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Date: 20010608

Dossiers: 2000-3722-GST-I,

2000-3723-GST-I

ENTRE :

ERIC KOLOTYLUK,

DEENA M. SZOSTAK

appelants,

ET

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]            Les faits en l'espèce ne sont pas en litige.

[2]            Au début du procès, les parties ont convenu de l'exposé des faits figurant dans la réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ), ainsi que de certains faits supplémentaires. Les parties ont en outre convenu de l'admission de certaines pièces, à savoir : la pièce R-1, qui est le plan de copropriété LMS 2429; la pièce R-2, qui est un plan selon la loi intitulée Land Title Act, soit un formulaire A enregistré le 1er octobre 1998; la pièce R-3, qui est le certificat de titre relatif au bien en cause.

[3]            Les faits énoncés dans la réponse ont tous été admis, sauf ceux mentionnés aux alinéas 10f) et g). Les parties ont convenu de faits supplémentaires mentionnés par l'avocat des appelants, à savoir : le 1er janvier 1989, la Commission du port du Fraser a donné à bail à un certain Daniel Wittenberg certaines étendues de basses plages et de terres immergées relevant de la compétence de la Commission. M. Wittenberg a acquis la possession des terrains pour y construire un immeuble d'habitation dans le cadre d'une activité commerciale.

[4]            Par le dépôt du plan de copropriété LMS 2429 auprès du bureau des titres de biens-fonds de New Westminster, M. Wittenberg a subdivisé en lots de copropriété d'environ un pied sur deux pieds et demi une petite portion des basses plages faisant partie des terrains. Conformément aux lois de la Colombie-Britannique intitulées Condominium Act et Land Title Act, le registrateur du bureau des titres de biens-fonds a délivré à M. Wittenberg, en tant que détenteur enregistré en fief simple, des certificats de titre relatifs à chacun des lots de copropriété créés par le plan de copropriété. Par le dépôt du plan de copropriété, M. Wittenberg a cédé le bail à la société de condominium, soit une société de condominium qui permet au propriétaire de chaque lot de copropriété d'avoir l'utilisation exclusive d'une partie du lot d'eau délimitée par un poste d'amarrage de maison flottante construit par M. Wittenberg.

[5]            Cela donnait essentiellement un lot de terre, ainsi qu'un lot d'eau, c'est-à-dire un terrain recouvert par l'eau du fleuve Fraser. Par une convention d'achat-vente en date du 1er octobre 1998, M. Wittenberg a, avec le consentement de la Commission, vendu aux appelants, M. Eric Kolotyluk et Mme Deena Szostak, le lot de copropriété 9 du plan de copropriété, en contrepartie de la somme de 195 000 $. L'acquisition du lot de copropriété donne aux acheteurs, c'est-à-dire aux appelants, l'utilisation exclusive d'un poste d'amarrage ou d'une cale pour maison flottante.

[6]            M. Wittenberg a traité la vente du lot de copropriété comme étant une fourniture taxable. Il a exigé des acheteurs 13 650 $ au titre de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ), en conformité avec l'article 221.1 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ).

[7]            Le 23 décembre 1998, les appelants ont présenté au ministre du Revenu national (le « ministre » ) des demandes générales de remboursement de TPS (les « demandes » ), réclamant le remboursement de la somme de 13 650 $ à titre de TPS payée par erreur.

[8]            Par les avis de cotisation nos 990130152129P0003 et 990130152129P0002 en date du 7 septembre 1999, le ministre a refusé les remboursements, considérant que la fourniture du bien était taxable et que la TPS avait été exigée à bon droit, conformément à la Loi.

[9]            Des avis d'opposition ont été déposés le 19 octobre 1999. Par des avis de décision en date du 31 mars 2000, le ministre a ratifié les cotisations et, le 25 août 2000, les appelants ont demandé une prolongation du délai prévu pour le dépôt des avis d'appel. Des ordonnances prolongeant le délai pour déposer des avis d'appel ont été rendues le 3 novembre 2000, et des avis d'appel ont été déposés devant la Cour canadienne de l'impôt à la même date.

Arguments présentés au nom des appelants

[10]          L'article 13.2 de la partie I de l'annexe V de la Loi exonère de TPS la fourniture suivante :

La fourniture, effectuée au profit du propriétaire, du locataire [dans la version anglaise : « a person who is the owner, lessee » , c'est-à-dire littéralement une personne qui est le propriétaire, le locataire], de l'occupant ou du possesseur d'une maison flottante, du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai pour une période d'au moins un mois relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel.

Pour l'essentiel, l'argument est que la fourniture du bien ou service effectuée par la société de condominium au profit du propriétaire ou du locataire d'un logement en copropriété, à la date de fourniture, est une fourniture exonérée de TPS.

[11]          L'avocat a fait référence à l'article 13 de la Loi, qui se lit comme suit :

La fourniture, effectuée par une société de gestion d'un immeuble d'habitation en copropriété au profit du propriétaire ou du locataire [dans la version anglaise : « owner or lessee » ] d'un logement en copropriété dans cet immeuble, d'un bien ou d'un service lié à l'occupation ou à l'utilisation du logement.

L'avocat soutenait que l'on avait consciemment décidé d'établir une distinction entre les termes de la version anglaise de l'article 13 « owner or lessee » ( « du propriétaire ou du locataire » ) et les termes de la version anglaise de l'article 13.2 « person who is the owner, lessee » (rendus en français par « du propriétaire, du locataire » , mais qui, littéralement, se rendraient par « de la personne qui est le propriétaire, le locataire » ). L'avocat soutenait en outre que, si un résultat différent avait été voulu par les rédacteurs, la version anglaise de l'article 13.2 aurait pu être ainsi libellée : « A supply, made to a person who at the time of the supply is the owner, lessee, or person in occupation or possession of a floating home » (soit, littéralement, la fourniture, effectuée au profit de la personne qui, à la date de la fourniture, est le propriétaire, le locataire, l'occupant ou le possesseur d'une maison flottante).

[12]          L'avocat affirme toutefois que ces termes supplémentaires ne figurent pas dans la version anglaise de l'article 13.2 de la partie I de l'annexe V de la Loi. On est donc fondé à en déduire que le Parlement voulait que :

1)          la personne à qui la fourniture est faite en vertu de l'article 13.2 n'ait pas à être le propriétaire, locataire, etc. d'une maison flottante à la date de la fourniture;

2)          si une personne acquiert le droit d'utiliser un poste d'amarrage avant d'acquérir la propriété d'une maison flottante ou le droit de la louer, de l'occuper ou de la posséder relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel, l'acquisition du droit d'utiliser le poste d'amarrage ne soit pas assujettie à la TPS, pourvu que cette personne acquière la propriété de la maison flottante ou le droit de la louer, de l'occuper ou de la posséder relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel.

[13]          En conséquence, les appelants soutiennent que leur achat du lot de copropriété correspond à une fourniture exonérée aux termes de l'article 13.2 et que de la TPS a donc été perçue par erreur.

[14]          L'avocat des appelants a rejeté ce qu'il tenait pour la position de l'intimée, à savoir que l'article 13.2 exige que l'acheteur d'un poste d'amarrage de maison flottante soit déjà propriétaire de la maison pour avoir droit à l'exonération de TPS. L'avocat estime que cette position est manifestement déraisonnable parce que les postes d'amarrage de maison flottante sont rares. Il y a très peu de lotissements riverains qui comportent des postes d'amarrage. Les lotissements de maisons flottantes doivent être situés dans des zones riveraines protégées contre les vagues d'eaux libres. Un petit nombre de maisons sont amarrées du côté intérieur de Granville Island, soit le côté protégé. Les autres se trouvent dans quelques lotissements situés le long des rives du fleuve Fraser.

[15]          En raison de la rareté des postes d'amarrage de maison flottante, lorsqu'une partie intéressée - un client - trouve un tel poste à vendre, il est raisonnable qu'elle l'achète avant de prendre des mesures pour acquérir une maison flottante. Sans un poste d'amarrage, le propriétaire d'une maison flottante court un risque important, à savoir le risque de ne pouvoir trouver un endroit où amarrer la maison. Tout comme les maisons ordinaires, les maisons flottantes peuvent coûter des centaines de milliers de dollars, qu'on les construire ou qu'on les achète, et, tout comme dans le cas des maisons ordinaires, il serait très imprudent d'investir dans une maison flottante sans avoir d'abord obtenu un endroit où la placer. Pour une maison flottante, un tel endroit ne se trouve que sous la forme d'un poste d'amarrage.

[16]          L'avocat soutenait essentiellement qu'il serait inconcevable que le Parlement ait voulu que l'acheteur d'un poste d'amarrage de maison flottante coure le risque considérable d'obtenir une maison flottante avant d'obtenir un poste d'amarrage uniquement pour avoir droit à une exonération de TPS au titre de l'acquisition du poste d'amarrage.

[17]          En l'espèce, les appelants ont agi logiquement. Ils ont trouvé un poste d'amarrage de maison flottante à un endroit intéressant. Ils ont acheté le lot de copropriété. Puis ils ont pris des mesures pour obtenir des droits sur une maison flottante. C'était la façon de procéder la plus raisonnable pour installer leur maison flottante. On ne devrait pas les punir pour avoir agi de la sorte en leur refusant l'exonération de TPS d'après l'interprétation de l'article 13.2 donnée par l'intimée.

[18]          L'avocat prétendait également qu'il serait difficile d'imaginer que le Parlement ait voulu accorder l'exonération de TPS uniquement aux rares acheteurs d'un poste d'amarrage de maison flottante qui sont assez privilégiés pour être déjà propriétaires d'une maison flottante ou aux personnes disposées à courir le risque de construire une maison flottante avant d'obtenir le poste d'amarrage nécessaire. Il ne semble y avoir aucune raison de principe pour laquelle le Parlement pourrait avoir voulu accorder l'exonération de TPS à ces groupes et la refuser à la personne qui achète un poste d'amarrage sans d'abord acquérir une maison. Une telle différenciation ne serait pas fondée du point de vue de la raison. L'article 13.2 doit être interprété d'une façon libérale.

[19]          L'avocat a fait référence à l'affaire John Tasko c. La Reine, C.C.I., no 96-175(GST)I, 8 janvier 1997 ([1997] G.S.T.C. 5), dans laquelle le juge Bowman a traité de la question de savoir si une personne qui construit une unité condominiale devrait se voir refuser la ristourne de TPS à l'habitation au motif qu'une telle unité ne correspond pas au sens ordinaire de l'expression « immeuble d'habitation à logement unique » , en disant que l'exclusion avait été faite par inadvertance et n'était pas conforme au contexte d'un remboursement pour habitations neuves et qu'il n'y avait aucune raison de refuser le remboursement à une personne qui construit une unité condominiale et d'accorder le remboursement dans toutes les autres circonstances. En appliquant l'article 15 de la Loi d'interprétation, on pouvait faire fi de la définition d' « immeuble d'habitation à logement unique » .

[20]          L'avocat a en outre fait référence à un extrait que le juge Bowman a tiré de l'affaire City of Victoria v. Bishop of Vancouver, [1921] 2 A.C. 384, à l'appui de sa proposition selon laquelle la règle a toujours été que, si les termes d'une loi se prêtent à deux interprétations, ils ne sont pas clairs et que, si une interprétation conduit à une absurdité, mais pas l'autre interprétation, la cour conclura que le législateur n'entendait pas donner lieu à une absurdité et elle adoptera l'autre interprétation.

[21]          Dans l'affaire soumise à la Cour aujourd'hui, l'avocat soutenait que, si l'article 13.2 est appliqué de la manière proposée par l'intimée, cela conduit à une absurdité en ce qu'une catégorie d'acheteurs de postes d'amarrage de maisons flottantes qui n'étaient pas préalablement propriétaires d'une maison flottante se voient sans raison refuser le remboursement de TPS.

[22]          En ce qui a trait à l'examen fait par le juge Bowman de l' « approche téléologique » de l'interprétation législative, cette approche exige que l'on détermine la finalité de la loi. En l'espèce, la fin visée est d'accorder un remboursement aux particuliers qui achètent le droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai relativement à l'utilisation d'une maison flottante à titre résidentiel, exactement comme l'ont fait les appelants, ce qui correspond à l'approche fonctionnelle par opposition à l'approche purement mécanique. Cette approche exige un examen de la situation dans son ensemble, compte tenu de l'intention du législateur, de l'objet et de l'esprit de la loi et de ce que la loi accomplit en fait. La troisième approche est l'approche fondée sur les termes dans leur contexte global.

[23]          Dans l'affaire soumise à la Cour aujourd'hui, cette approche entraînerait le rejet de la vision étroite préconisée par l'intimée. Dans le contexte de la Loi dans son ensemble, notamment lorsqu'on compare les termes des versions anglaises des articles 13 et 13.2, les appelants devraient avoir droit au remboursement.

[24]          L'avocat a fait référence à l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, à l'appui de sa position selon laquelle il convient en l'espèce, vu l'objet et l'esprit de la mesure législative, d'accorder une exonération aux particuliers qui achètent le droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai relativement à l'utilisation d'une maison flottante à titre résidentiel.

[25]          De plus, l'avocat a fait état de la question de la clarté et a soutenu que toute ambiguïté des dispositions de la Loi en matière de TPS, lesquelles sont loin d'être claires, doit être résolue en faveur du contribuable.

[26]          L'ambiguïté en l'espèce provient essentiellement de l'emploi, dans la version anglaise des articles 13 et 13.2, de termes différents pour des personnes qui acquièrent des fournitures différentes. Des termes différents impliquent nécessairement des significations différentes.

[27]          Enfin, l'esprit de la mesure législative doit être pris en considération. L'avocat estime que, selon l'esprit général de l'article 13.2, il convient d'accorder une exonération aux personnes qui achètent un poste d'amarrage de maison flottante où elles conserveront la maison à titre résidentiel. En vertu de ces règles, les personnes ayant présenté les demandes devraient avoir droit à l'exonération de TPS.

[28]          Dans l'affaire Tasko, précitée, le juge Bowman (titre qu'il portait alors) a poursuivi en déclarant ceci :

L'article 15 de la Loi d'interprétation nous enjoint, en termes énergiques et non équivoques, à ne pas appliquer mécaniquement des dispositions interprétatives. Je considère les termes anglais « as being applicable only if a contrary intention does not appear » , soit, en français, « n'ont d'application qu'à défaut d'indication contraire » (c'est moi qui souligne) [...]

[29]          L'avocat soutient que le fait d'accorder une exonération dans toutes les autres circonstances, sans aucune autre raison apparente pour la refuser à une personne qui a acheté un poste d'amarrage de maison flottante avant d'obtenir des droits à l'égard d'une maison flottante, semble refléter un contexte législatif duquel une intention contraire peut être déduite.

[30]          L'avocat a ensuite attiré l'attention de la Cour sur des extraits de l'arrêt Stubart Investments Ltd., précité, concernant les règles d'interprétation législative suivant lesquelles toute ambiguïté dans les dispositions d'imposition d'une loi fiscale doit être résolue en faveur du contribuable. La règle exige que l'on interprète les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi pour déterminer l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[31]          L'avocat a également renvoyé la Cour à l'arrêt Johns-Manville Canada c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, à la page 61, où la Cour a fait référence au passage suivant de l'arrêt Regent Oil Co. v. Strick, [1966] A.C. 295, à la page 313 :

[TRADUCTION]

Il n'est donc pas surprenant qu'aucun critère, principe ou règle pratique ne soit déterminant. En définitive, il s'agit d'une question de droit que la cour doit trancher, mais c'est là une question à laquelle il faut répondre en fonction de toutes les circonstances dont il faut raisonnablement tenir compte; le poids qu'il faut accorder aux circonstances particulières d'un cas donné doit dépendre du bon sens plutôt que de l'application stricte d'un principe juridique quelconque.

(C'est moi qui souligne.)

[32]          En conclusion, l'avocat soutenait que la différence entre le libellé de la version anglaise de l'article 13 et celui de la version anglaise de l'article 13.2 implique des intentions contraires de la part des rédacteurs. Selon le point de vue le plus conforme à l'objet et à l'esprit de la version anglaise de l'article 13.2, il faut que la personne soit actuellement ou ultérieurement propriétaire ou locataire d'une maison flottante, pourvu qu'elle utilise le poste d'amarrage relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel, pour avoir droit à l'exonération de TPS lors de l'acquisition des droits d'amarrage.

[33]          L'avocat soutenait que l'appel devait être accueilli avec dépens.

Arguments présentés pour le compte de l'intimée

[34]          L'avocat de l'intimée considérait la position des appelants comme limitant la présente espèce à la seule question de savoir si l'article 13.2 s'appliquait indépendamment du fait que les appelants aient été ou non propriétaires, locataires ou possesseurs d'une maison flottante lorsque le droit a été acheté. La réponse ne se limitait toutefois pas à cette question, l'intimée soutenant qu'il y avait deux points à trancher, soit : premièrement, la vente du lot de copropriété aux acheteurs en cause peut-elle être considérée simplement comme la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai au sens de l'article 13.2? Dans l'affirmative, l'article 13.2 s'applique-t-il à la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai faite à un acheteur qui n'est pas le propriétaire, locataire, occupant ou possesseur d'une maison flottante à la date de la fourniture? La position de l'intimée est que l'on doit répondre à ces deux questions par la négative.

[35]          L'avocat a ensuite entrepris d'examiner les diverses dispositions de la Loi auxquelles il doit être satisfait pour que son interprétation soit acceptée, y compris les dispositions en matière de fourniture, de fourniture taxable et d'activité commerciale. L'avocat des appelants ne contestait toutefois pas ces questions préliminaires et soutenait simplement que l'opération n'était pas taxable au motif qu'il s'agissait d'une fourniture exonérée.

[36]          L'avocat des appelants a prétendu qu'un certain nombre de fournitures avaient été effectuées en l'espèce, dont une seule était la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage. Il a cité l'article 136, où il est dit ceci :

Pour l'application de la présente partie, la fourniture, par bail, licence ou accord semblable, de l'utilisation ou du droit d'utilisation d'un immeuble ou d'un bien meuble corporel est réputée être une fourniture d'un tel bien.

[37]          Cette définition d'un immeuble vise une vaste gamme de droits d'utilisation d'un immeuble.

[38]          L'avocat a ensuite traité de la première question litigieuse, soit celle de savoir si l'achat du lot peut à juste titre être considéré comme correspondant simplement à la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai.

[39]          Il a fait référence à la loi intitulée Condominium Act, qui figure dans Revised Statutes, ch. 64, pour décrire quels intérêts ont été transférés aux appelants quand ces derniers ont obtenu le lot de copropriété. L'article 2 de cette loi se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Un terrain peut être subdivisé en lots de copropriété par le dépôt d'un plan de copropriété, et une partie ou l'ensemble des lots de copropriété ainsi créés peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, être dévolu ou aliéné de la même manière que tout terrain dont le titre est enregistré à un bureau des titres de biens-fonds.

[40]          Une copie conforme du plan de copropriété LMS 2429, soit la pièce R-1, a été déposée conformément à la Loi. Les parties conviennent que les appelants ont acheté un lot de copropriété créé par ce plan, soit le lot indiqué dans le plan comme étant le lot 9. Donc, en vertu de l'article 2, ce lot peut être aliéné de la même manière que tout autre terrain, y compris au titre d'une aliénation en fief simple.

[41]          La pièce R-3 est une copie conforme du certificat de titre relatif au lot 9. Elle indique que les deux appelants en l'espèce sont les propriétaires enregistrés du lot 9, comme tenants conjoints en fief simple. Un document de transfert de terrain, également consigné en preuve, indique aussi qu'il y a eu un transfert en fief simple.

[42]          Une des choses que les appelants ont achetées dans cette opération comme tenants conjoints est le titre en fief simple relatif au lot 9 de la copropriété.

[43]          Aux termes de la définition du terme anglais « owner » (propriétaire) figurant dans la loi intitulée Condominium Act, les appelants étaient les propriétaires du lot 9 du terrain en copropriété.

[44]          Le paragraphe 13(2) de cette loi indique que :

[TRADUCTION]

Au moment du dépôt du plan de copropriété à un bureau des titres de biens-fonds, les propriétaires des lots de copropriété inclus dans un plan de copropriété sont, avec leurs successeurs, membres d'une société qu'ils constituent sous le nom « The Owners, Strata Plan No. [...] » (numéro d'enregistrement du plan de copropriété).

Donc, en tant que propriétaires du lot de copropriété 9, les appelants ont acheté, avec leur lot de copropriété, des adhésions dans la société de condominium. Comme on l'indique tout au long de cette loi, cela confère aux appelants divers droits relatifs aux affaires de la société de condominium, y compris des droits de vote et autres droits de ce genre.

[45]          Le paragraphe 12(1) de la loi intitulée Condominium Act se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le bien commun, les installations communes et les autres actifs de la société de condominium doivent être détenus par les propriétaires comme tenants communs dans des proportions correspondant au droit par unité que confèrent leurs lots de copropriété.

[46]          D'après le plan de copropriété LMS 2429, soit la pièce R-1, le plan de copropriété contient une carte du bien. Il ne s'agit pas du lot d'eau. Celui-ci est situé quelque part près du bien. Ce dont il s'agit, c'est du terrain effectif en fief simple qui appartenait à la société de condominium. Tout le triangle représente le bien commun. L'avocat a dit que c'était là où se trouvaient le garage ainsi que le terrain de stationnement et peut-être aussi d'autres aménagements, quoiqu'on n'ait produit aucun élément de preuve sur ce point. Toutefois, en vertu du paragraphe 12(1) de la loi Condominium Act, les appelants ont acheté des intérêts dans l'ensemble du bien en fief simple qui appartenait à la société de condominium.

[47]          La preuve montre en outre que les appelants ont acheté des droits exclusifs au titre de l'utilisation d'une aire de stationnement du bien en copropriété ainsi que des droits exclusifs pour ce qui est d'utiliser un garage du bien en copropriété. De plus, on a convenu que les appelants avaient acheté le droit exclusif d'utiliser une section du lot d'eau loué par la société de condominium dans le fleuve Fraser, quoique aucun élément de preuve n'ait été présenté sur la nature exacte de ce que les appelants avaient le droit d'utiliser sur ce lot, c'est-à-dire à l'égard de la question de savoir s'ils pouvaient simplement y amarrer leur maison ou s'ils jouissaient de l'utilisation et de la possession exclusives de tout le lot.

[48]          En résumé, donc, l'intimée soutenait que les appelants avaient acheté l'ensemble qui suit de droits en vertu de la convention d'achat-vente en cause : le lot de copropriété 9 en fief simple; une adhésion à la société de condominium; un intérêt dans le bien commun de la copropriété; le droit d'utiliser une aire de stationnement; le droit exclusif d'utiliser un garage dans les zones communes limitées de la copropriété; enfin, le droit exclusif d'utiliser un lot d'eau loué par la société de condominium.

[49]          L'avocat a ensuite entrepris d'examiner les principes d'interprétation législative et a fait remarquer qu'il n'avait trouvé aucune jurisprudence traitant expressément de l'article 13.2. Il a fait référence à l'affaire Corporation Notre-Dame de Bon-Secours c. Québec, [1994] R.C.S. 3, à la page 17 ([1995] 1 C.T.C. 241, à la page 250), dans laquelle le juge Gonthier disait :

        Il ne fait plus de doute, à la lumière de ce passage, que l'interprétation des lois fiscales devrait être soumise aux règles ordinaires d'interprétation. Driedger, à la p. 87 de son volume Construction of Statutes (2 e éd. 1983), en résume adéquatement les principes fondamentaux : [TRADUCTION] « [...] il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » . Primauté devrait donc être accordée à la recherche de la finalité de la loi, que ce soit dans son ensemble ou à l'égard d'une disposition précise de celle-ci. Ce passage de Mme Vivien Morgan, dans son article intitulé « Stubart : What the Courts Did Next » (1987), 35 Can. Tax J. 155, aux pp. 169 et 170, résume adéquatement mon propos :

[TRADUCTION] Toutefois, il y a eu un net changement [après Stubart] dans la résolution d'ambiguïtés. Dans le passé, on recourait souvent aux maximes selon lesquelles toute ambiguïté dans une disposition fiscale doit être résolue en faveur du contribuable et toute ambiguïté dans une disposition prévoyant une exemption doit être résolue en faveur de Sa Majesté. De nos jours, une ambiguïté est habituellement résolue ouvertement en tenant compte de l'intention du législateur. [Je souligne.]

        L'approche téléologique fait clairement ressortir qu'il n'est plus possible, en matière fiscale, de réduire les principes d'interprétation à des présomptions en faveur ou au détriment du contribuable ou encore à des catégories bien circonscrites dont on saurait si elles requièrent une interprétation libérale, stricte ou littérale. Je renvoie au passage du juge en chef Dickson, précité, lorsqu'il souligne que la recherche de la finalité de la loi ne signifie pas pour autant qu'une disposition précise ne doive plus faire l'objet de restrictions. En somme, c'est l'interprétation téléologique qui permettra d'identifier l'objectif qui sous-tend une disposition législative spécifique et le texte de loi dans son ensemble. Et c'est l'objectif en question qui dictera, dans chaque cas, si une interprétation stricte ou libérale est appropriée ou encore si c'est le fisc ou le contribuable qui sera favorisé.

[50]          À la page 20 (C.T.C. : à la page 251), le juge Gonthier résume ses conclusions sur l'interprétation législative en disant ceci :

Les principes dégagés dans les pages précédentes, dont certains, d'ailleurs, ont été récemment invoqués dans l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, peuvent se résumer ainsi :

-           L'interprétation des lois fiscales devrait obéir aux règles ordinaires d'interprétation;

-           Qu'une disposition législative reçoive une interprétation stricte ou libérale sera déterminé par le but qui la sous-tend, qu'on aura identifié à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur; c'est l'approche téléologique;

-           Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies;

-           Primauté devrait être accordée au fond sur la forme dans la mesure où cela est compatible avec le texte et l'objet de la loi;

-           Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

[51]          Puis l'avocat a traité de l'article 13.2. D'après son interprétation de cet article, ce qui est exonéré est essentiellement la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai. L'achat du lot de copropriété en l'espèce incluait beaucoup plus que cela. Il incluait le titre en fief simple relatif au lot, une adhésion à la société de condominium, un intérêt dans le bien commun et le droit à l'utilisation exclusive de certaines parties de zones communes limitées. Aucun de ces droits ne constitue le simple droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai. De plus, on n'a produit aucun élément de preuve sur la nature exacte des droits relatifs à la tenure à bail du lot d'eau. Aucun élément de preuve n'indique que le droit fourni aux appelants est simplement le droit d'amarrer une maison flottante à cet endroit.

[52]          L'avocat soutenait que, sans autres éléments de preuve quant à la nature du droit des appelants d'utiliser ce lot, la Cour ne devrait pas conclure qu'il s'agissait simplement du droit d'amarrer la maison flottante. La preuve indique plutôt que les appelants ont droit à l'utilisation exclusive du lot et qu'ils ont tous les droits, reconnus en common law, dont cette utilisation exclusive est assortie, par exemple le droit à une possession paisible, et ainsi de suite.

[53]          L'avocat a ensuite traité du contexte de l'article 13.2. Sa position était que l'insertion de l'article 13.2 dans la partie I de l'annexe V renforce la thèse de l'intimée selon laquelle cet article ne s'applique pas de manière à exonérer la fourniture du bien immeuble en cause. L'article 13.2 fait partie d'un groupe d'articles de l'annexe V allant de l'article 13 à l'article 13.4. Ces articles prévoient des exonérations à l'égard de certains types de fournitures, par exemple en ce qui concerne les frais payés à la société de condominium pour l'entretien du bien. L'article 13.1 prévoit une exonération semblable en ce qui concerne les frais payés par des personnes vivant dans une coopérative d'habitation, l'article 13.3 exonère la fourniture du droit d'utiliser une machine à laver ou une sécheuse située dans une partie commune d'un immeuble d'habitation, et l'article 13.4 exonère la fourniture d'une buanderie, notamment au titre des frais que l'on aurait à payer pour utiliser la buanderie.

[54]          Tous ces articles se rapportent à divers services qui sont fournis à des personnes vivant dans un immeuble d'habitation à logements multiples comme un condominium ou une coopérative d'habitation et qui sont normalement payés sous la forme de frais de service mensuels. Ce n'est pas par accident que l'article 13.2 se trouve au milieu de ces articles. Le but de l'article 13.2, comme l'indique son contexte dans la mesure législative, est d'exonérer de TPS des frais de la nature de frais de service mensuels qui sont payés, par exemple, par un propriétaire de lot de copropriété à la société de condominium en échange du droit d'amarrage, ainsi que les divers frais relatifs à l'entretien des quais. Le but n'est pas d'exonérer la fourniture de tout un lot de copropriété et de tous les droits s'y rattachant simplement parce que la copropriété comporte un endroit où amarrer une maison flottante.

[55]          De plus, si les appelants avaient acheté une maison flottante avec le lot de copropriété, il est évident qu'ils auraient acheté plus que le simple droit d'amarrer la maison flottante, et tout l'achat du lot ne pourrait absolument pas être visé à l'article 13.2. En l'espèce, il se trouve qu'ils ont acheté tout, sauf la maison flottante.

[56]          L'intention du législateur n'était pas d'exonérer de TPS l'achat de tout le lot simplement parce que les appelants ont choisi d'acheter une maison flottante ailleurs et de l'installer sur le lot.

[57]          Donc, pour ce qui est de la première question litigieuse, l'achat de tout le lot de copropriété ne peut être considéré comme correspondant à la simple fourniture du droit d'amarrer une maison flottante, et l'exonération prévue à l'article 13.2 de la partie I de l'annexe V ne s'applique donc pas à la fourniture effectuée.

[58]          Quoi qu'il en soit, l'intimée soutient que, si la Cour devait conclure que la « fourniture » effectuée peut être considérée comme la fourniture du droit d'amarrer une maison flottante, l'article 13.2 ne s'applique pas étant donné que, lorsque les appelants ont acheté le lot de copropriété, ils n'avaient pas de maison flottante.

[59]          Le simple libellé de la version anglaise de cet article et le temps du verbe qui y est utilisé indiquent que, pour être exonérée, la fourniture du droit d'amarrage doit être faite à une personne qui est, à la date de la fourniture, le propriétaire, locataire ou possesseur d'une maison flottante. En l'espèce, il est admis que les appelants n'étaient pas propriétaires, locataires ni possesseurs d'une maison flottante au moment du transfert du titre, et la fourniture du droit en question n'est donc pas visée à l'article 13.2.

[60]          Si la Cour devait conclure que la fourniture était exonérée, le montant remboursable à chaque appelant devrait représenter la moitié de la TPS initialement payée à l'égard du lot.

[61]          Cette position n'a pas été contestée par l'avocat des appelants.

[62]          Les appels devraient être rejetés.

Analyse et décision

[63]          Comme l'indique le sommaire de l'exposé conjoint des faits en l'espèce, il n'y a pas vraiment de différend quant aux faits. D'autres faits ont été déterminés par le dépôt des diverses pièces, et il n'y avait pas vraiment de désaccord sur ce que représentaient ces pièces. L'avocat des appelants n'a guère fait référence à ces documents, mais l'avocat de l'intimée a fait remarquer à juste titre que son interprétation de ce que les documents prouvent n'a pas été contestée par l'avocat des appelants.

[64]          La position de l'avocat des appelants était que, en se fondant sur l'examen de la version anglaise de l'article 13.2, il est raisonnable de conclure que le législateur voulait que : 1) la personne à qui la fourniture est faite aux termes de l'article 13.2 n'ait pas à être le propriétaire, locataire, etc. d'une maison flottante à la date de la fourniture; 2) si une personne acquiert le droit d'utiliser un poste d'amarrage avant d'acquérir la propriété d'une maison flottante ou le droit de la louer, de l'occuper ou de la posséder relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel, l'acquisition du droit d'utiliser le poste d'amarrage ne soit pas assujettie à la TPS, pourvu que cette personne acquière la propriété d'une maison flottante ou le droit de la louer, de l'occuper ou de la posséder relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel.

[65]          L'avocat de l'intimée a fait valoir que l'argumentation des appelants se rapportait en réalité à une question de date, tandis que la position de l'intimée était qu'il y avait vraiment deux points à trancher en l'espèce, soit : la vente du lot de copropriété aux acheteurs peut-elle en l'espèce être considérée simplement comme la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai au sens de l'article 13.2? Dans l'affirmative, l'article 13.2 s'applique-t-il à la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai faite à un acheteur qui n'est pas le propriétaire, locataire, occupant ou possesseur d'une maison flottante à la date de la fourniture? La position de l'intimée est que l'on doit répondre à ces deux questions par la négative.

[66]          Il est à noter que, dans son argumentation figurant à la page 12 de la transcription, l'avocat des appelants semble dire que c'est seulement l'acquisition du droit d'utiliser le poste d'amarrage qui est exonérée, soit exactement ce dont traite l'article, et non tout ce que les appelants peuvent avoir acheté d'autre. Cela pouvait être simplement un lapsus; de toute façon, l'avocat de l'intimée a traité de cette question dans son argumentation.

[67]          Il semble à la Cour que ce que les appelants prétendaient en réalité est qu'une interprétation raisonnable de l'article 13.2 permet de leur accorder une exonération relativement à la valeur non seulement du droit d'utiliser un poste d'amarrage, mais aussi de tous les droits qu'ils ont achetés, même si le droit d'utiliser le poste d'amarrage a été acheté avant les autres droits mentionnés.

[68]          Pour qu'ils aient gain de cause en se fondant sur cet argument, les appelants doivent convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, non seulement que l'article 13.2 exonère l'acquisition du droit d'utiliser le poste d'amarrage, mais aussi qu'une interprétation raisonnable de cet article permet de conclure que, lorsque les appelants ont obtenu les droits de propriété subséquents, la valeur de ces droits était également exonérée en application de l'article 13.2 au motif que les appelants avaient acquis d'abord le droit d'utiliser le poste d'amarrage, en tant qu'acheteurs pragmatiques et raisonnables qui ne voulaient pas commencer par acheter une maison flottante parce qu'ils n'auraient peut-être pas pu arriver à obtenir le poste d'amarrage, auquel cas leur investissement aurait été inutile.

[69]          La Cour conclut que, en termes simples, les questions se résument à ce qui suit : 1) Qu'est-ce que les appelants ont acheté? 2) Quand les appelants ont-ils effectué les achats? 3) Quelle est l'importance de la date des achats? 4) L'article 13.2 peut-il être raisonnablement interprété, selon les principes d'équité, de manière à permettre à une personne qui est l'acheteur du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai d'éviter de payer de la TPS à l'égard d'autres intérêts ou droits de propriété qu'elle peut acquérir, même à une date différente? On a soutenu qu'il ne semble y avoir aucune raison de principe pour laquelle le législateur pourrait avoir voulu accorder l'exonération à un groupe et la refuser à ceux qui ont d'abord acquis le poste d'amarrage. On soutenait qu'une telle différenciation ne serait pas fondée du point de vue de la raison.

[70]          Vers la fin de son argumentation, l'avocat de l'intimée a fait valoir un point important, à savoir que, si les appelants en l'espèce avaient acheté une maison flottante avec le lot de copropriété, il est évident qu'ils auraient acheté plus que le simple droit d'amarrer leur maison flottante, et tout l'achat du lot ne pourrait absolument pas être visé à l'article 13.2. L'intimée soutenait que l'intention du législateur n'était pas d'exonérer de TPS l'achat de tout le lot simplement parce que les appelants ont choisi d'acheter une maison flottante ailleurs et de l'installer sur le lot.

[71]          Les deux parties ont examiné la jurisprudence applicable en matière d'interprétation législative. Après avoir pris en considération toute cette jurisprudence ainsi que les arguments des deux avocats, la Cour estime devoir faire tous les efforts pour déterminer l'objet de la mesure législative. Elle doit utiliser l'interprétation téléologique pour déterminer l'objectif qui sous-tend les dispositions de la Loi dans son ensemble, et c'est cet objectif qui dictera, dans chaque cas, si une interprétation stricte ou libérale est appropriée ou encore si c'est le fisc ou le contribuable qui sera favorisé. Ainsi, la Cour doit suivre les règles ordinaires d'interprétation. Elle doit déterminer le but sous-jacent à la disposition législative particulière à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur. Telle est l'approche téléologique. Il n'y a pas de présomptions préétablies en faveur ou à l'encontre de l'une ou l'autre partie. Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

[72]          En l'espèce, la Cour ne voit aucune ambiguïté dans l'article 13.2. Il semble clair que l'objet de cet article était d'exonérer de TPS le « droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai pour une période d'au moins un mois relativement à l'utilisation de la maison à titre résidentiel » . Cet article traite clairement du droit d'utiliser un poste d'amarrage et non d'autres droits ni d'une maison flottante que le contribuable pourrait acheter avec le droit d'utiliser le poste d'amarrage. De plus, il ressort de la version anglaise de cet article que la fourniture visée est une fourniture faite à une personne qui est le propriétaire, locataire, occupant ou possesseur d'une maison flottante.

[73]          Il ne peut y avoir de doute qu'en l'espèce les appelants n'étaient pas de telles personnes lorsqu'ils ont acheté le droit d'utiliser un poste d'amarrage. Donc, pour ce qui est de la deuxième question posée par l'avocat de l'intimée, la Cour est d'accord sur l'interprétation de l'intimée et conclut que l'article 13.2 ne s'applique pas à la fourniture du droit d'utiliser un poste d'amarrage ou un quai faite à un acheteur qui n'est pas le propriétaire, locataire, occupant ou possesseur d'une maison flottante à la date de la fourniture. Si libérale que soit son interprétation de cet article, la Cour ne peut conclure que les appelants en l'espèce étaient les propriétaires, locataires, occupants ou possesseurs d'une maison flottante à la date de la fourniture.

[74]          La Cour convient avec l'avocat de l'intimée que les activités des appelants incluaient plus que le simple achat d'un lot. Il faut déterminer quel intérêt a été transféré aux appelants, en tenant compte de ce qui figure dans les documents consignés en preuve, y compris la loi intitulée Condominium Act, le plan de copropriété MLS 2429 et le certificat de titre relatif au lot 9.

[75]          La Cour est convaincue, et c'est ce que soutenait l'avocat de l'intimée, que les appelants ont acquis le titre en fief simple relatif au lot 9 de la copropriété, et ce, comme tenants conjoints. De plus, les documents indiquent que les appelants ont, en tant que propriétaires du lot de copropriété 9, acheté avec leur lot de copropriété des adhésions à la société de condominium. Aux termes de la loi intitulée Condominium Act, cela conférait aux appelants divers droits relatifs aux affaires de la société de condominium, y compris des droits de vote et autres droits de ce genre. En outre, suivant le paragraphe 12(1) de cette loi :

[TRADUCTION]

Le bien commun, les installations communes et les autres actifs de la société de condominium doivent être détenus par les propriétaires comme tenants communs dans des proportions correspondant au droit par unité que confèrent leurs lots de copropriété.

[76]          De plus, selon le plan de copropriété MLS 2429, soit la pièce R-1, la Cour peut seulement conclure que les appelants ont acquis en fait un terrain en fief simple qui appartenait à la société de condominium. Il ne s'agissait pas du lot d'eau, qui était situé quelque part près du bien. Vu le fait qu'aucun autre élément de preuve n'indique que les appelants ont acquis moins que cela, la Cour doit conclure que, selon le paragraphe 12(1) de la Condominium Act, les appelants ont acquis un intérêt dans tout le bien en fief simple qui appartenait à la société de condominium.

[77]          En outre, la preuve montre que les appelants ont acheté les droits d'utilisation exclusifs d'une aire de stationnement du bien en copropriété et les droits d'utilisation exclusifs d'un garage du bien en copropriété. Ils ont également acheté les droits d'utilisation exclusifs d'une partie d'un lot d'eau loué par la société de condominium dans le fleuve Fraser. On n'a présenté aucune preuve sur la nature exacte de ce que les appelants avaient le droit ou n'avaient pas le droit d'utiliser sur ce lot, c'est-à-dire s'ils pouvaient simplement y amarrer leur maison ou s'ils avaient d'autres droits à cet égard.

[78]          Il semble clair, comme l'estimait l'avocat de l'intimée, que les appelants ont acheté les droits qui suivent en vertu de la convention d'achat-vente en cause : le lot de copropriété 9 en fief simple; une adhésion à la société de condominium; un intérêt dans le bien commun de la copropriété; le droit d'utiliser une aire de stationnement; le droit exclusif d'utiliser un garage dans les zones communes limitées de la copropriété; enfin, le droit exclusif d'utiliser un lot d'eau loué par la société de condominium.

[79]          L'avocat des appelants soutenait que l'on avait consciemment décidé d'établir une distinction entre les termes de la version anglaise de l'article 13 « owner or lessee » ( « du propriétaire ou du locataire » ) et les termes de la version anglaise de l'article 13.2 « person who is the owner, lessee or person in occupation or possession of a floating home » (qui sont rendus en français par « du propriétaire, du locataire, de l'occupant ou du possesseur d'une maison flottante » , mais qui, littéralement, se rendraient par « de la personne qui est le propriétaire, le locataire, l'occupant ou le possesseur d'une maison flottante » ). Se fondant là-dessus, l'avocat des appelants soutenait que, si le législateur avait voulu créer un résultat différent du résultat proposé par les appelants, l'article 13.2 aurait pu être libellé comme suit en anglais : « A supply, made to a person who at the time the supply was made is the owner, lessee or person in occupation or possession of a floating home » (soit, littéralement, la fourniture, effectuée au profit de la personne qui, à la date de la fourniture, est le propriétaire, le locataire, l'occupant ou le possesseur d'une maison flottante). La Cour a beaucoup de difficulté à conclure que cela aurait fait une différence ou que cela pourrait avoir eu l'effet proposé par les appelants.

[80]          L'avocat de l'intimée a traité du contexte de l'article 13.2. Il soutenait que l'insertion de l'article 13.2 dans la partie I de l'annexe V renforce sa thèse selon laquelle cet article ne s'applique pas de manière à exonérer la fourniture du bien immeuble en cause. Cet article fait partie d'un groupe d'articles prévoyant des exonérations particulières et pouvant exonérer les frais mensuels payés à la société de condominium pour l'entretien du bien. L'article 13.1 prévoit une exonération semblable en ce qui concerne les frais payés par des personnes vivant dans une coopérative d'habitation. L'avocat de l'intimée a fait remarquer que tous ces articles se rapportent à divers services qui sont fournis à des personnes vivant dans un immeuble d'habitation à logements multiples comme un condominium ou une coopérative d'habitation et qui sont normalement payés sous la forme de frais de service mensuels. Ces arguments ne sont pas dépourvus de fondement.

[81]          L'article 13.2 se trouve au milieu de ces articles, et son but est d'exonérer de TPS les frais de service mensuels payés par les propriétaires de lots de copropriété à la société de condominium en échange du droit d'amarrage, ainsi que les divers frais relatifs à l'entretien des quais. Le but n'est pas d'exonérer la fourniture de tout un lot de copropriété et de tous les droits s'y rattachant simplement parce qu'un lot de copropriété comporte un endroit où amarrer une maison flottante.

[82]          De plus, bien que ce ne soit pas essentiel aux fins de la décision en l'espèce, la Cour est convaincue que, si les appelants avaient acheté une maison flottante avec le lot de copropriété, ils auraient acheté plus que le simple droit d'amarrer la maison, et l'article 13.2 n'aurait pas permis d'exonérer de TPS tous les droits achetés.

[83]          Ainsi que l'a soutenu l'avocat de l'intimée, l'intention du législateur n'était pas d'exonérer de TPS l'achat de tout le lot simplement parce que les appelants ont choisi d'acheter une maison flottante ailleurs et de l'installer sur le lot.

[84]          En ce qui a trait à la première question posée par l'avocat de l'intimée, la Cour convient que l'achat de tout le lot de copropriété ne peut être considéré comme correspondant à la simple fourniture du droit d'amarrer une maison flottante et que l'exonération prévue à l'article 13.2 de la partie I de l'annexe V ne s'applique donc pas à la fourniture en l'espèce. En outre, pour ce qui est de la deuxième question posée, la Cour est convaincue que l'article 13.2 ne s'applique pas, étant donné que, lorsque les appelants ont acheté le lot de copropriété, ils n'avaient pas de maison flottante.

[85]          Du point de vue de la Cour, le libellé de la version anglaise de cet article n'est pas ambigu et le temps du verbe qui y est utilisé ne laisse aucun doute pour ce qui est de savoir quand cet article doit s'appliquer. En l'espèce, il est clair que les appelants n'étaient pas propriétaires, locataires ni possesseurs d'une maison flottante au moment du transfert du titre, et la fourniture du droit n'est donc pas visée à l'article 13.2.

[86]          L'analogie n'est peut-être pas très bonne, mais ce que les appelants demandent dans ce cas particulier fait penser à une personne qui achèterait une voiture neuve sans reprise, qui reviendrait plus tard chez le concessionnaire pour lui demander de reprendre une autre voiture et de déduire la valeur de celle-ci de la valeur de la voiture neuve, de manière à ce que la taxe à payer soit moins élevée. Il apparaît clairement à la Cour que la mesure législative traite du temps présent. Elle ne s'applique pas à des acquisitions subséquentes. Une telle interprétation ne conduit pas à un résultat absurde comme disait le juge Bowman dans l'affaire Tasko, précitée.

[87]          L'appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3722(GST)I

ENTRE :

ERIC KOLOTYLUK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Deena M. Szostak (2000-3723(GST)I) le 11 avril 2001, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge T. E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Quentin J. Adrian

Avocat de l'intimée :                            Me Jason Leslie

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 7 septembre 1999 et porte le numéro 990130152129P0003, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3723(GST)I

ENTRE :

DEENA SZOSTAK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel d'Eric Kolotyluk (2000-3722(GST)I) le 11 avril 2001, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge T. E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Quentin J. Adrian

Avocat de l'intimée :                            Me Jason Leslie

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 7 septembre 1999 et porte le numéro 990130152129P0002, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


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