semble pas avoir consacré beaucoup de temps à la vérification des DAS d'Aviron pour les six premiers mois de l'année 1994. Selon son rapport, sa vérification chez RTI n'a duré qu'une demi-heure et elle n'a mis que trois heures et demie à terminer son travail concernant monsieur Sarrouf et à apporter les corrections aux DAS d'Aviron. Lors de son témoignage, madame Couture a été incapable de fournir beaucoup de renseignements sur son travail de vérification touchant les DAS d'Aviron. En particulier, elle a été incapable d'expliquer clairement comment elle avait pu conclure que les vingt-neuf T4 avaient été traités par erreur comme faisant partie du dossier de RTI. Il est fort probable qu'elle n'a consulté que les T4 pour établir sa cotisation. Voici un extrait tiré du contre-interrogatoire mené par monsieur Simon qui illustre bien ce fait :

                1288         Q.             Donc, quand vous avez fait votre cotisation, si je comprends bien, vous n'aviez rien d'autre que les T4 de l'employeur, c'est votre témoignage?

                                R.             Voilà .

                1289         Q.             C'est ce que vous avez dit tout à l'heure?

                                R.             En parlant des chiffres sur lesquels je me base, je n'ai rien d'autre que les T4...

                1290         Q.             C'est ça, on parle de chiffres?

                                R.             Oui.

                1291         Q.             O.K. Alors, sur les chiffres, vous n'aviez que les T4 des employeurs?

                                R.             Que le montant des T4, tout à fait.

                1292         Q.             Est-ce que vous avez examiné s'il y avait un livre de payes pour spécifiquement ces employés durant cette période et qui correspondaient aux T4?

                                R.             Je ne peux pas vous dire, peut-être que oui, peut-être que non...

                                                                                                                                                [Je souligne.]

[32]          D'ailleurs, au début de son témoignage, elle n'était même pas certaine si elle avait consulté les T4. Elle n'a conclu qu'elle les avait consultés qu'après avoir constaté qu'elle avait indiqué dans son rapport de vérification que la copie des T4 se trouvait dans le dossier de RTI. Madame Couture a été incapable d'indiquer quel était le nom de l'employeur apparaissant sur les T4. Malheureusement, madame Couture n'avait pas apporté avec elle le dossier de DAS de RTI. Elle n'a donc pas été en mesure de produire ces vingt-neuf T4.

[33]          À la lecture du rapport de vérification de madame Couture, monsieur Simon a noté non seulement que cette dernière avait relevé une erreur dans le traitement des vingt-neuf T4 mais que des DAS auraient été payées, également par erreur, par RTI. Madame Couture a reconnu qu'en principe on aurait remboursé ces montants à RTI ou elle en aurait été créditée.

Analyse

[34]          Pour les fins de ces appels, les paragraphes pertinents de l'article 227.1 de la Loi sont les suivants:

227.1       Responsabilité des administrateurs pour défaut d'effectuer les retenues.

(1) Lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l'article 153 ou 215, ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant d'impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d'imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

(2) Restrictions relatives à la responsabilité. Un administrateur n'encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l'article 223 et il y a eu défaut d'exécution totale ou partielle à l'égard de cette somme;

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l'objet d'une dissolution et l'existence de la créance à l'égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et l'existence de la créance à l'égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l'ordonnance de séquestre.

(4) Prescription. L'action ou les procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette société.

                                                                                                [Je souligne.]

Les Simon ont-ils été remplacés comme administrateurs le 3 mai 1993?

[35]          Lorsque le ministre a établi des cotisations à l'égard des Simon le 4 septembre 1997, il a tenu pour acquis qu'ils étaient, à tous les moments pertinents, des administrateurs d'Aviron. Il incombe aux Simon de démolir cette hypothèse. Les Simon allèguent d'abord que le lundi 3 mai 1993 ils ont été remplacés par trois nouveaux administrateurs et qu'on ne peut les tenir responsables du manquement à l'obligation de remettre les DAS pour la période pertinente, soit, rappelons-le, du 1er mai 1993 au 30 juin 1994. Ont-ils réussi à faire la preuve de leur remplacement selon la prépondérance des probabilités?

[36]          À l'appui de leur position, les Simon ont affirmé avoir vendu leurs actions d'Aviron à monsieur Chehab le 3 mai 1993 et peut-être celles de GSI quelques jours plus tard. Ils ont aussi produit une copie d'un certificat d'actions d'Aviron endossé en faveur de monsieur Chehab et la résolution du 3 mai 1993 selon laquelle monsieur Chehab et GSI élisaient comme administrateurs messieurs Chehab, David et Alefantis. L'intimée a fait comparaître monsieur Chehab, qui a affirmé que cette résolution n'avait été signée qu'en juin 1994, soit vers la fin de la période pertinente. Nous sommes donc en présence de témoignages contradictoires : il y a d'une part la version des Simon et, d'autre part, celle de monsieur Chehab. Laquelle faut-il retenir?

[37]          Il est important de traiter d'abord de la crédibilité de monsieur Chehab. Comme on l'a vu, ce dernier s'est parjuré lorsqu'il a été contre-interrogé par monsieur Simon : il s'agit en conséquence d'un témoin taré. Il est donc impératif d'être prudent quant à la force probante à donner à son témoignage. Il faut toutefois reconnaître que, même si monsieur Chehab a menti relativement à la tentative de le soudoyer, cela ne signifie pas qu'il a nécessairement menti en affirmant que c'est monsieur Tehrani qui a pris l'initiative de tenter de le soudoyer. Il n'a pas nécessairement menti non plus lorsqu'il a affirmé que la résolution du 3 mai 1993 n'a été signée qu'en juin 1994 et que monsieur Simon a tiré les noms de messieurs David et Alefantis d'un annuaire téléphonique. De plus, le fait que monsieur Chehab soit un témoin taré ne signifie pas nécessairement que les Simon[14] et monsieur Tehrani[15] disent forcément la vérité dans leur témoignage.

[38]          Un des aspects des témoignages des Simon qui fait naître un sérieux doute est leur affirmation que monsieur Chehab serait devenu le seul actionnaire d'Aviron (directement, ou indirectement par le truchement de GSI) le 3 mai 1993 et qu'il se serait progressivement impliqué dans l'administration de l'école. Tout d'abord, il m'apparaît tout à fait surprenant que les Simon aient accepté de vendre à monsieur Chehab tous leurs intérêts dans Aviron alors qu'ils savaient pertinemment que monsieur Chehab était une personne sans scrupules et qu'ils croyaient qu'il avait agi de façon malhonnête à au moins deux reprises. Ils l'avaient, selon leur propre version, congédié en octobre 1990 pour avoir utilisé frauduleusement la carte de crédit de l'école. Il aurait aussi détourné des fonds d'une entreprise appartenant à ses propres cousins. Comment les Simon pouvaient-ils faire confiance à monsieur Chehab pour rembourser à la Banque Nationale des prêts d'Aviron totalisant environ 750 000 $ à l'égard desquels monsieur Simon s'était personnellement porté caution[16]? Monsieur Chehab n'avait-il pas la réputation de s'approprier des biens appartenant aux sociétés pour lesquelles il travaillait, et ce au détriment de ces sociétés et de leurs actionnaires? Encore plus surprenant, comment pouvaient-ils avoir accepté, après la prétendue vente en mai 1993 à monsieur Chehab, de consentir à la banque une hypothèque sur leur propre résidence pour garantir des prêts existants d'Aviron?

[39]          De plus, comment pouvaient-ils espérer que l'école fonctionne adéquatement et fasse suffisamment d'argent pour rembourser ses prêts si le propriétaire allait causer " la révolte et la grève " à l'école? Il m'apparaît aussi tout à fait invraisemblable que monsieur Chehab ait acheté toutes les actions d'Aviron en mai 1993 tout en continuant à se cacher pour ne pas créer de révolte à l'école qu'il venait d'acheter alors qu'il " voulait absolument reprendre l'école ". Pourquoi monsieur Chehab aurait-il travaillé à gérer l'école de " façon graduelle " entre mai 1993 et juin 1994 sans se faire rémunérer pour ses services? Monsieur Lafond, responsable de l'émission des chèques d'Aviron (y compris ceux pour payer le loyer de la voiture utilisée par monsieur Chehab 12 mois après son départ de l'école en 1990), aurait certainement eu connaissance du salaire versé à monsieur Chehab. S'il lui avait versé un salaire, monsieur Lafond l'aurait mentionné.

[40]          Durant la période de mai 1993 à juin 1994, Aviron avait de graves problèmes de liquidités et a omis de remettre des sommes importantes de DAS au ministre. Comment se fait-il que le comptable n'obtenait ses directives que des Simon et non pas de monsieur Chehab, le prétendu nouveau propriétaire et un des prétendus nouveaux administrateurs depuis le 3 mai 1993? Madame Simon prétend qu'elle appelait monsieur Chehab pour décider quels chèques seraient postdatés. Pourquoi quelqu'un comme le comptable Lafond — reconnu par monsieur Simon comme une personne très discrète et avec qui monsieur Chehab n'avait eu aucun conflit de personnalités (monsieur Lafond ayant été engagé après le départ en 1990 de monsieur Chehab) — ne consultait-il pas directement " de façon discrète " monsieur Chehab? Les Simon ont pourtant affirmé que celui-ci s'était graduellement impliqué dans la gestion de l'école. Voici la réponse que madame Simon a fournie à la procureure de l'intimée lors de son contre-interrogatoire et selon laquelle monsieur Chehab s'était impliqué dans la gestion de l'école en 1993 :

375           Q.             En 1993-1994, est-ce que monsieur Chehab avait une certaine présence à la compagnie?

                MONSIEUR LE JUGE :    Je m'excuse, pour quelle période?

                Me VALÉRIE TARDIF :    1993 et 1994.

                R.             J'imagine, oui. Il y avait du va-et-vient, certain.[17]

                                                                                                                                [Je souligne.]

[41]          À cela, il faut ajouter que madame Simon aurait diminué sa présence à l'école en octobre 1993 et qu'elle l'aurait quittée à la fin de 1993 pour son congé de maternité. S'il y a un moment où on se serait attendu à ce que monsieur Chehab soit plus présent à l'école, c'est bien entre octobre 1993 et juin 1994, comme le reconnaît d'ailleurs monsieur Simon dans sa plaidoirie. Mais, ce n'était pas le cas. Madame Malo[18] et monsieur Lafond n'ont pas vu monsieur Chehab avant juin ou juillet 1994.

[42]          Ni madame Malo ni monsieur Lafond n'a d'ailleurs confirmé que monsieur Chehab était venu à l'école en mai 1993 et que cela avait suscité beaucoup d'inquiétude au sein du personnel de l'école. De plus, personne d'autre que les Simon n'a confirmé qu'il existait un grave problème de relations interpersonnelles entre monsieur Chehab et les employés de l'école.

[43]          Monsieur Simon a bien tenté d'attaquer la crédibilité de monsieur Lafond en affirmant qu'il avait intérêt, sur le plan pécuniaire, à ce que les Simon soient reconnus comme administrateurs parce qu'il a exercé un recours contre Aviron devant la Commission des normes du travail. À cela, monsieur Lafond a répondu qu'il n'avait pas exercé de recours contre monsieur Simon et qu'il n'avait pas tenu compte du degré de solvabilité de monsieur Simon. Je considère ces réponses de monsieur Lafond comme franches. De plus, madame Malo a corroboré son témoignage quant à l'absence de monsieur Chehab avant la vente de l'école en juin 1994. Monsieur Simon a tenté d'attaquer la crédibilité de cette dame en mentionnant qu'elle avait été la " secrétaire particulière " de monsieur Chehab et qu'elle avait exprimé le déplaisir qu'elle ressentait à témoigner devant la Cour. Toutefois, j'ai trouvé le témoignage de cette dame crédible. Elle a de son mieux répondu franchement aux questions qu'on lui a posées. De plus, ajoutons que Monsieur Simon reconnaît qu'il n'y a aucune preuve qu'elle a exercé un recours contre Aviron ou les Simon devant la Commission des normes du travail.

[44]          En raison des circonstances déjà relatées et du témoignage de madame Malo et de monsieur Lafond, la version des faits des Simon m'apparaît fort peu plausible et même invraisemblable. À cela, il faut ajouter le témoignage souvent évasif et contradictoire de madame Simon. Par exemple, monsieur Chehab aurait pris part de façon progressive à la gestion de l'école à l'école même mais elle ignore la fréquence de sa présence à l'école. " Il n'est pas là tout le temps parce qu'il fait ça discrètement. " Elle " imagine " qu'il a une " certaine présence " chez la compagnie tout en étant certaine qu'il y a du va-et-vient. Monsieur Chehab s'occupe de la direction de l'école mais elle ne sait pas qui prend les décisions (Question 313)!

[45]          De plus, à mon avis, la théorie des Simon, selon laquelle le responsable des prêts aurait fortement suggéré de garder madame Simon comme signataire des chèques après mai 1993 et de ne pas informer officiellement la banque du changement d'administrateurs, n'a pas été établie de façon convaincante. Le témoignage des Simon sur cette question constitue du ouï-dire auquel je n'accorde ici aucune valeur probante. Il aurait fallu faire témoigner le responsable des prêts. Je tire d'ailleurs de son absence à l'audience une conclusion défavorable. Je rappellerai ici les propos que l'on retrouve dans The Law of Evidence in Civil Cases de Sopinka et Lederman et qui sont cités par le juge Sarchuk de notre Cour dans l'affaire Enns v. M.N.R., 87 DTC 208, à la page 210, (version française : APP-1992(IT), 17 février 1987, à la page 3) :

Dans l'ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l'omission de faire comparaître un témoin, je cite:

(TRADUCTION)

" Dans l'affaire Blatch v. Archer , (1774), 1 Cowp. 63, p. 65, Lord Mansfield a déclaré:

"Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter."

L'application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l'omission d'une partie ou d'un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d'élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l'omission a été attribuée. "

[46]          Il y a aussi d'autres indices qui, ajoutés aux faits déjà mentionnés, font naître un doute quant à la version des Simon[19]. Madame Simon affirme avoir vu la signature de monsieur Chehab sur le contrat de vente de l'école par Aviron à RTI daté du 28 juin 1994[20]. Si elle avait vendu toutes ses actions en mai 1993, pourquoi lui aurait-on montré ce contrat (sur lequel sa signature n'apparaît même pas) alors qu'elle affirme ne pas avoir participé aux négociations[21] et n'avoir fait que signer que des documents[22]. De plus, si monsieur Chehab était le propriétaire d'Aviron lors de la vente de l'école à RTI en juin 1994, pourquoi n'était-il que le vice-président d'Aviron, selon ce qu'indique l'acte de vente? Et qui était le président?

[47]          Il y a le témoignage de madame Malo qui contredit celui de monsieur Simon quant au rôle beaucoup plus important de ce dernier dans l'administration de l'école. Rappelons que c'est monsieur Simon qui était le président d'Aviron depuis le tout début en 1990. Par ailleurs, comment monsieur Simon peut-il affirmer que monsieur Chehab était le seul administrateur d'une société régie par la partie I de la Loi sur les compagnies (LCQ) (LRQ chap. C-38) alors que l'article 83 de cette loi exige qu'il y ait un minimum de trois administrateurs. Il faut se rappeler que monsieur Simon est depuis 1975 avocat se spécialisant dans le domaine du droit des affaires, notamment celui du financement. Comment aurait-il pu ignorer cette règle de droit? Monsieur Simon semble d'ailleurs la connaître puisqu'il a rédigé la résolution du 3 mai 1993 selon laquelle les actionnaires d'Aviron ont élu " trois " administrateurs.

[48]          Pour toutes ces raisons[23], je n'ai pas été convaincu par les témoignages de monsieur et madame Simon selon lesquels ils avaient vendu à monsieur Chehab en mai 1993 leurs intérêts dans Aviron et selon lesquels monsieur Chehab était devenu administrateur et actionnaire d'Aviron en mai 1993. Par conséquent, je suis prêt à reconnaître que monsieur Chehab disait la vérité lorsqu'il a affirmé qu'il n'était pas redevenu actionnaire d'Aviron avant le mois de juin 1994 et qu'il a dit la vérité aussi en affirmant que les noms de messieurs David et Alefantis provenaient de l'annuaire téléphonique et qu'il ne les connaît pas. Il devient alors nécessaire de considérer les deux moyens subsidiaires des Simon.

Les Simon étaient-ils administrateurs d'Aviron au 4 septembre 1995?

[49]          Avant d'analyser les faits pertinents pour répondre à cette question, il est utile de rappeler certaines règles édictées par la LCQ relativement aux compagnies régies par la partie I de cette loi. Selon le paragraphe 4(1) LCQ, la partie I de cette loi s'applique à toute " compagnie constituée en corporation sous l'empire de la première partie de la Loi des compagnies de Québec ". Tel qu'il a été mentionné précédemment, l'article 83 LCQ édicte que les affaires de la compagnie sont administrées par un conseil d'administration composé d'au moins trois membres. L'article 87 LCQ édicte que l'on peut augmenter ou diminuer le nombre des administrateurs. Toutefois, il faut respecter le nombre minimum de trois administrateurs. Selon le paragraphe 86(1) LCQ, nul ne peut être élu ni nommé administrateur d'une compagnie à moins qu'il n'en soit actionnaire ou qu'il ne soit dirigeant ou administrateur d'une autre compagnie qui est actionnaire de la compagnie en question.

[50]          Selon le paragraphe 71(1) LCQ, nul transfert d'actions n'a, jusqu'à ce qu'il soit dûment inscrit sur le registre des transferts, aucun effet, excepté celui de constater les droits respectifs des parties au transfert et de rendre le cessionnaire responsable, dans l'intervalle, solidairement avec le cédant, envers la compagnie et ses créanciers. Dans l'affaire Leduc v. Leduc, [1959] B.R. 779, 784, le juge Taschereau de la Cour du Banc de la Reine (en appel) déclare que la délivrance d'un certificat d'actions endossé ne transfère pas la propriété des actions d'une compagnie régie par la LCQ.

[51]          Finalement, l'article 85 LCQ prévoit que le défaut d'élire de nouveaux administrateurs a pour effet que les anciens administrateurs restent en fonction :

85. Si, à une époque quelconque, une élection d'administrateurs n'est pas faite, ou si elle n'est pas faite au temps fixé, la compagnie n'est point pour cela dissoute; mais l'élection peut avoir lieu à une assemblée générale subséquente de la compagnie convoquée à cette fin; et les administrateurs sortant de charge restent en fonction jusqu'à ce que leurs successeurs soient élus.

                                                                                                                                                [Je souligne.]

[52]          Il semble être reconnu en common law que pour qu'une personne soit légalement élue comme administrateur d'une société, cette personne doit avoir accepté la charge d'administrateur. Dans l'affaire DeWitt v. M.N.R., 90 DTC 1027, la juge Kempo de cette Cour a adopté cette interprétation, à l'appui de laquelle elle a cité l'affaire West Leechburg Steel Co. v. Smitton, 280 Mich. 180, 273 NW 439 (Mich. S.C.). À la page 440 de cette décision, la Cour suprême du Michigan cite le passage suivant :

To make one an officer of a corporation, his consent, as well as an appointment or election is necessary. A person who is elected without his knowledge, and who does not accept the office, or act as an officer, is not an officer, although he may have received stock after his election period.

[53]          Analysons maintenant les faits pertinents de cet appel. Tout d'abord, il faut décider si les Simon se sont acquittés de leur tâche d'établir qu'ils n'étaient plus administrateurs d'Aviron au plus tard le 4 septembre 1995. En effet, cette date est pertinente puisque le paragraphe 227.1(4) de la Loi prévoit que l'action en recouvrement d'une somme payable en vertu du paragraphe 227.1(1) se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle un administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur d'une société.

[54]          À mon avis, les Simon ont échoué dans leur tâche. Tout d'abord, qu'Aviron ait été constituée, comme je le crois, sous l'empire de la première partie de la Loi des compagnies de Québec ou non, c'est la partie I de la LCQ qui s'applique à cette société. De plus, il est admis par les Simon qu'ils n'avaient jamais produit de document constatant leur démission à titre d'administrateurs d'Aviron. Selon leurs allégations, ils auraient cessé d'être administrateurs lorsqu'ils auraient été remplacés par trois nouveaux administrateurs à la suite de la résolution du 3 mai 1993. Cette résolution soulève beaucoup de problèmes. Tout d'abord, on peut s'interroger sur la validité de ce document. Monsieur Chehab a indiqué lors de son témoignage qu'il n'était devenu actionnaire d'Aviron qu'en juin 1994, à titre de prête-nom, et que la résolution du 3 mai 1993 ne reflète pas la réalité : il n'y a donc pas eu de réunion au 3975, rue de Courtrai à cette date. Il s'agit donc d'un faux et d'un simulacre. Si la résolution du 3 mai 1993 ne reflète pas la réalité à cette date, peut-elle la refléter au mois de juin 1994 lorsqu'elle a été effectivement rédigée?

[55]          Il faut d'abord se rappeler que l'article 88 LCQ prévoit que les actionnaires élisent les administrateurs de la manière que l'acte constitutif ou, le cas échéant, les règlements de la compagnie prescrivent. Or, les lettres patentes de la société, même s'ils sont des documents publics[24], n'ont pas été produites en preuve. Les règlements de cette société n'ont pas été produits non plus. On ne peut donc pas déterminer si l'élection des administrateurs s'est faite conformément à l'acte constitutif d'Aviron ou à ses règlements.

[56]          Toutefois, on peut déterminer si cette élection est conforme aux dispositions de la LCQ. La première question qui se pose est celle de savoir si les trois désignés ont été élus comme administrateurs par des actionnaires dûment inscrits d'Aviron. Tout d'abord, il n'y a que le témoignage de monsieur Simon selon lequel les registres de transfert des actions d'Aviron et de GSI ont été remplis. Aucun de ces registres d'Aviron établissant que monsieur Chehab et GSI étaient devenus validement des actionnaires d'Aviron n'a été produit pour corroborer ce témoignage. De plus, il n'y a aucune preuve établissant qui sont les dirigeants, les administrateurs et les actionnaires de GSI. Donc, même si l'on pouvait considérer la résolution du 3 mai 1993 comme ayant été prise au mois de juin 1994, il est loin d'être certain que monsieur Chehab et GSI étaient des actionnaires inscrits d'Aviron en juin 1994. Il faut rappeler les propos du juge Taschereau selon lesquels la délivrance d'un certificat d'actions endossé ne transfère pas la propriété des actions d'une compagnie régie par la partie I de la LCQ. Vu le défaut d'une preuve convaincante que toutes les conditions légales essentielles au transfert des actions d'Aviron à monsieur Chehab et à GSI ont été réunies, il n'est pas possible de déterminer si monsieur Chehab et GSI étaient des actionnaires inscrits d'Aviron, s'ils avaient la capacité juridique d'élire les trois désignés et si ces trois personnes ont été légalement élus administrateurs.

[57]          De plus, si les trois désignés n'étaient pas actionnaires d'Aviron, ils n'avaient pas les qualités essentielles requises pour devenir administrateurs d'Aviron énoncées au paragraphe 86(1) LCQ, à moins qu'ils n'aient été dirigeants ou administrateurs de GSI et que cette société ne soit devenue validement actionnaire d'Aviron. Or, non seulement n'y a-t-il aucune preuve convaincante que GSI soit devenue légalement actionnaire d'Aviron, mais il n'y a aucune telle preuve non plus que les trois désignés étaient des dirigeants ou des administrateurs de GSI.

[58]          Même si j'acceptais le témoignage de monsieur Simon comme probant et que je concluais que GSI et monsieur Chehab étaient légalement devenus actionnaires d'Aviron en juin 1994, monsieur Chehab ne serait que le seul des trois désignés à avoir été élu par la résolution des actionnaires du 3 mai 1993. Tout d'abord, seul monsieur Chehab a accepté de devenir administrateur. Non seulement n'y a-t-il aucune preuve que les deux autres prétendus administrateurs, soit messieurs David et Alefantis, aient accepté de devenir administrateurs d'Aviron, mais, selon la prépondérance des probabilités, ils n'ont jamais su qu'ils avaient été élus administrateurs. Monsieur Chehab a affirmé que le nom de ces personnes avait été tiré de l'annuaire téléphonique. À mon avis, la résolution du 3 mai 1993 n'est pas seulement un simulacre quant à la date de la tenue de l'assemblée des actionnaires, mais elle l'est aussi quant à l'élection des deux inconnus en question. De plus, l'interprétation adoptée dans l'affaire West Leechburg Steel Co. (précitée) m'apparaît tout à fait conforme à l'esprit de la LCQ. En effet, comment peut-on élire des personnes pour administrer les affaires d'une société si ces personnes n'ont aucune connaissance de leur prétendue élection? Comment pourrait-on assujettir ces personnes à des devoirs si elles n'ont pas accepté la charge d'administrateur?

[59]          Comme une société régie par la partie I de la LCQ doit compter un minimum de trois administrateurs et que seul monsieur Chehab a accepté la charge d'administrateur, les deux autres postes d'administrateur occupés par monsieur et madame Simon n'ont donc pas été comblés. Selon l'article 85 de la LCQ, " les administrateurs sortant de charge restent en fonction jusqu'à ce que leurs successeurs soient élus ". Il a été établi que les Simon ont été administrateurs d'Aviron au moins à compter d'août 1992. Comme aucune preuve n'a été produite démontrant que monsieur et madame Simon ont été remplacés légalement[25] — monsieur Chehab occupant le troisième poste d'administrateur exigé par la LCQ — il n'y a rien qui me permet de conclure qu'au 4 septembre 1995 ils n'étaient pas administrateurs d'Aviron. Par conséquent, la prescription prévue au paragraphe 227.1(4) ne peut constituer un moyen de défense valable pour les Simon dans ces circonstances.

[60]          Un rapide commentaire s'impose sur la position défendue par la procureure de l'intimée quant à la question du statut des Simon comme administrateurs en septembre 1995. Elle soutient que la vente des actions d'Aviron par les Simon à monsieur Chehab en juin 1994 devrait être considérée comme étant sans effet parce qu'il s'agirait d'un simulacre. Selon moi, cette position est mal fondée. Monsieur Chehab a reconnu qu'il était devenu actionnaire comme prête-nom des Simon. En droit, rien ne l'empêchait d'agir ainsi. Si le transfert a été enregistré dans les registres de transfert des actions, monsieur Chehab devenait l'actionnaire d'Aviron du point de vue du droit des sociétés? À moins que les règlements d'Aviron ne le stipulent, il n'est pas nécessaire, selon le paragraphe 86(1) de la LCQ, que monsieur Chehab " possède absolument en son propre nom " des actions de cette société. Or, il n'y a aucune preuve que les règlements de celle-ci énoncent une telle condition. Donc, le simple fait que monsieur Chehab ne soit pas devenu le véritable propriétaire des actions n'est pas en soi un motif valable pour conclure que les Simon n'ont pas été remplacés par d'autres administrateurs.

Y a-t-il preuve suffisante du montant de DAS qu'Aviron n'aurait pas remis au ministre pour 1994?

[61]          Comme troisième moyen pour contester les cotisations du ministre, les Simon ont invoqué le fait que celui-ci n'a pas établi de façon satisfaisante le montant des DAS qui ne lui ont pas été remises. Tel que le révèle l'exposé des faits plus haut, la preuve est effectivement déficiente sur cette question. L'intimée n'a pas fait comparaître les vérificateurs qui ont établi les cotisations qui tenaient Aviron responsable des DAS non remises au ministre. L'intimée s'est contentée de faire comparaître les agents de recouvrement, qui ont affirmé s'être fiés essentiellement aux données informatisées du ministère pour déterminer ces DAS.

[62]          La seule exception est madame Couture, qui a établi l'une des quatre cotisations de DAS concernant Aviron. Toutefois, madame Couture n'a pas véritablement effectué une vérification à l'égard d'Aviron : elle a tout simplement constaté une erreur dans le traitement de vingt-neuf T4 et a apporté une correction en conséquence. Non seulement n'a-t-elle pas été en mesure de produire les vingt-neuf T4 en question, mais elle a été incapable d'indiquer quels documents elle avait pu consulter pour en arriver à sa conclusion et pour établir sa cotisation du mois de février 1996. Après un moment d'hésitation, elle a reconnu que les seuls documents auxquels elle a pu se référer étaient les T4.

[63]          Quant à eux, les Simon n'ont pas fait comparaître non plus ces vérificateurs qui auraient pu éclairer la Cour sur les manquements d'Aviron à l'obligation de remettre les DAS au ministre. La question à trancher est de savoir à qui incombait la charge d'établir les montants des DAS qui n'avaient pas été remises au ministre. Suffisait-il que l'intimée énonce dans sa Réponse à l'avis d'appel les montants fixés par le ministre dans les cotisations visant Aviron et qu'elle fasse témoigner les agents de recouvrement qui ont établi les cotisations à l'égard des Simon en se fiant aux montants exigés dans celles visant Aviron?

[64]          Pour répondre à ces questions, il faut d'abord rappeler le libellé du paragraphe 227.1(1) de la Loi selon lequel les administrateurs d'une société sont solidairement responsables avec la société " lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu [...] à l'article 153 [...]ou [...] de remettre cette somme ". La preuve d'une omission de retenir ou de remettre constitue une condition préalable à la responsabilité financière de l'administrateur. Au premier abord, on pourrait s'attendre à ce que l'intimée établisse ce fait juridique. En plus de tenir compte du libellé de l'article 227.1, il faut aussi s'interroger sur la nature des cotisations établies en vertu de cette disposition. Une telle cotisation ne constitue pas une cotisation standard de l'impôt sur le revenu dû par un contribuable, de la taxe sur le capital due par un contribuable ou de la taxe sur les produits et services à payer par suite de l'achat d'un produit ou d'un service. La cotisation établie en vertu de l'article 227.1 constitue un outil offert au ministre par la Loi pour lui permettre de recouvrer l'impôt dû par une tierce personne. En l'occurrence, Aviron avait l'obligation en vertu de l'article 153 de la Loi de retenir au titre de l'impôt une partie des salaires versés à ses employés[26]. Comme Aviron n'a pas remis une partie de ces retenues et que le ministre a été incapable, en raison d'un défaut total ou partiel d'exécution, de recouvrer les sommes non remises, celui-ci a exercé son recours contre les administrateurs d'Aviron, qu'il a tenus solidairement responsables avec Aviron du paiement des DAS.

[65]          Cet outil de recouvrement ressemble beaucoup à celui dont il s'agit au paragraphe 160(1) de la Loi. Le juge Rothstein de la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Gaucher c. Canada, [2000] A.C.F. no 1869, 2000 DTC 6678, décrit la cotisation en vertu de ce paragraphe comme une " cotisation à titre dérivé ". Au paragraphe 7 de ses motifs, il dit :

Lorsque le Ministre établit une cotisation à titre dérivé en application du paragraphe 160(1), il invoque une disposition législative particulière qui l'autorise à demander paiement à une seconde personne pour la cotisation d'impôt visant un premier contribuable. Cette seconde personne doit jouir d'un plein droit de défense pour contester la cotisation établie à son endroit, y compris celui d'attaquer la cotisation primaire sur laquelle se fonde la cotisation touchant la seconde personne.

[66]          Au paragraphe suivant, il commente l'approche suivie par le juge de première instance : " Il me semble que cette approche omet de tenir compte du fait que se trouvent en litige deux cotisations distinctes établies par le Ministre à l'égard de deux contribuables différents ". Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu que le cessionnaire d'un bien avait le droit de contester à nouveau la cotisation primaire même si cette cotisation avait été confirmée par la Cour canadienne de l'impôt. Le juge Rothstein d'affirmer au paragraphe 9 :

[C]omme le second contribuable en l'espèce n'était pas partie à l'instance entre le Ministre et le premier contribuable, il n'est pas lié par la cotisation visant le premier contribuable. Le second contribuable est autorisé à soulever tous les moyens de défense que le premier contribuable aurait pu invoquer à l'égard de la cotisation primaire.

[67]          Dans une décision rendue peu de temps après Gaucher, dans l'affaire Gestion Yvan Drouin Inc. c. La Reine, 2001 DTC 72, 2000 CarswellNat 3035, je me suis interrogé sur la question de savoir à qui incombait la tâche d'établir l'existence de la dette fiscale du débiteur fiscal primaire. Voici ce que je dis au paragraphe 114[27] :

114. Comme c'est le ministre qui exerce le recours contre un tiers pour recouvrer la dette fiscale qui lui est due par le débiteur fiscal, il m'apparaît tout à fait raisonnable que ce soit à lui qu'incombe la charge d'établir prima facie l'existence de la dette fiscale. Pour y arriver, le ministre a normalement en sa possession la déclaration de revenu du débiteur fiscal et, s'il a effectué une vérification, il peut détenir des copies des pièces justificatives ou de tout autre document pertinent à l'appui de sa cotisation. C'est donc lui qui est en meilleure position pour établir le montant de la dette fiscale. J'en viens donc à la conclusion que c'est au ministre qu'incombe généralement la charge de faire la preuve prima facie de la dette fiscale lorsqu'il y a une cotisation établie en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi.

[68]          De plus, j'ajoutais qu'il n'était pas suffisant de produire l'avis de cotisation visant le débiteur fiscal primaire, à moins que le montant établi par le ministre dans cette cotisation ne corresponde à celui indiqué par le débiteur fiscal dans sa déclaration de revenu.

[69]          Une analyse de la jurisprudence traitant de l'application de l'article 227.1 de la Loi révèle que les tribunaux se sont penchés sur la question du fardeau de la preuve en pareille matière. Il faut noter que l'article 227.1 s'applique depuis le 13 novembre 1981; il s'agit donc d'une disposition législative relativement récente. Les contribuables ont dans le passé tenté de contester le bien-fondé de cotisations établies en vertu de l'article 227.1 en soulevant la question de la constitutionnalité de cet article ou en essayant de faire imposer au ministre tout le fardeau de la preuve pour ce qui est de son application. Ces efforts n'ont eu aucun succès. Voir notamment Byrt v. M.N.R. 91 DTC 923, [1991] 2 C.T.C. 2174, Tremblay v. M.N.R. [1990] 2 C.T.C. 2666 (version française : [1990] A.C.I. no 523 (QL)); Binavince v. M.N.R. [1991] 2 C.T.C. 2580, 91 DTC 1225 (version française : [1991] A.C.I. no 803 (QL)). Ces décisions ont clairement établi que l'article 227.1 est constitutionnel et qu'il est raisonnable qu'un contribuable ait la charge d'établir qu'il a agi avec diligence raisonnable dans l'exécution de ses devoirs comme administrateur d'une société et, plus particulièrement, qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir le manquement à l'obligation de remettre les DAS au ministre. Ce résultat m'apparaît tout à fait approprié parce que la personne qui est la mieux placée pour faire cette preuve est l'administrateur lui-même.

[70]          Toutefois, l'établissement du montant de DAS qui n'a pas été remis au ministre par une société m'apparaît soulever un problème tout à fait différent. Il y a lieu de rappeler qu'une société et un administrateur sont des personnes distinctes. Le débiteur fiscal primaire dans ce cas est la société qui verse les salaires à ses employés. Le ministre ne peut établir une cotisation à l'égard d'un administrateur que s'il a été incapable de recouvrer les DAS de cette société. Pour déterminer le montant de DAS qui n'a pas été remis au ministre par celle-ci, un vérificateur doit normalement analyser les registres comptables de cette société, dont notamment son journal des salaires et son journal des débours, pour déterminer quels sont les montants qui ont été versés comme salaires aux employés par la société et quels montants devaient être remis au ministre. En examinant les dossiers du ministère, le vérificateur peut ensuite déterminer quel montant le ministre a effectivement reçu et quels sont les sommes impayées. Les registres comptables de la société et ceux du ministère n'appartiennent pas à l'administrateur de la société. Lorsqu'un administrateur se présente à la Cour pour contester des cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la Loi, il peut lui être difficile, sinon impossible, d'avoir accès à ces registres. Si la société, ou même le ministère, comme cela se produit à l'occasion, a égaré ou détruit ses registres ou dossiers, l'administrateur ne devrait en subir aucun préjudice, à moins qu'il ne soit établi qu'il a participé à la destruction des registres ou des dossiers.

[71]          Dans l'affaire M.R.N. c. Leung, 1993 CarswellNat 1346, [1994] 1 C.F. 482, le juge Joyal de la Cour fédérale, section de première instance a fait des observations intéressantes concernant le fardeau de la preuve dans un appel soulevant la question de l'application de l'article 227.1 de la Loi. Après avoir fait une analyse des décisions maintes fois citées en matière du fardeau de la preuve, il a énoncé le principe suivant aux paragraphes 90, 91 et 92 :

90. Encore, dans l'affaire Hillsdale Shopping Centre Ltd c La Reine, [1981] CTC 322, à la page 328, la Cour d'appel fédérale a déclaré:

Si un contribuable, après avoir examiné une nouvelle cotisation établie par le ministre, la réponse du ministre à son opposition et les moyens invoqués par le ministre au cours de l'appel, n'a pas été informé de la base sur laquelle on cherche à l'imposer, le fardeau de prouver la responsabilité du contribuable dans une procédure semblable à celle de l'espèce incomberait au ministre.

91. J'estime que, dans toutes ces affaires, quel que soit par ailleurs le caractère péremptoire de l'avis de cotisation, quelles que soient les difficultés que cet avis pouvait soulever aux yeux du contribuable, quel que soit, aussi, le fardeau incombant à celui-ci en règle générale, les tribunaux ont cependant admis la nécessité d'assurer l'égalité des parties dans l'exercice de leurs droits respectifs. Les tribunaux ont agi ainsi car ils reconnaissent le caractère contradictoire des procédures dans le cadre desquelles le contribuable et celui qui établit la cotisation sont tenus de résoudre les problèmes qui surgissent, en suivant les règles de preuve normalement applicables aux faits dont l'une ou l'autre partie a connaissance et en respectant, de façon générale, les exigences de l'équité et du bon sens.

92. Cela me porte à noter que le fait qu'une cotisation soit réputée valide, ou qu'on déclare qu'elle l'est, ne veut pas dire qu'on ne puisse pas obtenir gain de cause en s'y opposant. Ainsi que je l'ai relevé en évoquant le renversement du fardeau de la preuve, les circonstances entourant l'établissement d'une cotisation peuvent très bien imposer à la Couronne la charge de prouver que sa cotisation est exacte. Il en est particulièrement ainsi lorsque la cotisation est établie en vertu de l'article 227 de la Loi[28].

                                                                                                [Je souligne.]

[72]          De quelle manière devraient être appliqués ces principes aux faits pertinents de cet appel? Tout d'abord, force est de constater qu'il est assez troublant que l'intimée n'ait pas cru bon de faire comparaître les vérificateurs qui ont établi les cotisations visant Aviron. Lorsque l'intimée défend ses cotisations faisant l'objet d'un appel par un contribuable, elle fait témoigner de façon générale le vérificateur pour qu'il puisse informer la Cour du travail de vérification qu'il a effectué. Le vérificateur lors de son témoignage décrira les personnes qu'il a rencontrées dans le cadre de sa vérification et les documents qu'il a consultés. Ce témoignage viendra démontrer que les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir sa cotisation ne sont pas le fruit de son imagination mais ceux que le vérificateur a pu constater à la suite d'un examen tout aussi rigoureux que complet des affaires d'un contribuable. C'est seulement dans ces circonstances, à mon avis, que l'on peut imposer à un contribuable la charge de démolir les faits recueillis par un vérificateur et sur lesquels celui-ci s'est fondé pour établir la cotisation.

[73]          Il serait tout à fait inacceptable que le ministre, lorsqu'il établit sa cotisation, agisse de façon capricieuse et arbitraire et que cela cause un préjudice au contribuable. Ce serait aller à l'encontre des " exigences de l'équité et du bon sens " que d'accepter que le ministre puisse agir ainsi et qu'il abuse du droit qui lui est reconnu par les tribunaux et en conséquence duquel les contribuables se voient imposer l'obligation de démolir les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir sa cotisation.

[74]          Nous sommes ici en présence d'une cotisation établie " à titre dérivé " pour reprendre l'expression employée par le juge Rothstein dans l'affaire Gaucher (précitée), et l'approche adoptée par les tribunaux doit tenir compte du fait que se trouvent en litige deux cotisations distinctes établies par le ministre à l'égard de deux contribuables différents. Par conséquent, lorsque le montant des DAS faisant l'objet de la cotisation établie dans le cas d'un administrateur est contesté, il est nécessaire de faire comparaître le vérificateur qui a établi la cotisation à l'égard de la société ayant omis de remettre les DAS conformément à l'article 153 de la Loi, laquelle cotisation sert de fondement à celle établie à l'égard de l'administrateur. Il n'est pas suffisant qu'un agent de recouvrement qui a établi une cotisation à l'égard de l'administrateur affirme qu'il s'est fié à la cotisation établie à l'égard de la société par le vérificateur des DAS tout comme il ne serait pas suffisant de simplement produire la cotisation de cette société. La Cour ne peut faire un acte de foi aveugle en tenant pour acquis que tout le travail de vérification visant la société s'est déroulé selon les règles de l'art et que l'on a analysé les documents pertinents en établissant la cotisation de cette société.

[75]          Il faut mentionner que cette nécessité de vérifier le travail du vérificateur des DAS de la société est d'autant plus impérieuse ici que les Simon allèguent qu'ils n'avaient pas accès aux registres comptables d'Aviron pour contester leur cotisation et que le témoignage des agents de recouvrement a révélé qu'il y avait eu cotisation arbitraire au moins pour les mois de mai et juin 1994. De plus, le témoignage de madame Couture est manifestement insuffisant pour rassurer la Cour quant au caractère approprié des corrections qu'elle a apportées lors de son travail de vérification de l'assurabilité de monsieur Sarrouf. Madame Couture a été incapable d'éclairer la Cour quant aux documents qu'elle a pu consulter et qui lui ont permis de conclure qu'il y avait eu une erreur de traitement.

[76]          Ce qui est encore plus troublant ici est le fait qu'Aviron semblait avoir de sérieuses difficultés de liquidités et que certains employés n'ont pas été payés. Monsieur Lafond a reconnu qu'il avait exercé un recours en vertu de la Loi sur les normes du travail à l'égard de 7 000 $ de salaire impayé. Il n'est pas impensable qu'une partie des salaires dus par Aviron à ses employés ait pu être payée par le nouveau propriétaire, RTI. Si des salaires dus par Aviron à certains de ses employés ont été payés par RTI après qu'ils furent devenus des employés de RTI, c'est à RTI que revient l'obligation de retenir à la source l'impôt dû par ces employés.

[77]          Il n'est pas invraisemblable que cela ait pu se produire ici puisque madame Couture reconnaît qu'on a pu rembourser à RTI des sommes — ou à tout le moins la créditer de ces sommes — se rapportant aux vingt-neuf T4 qui, selon elle, avaient été traités en étant inclus dans le mauvais compte. Comme c'est madame Couture qui a pris l'initiative d'apporter une telle correction à la suite d'une vérification concernant une tout autre affaire et que cette correction ne semble pas être le résultat d'une demande de correction faite par RTI, on peut se demander si les sommes en question n'avaient pas été consciemment versées par RTI. Évidemment, tout cela n'est que conjecture parce que madame Couture a été incapable de produire les vingt-neuf T4 en question et qu'aucun autre document pertinent, tel le journal des salaires d'Aviron ou de RTI, n'a été produit à l'audience. De plus, on n'a pas interrogé monsieur Tehrani, président de RTI, sur ces questions-là.

[78]          Si messieurs Daï et Prokop avaient témoigné, il est fort probable qu'ils auraient établi une preuve prima facie des montants de DAS qui n'avaient pas été remis au ministre par Aviron. Si leur témoignage avait révélé qu'il avait été impossible de vérifier les documents pertinents pour une période donnée, notamment parce que le journal des salaires et celui des débours n'avaient pas été conservés par Aviron, tel que la Loi l'exige, alors l'intimée aurait pu soutenir qu'une méthode de cotisation arbitraire, comme celle décrite plus haut, pouvait constituer une méthode valable pour évaluer le montant des salaires versés par Aviron en 1994.

[79]          Toutefois, tout cela n'est que conjecture puisque ces deux vérificateurs n'ont pas témoigné. Le témoignage des agents de recouvrement sur le travail effectué par messieurs Daï et Prokop n'est que pure supposition ou du ouï-dire. Dans les circonstances, je ne suis pas en mesure de conclure que les montants de DAS que l'on reproche à Aviron de ne pas avoir remis au ministre correspondent véritablement aux montants impayés par Aviron.

[80]          Vu le défaut du ministre[29] d'établir comment il s'y est pris pour déterminer les montants de DAS impayés par Aviron, la Cour est incapable de confirmer que la cotisation des Simon pour l'année 1994 est bien fondée. Comme les Simon n'ont pas contesté le montant même des DAS pour l'année 1993, le ministre n'avait pas, bien évidemment, à faire de preuve relativement à cette année d'imposition.

[81]          Pour ces motifs, les appels de monsieur et madame Simon sont admis, sans dépens quant à l'appel de madame Simon, et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis qu'ils sont solidairement responsables des DAS non remises à l'égard de l'année 1993 seulement. Le montant de 100,69 $ de frais judiciaires doit aussi être retranché des cotisations. Compte tenu du fait que le débat a porté principalement sur la question du statut d'administrateurs des Simon et compte tenu du succès partagé dans ces appels, j'accorde à l'intimée un tiers des dépens dans le dossier de monsieur Simon.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'août 2001.

" Pierre Archambault "

J.C.C.I.

NO DES DOSSIERS DE LA COUR :                    98-2653(IT)G

                                                                                                98-2816(IT)G

INTITULÉ DES CAUSES :                                   HENRI SIMON

GILDA SIMON

                                                                                                et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    23, 24 et 25 août 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                                         L'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                                                      9 août 2001

COMPARUTIONS :

                Pour les appelants :                                              Me Henri Simon

                Pour l'intimé(e) :                                                    Me Valérie Tardif

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

                Pour les appelants :

                                                Nom :                                       Me Henri Simon

                                                Ville :                                       Montréal (Québec)

                Pour l'intimé(e) :                                                    Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

98-2653(IT)G

ENTRE :

HENRI SIMON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Gilda Simon

(98-2816(IT)G) les 23, 24 et 25 août 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Valérie Tardif

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation portant le numéro 2878, en date du 4 septembre 1997 et établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de la période du 1er mai 1993 au 30 juin 1994 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel
examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que monsieur et madame Simon sont solidairement responsables des retenues à la source non remises à l'égard de l'année 1993 seulement. Le montant de 100,69 $ de frais judiciaires doit aussi être retranché de la cotisation.

          L'intimée a droit à un tiers des dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'août 2001.

" Pierre Archambault "

J.C.C.I.


98-2816(IT)G

ENTRE :

GILDA SIMON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Henri Simon

(98-2653(IT)G) les 23, 24 et 25 août 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me Henri Simon

Avocate de l'intimée :                                    Me Valérie Tardif

JUGEMENT

L'appel de la cotisation portant le numéro 2879, en date du 4 septembre 1997 et établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de la période du 1er mai 1993 au 30 juin 1994 est admis, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel


examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que monsieur et madame Simon sont solidairement responsables des retenues à la source non remises à l'égard de l'année 1993 seulement. Le montant de 100,69 $ de frais judiciaires doit aussi être retranché de la cotisation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'août 2001.

" Pierre Archambault "

J.C.C.I.




[1] Selon le rapport annuel (rapport annuel) en date du 6 mai 1994 préparé par monsieur Simon, envoyé à l'Inspecteur général des institutions financières du Québec et estampillé par l'administration en date du 8 août 1994 (pièce A-3). Sur la photocopie d'un certificat de 45 actions (certificat d'actions) émis par Aviron le 28 juin 1990 au nom de monsieur Simon et signé par ce dernier comme président et par monsieur Kamal Chehab comme secrétaire (pièce A-1), il est inscrit : " constituée sous l'autorité de la Loi sur les Compagnies ".

[2] Il avait d'abord affirmé qu'il y avait 40 actions chacun pour lui et monsieur Simon, et 20 actions pour madame Simon.

[3] Selon monsieur Simon, ce départ serait survenu en février ou mars 1991. Toutefois, selon monsieur Lafond, qui a été le comptable d'Aviron d'octobre 1990 jusqu'au 1er août 1994, il n'a rencontré monsieur Chehab pour la première fois qu'en juillet 1994. Monsieur Chehab aurait donc quitté l'école avant l'arrivée de monsieur Lafond. De plus, monsieur Chehab affirme être resté employé d'Aviron environ six mois, ce qui est compatible avec le témoignage de monsieur Lafond. Finalement, selon madame Malo, qui était la registraire de l'école (secrétaire pédagogique, selon l'expression de madame Simon), ainsi que la secrétaire de monsieur Chehab lorsqu'il était le directeur général, monsieur Chehab aurait quitté l'école à l'automne 1990 et, même si elle était sa " secrétaire particulière " (selon l'expression de monsieur Simon), elle ne connaît pas le motif de son départ.

[4] Lors de son témoignage, monsieur Simon a affirmé qu'ils étaient les deux seuls administrateurs.

[5] Compte tenu de la qualité de reproduction des copies aujourd'hui, il est difficile de déterminer si les inscriptions manuscrites sont les originales ou si elles en sont une reproduction. Comme le recto semble manifestement être une photocopie, on peut s'interroger si les inscriptions au verso ont été faites sur cette photocopie et si elles se retrouvent sur le certificat original qui n'a pas été produit. De plus, personne n'a signé comme témoin de l'endossement.

[6] Monsieur Chehab avait fait la même affirmation dans une déclaration sous serment fournie au ministre lors de sa vérification en janvier 1997. Il y affirmait aussi n'avoir jamais été actionnaire d'Aviron. Lors de son témoignage, il a reconnu que cette affirmation n'était faite qu'à l'égard des années 1993 et suivantes puisqu'il reconnaissait avoir été actionnaire d'Aviron en 1990.

[7] Madame Simon reconnaît avoir signé les chèques portant des dates postérieures au mois de juin 1994 mais, selon elle, ces chèques auraient été postdatés, ce que semblent confirmer les numéros de chèque et les relevés bancaires.

[8] Voici l'extrait pertinent du témoignage de monsieur Lafond :

132           Q.             Vous avez mentionné tout à l'heure la personne de Kamal Chehab?

                                R.             Oui.

                133           Q.             Vous le connaissez depuis quand, monsieur Chehab?

                                R.             Quand je suis arrivé dans la compagnie, j'ai entendu parler de lui. Mais c'est au mois de juillet 94, moi, que je l'ai rencontré la première fois, au mois de juillet 94.

                                MONSIEUR LE JUGE :     

                134           Q.             Juillet 94?

                                R.             Juillet 94, c'est ça.

                135           Q.             La première rencontre?

                                R.             Oui, oui...

                                Me VALÉRIE TARDIF :     

                136           Q.             Est-ce que vous l'aviez déjà aperçu chez Aviron avant...

                                R.             Non.

                137           Q.             ... votre rencontre de juillet 94?

                R.             Non, jamais, avant non.

[9] La preuve ne révèle pas qui était le président à ce moment-là.

[10] Monsieur Tehrani a témoigné qu'il avait déjà été propriétaire d'une école de gestion à Toronto.

[11] Selon toute vraisemblance, celle de son cabinet d'avocat.

[12] Lors d'une rencontre en chambre, où était présente la procureure du ministre, monsieur Simon a juré sous la foi de son serment professionnel d'avocat ne pas avoir été impliqué dans l'offre initiale d'argent faite à monsieur Chehab.

[13] Selon monsieur Dvaranauskas, voici comment le ministère procède habituellement lorsqu'il y a cotisation arbitraire : on fait une moyenne mensuelle des montants de DAS qui ont été soit versés ou exigés dans une cotisation pour une période considérée comme pertinente et cette moyenne est majorée de 20 %.

[14] Les passages suivants ne révèlent pas nécessairement que monsieur Simon a menti mais ils démontrent qu'à tout le moins il peut s'être trompé en relatant des faits. Lors de sa plaidoirie, monsieur Simon a soutenu que monsieur Lafond, dans son témoignage de la veille, avait reconnu que c'était monsieur Chehab qui lui avait présenté monsieur Tehrani lors de la première rencontre avec ce futur propriétaire de l'école. Voici ce que monsieur Simon soutenait :

J'ai trouvé le passage que je cherchais, Monsieur le Juge, de monsieur Domonvil [Lafond]. Regardez ce qu'il dit. " En juin 1994, il y avait monsieur Simon qui avait organisé une réunion avec des investisseurs qui devaient prendre l'école. La réunion... " Après il a dit : " Non, au mois de juillet 1994. " " Qui était présent? " " Monsieur Kamal Chehab et Roza. " J'utilise le nom qu'il va utiliser. Mais on sait tous que c'est Reza. [...]

                                                Autre chose que monsieur Lafond va dire. " Avez-vous eu affaire avec monsieur Chehab? " " Je n'ai jamais eu affaire avec lui. " " Avait-il une implication? " Et, ça, c'est après la réunion de 94. " Y avait-il une implication avec lui? " Réponse : " Monsieur Chehab nous a présenté l'acheteur. " Voyez-vous maintenant la distinction que fait monsieur Lafond? Ce n'est plus monsieur Simon qui a présenté l'acheteur. " Monsieur Chehab nous a présenté l'acheteur, monsieur Roza. "

                                                Ce qui nous amène encore, si on veut, en arrière sur le témoignage de monsieur Chehab. Si c'était monsieur Simon qui avait introduit monsieur Reza Therani [sic] à monsieur Chehab, et c'est monsieur Simon qui a convoqué cette réunion, et qu'il y a une présentation qui se fait, je pense que c'est monsieur Simon qui a dit : écoutez, je vous présente monsieur Chehab, je vous présente monsieur Therani [sic] que vous ne connaissez pas.

                                Or, ici, monsieur Chehab est là, qu'on connaît, lui, il n'a pas de présentation à faire, mais on va présenter monsieur Reza. Alors, comment ça se fait, il n'y a pas de présentation à faire de monsieur Chehab selon les dires de monsieur Lafond. On ne présente pas monsieur Chehab. C'est monsieur Chehab qui présente quelqu'un. Et monsieur Lafond nous dit, il n'a jamais eu autre affaire que à cette réunion avec monsieur Chehab. Les mots de monsieur Lafond : " C'est monsieur Chehab qui a présenté l'acheteur en 94, monsieur Roza. " Pourquoi monsieur Lafond ne dit pas : écoutez, monsieur Simon nous a présenté monsieur Chehab et nous a présenté monsieur Roza, ou quelque chose de ce genre?

                                                                                                [Je souligne.]

Or, contrairement à ce qu'a prétendu monsieur Simon durant sa plaidoirie, monsieur Lafond a bien affirmé que c'est monsieur Simon (et non Chehab) qui lui a présenté messieurs Chehab et Tehrani, comme le confirment ces passages du témoignage de monsieur Lafond :

                144           Q.             Et à compter de juillet 94, quelle était l'implication, si vous le savez, de monsieur Chehab?

                R.             Bien, c'est lui que monsieur Simon qui nous avait présenté, lui puis monsieur Rosa et puis un autre, ces trois-là comme étant l'acheteur qui vont acheter la compagnie.

                                                                                                [Je souligne.]

Lors de son contre-interrogatoire par monsieur Simon, monsieur Lafond a réitéré cette réponse :

                300           Q.             Diriez-vous, monsieur Lafond, si vous le savez, qui serait le plus solvable si votre réclamation était dirigée contre une personne physique, monsieur Chehab ou monsieur Simon, au niveau de la solvabilité?

                                R              Monsieur Che... mais je ne connais même pas monsieur Chehab, je l'ai rencontré seulement quand vous nous l'avez présenté...

Un autre exemple révélateur de méprise commise par monsieur Simon se trouve aussi dans sa plaidoirie, où il affirme que monsieur Chehab a eu les livres de procès-verbaux d'Aviron:

Il ne se rappelle pas. Il n'a pas été capable de produire ces documents, mais il nous a dit : oui, j'ai tout pris, le livre des minutes et tout en 94. Je suis devenu actionnaire, administrateur, son témoignage à lui, une semaine avant le vingt-huit (28) juin, donc environ le vingt (20) juin. Il a admis, c'est là.

                                                                                                [Je souligne.]

Or, le témoignage de monsieur Chehab va en fait dans le sens contraire. Voici ce qu'il affirme lors de son interrogatoire :

                601           Q.             ... est-ce que vous avez signé d'autres documents à cette période-là?

                                R.             Je ne peux pas me rappeler étant donné que... je ne peux pas me rappeler si j'ai signé d'autres documents. Tout ce que je sais c'est que ça a été très vite fait. Monsieur Simon a fait ce document-là et, en conséquence, ça a été très vite fait. Je ne peux pas me rappeler si j'ai signé quelque chose d'autre. Je n'ai sûrement pas signé des parts, ça, par exemple, ça, je me rappelle bien que je n'ai pas signé des parts ou bien reçu des parts, ou bien reçu le livre des minutes, ou bien quoi que ce soit.

                602           Q.             Avez-vous déjà vu le livre des minutes d'Aviron limitée?

                                R.             Je l'ai vu en 94 lorsque l'école a été achetée par monsieur Reza Tehrani.

                603           Q.             Et qu'est-ce qui est arrivé au livre des minutes?

                R.             Monsieur Reza Tehrani l'avait acheté, donc c'est à lui.

                                                                                                [Je souligne.]

Voici la réponse fournie par monsieur Chehab lors de son contre-interrogatoire par monsieur Simon :

935           Q.             Juin 1994. Qu'avez-vous fait des [sic] ces actions, après ce transfert qui vous a été fait en juin 1994?

R.                Vous ne m'avez pas donné les actions, c'est clair et net, je n'ai pas... je ne sais pas ce que je vous [sic] " tataouinez ", là. Aucun livre des minutes, aucune action ne m'a été donnée. Vous m'avez fait signer des papiers, datés de 1993, clair et net. Je ne sais pas pourquoi on se répète un million de fois dans ce sujet?

[Je souligne.]

Pareillement, lors de son témoignage, monsieur Simon a affirmé que RTI n'avait pas pris en charge la dette due à la Banque Nationale (Réponse à la question 820 de la transcription). Or, à l'article 6 du contrat de vente du 28 juin 1994, on stipule que RTI " is assuming the existing secured indebtedness in favor of the Banque Nationale... " Il s'agit pourtant là d'une question importante pour monsieur Simon, qui est la caution en ce qui concerne ce prêt.

[15] Dans le passage qui suit, monsieur Tehrani s'est contredit, à mon avis, dans sa version des faits entourant la tentative de soudoyer un témoin. Dans un premier temps il affirme (au moins implicitement) avoir donné son numéro de téléphone cellulaire à monsieur Simon mais, quelques réponses plus loin, il affirme le contraire :

Me VALÉRIE TARDIF :

1421                         Q.             So what did you do when you arrived?

                                                A.             I arrived, I said how will it take, I can't stay the whole day here, I have things to do, you know, and he told me: "It could be at twelve o'clock (12:00), it could be one o'clock (1:00), we will need you -- he would need me to testify. So, I said: "No, do me a favour, I leave my cellular phone in case you need me to -- when it's going to be my turn to call me. I'm going to be downtown and time to time, I'm going to come and check" you know.

                1422                         Q.             So, what time did you leave the Court?

                                                A.             Probably five or ten (10) minutes after that and I walked out of here.

                1423                         Q.             When did you come back?

                                                A.             I came back again in the afternoon, I believe it was afternoon, yes.

[...]

                                1428                         Q.             Why did you come back at that particular time, had Maitre [sic] Simon called you?

                                                A.             No, I just -- it happened that I just passed by -- Mr. Simon, he didn't know my cellular number.

                                1429                         Q.             But you told that -- just before, that you asked Maitre [sic] Simon to call you...

                                                A.             At the school.

                1430         Q.             ... on your cell phone?

                                                A.             At the school, I gave him at the school, I believe I gave him, he didn't have, up to yesterday, he didn't have my cell number, okay, I told him to call me at the school, maybe I made a mistake. After yesterday, last night, I didn't give my cell number to Mr. Simon.

                                                                                                                                                                [Je souligne.]

[16] Il faut ajouter que monsieur Simon a lui-même expliqué pourquoi il avait refusé de s'associer avec monsieur Chehab entre 1991 et 1993 dans une entreprise de réparation de disques durs : " J'étais assez réticent de m'embarquer à nouveau avec ce monsieur " (Q-1053).

[17] Voir aussi les autres passages de son témoignage cités précédemment.

[18] Une personne que madame Simon a décrite comme " une employée modèle, une bonne fille " (Réponse à la question 334 de la transcription).

[19] Comme le disait lui-même monsieur Simon dans sa plaidoirie : " Ce sont souvent les petits indices qui peuvent amener à déterminer si quelqu'un dit la vérité ou ment. "

[20] Voici l'extrait pertinent de son témoignage :

Me HENRI SIMON :     

                113           Q.             Qu'est-ce qui est arrivé à l'école en cette période, comme vous dites, on va la situer juillet août 94?

                                R.             Elle a été, je ne sais pas, elle a été vendue.

                114           Q.             Savez-vous qui l'a vendue?

                                R.             Monsieur Chehab.

                115           Q.             Savez-vous qui a signé les contrats de vente?

                                R.             Qui a signé, comment ça, qui est l'acheteur?

                116           Q.             Non, qui a signé au nom d'Aviron les contrats de vente?

                                R.             Ça doit être monsieur Chehab.

MONSIEUR LE JUGE :     

                117           Q.             Ça doit ou vous savez?

                                R.             Vous savez moi les papiers, les papiers légaux.

                118           Q.             Mais si vous ne le savez pas, Madame, vous dites je ne le sais pas. Si vous le savez, vous me dites je le sais, c'est telle personne.

                                R.             Je sais que c'est monsieur Chehab parce que moi les documents que je devais signer quand il y avait un transfert pour lui, moi je signais, c'est ça.

                119           Q.             Donc lors de la vente, vous avez vu la signature de monsieur Chehab?

                                R.             J'ai vu la signature.

                120           Q.             D'accord.

                R.             Oui, absolument.

                                                                                                                                [Je souligne.]

[21] Voir la réponse à la question 365 de la transcription.

[22] Monsieur Chehab affirme ne pas avoir revu madame Simon depuis 1990.

[23] Comme autre petit indice, on peut relever aussi la coïncidence surprenante que la date de la résolution du 3 mai 1993 correspond au premier jour de travail du mois de mai 1993, soit le premier mois de la période pertinente.

[24] Voir Martel, La compagnie au Québec, volume 1, Les aspects juridiques, Wilson & Lafleur, Martel Ltée, page 5-3 et 26-3.

[25] Si on présume que monsieur Chehab et GSI sont devenus les actionnaires inscrits d'Aviron, on pourrait s'interroger si les Simon avaient toujours les qualités nécessaires pour continuer à agir comme administrateurs puisqu'ils ne seraient pas alors actionnaires inscrits. À ma connaissance, il n'y a pas de disposition de la LCQ qui prévoit que le fait de cesser d'être actionnaire de cette société entraîne automatiquement la vacance du poste d'administrateur occupé par l'actionnaire. Le paragraphe 86(1) LCQ ne fait qu'édicter que nul ne peut être " élu ni nommé administrateur à moins qu'il [...] ". Martel, dans son ouvrage précité, semble se contredire sur l'effet de cesser d'être un actionnaire. (Voir p. 21-3, note 7, et p. 21-49). Aussi, il y a l'article 85 LCQ qui dispose que les administrateurs demeurent en poste tant qu'ils n'ont pas été remplacés. De toute façon, il n'est pas nécessaire de trancher cette question ici. Tout d'abord, les Simon n'ont pas invoqué ce motif. De plus, il n'y a aucune preuve établissant qu'ils n'avaient pas les qualités nécessaires pour être administrateurs le 4 septembre 1995. S'ils étaient des dirigeants ou administrateurs de GSI, ils avaient alors toujours les qualités nécessaires pour être administrateurs d'Aviron.

[26] Pour les fins de cette analyse, je me contenterai de limiter mes commentaires à l'impôt que devait retenir Aviron en vertu de l'article 153 de la Loi. Toutefois, on retrouve dans la LAE une disposition qui est analogue à l'article 227.1 de la Loi, et qui concerne le manquement à l'obligation de remettre les cotisations dues en vertu de la LAE.

[27] Pour une analyse plus détaillée, se référer aux paragraphes 101 à 118 de cette décision.

[28] Le juge Joyal a adopté une approche similaire dans l'affaire First Fund Genesis Corporation v. The Queen, 90 DTC 6337.

[29] Il faut mentionner que j'ai informé la procureure de l'intimée lors de la première journée d'audience qu'il était possible que j'en arrive à la conclusion qu'il lui incombait de faire la preuve des DAS pour l'année 1994 qui n'avaient pas été remises au ministre. Elle n'a jamais informé la Cour de quelque problème que se soit à obtenir la comparution de messieurs Daï et Prokop. Comme l'audition de ces appels s'est étalée sur trois journées, l'intimée a donc eu l'occasion de les faire comparaître.

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