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Date: 20010710

Dossiers: 2000-3792-IT-I,

2000-3793-IT-I

ENTRE :

SYLVIA WOJCIK,

ANDY WOJCIK

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifsdu jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]            L'audition des appels en l'espèce a commencé à Toronto (Ontario) le 9 avril 2001 et s'est poursuivie le 12.

[2]            Les appels soulèvent trois grandes questions. Premièrement, est-ce à juste titre que l'année d'imposition 1997 fait l'objet d'un appel à la Cour? Deuxièmement, en 1995, 1996 et 1997, les appelants pouvaient-ils raisonnablement s'attendre à tirer un profit, d'une part, de leur prétendue entreprise de construction et rénovation de maisons et d'installation de fenêtres, et d'autre part de certaines activités de recherche et de développement, de façon à pouvoir déduire de leur revenu tiré d'autres sources les pertes d'entreprise subies au cours des années en cause? Troisièmement, les appelants peuvent-ils déduire certaines dépenses au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental et demander les crédits d'impôt à l'investissement qui s'y rapportent.

[3]            Les deux appels ont été entendus ensemble sur preuve commune. Andy Wojcik ( « Andy » ) et Tadeusz Wojcik, son représentant, ont témoigné. L'appelante, Sylvia Wojcik ( « Sylvia » ), n'a pas comparu. De nombreuses pièces ont été produites, notamment la pièce A-1, qui compte neuf onglets. Seules les pages 11, 50 à 61, 63 à 65, 73 à 83, 97 à 100, 102, 103, 138 à 140 et 143 à 149 de cette pièce ont été admises en preuve. Les appelants ont produit également, sous la cote A-2, les états des activités commerciales de Sylvia pour les années 1995 et 1996. Andy a déclaré dans son témoignage que ces états étaient identiques aux siens, sauf pour ce qui est de la répartition des pertes. L'avocate de l'intimée a produit une copie des [TRADUCTION] « Réponses à un questionnaire sur l'entreprise Royal Knight Contracting » , qui constitue la pièce R-1.

[4]            Après l'audition, soit le 27 avril 2001, le représentant des appelants a déposé à la Cour les observations écrites de ses clients. Le 3 mai 2001, l'avocate de l'intimée a déposé les observations écrites de l'intimée. De plus, le 11 mai 2001, le représentant des appelants a déposé ce qu'il a appelé les [TRADUCTION] « observations écrites finales des appelants » . Il a par la suite déposé un document intitulé [TRADUCTION] « Mémoire complémentaire des appelants » , auquel il a joint une sorte de requête demandant à la Cour d'admettre le document.

[5]            J'ai examiné ce dernier document, et je ne crois pas que la requête soit valide car elle n'est pas conforme aux Règles de la Cour canadienne de l'impôt selon lesquelles il faut donner avis d'une telle requête et respecter les exigences relatives au délai. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que les documents supplémentaires soient de quelque utilité que ce soit aux appelants en l'espèce.

[6]            Voici un extrait de la réponse à l'avis d'appel d'Andy :

                                [TRADUCTION]

7.                     Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, l'appelant a déduit des pertes d'entreprise de 1 866 $, de 2 532 $ et de 2 354 $ respectivement.

8.                     Le ministre a établi à l'égard de l'appelant, pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, des cotisations dont les avis sont datés du 28 mars 1996, du 7 avril 1997 et du 22 juin 1998 respectivement, relativement à ses déclarations telles qu'elles avaient été produites.

9.                     Dans les nouvelles cotisations établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, dont les avis simultanés sont datés du 1er mars 1999, le ministre a refusé la déduction de pertes d'entreprise de 1 866 $, de 2 532 $ et de 2 354 $ respectivement.

10.                  Pour établir les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)                    pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelant était un employé à temps plein de plusieurs compagnies d'installation de fenêtres;

b)                    l'appelant tirait l'essentiel de son revenu de ses emplois chez ces compagnies d'installation de fenêtres (Annexe A ci-jointe);

c)                    en 1988, l'appelant et son épouse ont établi, dans le cadre d'une société de personnes, une entreprise d'installation de fenêtres domestiques appelée Royal Knight Contracting ( « RKC » );

d)                    RKC, qui existe depuis 1988, a subi des pertes d'entreprise au cours des dix dernières années;

e)                    l'appelant et son épouse n'ont élaboré aucun plan d'affaires ni non plus effectué de projections concernant la manière d'assurer l'expansion de RKC;

f)                     au fil des ans, RKC n'a donné lieu à aucun revenu d'entreprise, exception faite des revenus bruts négligeables que l'appelant a pu tirer, en 1994 et en 1995, des travaux relatifs à des brevets effectués pour la compagnie de son frère;

g)                    au cours des dix dernières années, l'appelant et son épouse ont déduit les pertes d'entreprise suivantes relativement à RKC :

Année

Revenu

Brut

Perte

d'entreprise nette

1988

                       1 $

       (14 069) $

1989

                          0

          (17 080)

1990

                          1

          (19 664)

1991

                          1

           ( 8 987)

1992

                          0

          (11 796)

1993

                          0

          (11 733)

1994

                   3 155

          (18 523)

1995

                   3 745

          (18 663)

1996

                          0

          (25 325)

1997

                          0

          (23 548)

1998

Aucune donnée produite

Aucune donnée produite

h)                    bien qu'ils soient des associés à parts égales, l'appelant et son épouse ont, de façon discrétionnaire, modifié la répartition du revenu de la société de personnes de la façon suivante :

Année

Part de

l'appelant

Part de

l'épouse

1989

(17 080 $)           100 %

0

1990

(19 664 $)           100 %

0

1991

( 898 $)                10 %

( 8 089 $)       90 %

1992

( 5 898 $)              50 %

( 5 898 $)       50 %

1993

( 1 173 $)              10 %

(10 560 $)      90 %

1994

( 1 852 $)              10 %

(16 671 $)      90 %

1995

( 1 866 $)              10 %

(16 797 $)      90 %

1996

( 2 532 $)              10 %

(22 793 $)      90 %

               

i)                      les stocks achetés le 16 avril 1994 n'ont pas été utilisés et figuraient toujours à l'inventaire au cours des années visées par l'appel;

[...]

m)                   l'appelant a déclaré que le plus gros des dépenses se rapportait à des activités de recherche et de développement, mais il n'a pas fourni de formulaires T661 ou T2038, ni non plus de documentation prouvant qu'il avait droit aux crédits d'impôt à l'investissement au titre des dépenses admissibles de recherche scientifique et de développement expérimental;

n)                    en conséquence, aucun montant de crédit d'impôt à l'investissement n'a été accordé à l'appelant.

[7]            Dans le cas des appels de Sylvia, la réponse est à peu près identique, exception faite des points suivants : (i) les pertes d'entreprise que Sylvia a déduites s'élevaient à 16 797 $ en 1995, à 22 793 $ en 1996 et à 21 194 $ en 1997; (ii) à l'alinéa 10 a), on peut lire que Sylvia était une employée à temps plein de Lapointe Fisher Nursing Home Ltd., cet emploi constituant sa principale source de revenu; (iii) l'alinéa 10 f) fait mention de travaux effectués en matière de brevet pour la compagnie du beau-frère de Sylvia. Dans chacune des réponses, la répartition des pertes est la même. Aucune répartition particulière n'est faite pour 1997, mais une perte de 23 548 $ a été déduite, dont 21 194 $ par Sylvia (90 p. 100).

[8]            Au départ, soit en 1988, l'activité en cause était exercée dans un petit appartement de deux pièces loué. À la fin de 1993, l'activité, qui était alors pour ainsi dire inexistante, était exercée à la maison des appelants, au 125, chemin Cole. Au mois de novembre 1993, les appelants ont acquis la propriété sise au 12, rue John, et en ont entrepris la rénovation à titre de résidence et de lieu d'affaires. C'est vers cette date qu'Andy a acquis une quantité appréciable de matériaux de construction lors d'un encan. En 1994, les appelants ont loué une propriété commerciale et industrielle sise au 59, rue Suburban, pour y entreposer une partie de ces matériaux. Les détails relatifs à ces différentes propriétés sont exposés dans les observations du représentant des appelants reproduites vers la fin des présents motifs de jugement.

Observations et décision

[9]            En ce qui concerne la question de savoir si c'est à juste titre que l'année d'imposition 1997 fait l'objet d'un appel à la Cour, je reproduis une partie des observations écrites de l'avocate de l'intimée :

                                [TRADUCTION]

                                L'année d'imposition 1997 fait à juste titre l'objet d'un appel à la

Cour

2.                        De nouvelles cotisations, dont les avis sont datés du 1er mars 1999, ont été établies à l'égard des appelants pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Conformément au paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), le ministre du Revenu national (le « ministre » ) peut établir une nouvelle cotisation à l'égard d'un contribuable avant l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation. La « période normale de nouvelle cotisation » applicable aux particuliers s'étend sur trois ans suivant le premier en date des jours suivants : le jour de la mise à la poste d'un avis de première cotisation, et le jour de la mise à la poste d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable par le contribuable pour l'année. Les avis relatifs aux premières nouvelles cotisations établies à l'égard des appelants pour l'année d'imposition 1997 sont datés du 29 juin 1998. Par conséquent, le ministre du Revenu national pouvait établir une nouvelle cotisation à l'égard des appelants jusqu'au mois de juin 2001. La nouvelle cotisation a été établie au mois de mars 1999, soit bien avant l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation. C'est donc à juste titre que l'année d'imposition 1997 fait l'objet d'un appel à la Cour. Les appelants n'ont produit aucune preuve démontrant que la cotisation et la nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1997 ont été établies à des dates autres que celles qui sont indiquées dans la réponse à l'avis d'appel.

Paragraphes 8 et 9 de la Réponse à l'avis d'appel, paragraphes 152(3.1) et 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), modifiée, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 1.

[10]          Le représentant des appelants a fait valoir qu'une bonne part de la correspondance échangée avec Revenu Canada et des questionnaires envoyés aux appelants ne mentionnait pas l'année d'imposition 1997, ce qui l'amène essentiellement à conclure que les appels en l'instance ne devraient pas viser l'année 1997. Cependant, le représentant ne tient pas compte du fait que c'est le 29 juin 1998, soit la date à laquelle l'avis de première cotisation a été établi, qu'a débuté la période de trois ans. En d'autres termes, cette période ne débute pas du seul fait que des lettres et des questionnaires sont échangés entre Revenu Canada et les appelants ou leur représentant. En conséquence, je souscris aux observations de l'avocate de l'intimée.

[11]          En ce qui concerne le critère de l'attente raisonnable de profit, je crois que l'avocate de l'intimée a résumé les principes applicables. Celles de ses observations écrites qui sont pertinentes à cet égard sont reproduites ci-après :

                                [TRADUCTION]

Les appelants ne pouvaient raisonnablement s'attendre à tirer un profit de Royal Knight Contracting

6.                     Les appelants ne pouvaient raisonnablement s'attendre à tirer un profit de Royal Knight Contracting dans les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Par conséquent, ils n'avaient aucune source de revenu de laquelle déduire les pertes subies dans les années en question.

7.                     Le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise est le « bénéfice qu'il en tire » . Pour que l'entreprise constitue une source de revenu, il fallait que les appelants réalisent un bénéfice ou qu'ils aient une attente raisonnable de réaliser un bénéfice relativement à Royal Knight Contracting dans les années en question. Le critère de l'attente raisonnable de profit s'applique à toute forme d'activité qu'un contribuable prétend être une activité commerciale.

Article 9 de la Loi, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 1

Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (1977 CarswellNat 243), page 4, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence, onglet 4

8.                     Pour déterminer si les appelants avaient une attente raisonnable de profit, la Cour doit prendre en considération les facteurs suivants :

·          L'état des profits et des pertes pour les années antérieures

·          Le plan d'affaires du contribuable, y compris l'existence, le contexte et la mise en oeuvre de celui-ci

·          La présence des éléments nécessaires pour rentabiliser l'activité

·          Le temps requis pour rentabiliser l'activité

·          La persistance des facteurs qui causent les pertes

Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73 (1995 CarswellNat 884) (C.A.F.), page 16, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 5

9.                     De même, la Cour peut rendre une décision plus générale sur la question de savoir si les appelants avaient une attente raisonnable de profit.

« Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise? » Pour répondre à la question, la personne raisonnable fictive examinerait entre autres choses la structure du capital, les connaissances du participant et le temps consacré à l'activité. Elle évaluerait également si la personne qui prétend exploiter une entreprise a procédé de façon ordonnée et méthodique, de la manière dont une personne en affaires procéderait normalement.

Kaye c. Canada, C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998 (1998 CarswellNat 575) (Procédure informelle) (le juge Bowman), page 2, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 6

10.                  Le critère de l'attente raisonnable de profit est appliqué aux prétendues activités commerciales, que ces activités comportent ou non un élément personnel.

Stewart c. Canada, C.A.F., no A-337-98, 18 février 2000 (2000 CarswellNat 259), page 3, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 7

Les appelants ne pouvaient raisonnablement s'attendre à tirer un profit de Royal Knight Contracting

11.                  Les appelants ont entrepris leur prétendue entreprise de construction et rénovation de maisons et d'installation de fenêtres (l' « activité » ) sous le nom de Royal Knight Contracting en 1988. Andy Wojcik a témoigné qu'à la fin des années 1980 lui et son épouse se sont engagés dans un projet de lotissement qui était censé permettre à Royal Knight Contracting de fournir des services de construction. Les appelants ont été engagés dans ce projet pendant six ans, mais on n'a jamais confié de travaux de construction à leur entreprise. En 1994, Tadeusz Wojcik s'est joint à l'activité lorsqu'il a prétendument commencé à superviser les activités de recherche et de développement des appelants. Il n'était pas un employé de Royal Knight Contracting, ni l'un des associés de la société de personnes. D'après Andy Wojcik, Royal Knight Contracting a continué à exercer l'activité. Vers 1994, les appelants ont acheté une maison sise au 12, rue John, Guelph (Ontario), dans l'intention de la rénover, de l'utiliser aux fins de l'activité et, par la suite, de la revendre.

12.                  L'intimée soutient que les appelants exercent la même activité depuis 1988 sous le nom de Royal Knight Contracting et qu'aucune nouvelle entreprise n'a été établie en 1994.

Des pertes pendant neuf ans

13.                  Royal Knight Contracting a subi des pertes de 1988 à 1997 — soit pendant neuf ans. L'entreprise n'a jamais eu de client, n'a obtenu aucun contrat à la suite d'appels d'offres, et son chiffre d'affaires brut a été négligeable, voire nul, au cours des années visées par l'appel. Royal Knight Contracting n'a permis de toucher pour ainsi dire aucun revenu brut depuis sa création en 1988. L'intimée soutient qu'il est très difficile pour les appelants de prouver qu'ils avaient une attente raisonnable de profit puisque l'activité n'a produit pour ainsi dire aucun revenu brut sur une période de neuf ans.

Knight c. Ministre du Revenu national, C.C.I., no 90-2346(IT)O, 15 octobre 1993 (1993 CarswellNat 1124), pages 7 et 8, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 8

Demarais c. Ministre du Revenu national, C.C.I., no 89-1151(IT), 30 novembre 1990 (1990 CarswellNat 548), pages 3 et 7, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 9

Déduction de plusieurs milliers de dollars au titre des dépenses

14.                  Entre 1988 et 1997, les dépenses découlant de l'activité ont varié de 8 987 $ à 25 325 $. En 1995, les appelants ont déduit des dépenses de 22 408 $. En 1996, ces dépenses s'élevaient à 25 325 $ et, en 1997, à 23 548 $. Au cours de ces années, les revenus se sont élevés au total à 3 745 $, tandis que les dépenses ont totalisé 71 281 $, soit dix-neuf fois plus que les revenus bruts au cours des trois années visées par l'appel. Les frais de location à eux seuls (11 320,60 $ en 1995 et 12 604,60 $ en 1996) étaient plus élevés que les revenus bruts.

Alinéa 10g) de la Réponse à l'avis d'appel, Pièce A-2

[...]

Royal Knight Contracting n'avait aucun client, n'a obtenu aucun contrat et n'a pas effectué de travaux à proprement parler

17.                  Andy Wojcik a témoigné que des soumissions avaient été présentées en vue d'obtenir des contrats, mais qu'il ne pouvait indiquer exactement quels contrats Royal Knight Contracting avait espéré obtenir par ce moyen. Certains des témoignages ont porté sur plusieurs projets auxquels Royal Knight Contracting avait espéré prendre part, comme le projet du Conseil du comté de Wellington, les travaux à la maison de soins infirmiers Lapointe, et une entente possible avec PPG. Toutefois, aucun de ces projets n'a entraîné de travail ni de revenus pour Royal Knight Contracting. Andy Wojcik n'ayant pu se souvenir des dates de ces projets, il est même difficile de dire si ceux-ci se rapportaient aux années visées par l'appel. Aucune autre preuve concernant les projets en question n'a été produite à l'audition. Andy Wojcik a témoigné que des contrats sans importance avaient été exécutés, mais il n'a donné aucun détail à cet égard, non plus que sur la nature des travaux qui ont été effectués dans le cadre des contrats en question ou sur le montant (même approximatif) des revenus ainsi produits.

18.                  Andy Wojcik a témoigné que Royal Knight Contracting ne pouvait pas obtenir de contrats importants parce qu'il aurait fallu disposer au départ de fonds substantiels. Les appelants ne pouvaient obtenir d'avances de fonds importantes car la banque les leur refusait. L'intimée soutient que cette impossibilité de réunir les fonds nécessaires pour obtenir un contrat au terme d'un processus d'appel d'offres, ainsi que l'absence de clients en général, sont des facteurs persistants qui ont contribué aux pertes qu'ont subies les appelants au cours des années en cause et des années précédentes.

Les appelants ne pouvaient consacrer à l'activité le temps nécessaire pour la rentabiliser

19.                  Royal Knight Contracting était une société de personnes formée par Andy Wojcik et son épouse, Sylvia Wojcik. Au cours des années en question, cette dernière travaillait à temps plein pour une maison de soins infirmiers et, par conséquent, selon l'intimée, elle n'avait pas beaucoup de temps à consacrer à l'activité. Andy Wojcik avait certainement plus de temps à y consacrer, mais il a aussi occupé de nombreux emplois au cours des années en question, soit chez Cast Craft Corporation, AGS Contract Glazing Ltd., Pro Roofing and Cladding Co. Ltd., Speedy Auto Glass Ltd., Harding Glass & Mirror Ltd., Albion Glass Co. Ltd., Service Glass & Mirror Ltd., Applewood Glass & Mirror Ltd., TNT Glazing Ltd., KUB Glass & Mirror et F.G. Aluminum & Glass. Dans le cadre de ces emplois, Andy Wojcik a été appelé à travailler dans tout le sud de l'Ontario : Mississauga, Kitchener, Oshawa, Brampton, Markham et Toronto. Il lui fallait conduire de deux à quatre heures pour se rendre à son lieu de travail chaque jour où il travaillait. Par conséquent, du fait de ses emplois et des déplacements qu'il devait effectuer pour s'y rendre et en revenir, Andy Wojcik ne pouvait consacrer que peu de temps à l'activité. Tadeusz Wojcik a témoigné que les appelants devaient occuper un emploi pour financer l'activité.

Aucun indice de commerciabilité

20.                  L'intimée soutient respectueusement que Royal Knight Contracting n'était pas exploitée d'une manière viable sur le plan commercial. Les appelants se contentaient de perdre des milliers de dollars année après année et de toucher des revenus bruts négligeables, voire nuls.

21.                  Andy Wojcik et Tadeusz Wojcik ont tous deux témoigné que Royal Knight Contracting exerçait aussi des activités de recherche scientifique et de développement expérimental pendant qu'elle était exploitée par les appelants. La preuve concernant ces activités est vague. On a fait mention d'un cendrier sans fumée et d'un séchoir écologique. Cependant, pour pouvoir prétendre qu'elle exploitait une entreprise, Royal Knight Contracting devait aussi se livrer à des activités commerciales, c'est-à-dire vendre et fournir un produit ou un service au public. Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, Royal Knight Contracting n'avait pas de clients et n'a déposé aucune soumission en vue d'obtenir des contrats. De plus, la preuve ne permet pas de conclure que Royal Knight Contracting disposait de locaux ouverts au public pendant les années en cause.

Knight, précitée, pages 7 et 8, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 8

22.                  L'intimée fait remarquer que les appelants ont consacré très peu d'argent à la publicité pendant les années où ils n'avaient pas de clients.

Pièce A-2

23.                  L'intimée soutient qu'étant donné l'absence de clients, d'un établissement ouvert au public, d'un plan réaliste sur la façon d'exercer l'activité et de projections, ne serait-ce qu'approximatives, de revenus et de dépenses, une personne raisonnable examinant l'activité et appliquant les normes ordinaires de bon sens commercial arriverait à la conclusion qu'il n'existe aucune entreprise.

Kaye, précité, page 2, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence, onglet 6

24.                  Les appelants n'exerçaient pas l'activité dans l'attente raisonnable de réaliser un profit. L'activité a engendré des pertes élevées et des revenus bruts négligeables, voire nuls; elle avait des ressources financières insuffisantes, n'a obtenu aucun contrat par voie de soumissions, n'avait pas de clients, ni même de clients potentiels. Au cours des neuf années entre 1988 et 1997, Royal Knight Contracting, qui était prétendument une entreprise de construction et rénovation de maisons et d'installation de fenêtres, a rénové une seule maison : celle du 12, rue John, qui est devenue la résidence des appelants en 1995. Aucun autre bâtiment n'a été construit ou rénové. On n'a produit aucune preuve faisant état de projets d'installation de fenêtres ou de clients à cet égard. Il n'y a en l'espèce aucun indice de commerciabilité sur le fondement duquel la Cour pourrait conclure qu'il était raisonnable de s'attendre à tirer un profit de l'activité.

[12]          La manière arbitraire dont les appelants ont réparti les pertes chaque année au cours des années en question est inhabituelle, c'est le moins que l'on puisse dire, et déraisonnable. Quatre-vingt-dix pour cent de ces pertes ont été attribuées à Sylvia alors que la preuve montre qu'Andy est celui qui contribuait le plus aux activités de la société de personnes. Le fait qu'aucun revenu n'ait été engendré dans les années 1988 à 1993 (si ce n'est des montants fictifs de 1 $) et que les seuls revenus générés en 1994 et 1995 (3 155 $ et 3 748 $) soient attribuables aux paiements effectués par le frère d'Andy censément pour des travaux de recherche et de développement, ne permet pas de conclure à l'existence d'une entreprise. Andy a expliqué qu'il avait commencé à s'attribuer seulement 10 p. 100 des pertes parce qu'il existait dans sa convention collective une disposition ayant pour conséquence de limiter à ce pourcentage les revenus ou les pertes découlant d'activités commerciales. Aucune preuve indépendante n'ayant été produite à cet égard, je ne peux tout simplement pas accepter cette explication donnée par Andy.

[13]          En ce qui concerne les activités de recherche scientifique et de développement expérimental, j'accepte encore une fois les observations écrites de l'avocate de l'intimée, dont voici un extrait :

                                [TRADUCTION]

Recherche scientifique et développement expérimental

44.                  L'intimée soutient que les dépenses des appelants ne peuvent être traitées comme des dépenses afférentes à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental parce qu'elles n'ont pas satisfait aux nombreux critères énoncés dans les dispositions législatives applicables.

La prétention selon laquelle les appelants ont été incapables d'obtenir les formulaires n'a pas été prouvée

45.                  Les appelants soutiennent que les formulaires requis pour déduire des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental et pour demander les crédits s'y rapportant leur ont constamment été refusés de façon qu'ils ne puissent déduire de dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental.

46.                  L'intimée soutient que cette prétention manque de crédibilité. Le témoignage de Harjinder Dhesy, agente des appels à la Division de la recherche et du développement de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, établit que les formulaires requis au regard des activités de recherche scientifique et de développement expérimental ont toujours été disponibles et qu'on pouvait se les procurer de différentes façons. Il est possible d'obtenir ces formulaires au comptoir de n'importe quel bureau de l'Agence des douanes et du revenu du Canada en en faisant simplement la demande. Il est possible également de les obtenir en appelant les renseignements généraux ou les renseignements des entreprises : si la personne recevant l'appel avait été incapable de faire parvenir le formulaire en question aux appelants, elle les aurait mis en communication avec une personne en mesure de le faire. Les numéros de téléphone pour les demandes de renseignements généraux et les demandes de renseignements des entreprises figurent dans les pages bleues de l'annuaire téléphonique depuis 1998 au moins. De plus, les comptables devraient de façon générale être au courant de l'existence du numéro de téléphone des demandes de renseignements des entreprises. Il n'existe aucune condition préalable à l'obtention d'un formulaire. L'intimée soutient que la prétention des appelants selon laquelle l'Agence des douanes et du revenu du Canada a comploté pour les empêcher d'obtenir les formulaires requis est dénuée de fondement.

47.                  Même si la Cour accepte la prétention selon laquelle, pour une raison quelconque, les formulaires ont constamment été refusés aux appelants avant le mois de mars 2000, les appelants ont bel et bien obtenu les formulaires nécessaires en mars 2000, date à laquelle Tadeusz Wojcik, leur représentant, les a obtenus de Sherry Sullivan, l'agente des appels qui a examiné l'opposition des appelants. Mme Sullivan a envoyé à Tadeusz Wojcik une lettre dans laquelle elle expliquait dans ses grandes lignes le processus de demande de prolongation du délai pour faire une déduction au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental, et indiquait qu'elle joignait les formulaires T661 et T2038 (les formulaires relatifs à la recherche scientifique et au développement expérimental que les appelants souhaitaient obtenir). Le représentant des appelants affirme que, cette lettre lui ayant été adressée personnellement, il croyait ne pas pouvoir utiliser ces formulaires ou suivre la procédure exposée pour faire une demande au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental pour le compte des appelants. L'intimée soutient que, comme le représentant des appelants avait reçu des formulaires vierges, rien ne l'empêchait de les remplir et de les produire pour le compte des appelants, et ainsi de présenter une demande au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental pour leur compte.

Pièce A-1, pages 50 à 55 du Dossier d'appel des appelants

48.                  Les appelants soutiennent que les formulaires qui leur ont été fournis étaient illisibles. Mme Dhesy a été capable de lire les formulaires. L'intimée fait valoir que les formulaires étaient bien lisibles. De toute façon, rien n'empêchait les appelants d'obtenir d'autres formulaires auprès de Mme Sullivan ou de toute autre source possible, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de leur représentant. Tadeusz Wojcik a témoigné qu'à un certain moment il avait consulté un comptable concernant les déclarations de revenu des appelants, mais qu'il n'avait jamais pensé à lui demander les formulaires en question.

49.                  Quoi qu'il en soit, les appelants ne peuvent obtenir gain de cause relativement à leur déduction de dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental et aux crédits d'impôt à l'investissement qui s'y rapportent car ils n'ont pas satisfait aux critères prévus dans la loi.

Aucune preuve d'activités de recherche scientifique et de développement expérimental

50.                  Pour avoir droit aux incitatifs offerts aux fins de la recherche scientifique et du développement expérimental ( « RS & DE » ), les appelants devaient exercer des activités de RS & DE au sens où l'entend le législateur. Selon la partie liminaire de la définition en cause, les appelants devaient effectuer une « [i]nvestigation ou recherche systématique d'ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse » .

Paragraphe 248(1) de la Loi, définition de « activités de recherche scientifique et de développement expérimental » (expression auparavant définie à l'article 2900 du Règlement)

Recueil des lois et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 10.

51.                  Les tribunaux ont établi que la recherche scientifique et le développement expérimental comprennent nécessairement l'existence d'expériences contrôlées, la prise de mesures extrêmement précises et la confrontation des théories du chercheur à des preuves empiriques. La Cour doit déterminer, par exemple, si les hypothèses ont été bien formulées et si la méthode scientifique a été appliquée. Les appelants doivent présenter une preuve forte, détaillée et documentée d'activités de recherche scientifique et de développement expérimental.

Sass Manufacturing Ltd. c. Ministre du Revenu national, C.C.I., no 86-831(IT), 9 mai 1988 (1988 CarswellNat 348) (le juge Sarchuk) pages 9 à 11, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 11

Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. R., C.C.I., no 97-531(IT)G, 1er mai 1998 (1998 CarswellNat 696) (le juge Bowman) pages 4 et 5, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 12,

RIS-Christie Ltd. c. R., C.A.F., no A-710-96, 21 décembre 1998 (1998 CarswellNat 2485), page 5, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 13.

52.                  Il n'y a aucune preuve sur le fondement de laquelle la Cour puisse en venir à la conclusion que des activités de recherche scientifique et de développement expérimental étaient exercées par les appelants dans les années en question. La preuve produite a fait état de quelques projets : le cendrier sans fumée, le séchoir écologique et les moteurs linéaires destinés au transport spatial (les « projets » ). Cependant, la preuve portant sur la nature de ces activités ne permet pas d'établir qu'elles constituaient des activités de RS & DE exercées par les appelants. Ces derniers ne peuvent obtenir gain de cause sur le fondement de la preuve portant sur des activités de RS & DE qui ont pu être exercées par Tadeusz Wojcik puisque ce dernier n'était pas un employé de Royal Knight Contracting ni un associé de cette société de personnes.

53.                  Il n'y a aucune preuve se rapportant au risque ou à l'incertitude technologique relativement aux projets. Rien ne prouve que des hypothèses précises ont été formulées relativement aux projets, et il n'y a aucune preuve portant sur les procédures utilisées dans le cadre de l'élaboration des projets. Il n'y a aucune preuve non plus de quelque observation, mesure ou expérience systématique que ce soit relativement à ces projets ou à d'autres projets.

54.                  Essentiellement, la seule preuve soumise à la Cour est la prétention faite à maintes reprises que des activités de recherche scientifique et de développement expérimental ont été exercées; [...]

Les appelants n'exploitaient pas une entreprise au Canada comme le requiert le paragraphe 37(1)

55.                  Selon la première exigence formulée au paragraphe 37(1), les contribuables devaient exploiter une entreprise au Canada. Ainsi que cela est mentionné dans la première partie des observations de l'intimée, cette dernière soutient que les appelants n'avaient aucune attente raisonnable de profit et, par conséquent, qu'ils n'exploitaient pas d'entreprise dans les années en question. Les appelants n'exploitaient pas Royal Knight Contracting d'une manière viable sur le plan commercial, ne touchaient aucun revenu brut et n'avaient aucun client pendant les années en cause. Par conséquent, l'intimée soutient que les appelants ne satisfont pas à la première condition énoncée au paragraphe 37(1) aux fins de déduire des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental et de demander les crédits d'impôt à l'investissement qui s'y rapportent.

Paragraphe 37(1) de la Loi, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 10

Les dépenses doivent être attribuables « en totalité, ou presque, » aux activités de RS & DE

56.                  Même si la Cour conclut que les appelants ont su prouver que leurs activités constituent des activités de RS & DE et qu'ils exploitent une entreprise dans l'attente raisonnable d'en tirer un profit, d'autres conditions prévues au paragraphe 37(1) doivent être remplies.

57.                  Aux termes du paragraphe 37(8) de la Loi, l'expression « dépenses afférentes aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental » s'entend des dépenses qui sont attribuables « en totalité, ou presque, » à des activités de RS & DE.

Paragraphe 37(8) de la Loi, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 10

58.                  Dans le cas des appelants, il n'y a aucune preuve que les montants en cause représentaient des dépenses attribuables « en totalité, ou presque, » à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental. Selon la preuve produite par les appelants, ces derniers exerçaient l'activité en même temps qu'ils exerçaient des activités de recherche scientifique et de développement expérimental. Ils avaient besoin de locaux pour exercer l'activité, de même que d'un téléphone et de véhicules. Par conséquent, de nombreuses dépenses déduites à titre de dépenses d'entreprise étaient attribuables à l'activité et n'étaient pas attribuables « en totalité, ou presque, » à des activités de RS & DE.

Les activités de RS & DE doivent être liées à la prétendue entreprise des appelants

59.                  Enfin, selon le paragraphe 37(1), les activités de recherche scientifique et de développement expérimental doivent être liées à l'entreprise exploitée par les appelants. Il doit y avoir un lien entre l'entreprise et les activités de recherche et de développement, et ce lien n'existe tout simplement pas dans le présent cas.

Paragraphe 37(1) de la Loi, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 10

[...]

[14]          Le représentant des appelants soutient que les années en cause (1995, 1996 et 1997) doivent être considérées comme une période de démarrage, parce qu'au cours de ces années les appelants se sont lancés dans de nouvelles activités, à savoir des activités de recherche et de développement. Je ne peux accepter cette prétention. Il est clair que, dans une certaine mesure, l'activité exercée au départ, soit les travaux de rénovation, etc., a continué d'être exercée jusqu'à un certain point dans les années en question. Si l'on permettait à la même entité, c'est-à-dire Royal Knight Contracting, de se prévaloir d'une période de démarrage chaque fois qu'elle se lance dans une nouvelle entreprise, on permettrait alors la déduction de pertes sur une période d'une longueur déraisonnable. Si des contribuables souhaitent bénéficier d'une période de démarrage chaque fois qu'ils créent une entreprise, ils doivent au moins exploiter chaque entreprise par l'intermédiaire d'une personne morale différente de celle qui a déjà subi des pertes substantielles pendant plusieurs années auparavant.

[15]          Le représentant des appelants soutient également que le traitement de brevets d'invention et la mise en marché des résultats d'activités de recherche et de développement prennent beaucoup de temps. C'est peut-être vrai, mais il n'en demeure pas moins que, pour être admissibles aux termes de la Loi, les activités de recherche et de développement doivent se rapporter à une entreprise exploitée activement et doivent consister en une investigation systématique, telle que décrite aux paragraphes 50 et 51 des observations de l'intimée; de plus les dépenses doivent être attribuables « en totalité, ou presque, » à des activités de recherche et de développement. La preuve ne permet pas d'établir qu'il a été satisfait à ces conditions. De plus, les formulaires requis n'ont jamais été produits.

[16]          Le représentant des appelants indique par ailleurs ce qui suit dans ses premières observations écrites au sujet de la propriété du 12, rue John (l'un des endroits où l'activité était exercée) et de certains matériaux achetés :

                                [TRADUCTION]

[...]

Les appelants rappellent leurs observations antérieures sur les faits et la preuve, selon lesquelles, pour ce qui est de la question du plan d'affaires diversifié, l'appelant a toujours fait preuve de prudence sur le plan commercial en utilisant l'argent provenant de ses assurances pour lancer une entreprise et en faisant en sorte que la valeur des fonds de placement se multiplie immédiatement grâce à des achats effectués très en-deça de la valeur du marché. Par exemple, les appelants ont fait à peu près 10 000 $ de bénéfice en achetant la propriété du 12, rue John, compte tenu de la valeur de la propriété par rapport à celle des lots résidentiels analogues du voisinage, sans compter la valeur de la maison qui s'y trouve. En dépit de cela et par ailleurs, l'achat des matériaux de construction et les autres achats semblables ont été faits dans le cadre d'un encan à une fraction du prix de détail ou de gros qu'il aurait fallu payer autrement, ce qui garantissait immédiatement un profit plusieurs fois supérieur à la mise de fonds. Ainsi, l'investissement de 22 000 $ que les appelants ont fait en 1994 pouvait leur permettre d'effectuer des ventes de 100 000 $ environ ou leur garantir un profit par rapport aux dépenses relatives à la propriété en question et aux matériaux de construction lorsque ceux-ci seraient utilisés dans le cadre de travaux d'une entreprise de construction des appelants — comme ce fut le cas pour la propriété du 12, rue John.

Les appelants font également valoir qu'ils ont dû effectuer une planification détaillée et des recherches approfondies, engager des dépenses substantielles et déployer des efforts constants à différents niveaux pour être en mesure d'acheter les matériaux de construction lorsque l'occasion s'est présentée. Il est clair que les appelants n'ont pas décidé un bon matin d'acheter les matériaux dans un magasin de détail ou chez un grossiste de l'endroit. Il a fallu beaucoup de recherche et d'habileté de la part d'Andy. Le fait est que, sous l'angle du plan d'affaires, les appelants étaient prêts à faire des affaires depuis un bon moment, ils s'étaient très bien préparés et y avaient beaucoup réfléchi, conformément à un principe commercial qui leur était cher : « Rien de tel que la préparation pour savoir saisir l'occasion » . C'est ce qui s'est produit lorsqu'une entreprise de Guelph a fermé ses portes. Les appelants étaient prêts à acheter avec leurs fonds une grande partie des matériaux et de l'équipement nécessaires dans le cadre de leur société de personnes nouvellement créée, et ils en avaient les moyens. C'était une chance très rare, une chance qui risquait de ne plus se représenter, pour les appelants — pour quiconque en fait — bien qu'Andy ait dans le passé assisté à de nombreux encans dans le but d'acheter des éléments d'actif ou des biens meubles pour son entreprise.

[...]

Les appelants affirment de nouveau et soutiennent que ce préjugé défavorable de l'intimée a eu un effet direct sur leurs diverses activités commerciales décrites précédemment. En 1994, les appelants (l'appelant et son épouse) ont formé une société de personnes pour créer une nouvelle entreprise appelée Royal Knight Contracting (RKC). La propriété du 12, rue John, a été achetée au moyen d'un emprunt bancaire. Elle devait servir de bureau aux fins des travaux de construction et des activités commerciales et permettre l'entreposage des matériaux pour la restauration, la rénovation et la vente de la propriété. Le profit réalisé à la vente du 12, rue John, devait servir à acheter des propriétés semblables, à les rénover, à les vendre, et ainsi à faire prendre de l'expansion à l'entreprise dans ce domaine, de même qu'à financer les activités de RS & DE.

Les appelants affirment de nouveau et soutiennent qu'ils ont acheté la propriété du 12, rue John, le 29 novembre 1993, qu'ils l'ont payée à peu près 68 000 $, soit 10 000 $ de moins environ que ce qu'aurait coûté un bien-fonds d'une superficie semblable dans le voisinage. Par conséquent, dès qu'ils ont effectué l'achat, les appelants ont réalisé un bénéfice de 10 000 $, sans même tenir compte de la maison qui s'y trouvait. D'après les recherches approfondies qu'ils avaient effectuées antérieurement, les appelants pouvaient restaurer et rénover la maison, puis la vendre entre 200 000 $ et 300 000 $, réalisant par le fait même un bénéfice important par rapport aux dépenses effectuées. La raison en est que le sous-sol de la propriété était subdivisé en deux parties, et qu'il était donc possible d'y faire deux logements distincts sans trop de difficultés. C'était l'un des projets commerciaux des appelants. Ils ont changé le revêtement des planchers, construit un toit neuf et posé un revêtement de toit, construit des plafonds cathédrale munis de tabatières, et installé des câbles électriques et électroniques dernier cri, notamment des câbles pour le système d'alarme, la télévision par câble, l'Internet et le téléphone, ainsi qu'un coupe-feu entre les logements. En outre, le câblage électrique suivait des circuits distincts, ainsi que l'avaient planifié les appelants.

Les appelants affirment de nouveau et soutiennent que,essentiellement, dans les deux années qui ont suivi, ils n'ont pas vécu au 12, rue John, qui servait uniquement de local commercial et d'entrepôt de matériaux, et qui faisait l'objet de travaux de restauration et de rénovation. Les appelants ont vécu au 125, chemin Cole, jusqu'au dernier trimestre de 1995. Cette propriété servait de résidence et de bureau pour l'entreprise car il n'y avait pas de services publics au 12, rue John, pendant que se déroulaient les travaux consistant à évider complètement la maison en vue de la rénover et de la restaurer. En outre, pendant leurs travaux de rénovation de la propriété du 12, rue John, les appelants, avec l'aide de leurs fils, ont mis à l'essai certains des prototypes développés dans le cadre de leurs activités de RS & DE.

[...]

[...] [E]n 1994, les appelants ont acheté pour la première fois, aux fins de leur entreprise, des matériaux de construction qui ont été entreposés au 12, rue John. Subséquemment, ils ont acheté une très grande quantité de matériaux à l'encan tenu par suite de la fermeture d'une entreprise de Guelph. À cause de ces achats, le 12, rue John, est devenu trop petit. Les appelants ont d'abord loué le terrain adjacent à l'entreprise qui avait fermé ses portes afin de se conformer à la condition relative au délai prévu pour l'enlèvement des matériaux, imposée dans le cadre de la vente; puis, en mai 1994, ils ont dû louer un grand entrepôt commercial et industriel comptant deux bureaux, sis au 59, avenue Suburban, pour y entreposer les matériaux achetés. Étant donné la quantité et le type de matériaux, il a fallu utiliser de gros camions équipés de grues et des chariots élévateurs à fourche ainsi qu'engager une douzaine de travailleurs pour les transporter au 59, avenue Suburban. Par la suite, certains des matériaux, qui ne devaient pas être utilisés dans l'immédiat au 12, rue John, ont été transportés par les appelants au 59, avenue Suburban. Plus tard, une partie des matériaux du 59, avenue Suburban, ont été transportés au 12, rue John; plus tard encore, les appelants ont acheté des matériaux dont ils ne disposaient ni à l'un ni l'autre endroit pour combler des besoins précis, suivant la méthode de livraison des matériaux dite « juste à temps » , de manière à ne pas immobiliser leurs capitaux et à réduire les frais d'entreposage.

[...]

[17]          Le problème associé à ces observations tient au fait que la vente de la propriété du 12, rue John, ne donnerait pas lieu à un profit d'entreprise et que, de toute manière, si cette propriété a été vendue, rien n'indique que des profits ont été déclarés en 1997 ou lors d'une année précédente. La vente ou l'installation des matériaux entraînerait probablement des profits, mais rien de tel ne s'est produit au cours des années en cause.

[18]          J'ajoute que les appelants ont la charge de prouver que la nouvelle cotisation était erronée et de réfuter les hypothèses énoncées dans les réponses. Dans les appels en l'espèce, ils n'y sont parvenus ni dans un cas ni dans l'autre.

[19]          En conclusion, pour tous les motifs énoncés précédemment, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juillet 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3792(IT)I

ENTRE :

SYLVIA WOJCIK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Andy Wojcik (2000-3793(IT)I) les 9 et 12 avril 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Tadeusz Wojcik

Avocate de l'intimée :                           Me Sointula Kirkpatrick

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juillet 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mars 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3793(IT)I

ENTRE :

ANDY WOJCIK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Sylvia Wojcik (2000-3792(IT)I) les 9 et 12 avril 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  Tadeusz Wojcik

Avocate de l'intimée :                           Me Sointula Kirkpatrick

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de juillet 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mars 2002.

Martine Brunet, réviseure


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