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Date: 20010608

Dossier: 2000-1147-IT-I

ENTRE :

JOSEPH CAPOGRECO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]            Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a déclaré une perte au titre d'un placement d'entreprise de 410 082 $ donnant lieu à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise ( « PDTPE » ) de 307 562 $. Dans la cotisation établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction d'une perte au titre d'un placement d'entreprise. L'appelant interjette appel de ce refus à la Cour.

[2]            Joseph Capogreco a témoigné que la déduction de la perte avait d'abord été admise, puis que, en avril 1997, des fonctionnaires de Revenu Canada avaient demandé à son comptable de leur fournir des renseignements supplémentaires. Ce dernier s'était alors rendu à leurs bureaux de la rue Yonge et, subséquemment, la déduction de la perte avait été refusée.

[3]            L'appelant a déposé sous la cote A-1 un certain nombre de documents visant à étayer ses prétentions, notamment une liste des comptes débiteurs et des comptes créditeurs, la position bancaire projetée de 719102 Ontario Limited (la « société » ) au 1er septembre 1989, diverses listes de comptes créditeurs et de comptes débiteurs, des lettres et documents se rapportant à différents projets auxquels la société avait pris part, des lettres d'avocats, des lettres de Brampton Hydro, des relevés de compte et d'autres lettres.

[4]            La pièce A-2 est une copie du bail conclu entre 719102 Ontario Limited et 620705 Ontario Inc. et le Dr Ivan Majesky. La pièce A-3 est une défense et demande reconventionnelle mettant en cause Altracon Construction Ltd. et 719102 Ontario Limited, Paul Delahunty et Brian Kenny. La pièce A-4 est une lettre, datée du 6 février 1989, que Allen & Savage Insurance Brokers Ltd. a fait parvenir à Centre Park Medical Arts Developments Ltd. relativement à l'assurance du bien sis au 30-42, rue Vodden, Brampton (Ontario). La pièce A-5 contient un chèque de la société daté du 1er décembre 1989 et deux photocopies de chèques datés du 1er décembre 1989 et du 1er janvier 1990.

[5]            L'appelant estime que ces documents prouvent que la société exerçait des activités commerciales.

[6]            L'appelant a témoigné que la société avait été constituée en 1987 en vue de construire des immeubles médicaux et d'établir des services de santé. À la fin de cette année-là, les associés avaient acquis le bail relatif au bien de la rue Vodden, à Brampton (Ontario). De 10 à 12 médecins environ souhaitaient y établir leur clinique. La société a donc entrepris les travaux de construction d'un immeuble de services de santé. L'appelant était un associé passif. Il avait deux associés actifs. Il a déclaré qu'il avait remis 140 000 $ à Brian Kenny pour que la société puisse aller de l'avant. La municipalité ayant autorisé les travaux, les associés ont tenté de trouver des locataires. Ils ont attiré une compagnie offrant des services de radiographie à titre de sous-locataire. Cette compagnie a versé 500 000 $ à la société, somme que l'on a qualifiée de « montant d'argent clé » . La moitié de cet argent était apparemment un montant initial, l'autre moitié devant être versée au moment de l'occupation. La société s'est ensuite mise à la recherche d'une compagnie pharmaceutique. L'appelant a communiqué avec un ami, qui lui a déclaré être intéressé à louer des locaux pour y établir une pharmacie et qui a versé 250 000 $ à la société à titre de montant d'argent clé.

[7]            Après un mois ou deux, les trois associés ont tenté, mais en vain, d'obtenir un prêt hypothécaire correspondant à la totalité des fonds requis. L'appelant a demandé à un ami de prendre part au financement, et l'ami a accepté. Il a obtenu 10 p. 100 des actions, 5 p. 100 provenant de l'appelant, et 2,5 p. 100, de chacun des deux autres associés. La société a pu obtenir un prêt hypothécaire de trois millions de dollars de la Compagnie de fiducie Confédération à titre de financement provisoire pour la construction de l'immeuble.

[8]            En cours de route, les associés ont été informés qu'il leur fallait plus d'argent pour acquitter les dépenses. L'appelant a déclaré qu'il avait investi 81 000 $ dans la société. Les associés ont également convaincu D. Dienna d'investir la somme de 50 000 $ en contrepartie de 10 p. 100 des actions de la société détenues par les deux associés de l'appelant.

[9]            Il ne s'était pas écoulé neuf ou dix mois depuis le début des travaux de construction en octobre 1989 lorsque les associés ont été requis d'investir de nouveau de l'argent. L'appelant a investi 107 000 $, M. Fazio, 80 000 $, M. Dienna, le même montant, et MM. Kenny et Delahunty, deux fois ce montant, pour achever l'intérieur de l'immeuble. L'appelant a indiqué qu'il avait emprunté de l'argent à sa famille et à la Banque Scotia, mais que, en bout de ligne, il avait investi un autre montant de 107 000 $.

[10]          L'appelant et certains des autres associés ont demandé aux entrepreneurs l'autorisation d'examiner les livres, requête qui leur a été refusée. Certaines dépenses n'avaient pas été autorisées. L'appelant a allégué que les entrepreneurs avaient investi l'argent dans une autre compagnie. De plus, ils avaient perçu à l'égard de l'hypothèque des honoraires dont le montant n'avait pas été convenu. L'appelant a fait valoir que les entrepreneurs avaient soutiré 500 000 $ à l'entreprise. Les associés ont décidé d'intenter une poursuite, et ils ont obtenu une injonction aux termes de laquelle les comptes des entrepreneurs et toute autre opération en cours ont été gelés. Les avocats des différentes parties en cause ont entamé des discussions dans l'espoir d'en arriver à un règlement. L'injonction a été levée et la propriété, libérée. L'immeuble a été repris par M. Fazio et l'appelant. Les termes de l'offre de règlement se sont dégradés. L'appelant et ses associés ont dû faire face à des tactiques dilatoires : l'affaire a été reportée; certains des défendeurs ont disposé de leurs biens et n'ont présenté aucune offre de règlement sérieuse. M. Delahunty a obtenu un règlement de 265 000 $, montant qui a été investi dans la société aux fins de l'achèvement de la construction de l'immeuble. Le comptable a tenté d'obtenir un taux hypothécaire réduit, mais ce taux est passé de 13 à 17,25 p. 100. La Compagnie de fiducie Confédération a repris l'immeuble.

[11]          L'appelant et d'autres associés ont tenté d'obtenir 500 000 $ de Brian Kenny, mais en vain. Ce dernier a fait faillite et un désistement s'est ensuivi.

[12]          À la fin de 1990 ou au début de 1991, la Compagnie de fiducie Confédération a fait part de son intention de poursuivre l'appelant et ses associés pour son manque à gagner. L'appelant n'avait pas d'argent, mais M. Fazio, lui, en avait. Il a conclu un règlement avec la société de prêts hypothécaires. Les taux d'intérêt ont baissé.

[13]          La société se retrouvait avec un flux de trésorie négatif de 500 000 $. L'immeuble perdait de l'argent pendant qu'il était exploité par la société de prêts hypothécaires. Cette dernière souhaitait remettre l'immeuble à la société pour 500 000 $ et lui consentir un prêt hypothécaire de trois millions de dollars. M. Fazio a déclaré qu'il ne pouvait réunir la somme de 250 000 $; l'appelant a donc remis sa part d'actions à son parrain pour 1 $. Il a limité ses activités pendant un certain nombre de mois, puis il s'est remis en selle.

[14]          En contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré que la perte découlait de l'achat puis de la perte des actions. Il a confirmé qu'il avait investi 140 000 $, mais il détenait déjà ses actions à ce moment-là. Il a affirmé également qu'il avait remis un chèque à Brian Kenny. Or, il n'avait pas le chèque en sa possession, et il n'a pas revu M. Kenny depuis 1990. Il n'avait en sa possession aucun autre document établissant ces faits. Il a produit sa déclaration de revenu de 1991 en 1995.

[15]          En 1988, l'appelant avait investi une somme de 81 000 $ dans la société au moyen d'un chèque. Il n'avait pas ce chèque en sa possession. Cet argent devait servir à maintenir la société en activité. Il n'a reçu aucune action en contrepartie de cet argent. Les associés ont convenu que, puisqu'ils avaient obtenu le prêt hypothécaire, ils récupéreraient leur argent, mais ce ne fut pas le cas. L'appelant a investi 107 000 $ en octobre 1989. M. Fazio devait témoigner, mais il n'a pu se présenter devant la Cour la première journée du procès. L'appelant n'avait aucune autre preuve relativement à ce fait.

[16]          La pièce R-1 a été admise de consentement. Il s'agit d'une lettre que la société a adressée à M. Joe Capogreco pour lui demander d'injecter des capitaux en raison d'un manque de fonds. La pièce contient également une facture relative à l'injection de 107 332 $. L'appelant a déclaré qu'il avait emprunté 50 000 $ à la Banque Scotia. Une partie de l'argent qu'il a investi dans la société était son propre argent et une autre partie a été obtenu de son père. Il a également reçu la somme de 90 000 $ de sa soeur. Il n'a cependant produit aucun document à l'appui de cette assertion. Il participe aujourd'hui au remboursement du prêt hypothécaire.

[17]          Sa soeur aurait contracté un emprunt hypothécaire de 81 000 $, mais l'appelant n'a pu produire aucun document à cet égard. À la question de savoir s'il a demandé à sa soeur de se présenter devant la Cour, il a répondu ne pas l'avoir fait parce qu'il ne croyait pas avoir besoin d'elle. Il a soutenu que les pièces A-1 à A-5 faisaient état des activités de la société en 1989, 1990 et 1991.

[18]          C'est à ce stade-ci de l'instruction que l'affaire a été ajournée au 11 mai 2001, date à laquelle la pièce R-2, la déclaration de revenu T1 générale de Joseph Capogreco de 1991, a été admise en preuve de consentement. L'appelant a déclaré qu'il avait fourni ces renseignements, ainsi que d'autres renseignements concernant les 20 actions de la société qu'il détenait, à l'appui de la PDTPE qu'il avait déclarée.

[19]          Dans son témoignage, Anthony Fazio a déclaré qu'il avait été mis au courant de l'existence de la société par l'appelant et qu'il avait reçu 5 p. 100 des actions, puis encore 5 p. 100. Il a décidé de prendre part au projet après que l'appelant lui eut indiqué qu'ils construisaient un immeuble devant abriter une pharmacie. Il a acheté les droits relatifs à cette pharmacie pour 250 000 $. L'immeuble devait être achevé en 1987 ou 1988. On venait tout juste de commencer les travaux, et la société avait besoin d'argent. Le témoin a été invité à assister à une réunion de la société, qui avait besoin de 500 000 $. La part du témoin s'élevait à 90 000 $. Il a été requis également de garantir le remboursement d'un prêt hypothécaire de trois millions de dollars environ contracté auprès de la Compagnie de fiducie Confédération. Le témoin a indiqué qu'on avait soupçonné les entrepreneurs de fraude lorsque ceux-ci avaient produit un état intermédiaire comportant nombre de dépenses inexpliquées et qu'ils avaient demandé plus d'argent.

[20]          Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait investi des sommes additionnelles à ce moment-là, le témoin a répondu que, puisqu'il avait déjà investi de l'argent, il souhaitait que la construction de l'immeuble soit achevée, et qu'il entendait s'occuper des problèmes plus tard.

[21]          Au cours du contre-interrogatoire, il a déclaré qu'il n'avait pas investi les 90 000 $ dans la société dans le but d'obtenir des actions additionnelles. Il s'agissait d'un investissement en capital. Il a admis que les loyers constituaient la principale source de revenu de la société en 1990 et en 1991.

[22]          L'appelant a été autorisé à poser d'autres questions : en réponse à ces questions, le témoin a déclaré qu'ils avaient engagé un avocat et obtenu une injonction. Une des parties en est arrivée à un règlement, une autre n'a rien payé. L'injonction a été levée et les associés n'ont rien reçu.

[23]          Objet d'une faillite en 1990, l'immeuble a ensuite été acheté par une tierce personne. Le témoin a dit croire que la Compagnie de fiducie Confédération avait repris l'immeuble et en avait conservé la possession pendant un certain temps. Le témoin et une autre personne ont investi d'autre argent et ont repris l'immeuble. En réponse à une autre question, il a indiqué qu'il avait repris l'immeuble en 1990 ou en 1991.

[24]          Peter Pugliese a témoigné qu'il était le beau-frère de l'appelant. Il a grevé sa propriété d'une hypothèque de premier rang au mois de juillet 1987 afin d'aider M. Capogreco à réunir la somme de 90 000 $. En août 1988, il a contracté une hypothèque de deuxième rang de 120 000 $ pour aider M. Capogreco a réunir de l'argent. Il a remis l'argent à ce dernier. La pièce A-6 a été produite en preuve de consentement. Elle contient la signature de Joseph Capogreco, accusant réception de la somme de 90 000 $ de Peter et Teresa Pugliese, l'hypothèque de premier rang grevant leur maison sise au 140, boulevard Simonston, à Thornhill (Ontario) passant du coup de 35 000 $ à 125 000 $. Une convention de prise en charge de l'hypothèque était jointe à la pièce en question, ainsi qu'une copie de la charge foncière / hypothèque immobilière.

[25]          La pièce A-7 est une copie de la charge foncière / hypothèque immobilière d'un montant de 120 000 $.

[26]          Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'il avait agi par l'intermédiaire d'avocats et que les documents avaient été signés à la date y indiquée. L'appelant devait s'acquitter des paiements hypothécaires, ce qu'il a fait tant qu'il a pu. À ce moment-là, il ignorait quel montant avait été remboursé. Le témoin a déclaré que l'appelant avait parlé d'investir dans l'immeuble médical et que c'est tout ce qu'il savait sur l'usage que l'on faisait de cet argent. L'objectif était d'aider à payer les dépenses liées à la construction de l'immeuble.

[27]          En réponse à une question posée par la Cour, le témoin a déclaré que l'appelant avait omis de rembourser une somme de 45 000 $. Il avait remboursé environ 45 000 $. Encore aujourd'hui, il effectue des paiements lorsque cela lui est possible. Le témoin considère toujours l'appelant comme étant tenu de rembourser le solde.

[28]          M. Ronald Bruce Love, comptable agréé, a agi pour l'appelant relativement aux faits concernant le présent appel. Il lui a donné des conseils sur la façon de produire ses déclarations de revenu. Il lui a conseillé de produire ses déclarations dans le cadre de la politique de divulgation volontaire. Il y avait une perte d'entreprise. Il a donc suggéré à l'appelant de déclarer une PDTPE subie au cours de l'année d'imposition 1991.

[29]          M. Love a communiqué avec Revenu Canada et pris des dispositions pour se rendre aux bureaux de North York et de la rue Yonge en compagnie de l'appelant. Là, ils ont produit les déclarations visant plusieurs années, y compris l'année d'imposition 1991.

[30]          Le témoin a déclaré que, à la demande de l'employé de Revenu Canada, qui souhaitait obtenir des détails sur la PDTPE, ils avaient fourni des copies de documents provenant de la Cour suprême, énonçant les circonstances dans lesquelles les pertes avaient été subies et donnant des explications sur les documents hypothécaires. Revenu Canada ne lui avait posé aucune autre question à l'époque, l'employé indiquant qu'il était satisfait des renseignements fournis.

[31]          En 1997, Revenu Canada a de nouveau communiqué avec lui au sujet de la PDTPE déclarée pour 1991.

[32]          Au cours du contre-interrogatoire, il a dit qu'il avait préparé la déclaration T1 générale de M. Capogreco pour 1991 d'après les renseignements que ce dernier lui avait fournis. Ces renseignements figurent à la page 5 de la déclaration. Le montant de la déduction, soit 307 562,18 $, représente les trois quarts de 410 082,90 $. Il se rapporte à l'acquisition par l'appelant de 20 actions de la société. Le témoin a indiqué que les documents provenant de la Cour suprême concernaient la perte de l'investissement.

[33]          L'appelant a reçu une somme de 210 000 $ de M. Peter Pugliese, et il a pris 200 000 $ sur ses propres fonds. Ses notes indiquent que l'argent a été avancé aux fins de l'achat des actions. L'appelant était actionnaire inscrit à l'égard de 20 p. 100 des actions de la société au 21 mai 1987. Il n'était pas tout à fait sûr de l'exactitude de certains autres renseignements et de certaines autres notes contenus dans son dossier. À un certain moment, il a affirmé que le montant de 138 000 $ indiqué dans le dossier aurait dû être de 188 000 $. Il n'était pas certain de l'année.

Arguments présentés pour le compte de l'intimée

[34]          L'avocate a fait valoir qu'une PDTPE ne pouvait être admise que si certaines conditions précises énoncées dans les lois étaient réunies. La charge de la preuve revient à l'appelant relativement à chacune de ces conditions. Elle a renvoyé la Cour au sous-alinéa 39(2)c)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), aux termes duquel l'appelant doit établir qu'il détient une créance sur une société exploitant une petite entreprise. Cette expression est définie au paragraphe 248(1) de la Loi dans les termes suivants :

« corporation exploitant une petite entreprise » S'entend, sous réserve du paragraphe 110.6(15), d'une corporation privée dont le contrôle est canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif est attribuable, à une date donnée, à des éléments qui sont :

a) soit utilisés principalement dans une entreprise que la corporation ou une corporation liée à celle-ci exploite activement principalement au Canada;

[. . .]

c) soit visés aux alinéas a) et b).

Pour l'application de l'alinéa 39(1)c), « corporation exploitant une petite entreprise » comprend une corporation qui était une corporation exploitant une petite entreprise à n'importe quelle date dans les 12 mois précédant la date donnée;

Le paragraphe 248(1) définit comme suit l'expression « entreprise exploitée activement » :

« entreprise exploitée activement » , relativement à toute entreprise exploitée par un contribuable résidant au Canada, désigne toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu'une entreprise de placement désignée ou une entreprise de prestation de services personnels.

L'appelant doit démontrer que, en 1990 et 1991, la plupart des éléments d'actif étaient utilisés dans l'exploitation active d'une entreprise. Toutefois, la société exploitait une entreprise de placement désignée.

[35]          Le paragraphe 248(1) de la Loi définit comme suit « entreprise de placement désignée » :

« entreprise de placement désignée » s'entend au sens de l'alinéa 125(7)e); »

L'alinéa 125(7)e) définit de la façon suivante l'expression « entreprise de placement désignée » :

« entreprise de placement désignée » exploitée par une corporation dans une année d'imposition désigne une entreprise (autre qu'une entreprise exploitée par une caisse de crédit ou une entreprise de location de biens autres que des biens immobiliers) dont le but principal est de tirer un revenu de biens (notamment des intérêts, des dividendes, des loyers ou des redevances), [...]

La société en cause tirait son revenu de la location d'un bien, et les autres exemptions prévues à l'alinéa 125(7)e) ne s'appliquent pas en l'espèce.

[36]          L'avocate a fait mention de l'affaire Gill c. Le ministre du Revenu national, C.C.I., no 97-965(IT)G, 3 septembre 1998, à la page 4 (1998 CarswellNat 1725, à la page 1), où la Cour a décidé que la société n'était pas une société exploitant une petite entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi au motif qu'elle n'exploitait aucune entreprise activement, et qu'elle participait à l'exploitation d'une « entreprise de placement désignée » . Le seul revenu de la société était un revenu de location, et son but principal était de tirer un revenu d'un bien. On peut en dire autant de la société en cause dans la présente affaire.

[37]          Dans l'affaire précitée, le juge Brulé a également examiné les affaires Prosperous Investments Ltd. c. M.R.N., C.C.I., no 86-1338(IT), 8 janvier 1992 ([1992] 1 C.T.C. 2218) et Ben Barbary Company Limited c. M.R.N., C.C.I., no 88-240(IT), 6 avril 1989 (89 DTC 242). Dans l'affaire Prosperous Investments Ltd., le juge de première instance a dit, à la page 6 (C.T.C. : à la page 2221) :

En déterminant le « but principal » d'une entreprise exploitée par une corporation, l'objectif déclaré de la personne qui l'exploite n'est pas nécessairement le seul ni même le plus important critère. Sont d'importance cruciale ce que la corporation fait effectivement et ce qui constitue ses sources de revenu.

Dans l'affaire Gill, précitée, la Cour a dit ceci :

Par conséquent, compte tenu de la preuve soumise, la Cour est d'avis que le « but principal » de Homebank était de tirer un revenu du bien.

[38]          En 1990 et 1991, la société en cause en l'espèce a loué un immeuble, et les loyers constituaient sa seule source de revenu. Elle exploitait une « entreprise de placement désignée » et non une « entreprise exploitée activement » .

[39]          En outre, l'appelant n'a pas fait la preuve du montant qu'il avait versé à la société. L'intimée a admis qu'il avait investi 210 000 $ seulement dans la société, mais l'appelant doit pour sa part démontrer qu'il a fait cet investissement pour acquérir des actions se rapportant à une créance devenue irrécouvrable, ce qu'il n'a pas fait. Certains éléments de preuve ont révélé qu'il possédait déjà les actions au moment où il avait investi cet argent, et aucun élément de preuve n'indique que la société lui avait promis de rembourser l'argent.

[40]          Il n'y a que dans le document produit sous la cote R-1 que l'on demande l'injection de capitaux, mais il n'est indiqué nulle part que l'appelant obtiendrait des actions en contrepartie, ni non plus que l'appelant serait réputé détenir une créance à cet égard.

[41]          L'avocat a également cité l'affaire Wierbicki c. R., C.C.I., no 95-3966(IT)I, 15 octobre 1995 (1996 CarswellNat 2202), dans laquelle la Cour a rejeté l'appel, ayant conclu qu'il n'avait pas « été établi que [S] était [...] endettée envers [le contribuable] d'une façon qui donnerait lieu à une mauvaise créance aux termes de l'article 50 [de la Loi de l'impôt sur le revenu]. L'argent a [...] été investi dans [S] pour la maintenir à flot [et non] dans l'intention ou dans l'espoir de créer une dette » .

[42]          L'avocate a également renvoyé la Cour à l'affaire Eynan c. R., C.C.I., no 1999-5020(IT)I, 22 février 2001, à la page 8 (2001 CarswellNat 302, aux pages 6 et 7), où le juge Lamarre Proulx a dit ceci :

L'appelant avait la charge de prouver qu'il avait subi une PDTPE au sens de l'alinéa 39(1)c) de la Loi, qui se lit comme suit :

[...]

Entre autres conditions auxquelles il devait satisfaire, l'appelant devait démontrer qu'il avait subi une perte résultant de la disposition d'une action du capital-actions d'une corporation exploitant une petite entreprise ou résultant de la disposition d'une créance sur une corporation privée dont le contrôle est canadien. L'appelant n'a rien prouvé de cela, aucun élément de preuve n'ayant été présenté sur cette question particulière. L'appelant avait investi l'argent dans le projet, mais il n'a pas établi que le prêt avait été consenti à une corporation du type décrit ci-dessus. L'appelant n'a donc pas droit à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour 1992.

[43]          En l'espèce, l'appelant n'a pu établir selon la prépondérance des probabilités qu'il avait été satisfait aux conditions énoncées à l'alinéa 39(1)c).

[44]          Certes, l'appelant a bel et bien dit qu'il espérait récupérer l'argent, mais il voulait dire qu'il serait en mesure de gagner un revenu lorsque l'entreprise serait florissante, non qu'il considérait qu'il s'agissait d'une créance.

[45]          L'appel devrait être rejeté.

Arguments de l'appelant

[46]          L'appelant a fait valoir dans son plaidoyer qu'il avait effectivement investi l'argent, ajoutant cependant qu'il l'avait fait pour obtenir les actions et qu'il avait eu l'intention de récupérer son argent. Il a ajouté : [TRADUCTION] « J'ai cru comprendre que nous allions ravoir l'argent » .

[47]          Il a également déclaré que la société était une entreprise exploitée activement puisque non seulement elle avait un revenu locatif, mais elle avait aussi l'intention de faire en sorte que d'autres compagnies et d'autres entreprises occupent les lieux, ce qui révèle l'existence d'une entreprise exploitée activement. Puis, il a admis que, en 1990 et 1991, le seul revenu de la société avait été un revenu locatif.

[48]          Au sujet de la question de savoir si une entreprise était exploitée activement, il a renvoyé la Cour à l'affaire Geropoulos c. R., C.C.I., no 96-4629(IT)I, 1er mai 1998 ([1998] 3 C.T.C. 2384) — il s'agit apparemment d'une affaire qui avait été soumise à la Cour canadienne de l'impôt, dont il n'avait pas la référence, le jugement n'ayant peut-être pas été publié. Après avoir cité cette affaire, l'appelant a ajouté que la société n'avait pas été constituée dans le seul but de tirer un revenu de la location du bien. Il a déclaré que la société n'était pas uniquement une entreprise de placement désignée et que l'appel devait être admis.

Analyse et décision

[49]          Deux questions se posent en l'espèce. D'une part, il s'agit de savoir si l'appelant a établi selon la prépondérance des probabilités qu'il avait investi l'argent dans les actions de la société pour la somme de 410 082 $, comme il le prétend. D'autre part, il s'agit de déterminer si, sur le fondement de la preuve produite, l'appelant peut déclarer une PDTPE dans l'année 1991.

[50]          Bien que la preuve produite sur la première question soit quelque peu incomplète, la Cour est, compte tenu de la documentation que l'appelant a produite et du fait que le montant de l'investissement fait par l'appelant dans la société a dans une certaine mesure été corroboré, compte tenu également du témoignage du comptable et des deux autres témoins ainsi que de la crédibilité que la Cour accorde au témoignage de l'appelant lui-même, disposée à accepter le témoignage de l'appelant selon lequel il a investi 410 082 $ dans la société, comme il l'a indiqué.

[51]          Cependant, le problème de l'appelant n'est pas résolu pour autant. La question la plus difficile dans son cas est celle de savoir si la preuve établit selon la prépondérance des probabilités qu'il a satisfait aux conditions énumérées à l'alinéa 39(1)c), ce qui lui donnerait le droit de déduire la PDTPE qu'il a réclamée. Malheureusement pour l'appelant, la preuve à cet égard ne ressemble en rien à celle qu'il faut produire dans une affaire de cette nature.

[52]          Ainsi que le juge Lamarre Proulx l'a déclaré dans l'affaire Eynan, précitée, l'appelant en l'espèce doit établir que les nouvelles cotisations à cet égard sont erronées. L'appelant peut s'acquitter de cette charge en produisant une preuve qui convainc la Cour, selon la prépondérance des probabilités, de l'existence d'une telle erreur. Cependant, comme dans l'affaire précitée, la Cour souscrit aux observations faites par l'avocate de l'intimée dans sa plaidoirie, soit que l'existence de la présumée PDTPE n'a pas été établie de façon satisfaisante.

[53]          La Cour est convaincue que les arguments de l'avocate de l'intimée sont fondés; d'ailleurs, le témoignage de l'appelant lui-même indique en fin de compte que le seul revenu que la société a tiré ou qu'elle pouvait espérer tirer en 1990 et en 1991 était un revenu de location. Bien que cette thèse ait été dans une certaine mesure affaiblie à la fin de l'argumentation produite par l'appelant, il ne saurait faire de doute que ce qu'il a dit, essentiellement, est que le seul revenu de la société était un revenu de location dans les années 1990 et 1991. Par conséquent, la Cour est convaincue que, dans l'année en question, compte tenu de la preuve présentée à la Cour, la société avait pour « but principal » de tirer un revenu d'un bien.

[54]          De plus, la société exploitait une « entreprise de placement désignée » au sens de l'alinéa 125(7)e), et aucune des exceptions mentionnées à cet alinéa ne s'applique à la société.

[55]          La Cour est également convaincue que l'appelant n'a pas réussi à établir qu'il avait sur la société une créance susceptible de devenir une créance irrécouvrable pour l'application de l'article 50 de la Loi. Assurément, des montants d'argent ont été investis dans la société, mais ces montants ont été investis pour maintenir l'entreprise à flot, et la preuve ne permet pas d'établir qu'ils ont été investis dans l'intention ou dans l'espoir de créer une dette. Comme dans les affaires citées, aucune preuve documentaire n'a été produite à cet égard. La Cour doit prendre sa décision sur le fondement de la preuve qui lui est présentée.

[56]          En conclusion, la Cour est convaincue que l'appelant n'a pas fait la preuve qu'il a droit à la PDTPE qu'il a déclarée. L'appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de mars 2002

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Philippe Ducharme, réviseur

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