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Date: 20010709

Dossier: 2000-4542-IT-I

ENTRE :

JAMES P. GRAHAM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1]            Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 29 avril 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant afin d'inclure à titre d'allocation de retraite un montant non déclaré de 22 000 $.

[2]            L'appelant a produit un avis d'opposition valide pour l'année d'imposition 1995. Dans un avis de ratification daté du 27 mars 2000, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation. James Graham a par la suite interjeté appel devant cette cour à l'encontre de la nouvelle cotisation établie à l'égard de sa déclaration de revenus de 1995.

[3]            L'appelant a soutenu ce qui suit dans son avis d'appel qu'il a adopté dans le cadre de sa preuve :

1.                     Le montant de 22 000 $ lui a été payé pour des coûts engagés par son épouse et lui-même au cours du voyage de retour entre London, en Ontario, et Halifax, en Nouvelle-Écosse. Le montant constituait un remboursement du coût de la vie, du loyer, de la nourriture, etc. pendant qu'il cherchait un emploi en Nouvelle-Écosse;

2.                     Ce montant représente également un remboursement de toutes les sommes qui ont été perdues lors de la vente de sa maison à London, Ontario;

3.                     Ces coûts étaient supérieurs à 22 000 $ et ont été payés en dollars après impôt.

[4]            Selon le témoignage de l'appelant, Pitney Bowes du Canada Limitée, la défenderesse, dans une poursuite pour congédiement injustifié intentée par l'appelant, a offert de régler la poursuite de l'appelant en versant en partie

                [TRADUCTION]

[...] en ce qui concerne le préjudice particulier, un chèque d'un montant de 22 000 $ libellé à l'ordre de James Graham. (Pièce A-6.)

L'appelant a accepté l'offre de règlement et a reçu le montant de 22 000 $.

[5]            La pièce A-2 constitue le calcul fait par l'appelant du préjudice particulier. L'appelant a calculé que ses pertes découlant de l'achat et de la vente de sa maison à London, Ontario, étaient supérieures à 27 000 $ et qu'elles comprenaient une perte du prix de revente, les honoraires d'avocat, les réparations, les honoraires immobiliers et les frais d'annulation de l'hypothèque.

[6]            Le ministre a établi une cotisation à l'égard de l'appelant en tenant compte du fait que :

1.                     Au cours de l'année d'imposition 1995, l'appelant a reçu un montant de 117 500 $ à la suite d'une poursuite pour congédiement injustifié intentée contre son employeur précédent, Pitney Bowes du Canada Limitée (ci-après la « payeuse » );

2.                     Le montant de 117 500 $ était composé des montants suivants :

a)              le montant de 28 500 $ (les intérêts avant jugement) n'a pas fait l'objet d'une cotisation à titre de revenu imposable,

b)             le montant de 67 000 $ a été déclaré par la payeuse sur un feuillet T4A à titre d'allocation de retraite,

c)              le montant non déclaré de 22 000 $ a également été payé par la payeuse à l'appelant en ce qui concerne la perte d'une charge ou d'un emploi;

3.                     L'appelant n'a pas demandé la déduction de frais de déménagement pour l'année d'imposition 1995;

4.                     L'appelant a demandé la déduction de frais de déménagement pour la dernière fois pendant l'année d'imposition 1992 en ce qui concerne son déménagement de l'Ontario vers la Nouvelle-Écosse.

QUESTION

[7]            Le montant de 22 000 $ reçu par l'appelant doit-il être inclus dans son revenu imposable pour l'année d'imposition 1995?

ANALYSE

[8]            L'alinéa 56(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) exige que les différents montants relatifs à une pension, à la retraite, à la cessation d'emploi, à l'assurance-emploi ou à l'assurance-chômage, à des prestations consécutives au décès, à des prestations d'assistance transitoire versées à des employés et à des prestations, visées par règlement, prévues par un programme d'aide gouvernemental doivent être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire pendant l'année où il les a reçus.

[9]            L'expression « allocation de retraite » est ainsi définie au paragraphe 248(1) :

« allocation de retraite » Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d'un employé ou un avantage visé au sous-alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

a) soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où il prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

b) soit à l'égard de la perte par le contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d'un tribunal compétent.

[10]          Dans l'affaire Jolivet c. Canada[1], l'appelante a été renvoyée sans motif valable. Elle a déposé un grief mais a réglé hors cour pour un montant en espèces, soit 10 000 $, qui représentait les dommages-intérêts. Le ministre a considéré que ce montant représentait une allocation de retraite et, en conséquence, il l'a inclu dans le revenu de l'appelante. Cette dernière a interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt. La juge Lamarre, en examinant la question de savoir si le montant de 10 000 $ était un montant de retraite, a déclaré ce qui suit :

Au paragraphe 248(1), une allocation de retraite est définie, entre autres, comme une somme reçue « à l'égard de ["in respect of"] la perte par le contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d'un tribunal compétent » . Si la somme est reçue à l'égard de la perte d'un emploi, alors elle est qualifiée d'allocation de retraite. Dans Nowegijick v. The Queen, 83 D.T.C. 5041, le juge Dickson de la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit à la page 5045 :

The words "in respect of" are, in my opinion, words of the widest possible scope. They import such meanings as "in relation to", "with reference to" or "in connection with". The phrase "in respect of" is probably the widest of any expression intended to convey some connection between two related subject matters.

Dans Anderson v. The Queen, 98 DTC 1190, le juge Rip de la présente cour a dit que pour déterminer si la somme reçue par le contribuable représente une allocation de retraite, les termes « à l'égard de » figurant au paragraphe 248(1) « commandent que l'on considère une inclusion d'une large portée par rapport à la question de savoir ce qui constitue un lien suffisant entre la perte d'emploi et les sommes reçues » .

En l'espèce, je conclus que la renonciation générale signée par l'appelante est suffisamment claire et indique que la somme de 10 000 $ a été reçue par l'appelante à l'égard de la perte de son emploi. Elle a admis que si elle n'avait pas signé la renonciation générale elle n'aurait pas reçu la somme. Il m'apparaît aussi clairement que, comme l'a dit le juge Pinard dans Merrins v. M.N.R., 94 DTC 6669 (C.F. 1re inst.) « [s']il n'y avait pas eu perte d'emploi, il n'y aurait eu aucun grief, aucun règlement, aucune sentence arbitrale, et, par conséquent, aucun versement de cette somme au demandeur » . Le juge Pinard ajoute :

[...] les mots « à l'égard de » utilisés dans la définition de « allocation de retraite » que donne le paragraphe 248(1) de la Loi, dénote assurément un lien entre la perte de l'emploi du demandeur et le fait qu'il ait, par la suite, reçu les 60 000 $ que lui a versé [...] son ancien employeur.

Le fait que les deux parties aient eu l'intention de qualifier la somme de 10 000 $ de dommages-intérêts ne modifie pas le fait que l'appelante a effectivement reçu cette somme à la suite de la perte de son emploi.

Il est purement hypothétique de dire que, si l'appelante n'avait pas perdu son emploi, elle aurait reçu ce montant. Je puis seulement conclure qu'une telle somme payée à titre de dommages-intérêts est une allocation de retraite parce qu'il existe un lien suffisant entre la réception de la somme et la perte d'emploi. (voir Overin v. M.N.R., 98 DTC 1299) (T.C.C.)).

[11]          Selon la preuve, le montant de 22 000 $ représentait une partie du montant reçu par l'appelant pour avoir été injustement congédié. Le montant a été payé relativement à la perte d'une charge ou d'un emploi. Par conséquent, ce montant constitue une « allocation de retraite » en vertu du sous-alinéa 56(1)a)(iii) de la Loi.

[12]          L'objet de l'alinéa 6(1)a) de la Loi consiste à s'assurer que les différentes prestations accessoires ou avantages « sociaux » , qui sont communément associés à une charge ou à un emploi, sont inclus dans le calcul du revenu d'un employé ou d'un cadre. En l'espèce, l'appelante a reçu 22 000 $ en vertu de son emploi[2].

[13]          Par conséquent, l'appelant doit inclure ce montant dans son revenu en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

FRAIS DE DÉMÉNAGEMENT

[14]          Les frais de déménagement sont abordés à l'article 62. Cet article est conçu de façon à permettre aux contribuables de déduire du calcul de leur revenu les frais de déménagement engagés par eux dans le cadre d'une réinstallation plus près du lieu de travail, de l'entreprise ou d'un établissement dispensant un enseignement de niveau post-secondaire. En général, un contribuable qui déménage est autorisé à déduire les frais de déménagement si ce déménagement est effectué en relation avec le commencement d'un emploi à un endroit particulier au Canada. Selon le témoignage de l'appelant, il est déménagé de London, Ontario, et est retourné en Nouvelle-Écosse pour se chercher un emploi. En tant que tel, il n'est pas visé par l'article 62.

CONCLUSION

[15]          Selon l'examen des faits, le montant de 22 000 $ est considéré représenter des dommages-intérêts particuliers et a été accordé à l'appelant pour la perte découlant de la vente de sa maison à London, Ontario. Ce montant est lié à la perte de l'emploi de l'appelant et, en tant que tel, le ministre l'a convenablement qualifié d'allocation de retraite.

DÉCISION

[16]          Par conséquent, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4542(IT)I

ENTRE :

JAMES P. GRAHAM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 28 juin 2001 à Halifax (Nouvelle-Écosse) par

l'honorable juge D. Hamlyn

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                   Me Marcel Prevost

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2002.

Mario Lagacé, réviseur




[1] [2000] A.C.I. no 48.

[2] Il convient de prendre note que tout montant reçu à la suite d'un emploi peut être inclus en vertu de l'alinéa 6(1)a). Voir Viacheslav Galanov c. M.R.N., C.C.I., no 81-376(IT), 20 octobre 1987 (87 DTC 647) où le paiement pour la mainlevée d'une hypothèque au moment du renvoi a été considéré être un montant devant être inclus dans le calcul du revenu découlant de l'emploi.

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