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Date : 20020409

Dossiers : 2000-3767-IT-I,

2000-3769-IT-I

ENTRE :

RICHARD TURCOTTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

P.R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1997 et 1998. Par ces cotisations, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a refusé à l'appelant la déduction de pertes d'entreprise au montant de 24 524 $ et de 23 238 $ pour chacune des années respectivement au motif que l'appelant n'avait aucune attente raisonnable de profit provenant de ses activités aux cours des années en litige.

[2]            Pour établir la cotisation concernant l'année 1997, le Ministre a tenu pour acquis les faits énoncés aux alinéas 12 a) à r), à l'exception de l'alinéa k), de la Réponse à l'avis d'appel dans le dossier no 2000-3767(IT)I. Ces alinéas se lisent :

a)              en tout temps pertinent, l'appelant était à sa retraite et ses revenus provenaient essentiellement de prestations de rentes et de pension de retraite;

b)             en tout temps pertinent, l'appelant pratiquait une activité horticole sous le nom de « Entreprises R.F.T. International » (ci-après, « l'entreprise » );

c)              en tout temps pertinent, l'appelant résidait au 4911, boul. de Maisonneuve Ouest à Montréal, et opérait l'entreprise à cette même adresse;

d)             l'entreprise fut enregistrée le 24 septembre 1992;

e)              l'entreprise opérait depuis 1992, sous le nom de « Les plantes Heureuses/Happy Plants » , (ci-après le « commerce » ) qui se spécialisait dans la culture et la vente de plantes hydroponiques;

f)              la culture des plantes hydroponiques se faisait au sous-sol de la résidence de l'appelant;

g)             depuis 1992, l'appelant a déclaré les revenus bruts et pertes nettes suivants :

ANNÉE

REVENUS BRUTS

(PERTES NETTES)

1992

0 $

( 9 569 $)

1993

4 886 $

(17 351 $)

1994

1 228 $

(28 259 $)

1995

1 384 $

(26 044 $)

1996

1 587 $

(23 480 $)

1997

433 $

(24 524 $)

h)             selon l'appelant, le commerce de plantes hydroponiques a cessé ses opérations durant l'année d'imposition 1997;

i)               en date du 24 août 1999, un questionnaire fut envoyé à l'appelant par le vérificateur afin de déterminer si les activités de l'appelant avaient un espoir raisonnable de profit;

j)               les renseignements suivants ont été fournis par l'appelant :

•                il n'avait aucune formation professionnelle ni aucune expérience pratique lorsqu'il a débuté son commerce de plantes;

•                il n'y avait aucune croissance du revenu brut depuis les débuts de l'entreprise et l'appelant n'en prévoyait pas dans le futur puisqu'il projetait de cesser cette activité au cours de l'année 1997;

•                environ 200 plantes étaient cultivées dans le sous-sol de la résidence de l'appelant;

•                étant à sa retraite, l'appelant consacrait environ 30 à 40 heures par semaine à son activité horticole;

•                l'appelant a préparé différents dépliants pour sa publicité, et essaya de recruter ses clients dans des quincailleries et chez des fleuristes;

•                l'appelant n'a aucun plan pour rentabiliser son commerce ni aucun projet d'expansion;

•                le manque de financement, le peu de moyen pour la publicité, le taux de change du dollar canadien, le coût élevé de production et des produits d'importation ont été des facteurs importants dans l'échec de ce projet pilote;

                [...]

l)               l'appelant n'a inclus aucun état financier dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997;

m)             l'appelant a annexé à son avis d'opposition du 11 avril 2000, des états financiers, répartissant les revenus et dépenses de l'appelant, comme suit :

Description

Total

Happy Plants

Consultation

Revenu brut

433 $

433 $

    0 $

moins :

Dépenses

23 679 $

6 531 $

16 788 $

Amortissement

1 278 $

271 $

1 007 $

Total dépenses

24 957 $

6 802 $

17 795 $

Perte nette

(24 524 $)

(6 369 $)

(17 795 $)

n)             même si l'appelant a affirmé avoir cessé son activité horticole en 1997, il a réclamé pour l'année d'imposition 1998, selon sa déclaration de revenus pour cette année-là, une perte nette de 23 238 $ provenant de son activité horticole incluant des dépenses de 23 238 $ et ne déclarant aucun revenu provenant de cette source;

o)             la principale dépense réclamée en 1997 était comme pour les années antérieures, le salaire de 15 908 $ versé à son épouse;

p)             l'appelant a cessé ses activités de consultation durant l'année d'imposition 1999;

q)             l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées pour l'année en litige, relativement à son activité horticole pratiquée dans le sous-sol de sa résidence, ont été engagées ou effectuées en vue d'en tirer un profit ou avec un espoir raisonnable d'en tirer un revenu;

r)              l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées pour l'année en litige, relativement à son activité de consultation, ont été engagées ou effectuées en vue d'en tirer un profit ou avec un espoir raisonnable d'en tirer un revenu.

[3]            Seuls les alinéas c), d), i), o) et p) sont admis. Les autres alinéas sont niés en totalité sauf l'alinéa j) dont les points 5 et 7 sont admis.

[4]            Pour établir la cotisation concernant l'année 1998, le Ministre a tenu pour acquis les faits énoncés aux alinéas 13 a) à m), à l'exception de l'alinéa h), de la Réponse à l'avis d'appel dans le dossier no 2000-3769(IT)I. Ces alinéas se lisent :

a)              en tout temps pertinent, l'appelant était à sa retraite et ses revenus provenaient essentiellement de prestations de rentes et de pension de retraite;

b)             en tout temps pertinent, l'appelant pratiquait diverses activités sous le nom de « Entreprise R.F.T. International » (ci-après, « l'entreprise » );

c)              en tout temps pertinent, l'appelant résidait au 4911, boul. de Maisonneuve Ouest à Montréal, et opérait l'entreprise à cette même adresse;

d)             l'entreprise fut enregistrée le 24 septembre 1992, et sa principale activité fut la culture et la vente de plantes hydroponiques;

e)              depuis 1992, l'appelant a déclaré les revenus et pertes d'entreprise suivants:

ANNÉE

REVENUS BRUTS

(PERTES NETTES)

1992

0 $

( 9 569 $)

1993

4 886 $

(17 351 $)

1994

1 228 $

(28 259 $)

1995

1 384 $

(26 044 $)

1996

1 587 $

(23 480 $)

1997

433 $

(24 524 $)

1998

5 439 $

(23 239 $)

f)              selon l'appelant, le commerce de plantes hydroponiques a cessé ses opérations durant l'année d'imposition 1997;

g)             en date du 24 août 1999, un questionnaire fut envoyé à l'appelant par le vérificateur afin de déterminer si les activités de l'appelant avaient un espoir raisonnable de profit;

[...]

i)               selon les états financiers produits avec la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année d'imposition 1998, les revenus, dépenses et pertes des activités de l'appelant se répartissaient ainsi:

Description

Total

Happy Plants

Consultation

Revenu brut

3 371 $

1 140 $

2 231 $

moins :

Dépenses

23 559 $

23 559 $

0 $

Amortissement

820 $

820 $

0 $

Total dépenses

24 378 $

24 378 $

0 $

moins:

frais de résidence

2 231 $

0 $

2 231 $

Perte nette

(23 238 $)

(23 238 $)

0 $

j)               l'appelant a annexé à son avis d'opposition du 11 avril 2000, des états financiers révisés, répartissant les revenus et dépenses de l'appelant, comme suit:

Description

Total

Happy Plants

Consultation

Revenu brut

3 371 $

1 140 $

2 231 $

moins :

Dépenses

23 559 $

0 $

23 011 $

Amortissement

820 $

0 $

820 $

Total dépenses

24 378 $

0 $

23 830 $

moins:

frais de résidence

1 140 $

1 140 $

0 $

Perte nette

(22 147 $)

0 $)

(21 599 $)

k)              la principale dépense réclamée en 1998 par l'appelant était comme pour les années antérieures, le salaire de 15 908 $ versé à son épouse;

l)               l'appelant a cessé ses activités de consultation durant l'année d'imposition 1999;

m)             l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées pour l'année en litige, relativement à ses activités horticoles et de consultation ont été engagées ou effectuées en vue d'en tirer un profit ou avec un espoir raisonnable d'en tirer un revenu.

[5]            Les alinéas b), c), g), i), k) et l) sont admis. Les autres alinéas sont niés.

[6]            L'appelant est un fonctionnaire fédéral à la retraite. Il a fait carrière comme attaché commercial dans différentes ambassades du Canada à l'étranger. Il a pris sa retraite du gouvernement fédéral en 1991. En 1992, il a travaillé pour le Ministère des Relations internationales du Québec. Il s'est retiré au début de 1993.

[7]            En septembre 1992, l'appelant a enregistré une entreprise individuelle du nom de « Les Entreprises RFT International Enr./RFT Enterprises International Reg. » ( « RFTI » ) pour, dit-il, encadrer ses activités d'hydroculture et de consultation. Les noms de « Les Plantes heureuses/Happy Plants » furent utilisés pour désigner le volet hydroculture de l'entreprise.

[8]            Selon l'appelant, son intérêt pour l'hydroculture serait venu du fait qu'il s'agissait d'un type de culture qui était très populaire en Europe, particulièrement en Allemagne, en Autriche et dans les pays scandinaves où 50% des plantes ornementales d'intérieur auraient été ainsi cultivées alors que la technique n'était pas utilisée au Canada.

[9]            En fait, la technique consiste à faire pousser une plante sans terreau dans un pot spécial muni d'une corbeille intérieure contenant des boulettes d'argile expansée remplaçant le terreau. Le pot contient une solution nutritive spéciale. Un indicateur de niveau d'eau placé dans chaque pot assure l'arrosage correct.

[10]          L'appelant dit avoir appris lui-même la technique en Europe et, avec l'aide de son épouse, avoir débuté ce type de culture au Québec. L'épouse de l'appelant avait beaucoup d'expérience dans le domaine de l'arrangement floral japonais ( « Ikebana » ) et avait gagné plusieurs prix à des expositions tant en Europe qu'au Canada. Bien qu'il ait trouvé ici quelques pots qui pouvaient convenir à ce type de culture, l'appelant a affirmé qu'il devait en réalité importer le matériel nécessaire d'Allemagne, ce qui augmentait nécessairement les coûts particulièrement à cause de la baisse du taux de change du dollar canadien.

[11]          L'expérience a donc commencé lentement, plus comme un passe-temps par l'épouse de l'appelant qui cultivait les plantes dans le sous-sol de leur résidence avec l'intention de louer éventuellement des espaces ailleurs. L'appelant a affirmé que son épouse n'y consacrait d'ailleurs pas tout son temps puis qu'elle devait également s'occuper du secrétariat pour le volet consultation de ses activités, volet consultation sur lequel je reviendrai un peu plus loin.

[12]          Quant aux débouchés pour les plantes ainsi cultivées, c'est en 1994 que l'appelant lui-même aurait entrepris des démarches plus poussées pour trouver des détaillants convenables. Il a fait état d'un marché restreint et confiné aux fleuristes puisque, selon lui, il s'agissait d'un « produit propre » , qui ne pouvait être vendu dans les centres de jardinage ou les quincailleries. Durant la même année, l'appelant dit avoir identifié un réseau de douze fleuristes sous la bannière « Jardins Directs » et y avoir placé des plantes dans cinq ou six magasins. Il aurait d'ailleurs lui-même fabriqué des présentoirs pour ses produits. L'arrangement avec ces magasins était que les plantes étaient vendues moyennant une commission. L'appelant a également fait état d'un autre magasin, celui-là à la Place Alexis Nihon où il aurait tenté de placer ses plantes mais sans grand succès. Globalement, l'expérience s'avéra infructueuse, l'appelant ne réussissant pas à développer suffisamment le marché pour ce nouveau produit. Les ventes se chiffraient entre 200 et 300 plantes par année alors qu'il a affirmé qui lui aurait fallu en vendre 5 000 pour couvrir ses frais généraux. L'appelant a aussi fait état des difficultés économiques rencontrées de façon générale par les fleuristes à l'époque et qui pourraient expliquer son insuccès.

[13]          Lors de son contre-interrogatoire, l'appelant a admis avoir fait en 1994 une demande de subvention au RESO (Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest) dans le but de poursuivre son projet d'hydroculture ailleurs que dans son sous-sol et qu'on lui aurait répondu que son activité était trop artisanale. Selon l'appelant, il aurait fallu qu'il en soit déjà à une étape ultérieure pour pouvoir bénéficier d'une subvention.

[14]          En 1996, l'appelant a dit avoir constaté que l'expérience n'allait pas très bien et avoir commencé à se tourner vers un autre marché, soit des arrangements artistiques, incluant fontaines et plantes pour les bureaux de cadres supérieurs d'entreprises.

[15]          En juin 1996, l'appelant a pris contact avec une société du nom de Alpha ( « Alpha » ) l'un des plus gros fournisseurs de plantes pour bureaux. Selon l'appelant, Alpha s'était montrée intéressée à l'hydroculture, notamment à cause du coût élevé du service d'arrosage qu'elle devait assumer. Comme l'hydroculture nécessite un arrosage beaucoup moins fréquent, Alpha y voyait un moyen de réduire ses coûts pour autant que la technique s'avère efficace pour les grandes plantes dans lesquelles elle se spécialisait. Jusque là, l'appelant s'était concentré sur la culture de petites plantes. Un projet-pilote a donc débuté au cours de l'été 1996. Alpha prêtait les locaux et importait les plantes. L'appelant investissait son temps mais n'engageait aucune dépense. Malgré des résultats que l'appelant a qualifié de positifs au niveau de la faisabilité technique, cette expérience, qu'il entrevoyait déjà comme une source intéressante de revenus pour lui, de l'ordre de 15 000 $ par année pour un travail qui aurait exigé le quart de son temps, n'eut aucune suite. En effet, selon l'appelant, le propriétaire de Alpha refusa de s'engager pour la raison qu'il était trop occupé et que la société venait d'absorber deux concurrents. Ainsi, malgré deux rapports d'étapes positifs, l'un en septembre et l'autre en décembre 1996, ce dernier contenant une proposition d'entente de coopération non chiffrée de la part de l'appelant, aucune entente ni rémunération ne fut négociée avec Alpha. Sous les pressions de l'appelant, le propriétaire de Alpha décida finalement en mai 1997 de ne pas s'engager.

[16]          L'appelant a affirmé que la rémunération de 15 000 $ à laquelle il aurait pu s'attendre n'était pas le seul bénéfice qui aurait pu découler d'une entente puisqu'il y voyait la possibilité de vendre aux clients de Alpha de nouveaux produits, notamment des arrangements de plantes avec fontaines pour les bureaux des cadres supérieurs.

[17]          C'est donc à la mi-mai 1997 que le projet avec Alpha prit fin sans que l'appelant ait été rémunéré pour quoi que ce soit. À la fin de juin 1997, l'appelant a affirmé avoir également mis un terme au projet d'hydroculture comme tel. Ce qui restait des stocks aurait été liquidé au cours de l'année 1998. Toutefois, aucune dépense n'aurait été engagée à cet égard en 1998. La pièce A-1 soumise en preuve établit également que le projet d'hydroculture a pris fin le 30 juin 1997. Toutefois, il est à remarquer que dans un autre document, la pièce A-2, onglet 2, à la page 2 du questionnaire, c'est à la fin de 1998 que l'appelant affirme avoir abandonné le projet d'hydroculture des plantes ornementales d'intérieur.

[18]          En 1997, les ventes brutes de plantes ont été de 992,52 $ et le bénéfice brut de 433,27 $. En 1998, les ventes se sont élevées à 3 207,93 $ et le bénéfice brut à 1 139,51 $. Pour la même année, il faut ajouter 2 231,25 $ déclarés comme honoraires ou revenu de consultation. La perte d'entreprise réclamée en 1997 a été de 24 524 $ et celle réclamée en 1998 a été de 23 238 $.

[19]          Si c'est la conjointe de l'appelant qui s'est occupée principalement de l'hydroculture en 1992 et 1993, l'appelant lui-même dit s'être consacré à la consultation dans différents domaines. Il a fait état d'un projet en aérospatiale avec la Russie en 1992, projet qui n'eut pas de suite. En 1993, ses services furent retenus par le Conseil d'affaires Tchèque du Québec qui avait obtenu une subvention du gouvernement du Québec. L'appelant aurait été payé 2 000 $ par mois pour organiser et gérer certaines activités. Il a dit avoir obtenu au total 15 000 $ jusqu'au moment où le gouvernement du Québec a mis un terme à la subvention, le Conseil ayant installé ses bureaux à Prague. L'appelant prétend que Revenu Canada a omis de tenir compte de ce revenu aux fins d'établir son revenu d'entreprise pour 1994. En contre-interrogatoire, il a toutefois admis avoir lui-même déclaré 12 314,99 $ de revenu brut et 4 987 $ de revenu net provenant de cette activité de façon distincte et à titre de revenu de profession libérale et non comme partie du revenu provenant de l'entreprise RFTI.

[20]          De mai 1997 à mai 1998, l'appelant a eu des contacts avec le groupe CPI Media qui publie en France la revue LUX, une revue sur l'éclairage. Il s'agissait de faire une étude de faisabilité d'un voyage d'échange franco-canadien pour mettre en contact des personnes concernées par l'éclairage urbain et la mise en lumière des cités et monuments. L'appelant a affirmé que sa base de tarification était de 60 000 $ à 65 000 $ par année et que ce projet présentait une possibilité de gain intéressant pour lui en ce qu'il aurait pu organiser cette mission, participer à l'édition et possiblement représenter des sociétés sur le marché canadien. Toutefois, malgré les efforts déployés et les attentes, ce projet n'eut pas de suite et ne généra aucun revenu.

[21]          À l'automne 1997, par l'entremise de son frère, l'appelant a été approché par la Société E.E.S. Services Financiers Ltée ( « E.E.S. » ), société offrant des services d'experts en planification financière pour les cadres supérieurs d'entreprise. E.E.S. voulait mettre sur le marché un nouveau service de planification financière informatisée interactive pour les employés autres que les employés cadres des entreprises. E.E.S. cherchait des associés à honoraires pour vendre ses services aux employeurs et percer le marché au Québec. En février 1998, l'appelant signa un contrat avec E.E.S., contrat qui aurait, selon lui, pu lui rapporter quelque 25 000 $ pour une dizaine de contrats avec des entreprises. Malgré de nombreuses démarches auprès de grandes entreprises, celles-ci manifestèrent peu d'intérêt et l'appelant dû se contenter d'honoraires au montant de 2 231,35 $ pour un seul contrat avec C.P. Rail.

[22]          En 1998, l'appelant s'est aussi intéressé à la préparation de déclarations de revenu et il a, le 14 novembre 1998, au terme d'un programme d'études, obtenu un certificat d'aptitude de la société H & R Block.

[23]          L'appelant a affirmé avoir mis fin à toutes ses activités en 1999, année pour laquelle il a admis n'avoir pas produit de déclaration de revenu.

[24]          L'appelant a soumis une volumineuse documentation concernant ses divers projets, que ce soit pour l'hydroculture où ses activités dites de consultation (pièces A-2, A-6, A-7 et A-8). De plus, à plusieurs reprises, il a souligné la participation de son épouse, tant pour le projet d'hydroculture que comme assistante responsable du secrétariat et de la logistique pour les autres projets auxquels il s'est intéressé au cours des années.

[25]          Tel qu'indiqué à l'alinéa 12 g) de la Réponse à l'avis d'appel pour 1997 (Dossier no 2000-3767(IT)I) et à l'alinéa 13 e) de la Réponse à l'avis d'appel pour 1998 (Dossier no 2000-3769(IT)I)), l'appelant a réclamé des pertes importantes de l'ordre de plus de 152 000 $, depuis 1992. La dépense la plus importante ayant contribuée à ces pertes a été le salaire d'environ 15 000 $ par année payé à son épouse au cours des années. Or, il faut se rappeler que les activités de consultation n'ont généré au total que 2 231 $ de revenu en 1998 pour la période de 1992 à 1998. Il est vrai que l'appelant a déclaré un revenu brut de 12 314,99 $ et un revenu net de 4 987 $ en 1994 en rapport avec ses activités pour le Conseil d'affaires Tchèque du Québec. Toutefois, tel que mentionné plus haut, ce montant a été déclaré comme revenu de profession libérale et non comme revenu de l'entreprise RFTI. De plus, des dépenses distinctes ont ici été réclamées à l'encontre du montant reçu.

[26]          Quant au projet d'hydroculture, il n'a généré au total que 12 726 $ de revenu brut sur une période de huit ans. Le projet a été abandonné au milieu de 1997, tout comme le projet Alpha qui s'y rapportait. L'épouse de l'appelant aurait dès lors cessé son travail en relation avec ce projet. En 1998, selon l'appelant lui-même, il n'a fait que liquider les stocks qui restaient. Lors de la production de sa déclaration de revenu de 1997, l'appelant a réclamé la totalité des dépenses comme attribuables à l'activité d'hydroculture qui avait pourtant été abandonnée en milieu d'année. Au niveau de l'opposition à la cotisation, la répartition a été modifiée, 25 % des dépenses étant attribuées à l'hydroculture et 75% à la consultation. Pour 1998, 100 % des dépenses réclamées, sauf les frais d'utilisation de la résidence, ont été initialement attribuées à l'activité d'hydroculture. De plus, un montant de 2 231 $ à titre de frais d'utilisation de la résidence a été initialement réclamé à l'encontre du revenu de consultation du même montant. Au niveau de l'opposition, 100 % des dépenses sauf les frais d'utilisation de la résidence, ont été attribuées à l'activité de consultation. Des frais d'utilisation de la résidence réduits à 1 140 $ ont été réclamés à l'encontre du revenu d'hydroculture d'un même montant. On peut retracer les modifications apportées à la pièce A-4. Ce que l'appelant qualifie d'erreurs comptables ne peuvent que laisser songeur. La façon dont l'appelant a initialement présenté les choses lui permettait de réclamer la déduction de frais d'utilisation de la résidence plus élevés, soit 2 231 $, à l'encontre du revenu de consultation d'un même montant puisque aucune autre dépense n'était réclamée en rapport avec ce revenu. Comme le démontre également la pièce A-4, les pertes importantes réclamées par l'appelant ne comprennent pas un montant additionnel tantôt de 12 416,52 $, tantôt de 11 131,45 $ accumulé jusqu'en 1998 à titre de frais d'utilisation de la résidence aux fins de l'entreprise et indiqué comme étant disponible pour un report rétrospectif. On sait que la déduction de ces frais est prohibée par l'alinéa 18(12)b) de la Loi lorsque le contribuable réalise par ailleurs des pertes mais que l'alinéa 18(12)c) en permet le report prospectif dans une année quelconque pour laquelle il a un revenu.

[27]          Lors du contre-interrogatoire de l'appelant, l'avocat de l'intimée a également relevé d'autres incongruités dans la façon dont l'appelant a présenté certains éléments dans ses états financiers. Ainsi, au bilan présenté pour 1997 (pièce I-1), l'appelant a indiqué au passif un prêt de banque au montant de 65 490,00 $. L'appelant a expliqué qu'il s'agissait d'une erreur de logiciel, qu'il n'avait bénéficié que d'une marge de crédit au montant de 25 000 $ à la banque et qu'en réalité, il s'agissait du montant qu'il avait lui-même investi dans l'entreprise. Toutefois, au bilan de l'année 1998 (pièce I-2), la présentation est la même et un prêt de banque au montant de 77 665,00 $ est indiqué.

[28]          On peut également ajouter que dans les deux documents (pièces I-1 et I-2) au niveau de l'actif et en rapport avec la rubrique intitulée « Total Inventory for Resale » , on indique 0,00 $ pour cet élément à la fin de chacune des années 1997 et 1998. Par ailleurs, pour 1997, la pièce A-4 indique « l'inventaire en fin d'exercice » comme étant 11 100 $. Pour 1998, « l'inventaire de fin d'exercice » est indiqué comme étant 9 125 $. Pourtant, dans son témoignage, l'appelant a affirmé avoir vendu ce qui lui restait des stocks en 1998.

[29]          C'est dans ce contexte qu'il faut analyser la question de savoir si le Ministre était justifié de refuser à l'appelant la déduction d'une perte d'entreprise au montant de 24 524 $ en 1997 et au montant de 23 238 $ en 1998 au motif que celui-ci n'avait aucune attente raisonnable de profit relativement à ses activités d'hydroculture et de consultation pour 1997 et relativement à ses activités de consultation pour 1998.

[30]          L'avocate de l'appelant soutient que celui-ci avait une attente raisonnable de profit concernant tant le projet d'hydroculture que ses activités de consultation en 1997. Quant à l'année 1998, elle signale que la seule question en litige telle qu'énoncée à l'article 14 de la Réponse à l'avis d'appel pour cette année consiste à déterminer si l'appelant avait une attente raisonnable de tirer un profit de son activité de consultation pour cette année.

[31]          Quant au projet d'hydroculture, elle souligne que ce projet n'était pas un « hobby » et que l'appelant pensait que c'était une bonne affaire vu le marché inexploité. Selon elle, l'appelant avait le savoir-faire et l'expertise technique et il était appuyé dans ce projet par son épouse très compétente en la matière. L'appelant a tenté de percer le marché de détail puis il a réorienté ses efforts en s'alliant à Alpha, un très gros fournisseur de plantes de bureaux, lorsqu'il a réalisé que les ventes au détail n'étaient pas profitables. Selon elle, c'est hors du contrôle de l'appelant que cette nouvelle orientation a été abandonnée en 1997, suite au refus de Alpha de s'engager plus avant.

[32]          L'avocate de l'appelant soutient que le critère de l'attente raisonnable de profit est essentiellement destiné à éviter la déduction des dépenses personnelles et que s'il n'y a pas d'aspect personnel, on doit accepter qu'un contribuable ait pu prendre une mauvaise décision d'affaires. Selon elle, l'appelant a changé d'orientation lorsqu'il s'est aperçu que les ventes ne progressaient pas et il s'est engagé dans un projet sérieux avec Alpha qui payait d'ailleurs la plupart des dépenses. Selon elle, il faut également accorder au contribuable une période raisonnable avant de pouvoir déterminer qu'il n'a pas une attente raisonnable de profit.

[33]          L'avocate de l'appelant fonde ses arguments sur la décision de la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73. Elle se réfère également à la décision de la même Cour dans l'affaire Kuhlmann et al. v. The Queen, 98 DTC 6652, (version française [1998] A.C.F. no 1698 (QL)) pour affirmer qu'il appartient au Ministre d'établir que l'attente d'un profit est irrationnelle, absurde ou ridicule dans les circonstances.

[34]          L'avocate de l'appelant se réfère également à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Keeping v. The Queen, 2001 DTC 5358, (version française [2001] A.C.F. no 899 (QL)), pour affirmer qu'il n'appartient pas au tribunal de réévaluer les décisions d'affaires d'un contribuable et qu'on doit lui accorder le temps nécessaire pour rendre son activité profitable. Dans les circonstances de cette affaire, on avait estimé qu'une période de cinq ou six ans était nécessaire.

[35]          Au soutien de ses arguments, l'avocate de l'appelant se réfère aussi aux décisions dans les affaires Bélec v. The Queen, 95 DTC 121, (version française [1994] A.C.I. no 595 (QL)) et Rikley v. The Queen, 2001 DTC 756.

[36]          Quant aux activités de consultation, l'avocate de l'appelant souligne le sérieux de chacun des projets et le fait que l'appelant ait contacté des personnes compétentes. Selon elle, ces projets ne comportaient pas d'éléments personnels et présentaient des perspectives intéressantes de profit. S'ils n'ont pas fonctionné comme prévu, c'est simplement que l'appelant a été malchanceux. Dans ce cas également, elle prétend que le fardeau de preuve appartient au Ministre de démontrer que l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit. Elle soutient que les dépenses réclamées sont véritablement des dépenses d'entreprise et que le tribunal ne peut en conséquence substituer son jugement à celui de l'appelant même si celui-ci a pris de mauvaises décisions d'affaires.

[37]          Sur l'aspect particulier du salaire versé par l'appelant à son épouse, l'avocate de l'appelant estime que même si une dépense est importante, on doit quand même se demander s'il y a une attente raisonnable de profit, compte tenu de l'ensemble des critères retenus par les tribunaux et des circonstances particulières du cas. Elle estime que dans la mesure où une personne a été engagée, c'était forcément dans le but de faire un profit et qu'on ne peut reprocher à l'appelant d'avoir engagé son épouse puisque s'il n'avait pas eu d'employé(e), on lui aurait alors reproché de ne pas avoir fait tous les efforts nécessaires. Sur cet aspect, l'avocate de l'appelant se réfère aux décisions dans les affaires Nichol v. The Queen, 93 DTC 1216, (version française [1993] A.C.I. no 541 (QL)), Kuhlmann v. The Queen (précitée) et Mohammad c. Canada, [1998] 1 C.F. 165 (C.A.F.).

[38]          L'avocat de l'intimée soutient pour sa part qu'il n'appartient pas au Ministre d'établir que l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit et que c'est plutôt à ce dernier de démontrer objectivement qu'il avait une telle attente.

[39]          Pour les années en litige, il souligne que l'appelant a d'abord attribué toutes ses dépenses comme se rapportant à l'activité d'hydroculture puis, au niveau de l'opposition qu'il en a fait une répartition complètement différente. Il fait également remarquer la façon différente dont l'appelant a établi sa comptabilité pour 1994 alors que le revenu de consultation et les dépenses s'y rapportant ont été comptabilisées de façon complètement distincte de l'activité d'hydroculture et que le montant net a été déclaré comme revenu d'une profession libérale.

[40]          Quant à l'activité d'hydroculture, l'avocat de l'intimée la considère comme un passe-temps. Il souligne le fait que c'est ainsi qu'elle a débuté et qu'elle a été confinée au sous-sol de la résidence, ce qui permettait de déduire un salaire de 15 000 $ payé à son épouse de même que certains frais se rapportant à la résidence. Selon lui, il s'agit là d'éléments personnels dont il faut tenir compte. Il estime que l'attente de profit de l'appelant était déraisonnable. En effet, même si l'appelant avait certaines connaissances, il n'avait aucune expérience quant à ce nouveau produit qu'il fallait importer et pour lequel il devait trouver un marché. Les coûts élevés et le faible volume des ventes, soit de 200 à 300 plantes par année par rapport aux 5 000 nécessaires à l'appelant pour faire ses frais, de même que l'absence de subvention sont, à son avis, autant d'éléments additionnels à considérer. L'avocat de l'intimée souligne également que l'appelant n'avait aucun plan d'affaires et qu'on lui a donné tout le temps requis pour s'adapter, soit de 1992 à 1996, ce qu'il n'a pas fait puisque le salaire versé à son épouse et qui constituait la dépense la plus importante n'a jamais été modifié.

[41]          Quant aux autres projets de l'appelant, l'avocat de l'intimée estime qu'ils ne représentent que des tentatives pour trouver des occasions d'affaires qui n'ont à peu près rien donné de concret et qui ne permettent certainement pas d'affirmer que l'appelant avait une attente raisonnable d'en tirer un profit vu notamment la dépense de 15 000 $ en salaire versé à son épouse d'année en année.

[42]          L'avocat de l'intimée souligne que le temps, les efforts et la réputation d'un contribuable ne sont pas des éléments suffisants pour établir que celui-ci avait une attente raisonnable de profit.

Analyse

[43]          Au point de départ, il importe de noter qu'il est faux de prétendre que c'est le Ministre ou plutôt l'intimée qui a le fardeau d'établir que l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit. La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kuhlmann (précitée) ne peut certainement pas être citée comme autorité à cet égard, contrairement à la prétention de l'avocate de l'appelant. Le renversement du fardeau de preuve dans cette affaire résulte essentiellement d'une modification tardive du fondement des cotisations établies par le Ministre. Le juge Décary explique d'ailleurs cette situation au paragraphe 2 des motifs du jugement dans les termes suivants :

2               Les deux appels dont nous sommes saisis présentent un aspect nouveau en ce que, par suite d'une modification de dernière minute apportée à l'assiette des cotisations établies par le ministre, c'est le ministre qui a la charge de prouver que la société constituée par les appelants (Southern Cross Stables ou SCS) n'avait aucune attente raisonnable de profit dans les quatre années d'imposition visées par l'appel, c'est-à-dire 1986, 1987, 1988 et 1989. À l'origine, le ministre s'appuyait sur l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu (perte provenant d'une activité agricole), ce qui suppose qu'il y a une entreprise et une attente raisonnable de profit.

[44]          Dans l'affaire Tonn (précitée), le juge Linden de la Cour d'appel fédérale, après un examen de la jurisprudence pertinente, a souligné la nécessité de distinguer différentes situations aux fins de l'application du critère tiré du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480. Ainsi, au paragraphe 39 des motifs du jugement, il affirmait :

. . . je, par ailleurs, reconnais que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l' « appréciation commerciale » du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

[45]          Au paragraphe 40, le juge Linden débute ensuite son analyse en énonçant les critères utilisés par les tribunaux dans les termes suivants :

. . . Au fil des années, plusieurs facteurs servant à prouver qu'une activité est objectivement raisonnable ont été proposés. Dans l'arrêt Moldowan, ces facteurs ont été énumérés comme suit :

On doit alors tenir compte des critères suivants: l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive56.

Une autre liste de facteurs a été proposée dans l'arrêt Sipley (P.D.) c. Canada :

Le critère objectif comporte un examen de l'état des profits et pertes pour les années antérieures, un examen du plan opérationnel et des circonstances qui ont donné lieu à sa mise en oeuvre, y compris de la voie sur laquelle le contribuable entend s'engager. Le critère comporte également un examen du temps consacré à l'activité, ainsi que des antécédents, de la formation et de l'expérience du contribuable57.

Enfin, dans Landry (C.) c. Canada, l'examen des facteurs suivants est proposé :

Outre les critères énumérés par le juge Dickson, ceux dont la jurisprudence a tenu compte, à ce jour, pour déterminer s'il y avait espoir raisonnable de profit, comprennent les suivants: le temps requis pour rentabiliser une activité de ce genre, la présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits, l'état des profits et pertes pour les années postérieures aux années en litige, le nombre d'années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées, l'accroissement des dépenses et la diminution des revenus au cours des périodes pertinentes, la persistance des facteurs qui causent les pertes, l'absence de planification, et le défaut d'ajustement. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes arrêts que la bonne foi et la réputation du contribuable, la qualité du résultat obtenu, le temps et l'énergie consacrés, ne suffisent pas, en eux-mêmes, à transformer en entreprise l'exercice d'une activité58.

Ces citations indiquent que la liste de facteurs pertinents s'allonge et que d'autres facteurs pourront être ajoutés. Un examen approfondi de l'entreprise dans le contexte de ses activités est donc nécessaire et le caractère raisonnable d'une activité doit être évalué en fonction de tous les facteurs pertinents, tant ceux qui ont déjà été énumérés que les nouveaux qui pourraient être utiles.

[Notes omises.]

[46]          Dans la présente affaire, il n'y a pas de doute qu'un certain nombre d'éléments personnels sont présents. D'abord, les pertes réclamées par l'appelant avaient pour effet de réduire considérablement son revenu de pension et d'entraîner un remboursement d'impôt pour chacune des années en litige. Parmi les dépenses réclamées, autres que les frais d'utilisation de la résidence, on peut noter, entre autres, des dépenses de téléphone, des dépenses relatives à des véhicules à moteur, la déduction pour amortissement s'y rapportant, des frais de location de véhicules ainsi que des frais de déplacements et voyages d'affaires. De par leur nature, toutes ces dépenses peuvent comporter un élément personnel. Il y a ensuite les frais d'utilisation de la résidence qui ont été comptabilisés pour être éventuellement reportés. Tel que mentionné plus haut, l'appelant avait initialement déduit une partie de ces frais de son revenu de consultation de 2 231 $ en 1998. Par la suite, c'est un montant réduit qu'il a réclamé à l'encontre du revenu provenant de l'hydroculture. Finalement, il y a le salaire d'environ 15 000 $ payé par l'appelant à son épouse à chaque année. Bien que ce salaire ait été déclaré par l'épouse de l'appelant, il n'en demeure pas moins qu'il était susceptible d'entraîner un avantage fiscal personnel pour lui grâce au fractionnement et ce, tout en conservant ce montant pour le bénéfice du couple. Il est évident qu'une telle situation ne peut se comparer au versement d'un salaire à une personne non liée.

[47]          Comme l'a souligné l'avocat de l'intimée, le contexte dans lequel ces dépenses ont été réclamées et la façon dont elles ont été réclamées initialement par l'appelant pour 1997 et 1998, ainsi que la modification apportée au niveau de l'opposition, doivent également être soulignés. De plus, il faut se rappeler que le revenu brut pour 1997 provenant de l'hydroculture a été de 433 $ seulement, alors que la perte nette réclamée a été de 24 524 $. Aucun revenu de consultation n'a été déclaré en 1997. En 1998, l'appelant a déclaré un revenu brut total de 3 371 $ dont 1 140 $ provenait de l'hydroculture et 2 231 $ provenait de la consultation. La perte nette réclamée initialement pour cette année et refusée en rapport avec l'hydroculture a été de 23 238 $ en sus des frais pour utilisation de la résidence au montant de 2 231 $ réclamés à l'encontre du revenu de consultation. Les changements apportés par l'appelant au niveau de l'opposition ont été décrits plus haut. Je ne crois tout simplement pas que l'attribution initiale des dépenses entre l'activité d'hydroculture et celle de consultation pour les années en litige ait été le résultat d'une erreur qui aurait tout simplement été corrigée au niveau de l'opposition.

[48]          Selon l'appelant, le projet d'hydroculture débuté en 1992 aurait pris fin en juin 1997 et son épouse aurait dès lors cessé de s'en occuper. L'appelant aurait lui-même, par la suite, vendu les stocks qui restaient et ce, jusqu'en 1998. Toutefois, la pièce A-4 indique qu'il restait des stocks importants à la fin de 1998. Comme l'appelant n'a pas produit de déclaration pour l'année 1999, on ignore ce qu'ils sont devenus. Par ailleurs, la pièce A-2 contient des documents indiquant que l'activité d'hydroculture n'aurait pas pris fin en juin 1997 mais qu'elle se serait poursuivie du moins pour une bonne partie de l'année en 1998, ce qui aurait dû normalement entraîner certaines dépenses. À tout évènement, le fait qu'il y ait eu plus de ventes en 1998 qu'en 1997, aurait dû normalement entraîner un minimum de dépenses. Pourtant, l'appelant après avoir initialement attribué toutes les dépenses de l'année, sauf les frais d'utilisation de la résidence à l'hydroculture, les a, au niveau de l'opposition, attribuées en totalité à l'activité de consultation. Dans son témoignage, l'appelant a de plus prétendu que la liquidation des stocks en 1998 n'avait entraîné aucune dépense. Il est assez difficile de comprendre et d'accepter cette version.

[49]          Les modifications apportées à l'attribution des dépenses pour 1997 soulèvent également des questions. Initialement, toutes les dépenses ont été attribuées à l'hydroculture. Par la suite, au niveau de l'opposition, 25 % ont été attribuées à l'hydroculture et 75 % à l'activité de consultation.

[50]          La façon dont l'appelant a déclaré son revenu de consultation et réclamé des dépenses distinctes à l'encontre de ce revenu en 1994, est aussi suspecte. Cette façon de présenter ses différentes activités tantôt comme étant des activités distinctes et tantôt comme étant différents volets de l'entreprise RFTI contribue très certainement à entretenir une certaine confusion.

[51]          Tel que mentionné plus haut, dans les états financiers soumis (pièces I-1 et I-2), l'appelant a présenté au passif comme étant un prêt de banque, ce qu'il considère en réalité avoir été son investissement dans l'entreprise. L'explication qu'il a fourni est que cette présentation résultait d'une « erreur de logiciel » . Tout comme pour expliquer les changements apportés à l'attribution des dépenses pour 1997 et 1998, l'appelant a eu recours à l'explication trop facile d'une « erreur de logiciel » ou d'une erreur comptable. Il est difficile d'accepter ce genre d'explication lorsque les mêmes erreurs se reproduisent d'année en année et à l'égard de plusieurs éléments. Cet état de choses porte plus à conclure qu'il y a, pour dire le moins, un manque évident de transparence qui ne peut qu'affecter la crédibilité.

[52]          La nature même des activités de l'appelant amène aussi plusieurs commentaires.

[53]          L'appelant a débuté l'activité d'hydroculture comme « hobby » . Grâce à certaines connaissances acquises et l'expérience de son épouse, il a débuté ici cette forme de culture populaire en Europe. Sans plan d'affaires véritable et sans connaissance véritable de la demande potentielle pour des plantes ainsi cultivées, il s'est attaqué au marché local qui n'a, de toute évidence, pas répondu à ses aspirations. L'activité strictement commerciale n'a jamais atteint l'ampleur désirée. Si l'on doit vendre 5 000 plantes par année pour faire ses frais et qu'on ne réussit à ne vendre que 200 à 300 plantes et ce, durant plusieurs années, il est assez évident qu'il est difficile de prétendre avoir encore une attente raisonnable de profit.

[54]          Ainsi, en 1996 et après plusieurs années d'efforts, l'appelant a lui-même constaté que la vente au détail des plantes ornementales cultivées par hydroculture ne progressait pas. À cet égard, on peut rappeler que les revenus bruts ont été de 1 228 $, 1 384 $ et 1 587 $ pour chacune des années 1994, 1995 et 1996 respectivement. L'appelant a malgré tout continué et a tenté à l'été 1996 de s'associer à Alpha, une société spécialisée dans la fourniture de plantes pour bureaux. Bien que l'appelant ait affirmé avoir démontré la faisabilité d'utiliser la technique de l'hydroculture pour cultiver des grandes plantes pour bureaux par un projet-pilote terminé en décembre 1996, Alpha refusa de s'engager dans une association commerciale avec lui et fit connaître sa décision en mai 1997. Ainsi, malgré ses espoirs de réorienter l'hydroculture dans une autre direction et en tirer des revenus substantiels, l'appelant ne tira strictement aucun revenu de cette expérience avec Alpha et aurait mis complètement fin à son projet d'hydroculture à la fin de juin 1997. Il importe de noter malgré l'abandon du projet et le fait que l'épouse de l'appelant ait cessé d'y consacrer du moins une partie de son temps, que les dépenses et par conséquent, les pertes réclamées par l'appelant pour l'année sont aussi élevées que celles réclamées les années antérieures.

[55]          Compte tenu du nombre d'années antérieures de pertes, du constat d'échec fait en 1996, du caractère aléatoire d'une association commerciale avec Alpha ainsi que de la mise au rancart de l'ensemble du projet d'hydroculture en juin 1997, j'estime que l'appelant n'avait pas en 1997, un espoir raisonnable de tirer un profit des activités s'y rapportant.

[56]          Qu'en est-il maintenant des diverses autres activités de l'appelant et que celui-ci a regroupé sous le titre « consultation » . D'abord, il s'agit d'activités très diverses dont certaines ont peu à voir avec de la consultation proprement dite et également peu à voir avec les activités professionnelles antérieures de l'appelant. Si les premières activités dont l'appelant a fait état pour la période de 1992 à 1994 avaient un lien assez direct avec ses anciennes fonctions, la planification financière personnelle pour des employés d'entreprises et la préparation de déclarations de revenu n'en avaient aucun. Malgré de nombreuses démarches dans des directions différentes pour des projets divers, force est de constater que dans l'ensemble, peu de résultats concrets ont été obtenus.

[57]          En 1997 et 1998 plus particulièrement, le projet avec la société française CPI (Revue LUX) n'a jamais abouti et l'appelant n'en a rien tiré. La simple affirmation par l'appelant qu'un tel projet aurait pu lui procurer tant de milliers de dollars de revenu, est insuffisante pour affirmer qu'il y avait attente raisonnable du profit puisque les démarches entreprises en sont restées à un stade préliminaire avant que les conditions financières ne soient négociées et acceptées, voire discutées. Cette remarque vaut également pour le projet avec Alpha dont il a été question plus haut.

[58]          Quant au projet avec E.E.S., il représentait une nouvelle direction pour l'appelant qui devait en réalité expérimenter avec un nouveau service dans un marché inconnu. Malgré ses démarches, le service de planification financière offert aux entreprises pour leurs employés ne trouva qu'un seul preneur et l'appelant en tira un revenu modeste, soit 2 231 $. L'appelant qui a affirmé avoir pu réaliser un profit substantiel de l'ordre de 25 000 $ en concluant une dizaine de contrats avec des grandes entreprises, n'a aucunement démontré qu'il s'agissait là d'une attente réaliste fondée sur une étude sérieuse du marché potentiel. Somme toute, une autre activité qui n'eut point de suite et l'appelant s'est tourné à nouveau dans une autre direction. Il s'est inscrit à des cours chez H & R Block et a obtenu en novembre 1998 un certificat d'aptitude pour compléter des déclarations de revenu. On ne sait si cette activité a eu des suites, puisqu'il n'a pas produit de déclaration de revenu pour 1999. À tout évènement, il a affirmé avoir cessé toutes ses activités à la fin de 1999 et la radiation de l'enregistrement de RFTI a eu lieu le 28 avril 2000 (pièce A-5).

[59]          De l'ensemble, on ne peut conclure que les échecs ne sont le résultat que de la malchance. Le manque d'expérience et la méconnaissance des débouchés sont à souligner, tout comme l'absence de contrôle des dépenses ayant engendré des pertes n'ayant aucune commune mesure avec les revenus déclarés.

[60]          Au cours de toutes ces années de 1992 à 1998, l'appelant a, quelle que soit l'activité poursuivie, réclamé des pertes importantes s'élevant souvent à plus de 20 000 $ et quelque fois à plus de 25 000 $ par année. Pour 1997 et 1998, quelle que soit l'activité à laquelle les dépenses ont été attribuées, on remarque qu'il s'agit essentiellement des mêmes que l'appelant a attribué, tantôt à une activité, tantôt à l'autre. Plusieurs des dépenses réclamées, dont le salaire à son épouse, présentent un aspect personnel indéniable. L'appelant s'est vu accorder la totalité de ses pertes de 1992 à 1996. La déduction de celles réclamées pour 1997 et 1998 a été refusée. Il vient un temps où un contribuable doit démontrer que la poursuite de ses activités est justifiée par une motivation strictement commerciale et est appuyée sur un plan d'affaires réaliste permettant une attente raisonnable de profit et non pour masquer la déduction de certaines dépenses pouvant, par ailleurs, présenter un élément personnel. J'estime que l'appelant n'a pas fait cette démonstration selon le degré de preuve requis, soit la prépondérance des probabilités.

[61]          En conséquence de ce qui précède, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'avril 2002.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :                   2000-3767(IT)I

                                                                                                                2000-3769(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 RICHARD TURCOTTE

                                                                                                                et Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Montréal (Québec)                              

DATE DE L'AUDIENCE :                                    28 novembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                                      le 9 avril 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                                    Me Mathieu Turcotte

                                                                                                Me Sylvie Boulanger

Pour l'intimée :                                                       Me Mounes Ayadi

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Noms :                                     Me Mathieu Turcotte

                                                                                                Me Sylvie Boulanger

                                Étude :                                     Pouliot Mercure

                                                                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

2000-3767(IT)I

2000-3769(IT)I

ENTRE :

RICHARD TURCOTTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 28 novembre 2001 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Avocats de l'appelant :                                  Me Mathieu Turcotte

                                                                   Me Sylvie Boulanger

Avocat de l'intimée :                                     Me Mounes Ayadi

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'avril 2002.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.


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