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Date: 20010629

Dossier: 2000-4684-EI

ENTRE :

JASWINDER HOTHI,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

HOTHI ENTERPRISES LTD.,

intervenante.

Motifsdu jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]                 L'appelant interjette appel d'une décision datée du 30 octobre 2000 dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a déterminé que l'emploi qu'il avait exercé du 5 mai 1999 au 5 mai 2000 pour Hothi Enterprises Ltd. (le « payeur » ou « Enterprises » ) n'était pas un emploi assurable au motif, d'une part, que les parties au contrat avaient un lien de dépendance et, d'autre part, qu'il n'était pas convaincu que le contrat de travail aurait été à peu près semblable si l'appelant et le payeur n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[2]            Dans son témoignage, Jaswinder Hothi a déclaré qu'il fréquente l'université et qu'il réside à Winnipeg (Manitoba). Il a admis les hypothèses suivantes, énoncées au paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ) :

                                [TRADUCTION]

a)                    Hothi Enterprises Ltd. exploitait une épicerie de détail, appelée Classy Meats & Deli, qui vendait notamment de la viande et des charcuteries (ci-après le « magasin » );

b)                    les deux actionnaires de Hothi Enterprises Ltd. étaient Harjit et Jaswant Hothi, qui détenaient respectivement 51 % et 49 % des actions avec droit de vote;

c)                    l'appelant est le fils de Harjit et de Jaswant Hothi;

d)                    l'appelant avait pour tâches notamment de travailler à la caisse enregistreuse, de passer les commandes, de garnir les étagères, d'effectuer des achats en gros, de faire le ménage et de dresser l'inventaire;

e)                    le magasin était ouvert au public de 9 h à 19 h du lundi au samedi, mais les heures de travail étaient de 6 h à 20 h 30;

f)                     Hothi Enterprises Ltd. n'a pas eu d'autre employé que Harjit Hothi, Jaswant Hothi et l'appelant entre le 5 mai 1999 et le 5 mai 2000;

[3]                 L'appelant a déclaré qu'il avait également pour tâches de nettoyer et de remplir les étagères après la fermeture du magasin. À l'alinéa 6 g) de la réponse, le ministre affirme que le frère de l'appelant — Balraj Hothi — a travaillé au magasin du 3 février au 31 décembre 1998, puis qu'il a été mis à pied en raison d'un manque de travail. L'appelant a admis que Balraj Hothi avait travaillé comme boucher au magasin jusqu'à la date indiquée, mais il a expliqué que, lorsque lui-même avait commencé à travailler, le 4 janvier 1999, il avait effectué des travaux ne nécessitant aucune formation particulière en boucherie. L'appelant a admis qu'il avait été mis à pied — en raison d'un manque de travail — le 5 mai 2000. Il concède également que son frère, Balraj, a été engagé pour travailler au magasin le 22 mai 2000. L'appelant a déclaré qu'il avait parlé à un agent des décisions au sujet de ses heures de travail et qu'il avait subséquemment fourni des renseignements supplémentaires sur les heures véritablement travaillées au cours d'une période en particulier. Il a convenu avoir indiqué dans un questionnaire que ses heures de travail étaient celles qui étaient précisées à l'alinéa 6 m) de la réponse, reproduit ci-après :

                                [TRADUCTION]

m)                   dans sa réponse à l'une des questions contenues dans un questionnaire provenant de l'agent des appels, l'appelant a indiqué que ses heures de travail étaient les suivantes :

Période Journées travaillées Heures

4 janvier au 1er septembre 1999 lundi au vendredi 9 h à 17 h

Septembre à décembre 1999 lundi 6 h à 18 h 30

mardi 6 h à 8 h 17 h à 20 h

mercredi 7 h à 15 h 30

jeudi 6 h à 8 h 17 h à 20 h

vendredi 6 h à 14 h 30

17 h 30 à 20 h

1er janvier au 24 avril 2000 lundi 7 h à 11 h

13 h à 18 h

mardi 6 h à 11 h

17 h à 20 h

mercredi 7 h à 11 h

13 h à 18 h

jeudi 7 h à 11 h

17 h à 20 h

vendredi 9 h à 11 h

13 h à 18 h

25 avril au 5 mai 2000 lundi au vendredi 9 h à 17 h

[4]                 Jaswinder Hothi a nié l'hypothèse — à l'alinéa 6 n) — selon laquelle il avait déclaré que ses heures de travail n'étaient pas consignées parce qu'il savait que son père — Harjit Hothi — les comptabilisait dans un registre. L'appelant a admis qu'il touchait 9 $ l'heure, qu'il était payé par chèque toutes les deux semaines et qu'il n'avait pas droit à une rémunération particulière au titre des heures supplémentaires. Il a admis avoir fréquenté à temps plein l'Université du Manitoba du début du mois de septembre 1999 à la fin du mois d'avril 2000. À l'alinéa 6 s) de la réponse, le ministre affirme que l'appelant a déjà fourni des services à Enterprises sans être rémunéré. L'appelant a déclaré que cela n'était pas exact. Il a souligné qu'il était aujourd'hui âgé de 28 ans, qu'il était un adulte pendant la période où ses parents avaient été propriétaires du magasin — au cours des huit dernières années — et que, lorsqu'il y avait travaillé, il avait été payé. L'appelant a déclaré savoir d'expérience que nombre d'employeurs offrent aux étudiants universitaires un horaire flexible qui leur permet d'assister à leurs cours. L'appelant a admis avoir suivi des cours à l'Université du Manitoba du mois de septembre 1999 à la fin du mois d'avril 2000, être aujourd'hui inscrit à la faculté d'éducation et être titulaire d'un baccalauréat. Jaswinder Hothi a déclaré que son père et sa mère travaillaient aussi dans la petite entreprise familiale. Il a indiqué qu'il aurait pu travailler dans un supermarché, mais qu'il lui aurait fallu faire la navette pour se rendre au travail et en revenir. À son avis, cela aurait été difficile puisqu'il lui fallait trouver un équilibre entre un emploi à temps plein et des études universitaires à temps plein. L'appelant a dit qu'il savait lors de la période pertinente que, durant sa dernière année d'études en vue d'obtenir son diplôme en éducation, il devrait enseigner dans des écoles pendant des périodes de 4 à 5 semaines, et que cette activité — y compris les études et la préparation que cela suppose — l'empêcherait de travailler. C'est pourquoi il a décidé de travailler de nombreuses heures entre le mois de mai 1999 et le mois de mai 2000 afin de gagner l'argent dont il aurait besoin pour poursuivre ses études.

[5]            En contre-interrogatoire, Jaswinder Hothi a déclaré qu'il se rappelait avoir parlé à Karen Bright — une employée de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) — le 26 mai 2000. Il se rappelle avoir dit à Mme Bright qu'en général il travaillait de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi. Il a affirmé que Mme Bright ne lui avait pas demandé s'il fréquentait l'université à cette époque-là et qu'il ignorait la raison pour laquelle son frère Balraj avait été mis à pied. Par la suite, lorsque Mme Bright l'a appelé pour lui demander s'il avait étudié à temps plein à l'université, il a répondu par l'affirmative. Il a indiqué à Mme Bright qu'il devait se reporter à son horaire de cours pour fournir des détails précis et qu'il communiquerait avec elle ultérieurement, mais il ne peut se souvenir de la teneur exacte de leur conversation dans son ensemble. Il a reconnu sa demande de prestations d'assurance-emploi — pièce R-1 — et a convenu que, lorsqu'il a rempli le questionnaire, il avait expliqué avoir été mis à pied en raison d'un manque de travail. Après l'avoir mis à pied, le père de l'appelant a commencé à exécuter les tâches de ce dernier, et Balraj a été rengagé pour travailler à la boucherie, où se trouvait un comptoir de viandes et de charcuteries et un présentoir. L'appelant a déclaré qu'il n'avait pas du tout envie d'apprendre le métier de boucher, pour lequel il faut suivre un cours collégial ou participer à un programme d'apprentissage. Il a rempli le questionnaire envoyé par l'ADRC et l'a retourné le 28 août 2000. Il a expliqué que les heures de travail avaient été établies à la suite de discussions avec son père et que, lorsqu'il avait commencé à travailler au magasin en mai 1999, son père savait qu'il entrerait à l'université à temps plein au mois de septembre. L'appelant a déclaré qu'à son avis il faut au moins avoir la décence d'avertir un employeur de tout projet futur qui risque d'avoir une incidence sur l'horaire normal de travail. Ses heures de travail ont donc été établies de façon à lui permettre de fréquenter l'université. Exception faite de sa mère et de son père, l'entreprise n'a jamais compté plus d'un employé à la fois. L'appelant a déclaré qu'il avait travaillé au magasin auparavant, soit de 1994 à 1996, et qu'il avait été payé pour ce travail, ne pouvant cependant se rappeler s'il avait reçu des feuillets T4. L'avocate de l'intimé a reporté l'appelant à une série de chèques photocopiés — pièce R-2. L'appelant a admis qu'il avait touché à peu près le même montant toutes les deux semaines, mais il a ajouté que son salaire était basé sur une semaine de 40 heures et que tous les chèques avaient été portés au crédit de son compte bancaire. Les lundis, par exemple, il pouvait travailler 12 heures au magasin alors que, dans l'ensemble, il ne travaillait que 40 heures par semaine; il ne considérait pas que les heures travaillées en sus de ses heures normales pendant la semaine constituaient des heures supplémentaires pour lesquelles un taux de rémunération plus élevé devait s'appliquer. Il a déclaré qu'il avait travaillé pour un autre employeur selon un horaire semblable et a convenu qu'il s'agissait d'une façon pratique de faire les choses. Il ne profitait pas du temps qu'il passait au magasin pour étudier, jugeant que cela aurait été inapproprié, étant donné qu'il se considérait comme un employé et non pas simplement comme le [TRADUCTION] « fils de mon père » .

[6]            Lors du contre-interrogatoire mené par l'intervenante — représentée par Harjit Hothi —, l'appelant a indiqué qu'il était difficile de nettoyer la scie et le comptoir des viandes et qu'il fallait y consacrer beaucoup de temps pour bien le faire. Il a convenu qu'il estimait avoir été traité comme n'importe quel employé qui n'aurait pas été un membre de la famille.

[7]                 Harjit Hothi a témoigné en sa qualité de représentant — et actionnaire majoritaire — de Enterprises, l'intervenante. Il a déclaré que son épouse et lui avaient commencé à exploiter l'entreprise en 1993 et qu'au cours des premières années les employés n'étaient pas des membres de la famille. Balraj, le frère cadet de l'appelant, était un homme vigoureux et pouvait donc couper la viande ainsi que s'occuper de la boucherie et du comptoir des charcuteries. Harjit Hothi a déclaré que le volume des ventes variait chaque année et pouvait parfois diminuer d'une année à l'autre. Il lui fallait donc s'adapter à la situation et modifier l'orientation ou l'exploitation de l'entreprise. C'est pourquoi il a un jour décidé de mettre fin à sa pratique commerciale habituelle consistant à couper la viande selon les exigences des clients, et il a commencé à acheter presque exclusivement des portions de viande déjà coupées et présentées dans un emballage sous vide. Auparavant, il payait son fils Balraj 12 $ l'heure. Harjit Hothi pouvait exécuter les tâches de boucher lui-même, mais il estimait ce genre de travail trop exigeant physiquement. Le magasin vendait de la viande de boeuf, de porc, d'agneau, de chèvre et de lapin ainsi que plusieurs variétés de fromages frais. Harjit Hothi a déclaré qu'il avait dû changer complètement son système d'achats en ce sens qu'il avait dû trouver des fournisseurs de produits emballés. Ce changement en faveur de la vente de viande préemballée ne s'est pas révélé fructueux car la viande n'était pas toujours fraîche; de plus, les clients étaient habitués à une viande coupée selon leurs exigences et n'acceptaient pas le nouveau plan de commercialisation consistant à vendre les viandes dans un contenant préemballé. Harjit Hothi a déclaré que, au début du mois de mai 2000, il a décidé de revenir à son ancienne pratique, c'est-à-dire vendre de la viande fraîche. Il a donc dû rengager Balraj car cela représentait beaucoup plus de travail. Suivant le retour de Balraj au magasin, Harjit Hothi et son épouse se sont occupés des tâches qui avaient été auparavant exécutées par l'appelant, et celui-ci a donc été mis à pied. Harjit Hothi a déclaré que l'entreprise n'avait pas assez d'argent pour payer des employés supplémentaires et que, dans le passé, lorsque Enterprises avait employé deux ou trois personnes sans lien de dépendance avec elle — y compris un boucher —, lui et son épouse avaient toujours accepté que celles-ci aient un horaire de travail flexible. Enterprises devait, selon lui, composer avec une concurrence féroce, et elle n'avait donc pas les moyens de verser de l'argent à ses fils pour du travail qui n'était pas fait. Il traitait donc ses fils comme n'importe quel autre employé.

[8]            Au cours du contre-interrogatoire mené par l'avocate de l'intimé, Harjit Hothi a déclaré que, depuis 1996, l'entreprise n'avait pas employé d'autres travailleurs que des membres de la famille. Un autre fils, Kulwinder, avait travaillé dans l'entreprise de temps en temps comme boucher et commis. Les ventes brutes de l'entreprise variaient entre 300 000 $ et 400 000 $ par année, mais il lui était arrivé de perdre de l'argent lors de certaines années. Les commandes spéciales ou en vrac représentaient une partie considérable du volume des ventes et, lorsque l'entreprise avait opté pour la vente de viande préemballée, on n'avait plus eu besoin d'un boucher à temps plein. Par la suite, l'entreprise avait été exploitée par Harjit lui-même et son épouse, l'appelant y travaillant comme commis. C'est Harjit Hothi qui coupait la viande lorsque cela était nécessaire. Il a déclaré qu'il aurait été disposé à s'adapter aux besoins d'un employé sans lien de dépendance et à lui permettre de travailler selon un horaire flexible pour qu'il puisse fréquenter l'université ou le collège.

[9]                 L'appelant a choisi de ne pas faire de contre-interrogatoire.

[10]          Karen Bright a témoigné qu'elle travaille en tant qu'agente des décisions en matière de RPC et d'A.-E. à l'ADRC depuis le mois de juin 1995, et qu'elle a rendu la décision initiale dans le cas de l'appelant. Elle a parlé à l'appelant le 26 mai 2000 ou vers cette date et a pris des notes qu'elle a ensuite dactylographiées elle-même. Elle a examiné le dossier, puis décidé que l'emploi qu'occupait l'appelant était un emploi exclu conformément à la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). Elle a pris en considération les facteurs énoncés à l'alinéa 5(3)b) de la Loi. Mme Bright a déclaré que l'appelant lui avait indiqué qu'il travaillait de 9 à 17 h du lundi au vendredi et avait en outre affirmé catégoriquement qu'il ne travaillait pas les samedis. Selon elle, l'appelant avait indiqué que seuls son père et sa mère travaillaient au magasin et que son père était le boucher. L'appelant a discuté de la nature de ses tâches, mais Mme Bright ne se rappelle pas qu'il ait mentionné quelque tâche que ce soit ayant trait à la coupe de viande. Elle a par la suite eu une autre conversation avec l'appelant mais, dans l'intervalle, elle avait pu consulter les déclarations de revenus de ce dernier et découvrir qu'il avait déduit des frais de scolarité pour l'année d'imposition 1999. Cela l'a amenée à appeler l'appelant au sujet de son inscription à l'université. Au cours de leur conversation, l'appelant a informé Mme Bright qu'il fréquentait l'université à temps plein depuis le début du mois de septembre 1999. Mme Bright a déclaré que l'appelant lui avait dit au cours de leur première conversation qu'il avait travaillé de temps en temps pour l'entreprise au cours des années antérieures, mais la consultation des déclarations de revenus depuis 1991 ne lui a pas permis de confirmer cette information. Elle a commencé à s'interroger au sujet de l'absence de document officiel faisant état de l'emploi antérieur de l'appelant pour le payeur, ce qui a eu une incidence sur la façon dont elle a pris en considération le facteur relatif à la durée de l'emploi en litige. À un moment donné, l'appelant a laissé un message sur son répondeur, l'informant qu'il n'était plus possible d'avoir accès aux registres qui se rapportaient à l'emploi qu'il avait exercé antérieurement pour Enterprises. Mme Bright a parlé également à Harjit Hothi, qui lui a déclaré que Balraj — appelé aussi Bob — était son fils, et que c'est ce dernier qui avait répondu au téléphone lorsqu'elle avait appelé au magasin. Elle a déclaré avoir été surprise car les registres indiquaient que ce dernier avait été mis à pied l'année précédente en raison d'un manque de travail. Mme Bright a déclaré que Harjit Hothi lui avait expliqué, d'une part, que Balraj était boucher de formation et, d'autre part, qu'il fallait que l'appelant puisse s'absenter du magasin pour assister à ses cours à l'université. De l'avis de Mme Bright, cela n'était pas une explication raisonnable, étant donné surtout que Harjit Hothi lui avait dit que les heures de travail de l'appelant n'étaient pas consignées. Mme Bright était au courant de décisions qui avaient été rendues antérieurement relativement à Balraj Hothi, à la suite de sa mise à pied par Enterprises le 31 décembre 1998 en raison d'un manque de travail. Elle a noté que l'appelant avait été engagé le 5 janvier 1999. Plus tard, soit le 5 mai 2000, l'appelant a été mis à pied et, le 22 mai 2000, Balraj a été engagé pour travailler au magasin. Mme Bright y a vu un plan. Par ailleurs, à son avis, les heures travaillées auraient dû être consignées au moyen d'écritures régulières dans un registre ou sur un calendrier. La rétribution de l'appelant, c'est-à-dire 9 $ l'heure, était raisonnable, a-t-elle conclu, mais, compte tenu de ses conditions de travail, il était déraisonnable de lui verser le même salaire toutes les deux semaines sans égard au nombre d'heures travaillées. Elle n'a pas jugé nécessaire de déterminer si une rémunération particulière était prévue au titre des heures supplémentaires. Mme Bright a déclaré qu'elle n'avait jamais remis en question le fait que l'appelant travaillait aux termes d'un contrat de louage de services valide, en ce sens qu'elle ne contestait pas qu'il effectuait le travail pour le payeur. L'horaire de travail subséquemment examiné par l'agente des appels — reproduit à l'alinéa 6 m) de la réponse — ne lui a jamais été fourni par l'appelant avant que sa décision soit rendue.

[11]          Lors du contre-interrogatoire mené par l'appelant, Karen Bright a admis qu'un autre agent des décisions avait déterminé que l'emploi précédent de Balraj Hothi était assurable. Mme Bright a indiqué qu'il était pratique courante d'examiner les décisions rendues antérieurement relativement à un travailleur ou à un payeur et qu'il était possible d'obtenir cette information par ordinateur en consultant la base de données.

[12]          Lors du contre-interrogatoire mené par Harjit Hothi, le représentant de l'intervenante, Karen Bright a déclaré qu'elle ne se rappelait pas que ce dernier ait mentionné au cours de leur conversation qu'il consignait les heures de travail sur un calendrier au lieu d'utiliser une horloge de pointage. Mme Bright a déclaré qu'elle avait examiné les chèques oblitérés établis à l'ordre de l'appelant et qu'elle savait que les retenues à la source avaient été faites comme il se devait. Elle a indiqué qu'elle se rappelait avoir expliqué à Harjit Hothi que le dossier lui avait été référé parce que l'appelant et le payeur étaient des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Elle se souvient que Harjit Hothi a mentionné que l'appelant ne voulait pas faire carrière dans l'entreprise familiale et qu'il fréquentait l'université tout en travaillant au magasin. Elle savait également — grâce à une conversation avec Harjit Hothi — que Balraj était boucher. Elle a ajouté que, lors de sa conversation avec l'appelant, ce dernier avait très clairement décrit son horaire de travail et indiqué qu'il travaillait de 9 h à 17 h du lundi au vendredi, sans exception.

[13]          Lors du réinterrogatoire mené par l'avocate de l'intimé, Karen Bright a déclaré que, si elle avait été au courant de l'existence de quelque méthode que ce soit ayant servi à consigner les heures de travail sur un calendrier, dans un registre ou sur une feuille, elle aurait demandé à l'appelant ou au payeur de lui faire parvenir ces données afin de pouvoir les examiner.

[14]                 L'appelant, pour son compte, et Harjit Hothi, pour le compte de l'intervenante, ont présenté une preuve que l'emploi de l'appelant pour le payeur pendant la période pertinente était un emploi assurable au sens de la loi.

[15]                 L'avocate de l'intimé a fait valoir que l'agente des appels disposait de tous les renseignements nécessaires sur l'horaire de travail de l'appelant pendant l'année universitaire et que le ministre avait également pris en considération la question de savoir si le fait que l'appelant ait été engagé malgré les pertes que l'entreprise avait apparemment subies certaines années était important ou non. L'avocate a soutenu que, étant donné l'ensemble de la preuve, la décision du ministre devait être confirmée.

[16]          Dans l'affaire Crawford and Company Ltd. et M.R.N., (décision inédite (98-407(UI), 98-537(UI) et 98-538(UI)) rendue le 8 décembre 1999, le juge suppléant Porter, de la C.C.I., a examiné les appels interjetés par trois employés d'une compagnie, dont deux frères, qui faisaient partie de la catégorie des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'autre appelant n'étant pas une personne liée avec la compagnie, le juge avait dû procéder à un examen distinct des faits car aucun pouvoir discrétionnaire n'avait été exercé par le ministre en application de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi. L'analyse effectuée par le juge Porter en ce qui concerne les deux frères est détaillée et pertinente au regard de celle qui doit être nécessairement effectuée dans le présent appel. C'est pourquoi je cite de longs extraits de Crawford, parce que le jugement est conforme à ma compréhension du droit et que les faits dans cette affaire et dans l'appel en l'instance sont à peu près semblables. À la page 24, à partir du paragraphe 58, le juge Porter dit :

[58] Dans le cadre du régime établi par la Loi sur l'a.-e., le Parlement a prévu que certains emplois sont assurables et donnent droit à des prestations s'ils cessent, et que d'autres emplois, qui sont « exclus » , ne donnent droit à aucune prestation s'ils cessent. Lorsque des personnes qui ont un lien de dépendance concluent une convention d'emploi, il s'agit d'un « emploi exclu » . Des conjoints, des parents et leurs enfants, des frères, et des sociétés contrôlées par ces personnes sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance suivant le paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui régit cette situation. Cette disposition législative a manifestement pour but d'éviter au régime d'avoir à payer une multitude de prestations fondées sur des conventions d'emploi factices ou fictives; voir les observations de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Paul c. Le Ministre du Revenu national, (A-223-86) inédite, où le juge Hugessen a déclaré :

Nous sommes tous disposés à présumer, comme nous y invite l'avocat de l'appelante, que l'alinéa 3(2)c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, et le paragraphe 14a) du Règlement sur l'assurance-chômage visent entre autres à éviter les emplois abusifs de la Caisse d'assurance-chômage par la création de soi-disant rapports « employeurs-employés » entre des personnes dont les rapports sont, de fait, très différents. Cet objectif se révèle tout à fait pertinent et rationnellement justifiable dans le cas des époux qui vivent ensemble maritalement. Mais même si, comme le soutient l'appelante, nous ne sommes en présence que d'époux légalement séparés et qui peuvent traiter entre eux sans lien de dépendance, la nature de leurs rapports en qualité de conjoints est telle qu'elle justifie, à notre avis, d'exclure de l'économie de la Loi l'emploi de l'un par l'autre.

[...]

Nous n'écartons pas la possibilité que les dispositions susmentionnées aient d'autres objectifs, comme par exemple la décision conforme à une politique sociale visant à écarter du champ d'application de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage tous les emplois exercés au sein de l'unité familiale, comme l'a suggéré l'avocat de l'intimé.

[59] La rigueur de cette disposition a toutefois été atténuée par l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., lequel prévoit qu'un emploi dans un cas où l'employeur et l'employé sont des personnes liées est réputé être exercé sans lien de dépendance et peut donc être considéré comme un emploi assurable, s'il remplit toutes les autres conditions, c'est-à-dire si le ministre est convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance de travail accompli, qu'il est raisonnable de conclure qu'ils auraient conclu entre eux un contrat à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu (en fait) un lien de dépendance.

[60] Il pourrait être utile que je reformule la façon dont je comprends cet alinéa. Pour les personnes qui sont liées, la Loi exclut tout droit à des prestations d'assurance, à moins qu'on ne puisse convaincre le ministre que la convention d'emploi est bel et bien la même qu'auraient conclue des personnes non liées, c'est-à-dire des personnes qui n'ont manifestement aucun lien de dépendance. Le Parlement a jugé que, s'il s'agit d'un contrat de travail à peu près semblable, il devrait en toute équité être inclus dans le régime. Toutefois, c'est le ministre qui décide. Sauf s'il est convaincu qu'il y a lieu de l'inclure, l'emploi reste exclu et l'employé n'a pas droit à des prestations.

[61] Le paragraphe 93(3) de la Loi sur l'a.-e. porte sur les appels au ministre et sur le règlement de questions par celui-ci. Il dispose que « [l]e ministre règle la question soulevée par l'appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux personnes concernées. »

[62]Le ministre est donc tenu de régler la question. La Loi l'exige. Si le ministre n'est pas convaincu, l'emploi reste exclu et l'employé n'a pas droit aux prestations. Si toutefois il est convaincu, sans plus de cérémonie et sans prise d'aucune mesure par le ministre (sauf la communication de la décision), l'employé a droit à des prestations, pourvu qu'il remplisse les autres exigences. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire au sens que, si le ministre est convaincu, il peut alors juger que l'emploi est assurable. Il doit « régler la question » et, selon ce qu'il décide, aux termes de la Loi l'emploi est réputé soit comporter un lien de dépendance, soit ne pas en comporter. En ce sens, le ministre n'a pas à proprement parler de pouvoir discrétionnaire à exercer car, en prenant sa décision, il doit agir de façon quasi judiciaire et il n'a pas le droit de faire le choix qui lui plaît. Il ressort des décisions de la Cour d'appel fédérale sur cette question que le même critère s'applique à une multitude d'autres fonctionnaires qui prennent des décisions quasi judiciaires dans de nombreux domaines différents. Voir Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R., 185 N.R. 73, Ferme Émile Richard et Fils Inc. v. M.N.R., 178 N.R. 361, Attorney General of Canada and Jencan Ltd. (1997), 215 N.R. 352 et Her Majesty the Queen and Bayside Drive-in Ltd. (1997), 218 N.R. 150.

[17]          Dans l'affaire Adolfo Elia c. M.R.N., A-560-97, décision de la Cour d'appel fédérale rendue le 3 mars 1998, le juge Pratte a déclaré ce qui suit à la page 2 :

Contrairement à ce qu'a pensé le juge, il n'est pas nécessaire, pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu'il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c'est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n'a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre.

[18]          Dans l'affaire Légaré c. Canada (ministre du Revenu national) [1999] A.C.F. no 878, une autre décision de la Cour d'appel fédérale, le juge Marceau, s'exprimant pour la Cour, a déclaré ceci à la page 2 :

La Cour est ici saisie de deux demandes de contrôle judiciaire portées à l'encontre de deux jugements d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt dans des affaires reliées l'une à l'autre et entendues sur preuve commune où se soulevaient une fois de plus les difficultés d'interprétation et d'application de cette disposition d'exception du sous-aliéna 3(2)c)(ii). Une fois de plus, en effet, car plusieurs décisions de la Cour canadienne de l'impôt et plusieurs arrêts de cette Cour se sont déjà penchés sur le sens pratique à donner à ce sous-alinéa (2)c)(ii) depuis son adoption en 1990. On voit tout de suite en lisant le texte les problèmes qu'il pose par delà la pauvreté de son libellé, problèmes qui ont trait principalement à la nature du rôle attribué au ministre, à la portée de sa détermination et, par ricochet, à l'étendue du pouvoir général de révision de la Cour canadienne de l'impôt dans le cadre d'un appel sous l'égide des articles 70 et suivants de la Loi.

Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu'apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n'ait pas toujours été pleinement compris. Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut-être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

[19]                 J'examinerai maintenant la preuve ainsi que le rapport entre les faits établis et les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé au paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel. Il ressort du témoignage de Karen Bright, l'agente des décisions, qu'il lui est apparu extrêmement étrange que Balraj Hothi soit mis à pied le 31 décembre 1998 en raison d'un manque de travail et que l'appelant soit engagé subséquemment — le 4 janvier 1999 — pour travailler au même magasin. Elle a conclu également que ce n'était pas par hasard que l'appelant avait été mis à pied le 5 mai 2000 et que Balraj Hothi avait été rengagé le 22 mai 2000. Cela établissait à ses yeux l'existence d'un plan; elle a souligné que la décision antérieure qu'elle avait examinée — dans laquelle il a été jugé que l'emploi de Balraj Hothi chez Enterprises était assurable — avait été rendue par un autre agent des décisions. Elle s'est demandée également pourquoi l'appelant ne lui avait pas dit lors de leur première conversation qu'il avait fréquenté l'université à temps plein du mois de septembre 1999 à la fin du mois d'avril 2000. Au cours de son témoignage, elle a mentionné — à plusieurs reprises — que l'appelant avait insisté sur le fait qu'il n'avait pas travaillé les samedis. Cette déclaration de l'appelant est confirmée par l'horaire de travail qui a été reproduit à l'alinéa 6 m) de la réponse à partir des renseignements qu'il a fournis à l'agent des appels lorsqu'il a rempli le questionnaire. Karen Bright s'est dite étonnée également de voir que les heures de travail de l'appelant n'avaient pas été consignées; à son avis, cette absence de registre officiel était un facteur pertinent dont elle devait tenir compte dans l'évaluation des faits sous l'angle de la durée de l'emploi de l'appelant. En outre, le fait que les déclarations de revenu du payeur et de l'appelant ne corroborent pas la prétention de l'appelant selon laquelle il avait déjà travaillé pour le payeur et avait toujours été payé a laissé Mme Bright perplexe. Elle a déclaré avoir parlé à Harjit Hothi — l'âme dirigeante du payeur — et se souvenir d'une discussion au cours de laquelle celui-ci avait expliqué que Balraj était boucher de formation et que l'horaire de travail de l'appelant avait été suffisamment flexible pour permettre à ce dernier de fréquenter l'université. Mme Bright a témoigné que Harjit Hothi lui avait dit que les heures de travail de l'appelant n'avaient pas été consignées. Elle ne se rappelle pas que Harjit Hothi ait mentionné avoir consigné les heures de travail de l'appelant sur un calendrier au lieu d'utiliser une horloge de pointage. Mme Bright a témoigné qu'elle était convaincue que l'appelant avait effectué le travail et que le taux de rémunération était raisonnable dans les circonstances.

[20]          Les hypothèses de fait du ministre formulées aux alinéas 6 g) à j) sont les suivantes :

                                [TRADUCTION]

g)                    le frère de l'appelant, Balraj Hothi, a travaillé au magasin du 3 février au 31 décembre 1998, date à laquelle il a été mis à pied en raison d'un manque de travail;

h)                    l'appelant a commencé à travailler au magasin le 4 janvier 1999, soit quatre jours après que Balraj Hothi eut été mis à pied en raison d'un manque de travail;

i)                      l'appelant a été mis à pied le 5 mai 2000 en raison d'un manque de travail;

j)                      le frère de l'appelant, Balraj Hothi, a été engagé pour travailler au magasin le 22 mai 2000, soit dix-sept jours après que l'appelant eut été mis à pied en raison d'un manque de travail;

[21]                 Curieusement, le ministre a considéré ces renseignements comme des faits, sur lesquels il s'est fondé pour rendre une décision, plutôt que comme des allégations faites par l'appelant ou par Harjit Hothi pour le compte du payeur. Si le ministre accepte que Balraj a été mis à pied en raison d'un manque de travail et qu'il suppose que la mise à pied subséquente de l'appelant — le 5 mai 2000 — était le résultat d'un manque de travail, il ne peut ensuite annuler les hypothèses formulées précédemment simplement en donnant à entendre que les embauches et mises à pied en question ont été faites pour des motifs inacceptables.

[22]          Le témoignage de l'appelant — et de Harjit Hothi — démontre que, sur le plan commercial, il existait une raison valable et suffisante de mettre Balraj à pied comme boucher après que le magasin eut cessé de vendre de la viande fraîchement coupée pour faire la vente de viande préemballée. Après cette conversion, Harjit Hothi a pu effectuer les quelques coupes de viande qui demeuraient encore nécessaires, même s'il a conclu qu'à temps plein ce travail était trop exigeant physiquement. Après avoir constaté que ses clients n'étaient pas satisfaits de cette réorientation, Harjit Hothi est revenu à l'ancienne formule consistant à couper la viande et à remplir des commandes spéciales, ce qui le forçait à engager Balraj ou un autre boucher. Le magasin étant une entreprise familiale et aucun employé étranger à la famille n'y ayant travaillé depuis 1996, il n'était plus nécessaire pour l'appelant de travailler comme commis, puisque Harjit Hothi et son épouse ont pris la relève, tandis que Balraj — encore une fois — s'occupait seul du comptoir des viandes et des charcuteries. L'idée d'obliger un homme ou une femme d'affaires à demander l'approbation du ministre avant de prendre une décision concernant l'exploitation prudente et efficace de son entreprise a quelque chose d'effrayant. D'après la preuve, l'appelant — même s'il a fréquenté l'université à temps plein du mois de septembre 1999 à la fin des cours, au mois d'avril 2000 — travaillait 40 heures par semaine, et l'employeur était satisfait de son travail. Les deux parties ont déclaré que la relation entre elles était de la nature de celle que l'on associe normalement à un emploi ordinaire fondé sur un contrat conclu entre des personnes non liées, et l'appelant a déclaré savoir d'expérience qu'il n'était pas inhabituel pour un employeur d'accepter que son employé travaille suivant un horaire flexible pour pouvoir fréquenter un établissement d'enseignement.

[23]          Il ressort de l'examen de la preuve que je dois modifier la décision du ministre, parce qu'il est évident que celle-ci est fondée sur des faits non pertinents et que d'autres faits très pertinents quant à la question en litige n'ont pas été pris en considération comme il se doit. Cela étant, je dois analyser la preuve pour décider si l'appelant exerçait un emploi assurable au cours de la période en cause ou s'il exerçait un emploi exclu. La disposition pertinente de la Loi à cet égard est l'alinéa 5(3)b), reproduit ci-après :

(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

[...]

b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

Rétribution

[24]          Le ministre admet que la rétribution était juste et raisonnable et que la question de l'applicabilité possible d'une rémunération particulière des heures supplémentaires n'a aucune pertinence. Le fait que Balraj ait touché 12 $ l'heure a une certaine importance car il avait les compétences nécessaires pour découper la viande alors que l'appelant, qui travaillait comme commis ou caissier, ne touchait que 9 $ l'heure.

Modalités d'emploi

[25]          Les heures de travail étaient raisonnables compte tenu du type d'entreprise exploitée. L'appelant avait conclu avec son employeur une entente selon laquelle il devait travailler 40 heures par semaine, conformément à un horaire donné, une fois l'année scolaire commencée. Cependant, il avait travaillé au magasin pendant huit mois avant le début des cours, en septembre, soit de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi. Je ne crois pas que l'appelant ou Harjit Hothi aient tenté de cacher le fait que l'appelant a fréquenté l'université du mois de septembre 1999 à la fin des cours en 2000. Le ministre a admis que l'appelant avait bel et bien effectué le travail, mais il a mis en doute la nécessité d'engager ce dernier si la période en cause a coïncidé avec les années où le magasin a subi des pertes dans le passé. Il n'y a aucune preuve qui appuie cette proposition et, de toute manière, cette dernière serait sans pertinence dans les circonstances. L'entreprise, qu'elle réalise ou non des bénéfices à la fin d'un exercice, a toujours besoin d'employés pour accomplir certaines activités, et ces employés doivent être payés. Selon le libellé pertinent de la disposition en cause, le contrat de travail conclu par les parties liées doit être « à peu près » semblable à celui qu'auraient conclu des personnes sans lien de dépendance. Par conséquent, il est tout à fait raisonnable que les heures de travail aient été consignées occasionnellement ou que les deux parties au contrat aient simplement accepté que chacune donne — et reçoive — pour l'essentiel exactement ce qui était prévu dans l'entente conclue par elles. L'entreprise n'était pas une usine d'assemblage de pièces d'avions où des centaines de travailleurs pointent au début et à la fin de leur quart de travail. Elle n'offrait pas non plus le genre d'emploi où les employés doivent signer un bordereau lorsqu'ils entrent dans un immeuble à bureaux ou qu'ils en sortent, ou doivent par ailleurs remplir des feuilles de temps qui seront ensuite utilisées par le personnel du bureau de la paie pour préparer les chèques de paie pour plusieurs employés.

Durée

[26]                 J'accepte le témoignage de Harjit Hothi concernant les raisons qui ont motivé la mise à pied de Balraj ainsi que l'embauche, puis la mise à pied de l'appelant, et l'embauche subséquente de Balraj comme boucher. L'appelant n'avait aucune envie d'apprendre le métier ou de faire carrière dans l'entreprise familiale. Il avait déjà obtenu un diplôme, et il en obtiendra bientôt un autre, de la faculté d'éducation de l'Université du Manitoba. Il savait qu'au cours de sa dernière année d'études il devrait participer à un programme de stages dans différentes écoles et que sa capacité d'occuper un emploi serait par le fait même fortement restreinte. Il s'est donc mis à la tâche au cours de la période pertinente et n'a fait à peu près rien d'autre que travailler pour le payeur et fréquenter l'université à temps plein.

Nature et importance du travail accompli

[27]          Le ministre a admis que le travail avait été effectué et que la preuve établissait que ce travail permettait au magasin de rester ouvert. L'emploi n'a pas été conçu pour donner du travail à un membre de la famille. Lorsque ses services n'ont plus été requis — parce que Harjit Hothi et son épouse ont repris en main les tâches de commis et de caissier — l'appelant a été mis à pied. À mon avis, c'est là une décision dictée davantage par une saine gestion d'entreprise que par des considérations d'ordre familial.

[28]          Dans l'affaire Barbara Docherty c. M.R.N. - 2000-1466(EI), datée du 6 octobre 2000, j'ai fait la remarque suivante :

Le modèle à utiliser pour établir une comparaison avec les relations de travail entre parties sans lien de dépendance ne nécessite pas une concordance parfaite. Cette affirmation se trouve confirmée par le libellé de la loi, qui utilise les termes un « contrat de travail à peu près semblable » . Chaque fois que les parties sont liées entre elles au sens de la disposition législative pertinente, la relation de travail comportera nécessairement des particularités, surtout si le conjoint est le seul employé ou s'il fait partie d'un effectif restreint. Cependant, le but n'est pas d'empêcher les personnes qui satisfont aux critères établis de participer au régime national d'assurance-emploi. Les en exclure sans raison valable est une mesure inéquitable, qui va à l'encontre de l'esprit de la loi.

[29]          J'ai pris en considération les différents facteurs que prévoit la disposition pertinente de la Loi, et je conclus que l'appelant et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[30]          L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée : l'appelant a exercé un emploi assurable pour Hothi Enterprises Ltd. du 5 mai 1999 au 5 mai 2000.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 29e jour de juin 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4684(EI)

ENTRE :

JASWINDER HOTHI,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

HOTHI ENTERPRISES LTD.,

intervenante.

Appel entendu le 25 mai 2001 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Pour l'intimé :                                     Cary D. Clark (stagiaire)

Représentant de l'intervenante :                 Harjit Hothi

JUGEMENT

          L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 29e jour de juin 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2002.

Martine Brunet, réviseure


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