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Date: 20010704

Dossier: 2001-313-IT-I

ENTRE :

JO-LYNNE RUSSELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Pour l'appelante :                   L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :           Me Nadine Taylor

Motifsdu jugement

(Révisés à partir d'une transcription des motifs de jugement rendus oralement à l'audience

le 15 juin 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique))

Le juge Hershfield

                L'appel en l'instance, interjeté sous le régime de la procédure informelle, est à l'encontre d'une cotisation dans laquelle on a refusé à l'appelante, pour l'année d'imposition 1998, la déduction d'un montant de 11 884,36 $ à titre de frais médicaux — pour des rénovations faites à la résidence de l'appelante — soit 6 090,38 $ pour des planchers de bois franc neufs, 3 477,50 $ pour une chaudière et un purificateur d'air neufs et 2 316,44 $ pour un plancher de céramique neuf. Les frais ont été déduits conformément au paragraphe 118.2(2) relativement à l'enfant de l'appelante, qui souffre d'une forme grave et chronique d'asthme, état dont l'intimée a admis l'existence dans sa réponse.

                L'appelante s'est fondée sur deux alinéas du paragraphe 118.2(2), les alinéas l.2) et m). Selon l'appelante, les coûts du plancher de bois franc et du plancher de céramique sont déductibles conformément à l'alinéa l.2), tandis que les coûts de la chaudière et du purificateur d'air sont déductibles conformément à l'alinéa m), qui renvoie aux frais prévus à l'article 5700 du Règlement.

                Avant de reproduire les dispositions de la Loi et du Règlement dont l'application est contestée, il y a lieu de passer en revue la preuve relative aux frais et aux circonstances dans lesquelles ils ont été engagés. La preuve factuelle est la suivante.

                Le fils de l'appelante, Michael, avait six ans lorsque les rénovations concernées ont été entreprises. Le médecin de Michael, le Dr Edward Coates, a recommandé, ou comme j'en parlerai plus loin « prescrit » , que certaines de ces rénovations soient entreprises.

                Depuis sa plus tendre enfance, Michael est un patient du Dr Coates, immunologiste pédiatre spécialiste des allergies à qui Michael aurait été référé par le médecin de famille de l'appelante, le Dr Wiebe. Le Dr Coates n'était pas présent à l'audition. Toutefois, l'appelante a produit en preuve un certain nombre de ses rapports, qui ont été transmis au Dr Wiebe, dont un rédigé en 1991 — Michael avait alors quatre mois et avait été hospitalisé pendant six jours pour ce que l'on soupçonnait être une affection respiratoire réactionnelle. Le caractère authentique des rapports n'a pas été mis en doute, bien que l'avocate de l'intimée ait exprimé des réserves sur le poids qu'il fallait leur accorder, étant donné l'absence du Dr Coates et l'impossibilité de le contre-interroger. Cependant, l'appelante, qui est infirmière autorisée et qui a une connaissance directe des questions qui y sont abordées, a témoigné sur une bonne partie du contenu des rapports.

                Lors de sa première hospitalisation, à l'âge de quatre mois, et depuis, Michael a dû prendre une panoplie de médicaments, dont certains au moyen d'un nébuliseur. L'appelante a témoigné qu'en raison de la nature grave et persistante des troubles respiratoires de Michael la dose de médicaments avait été augmentée graduellement et on avait eu recours à des médicaments expérimentaux. Malgré le fait qu'il prenait des doses pour adulte de différents médicaments, Michael a été admis à l'hôpital à plusieurs reprises entre 1992 et 1998 en raison de troubles respiratoires graves, y compris en mars puis en avril 1998. Le 24 juin 1998, le Dr Coates a écrit au Dr Wiebe après avoir examiné Michael le 11 juin à la suite de son admission à l'hôpital. Voici un extrait de ce rapport :

                                [TRADUCTION]

Je vous remercie de m'avoir demandé d'examiner Michael de nouveau. Il a, semble-t-il, souffert de crises de laryngotrachéite aiguë (croup) graves, à cause desquelles il a dû se rendre à la salle d'urgence de l'hôpital pour enfants, où l'on a constaté qu'il souffrait de détresse respiratoire grave, qu'il avait une laryngotrachéite aiguë, des secousses de la trachée et une cyanose; on a écouté sa respiration, qui n'était pas sifflante. Je crois comprendre qu'on lui a administré de l'adrénaline racémique et du Pulmicort.

                Puis il mentionne le fait que l'enfant se plaint continuellement de douleurs de plus en plus aiguës, que l'endurance de Michael soulève des questions et que sa mère se dit inquiète de ses graves sautes d'humeur. Sous la rubrique « Investigations » , le rapport dit ceci :

                                [TRADUCTION]

Des tests cutanés ont démontré que Michael est allergique aux acariens détriticoles [...] et un contrôle à l'histamine, [...] Il n'est pas allergique aux chats, aux chiens, aux plumes, à la moisissure, aux arbres, à l'herbe, aux mauvaises herbes, au lait, au soya, aux oeufs, au blé, au poisson et aux arachides.

Sous la rubrique « Recommandations » , le médecin a écrit ceci :

                                [TRADUCTION]

J'ai informé la mère qu'il fallait tout tenter pour réduire la population d'acariens détriticoles à la maison. J'ai passé en revue les moyens d'y arriver. J'ai, à titre d'essai, prescrit pour Michael trois inhalations, deux fois par jour, de Flovent (50 microgrammes), et une ou deux inhalations de Ventolin au besoin. J'ai demandé à sa mère de continuer à mesurer les résultats quotidiens de ses fonctions respiratoires à l'aide d'un débitmètre pour débit de pointe. L'immunothérapie est aussi une possibilité dans son cas, mais attendons d'abord de voir ce que donneront les recommandations susmentionnées.

                Le 18 juin 1998, c'est-à-dire après la visite du 11 juin, le Dr Coates a écrit la lettre qui suit, adressée à qui de droit. Cette lettre venait appuyer la déduction de frais médicaux, mais elle a été écrite au moment où l' « ordonnance » de rénover la maison a été faite, laquelle est antérieure aux rénovations, qui ont été faites à l'automne 1998. Voici le contenu de cette lettre :

                                [TRADUCTION]

Michael souffre d'asthme, et des tests ont démontré qu'il est allergique aux acariens détriticoles. Dans un effort pour accroître au maximum les mesures préventives, j'ai demandé à sa mère d'enlever autant de moquettes que possible, à commencer par sa chambre (je mets en italique), et de couvrir (complètement) les matelas et les oreillers d'une housse protectrice. Si la maison est munie d'un système de chauffage par air pulsé, il faut placer un filtre électronique sur le conduit de reprise d'air froid (je mets en italique), et une unité locale de filtration de l'air (c'est-à-dire Bionaire) dans la chambre peut parfois être utile. Toute assistance visant à aider ses parents à faire ces modifications serait appréciée et me permettrait de prescrire à Michael le moins de médicaments possibles (je mets en italique).

Avant de poursuivre, il y a lieu de faire un certain nombre de remarques concernant l'état de Michael. Les médecins ne s'attendent pas à ce que l'asthme grave dont il souffre disparaisse à brève échéance. Il en souffre encore et pourrait ne jamais jouir pleinement de fonctions respiratoires normales. Les rénovations ne constituaient pas un remède, et on ne pouvait s'attendre à ce qu'elles en soient un.

                Michael a été hospitalisé de nouveau en 1999. Des rapports médicaux font aussi état de trois visites au Dr Coates entre le 12 octobre et le 9 novembre 2000, ce qui atteste l'existence de problèmes de santé graves et persistants. Je lirai une partie du rapport rédigé le 10 novembre relativement à la visite du 9 novembre 2000 au Dr Coates. Ce rapport est destiné au Dr Wiebe :

                                [TRADUCTION]

La mère est venue avec Michael. Les symptômes de ce dernier s'étaient améliorés, mais il a ensuite développé un rhume viral quatre jours avant de venir me voir, et la maîtrise de son asthme s'est détériorée. Son comportement est en outre de plus en plus inquiétant. Ici encore, il y a une corrélation directe entre la maîtrise de l'asthme et le comportement du patient. La mère lui administrait du Flovent (100 microgrammes) deux fois par jour, du Ventodisc (200 microgrammes) deux ou trois fois par jour et du Singulair (5 milligrammes) matin et soir. Son examen physique a révélé une respiration légèrement sifflante, mais aucune crépitation ni aucune matité. Étant donné la persistance de symptômes asthmatiques marqués, et ce, en dépit de la médication susmentionnée, j'ai suggéré de lui administrer simultanément, par nébuliseur, du Pulmicort (des ampoules de 0,25 milligramme par ml) et du Ventolin (des ampoules de 0,25 milligramme) trois fois par jour, tout en continuant le Singulair (5 milligrammes) matin et soir. La mère devait revenir dans une semaine pour que je puisse ausculter les poumons de Michael et lui donner d'autres directives. Je vous mettrai alors au courant.

Michael, aujourd'hui âgé de huit ans, continue d'éprouver un problème de santé qui compromet sa capacité de mener une existence d'enfant normale. Lorsqu'il était âgé de six ans, on a constaté qu'il était allergique aux acariens détriticoles. Le Dr Coates a demandé à sa mère, à titre de mesure prophylactique, de régler ce problème, qui avait pour effet d'empirer un état déjà grave et d'accroître la médication quotidienne de Michael. Que je donne ou non du poids à ces rapports, c'est là la portée du témoignage direct de l'appelante.

                On peut puiser d'autres renseignements concernant un état grave comme celui de Michael dans deux autres pièces produites par l'appelante. Je renvoie à une publication de l'Association pulmonaire du Canada et à une autre, de la Société canadienne de l'asthme, dans laquelle il est question de la qualité de l'air à l'intérieur, ce qui englobe les contaminants biologiques comme les acariens détriticoles. La solution pour les asthmatiques ayant des problèmes d'acariens consiste à enlever les moquettes dans les chambres à coucher et partout ailleurs dans la maison si cela est possible. Les deux publications recommandent également des purificateurs d'air en raison de leur importante vertu curative.

                Relativement à la description de l'état de Michael, l'Association pulmonaire du Canada fait les observations préliminaires suivantes dans sa publication :

L'asthme est une affection pulmonaire chronique qui peut se présenter à n'importe quel âge. Cette affection est plus courante pendant l'enfance et survient chez environ 7 à 10 % des enfants. L'asthme est la maladie respiratoire chronique la plus courante chez les enfants et qui est responsable du quart de l'absentéisme scolaire. L'asthme affecte les enfants à des degrés différents, de très léger (seulement au cours d'un exercice vigoureux) à très grave. Les enfants atteints d'asthme grave peuvent accuser des symptômes tous les jours, ce qui peut restreindre leur mode de vie. Chez ces enfants, les symptômes sont déclenchés plus facilement et plus fréquemment. Dans tous les pays industrialisés du monde, y compris au Canada, on observe une tendance générale à l'augmentation du nombre des décès et des hospitalisations dus à l'asthme. Au Canada, l'asthme entraîne chaque année le décès d'environ 20 enfants et 500 adultes. Cependant, on peut prévenir la plupart des décès liés à l'asthme en administrant un traitement adéquat aux malades.

Ainsi que je l'ai déjà mentionné, la gravité de l'asthme dont Michael est atteint a été admise par l'intimée dans sa réponse.

                Je me pencherai maintenant sur les dispositions de la Loi et du Règlement dont l'application est en cause dans la présente affaire. Voyons d'abord l'alinéa m) du paragraphe 118.2(2) ainsi que les frais liés à la chaudière et au purificateur d'air, déduits en vertu de cet alinéa et de l'article 5700 du Règlement. L'alinéa m) autorise à titre de frais médicaux toute dépense faite :

                m) pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son conjoint ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), qui, à la fois :

                        (i) est d'un genre prescrit,

                        (ii) est utilisé sur ordonnance d'un médecin,

          (iii) n'est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

          (iv) répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

Les dispositions pertinentes de l'article 5700 du Règlement, qui prescrit certains dispositifs ou équipements, sont les suivantes :

                c) un dispositif ou équipement, y compris une pièce de rechange, conçu exclusivement pour l'usage d'un particulier souffrant d'une maladie respiratoire chronique grave ou de troubles chroniques graves du système immunitaire, à l'exclusion d'un appareil de climatisation, d'un humidificateur, d'un déshumidificateur, d'un échange thermique, d'un échangeur d'air et d'une thermopompe;

[...]

c.2) une chaudière électrique ou à combustion optimisée acquise pour remplacer une chaudière autre qu'électrique ou à combustion optimisée, lorsque la substitution est effectuée uniquement parce que le particulier a une maladie respiratoire chronique grave ou des troubles chroniques graves du système immunitaire.

                L'appelante a admis qu'un appareil de chauffage au gaz (chaudière à combustion optimisée) avait été remplacé par un autre appareil de chauffage au gaz. Du fait de cette admission, la chaudière de remplacement en l'espèce n'est pas un dispositif ou équipement prescrit.

                L'avocate de l'intimée a concédé cependant que le purificateur d'air était admissible en tant qu'équipement médical aux termes de l'alinéa c) de l'article 5700 du Règlement. Le montant convenu est de 1 278,65 $. C'est-à-dire que, sur le montant de 3 477,50 $ déduit pour la chaudière et le purificateur d'air, seulement 1 278,65 $ sont admis. Cette concession de la part de l'avocate de l'intimée suppose l'admission que l'appareil était utilisé sur ordonnance du Dr Coates, comme l'exige le sous-alinéa m)(ii) du paragraphe 118.2(2), mais l'avocate de l'intimée continue de faire valoir que, selon la common law sur ce point, on ne peut conclure qu'il y a eu quelque ordonnance que ce soit donnée par le Dr Coates; celui-ci n'a fait que des recommandations, lesquelles ne sont pas des ordonnances.

                Bien que la concession par Me Taylor rende la question sans intérêt, je vais m'y attarder davantage. L'avocate a invoqué l'affaire Craig c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 95-3479(IT)I, 21 mai 1996 ([1996] 3 C.T.C. 2037), laquelle était régie par la procédure informelle. Dans des remarques incidentes, la Cour a indiqué que, dans cette affaire, une « recommandation » n'était pas une « ordonnance » . La Cour a souligné expressément que cette conclusion était basée sur ce que la preuve (la lettre du médecin) avait révélé dans cette affaire. La lettre en question ne disait pas que le patient avait besoin de quoi que ce soit. Elle indiquait d'une part que le patient projetait d'installer une cuve thermale, allant même jusqu'à suggérer que l'idée était celle du patient, et d'autre part que le médecin avait convenu que, habituellement, cet équipement était efficace.

                Dans l'affaire McGaugh c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 98-1217(IT)I, 12 mars 1999 ([1999] 2 C.T.C. 2908), que l'avocate de l'intimée a invoquée également, la Cour a analysé la lettre du médecin, adressée à qui de droit, dans laquelle le terme « prescrit » était utilisé dans le contexte de l'enlèvement d'une moquette. La Cour a reconnu qu'il s'agissait d'une ordonnance. En l'espèce, dans sa lettre adressée à qui de droit, le Dr Coates confirme qu'il a demandé à la mère du patient d'enlever la moquette et qu'il lui a indiqué qu'un purificateur d'air (filtre électrostatique) devait être installé sur la chaudière. À mon avis, dans le contexte des rénovations en question, une recommandation ou une directive à ce point claire et confirmée par écrit par un médecin en titre avant que les rénovations ne soient effectuées suffit amplement pour être considérée comme une ordonnance du médecin.

                Dans l'affaire Williams c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 97-445(IT)I, 22 décembre 1997 ([1998] 1 C.T.C. 2813), décision mentionnée dans l'affaire McGaugh, la question d'une ordonnance par un médecin a été analysée par renvoi à la décision rendue dans l'affaire Côté, où l'on a conclu que l'absence d'une ordonnance n'était pas fatale. Dans le contexte de l'alinéa l.2), cela est clair, évidemment, mais lorsque la Loi exige une ordonnance, comme c'est le cas à l'alinéa m), je suis d'avis que, pour déterminer ce qui constitue une ordonnance, le fait de considérer comme une ordonnance la recommandation et la directive d'un médecin est analogue au fait de considérer comme une ordonnance l'autorisation signée par un médecin d'utiliser un médicament contrôlé. De fait, dans certaines circonstances, je dirais que la recommandation et la directive d'un médecin de faire quelque chose ont plus de force que son autorisation de faire cette chose. Si une ordonnance peut bel et bien indiquer qu'un acte donné doit être accompli, dans le contexte d'une relation médecin-patient, cela n'équivaut à rien de plus qu'une permission de faire (ou de prendre) une chose que le médecin est habilité à autoriser. Dans la présente affaire, l'appelante a obtenu davantage que l'autorisation donnée par le médecin ainsi qu'il y est habilité par la Loi; le médecin lui a demandé de faire quelque chose, ce qui, implicitement, suppose une permission et une directive. Je suis convaincu qu'en l'espèce l'enlèvement de la moquette et l'installation d'un purificateur d'air ont été prescrits[1].

                J'en arrive à l'analyse de l'alinéa l.2), sur lequel l'appelante se fonde pour déduire le coût des rénovations faites au revêtement de plancher à titre de frais médicaux. L'alinéa est libellé dans les termes suivants :

pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l'habitation du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) - ne jouissant pas d'un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé - pour lui permettre d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

Cette disposition a été examinée par les tribunaux. L'avocate de l'intimée a invoqué une jurisprudence de laquelle se dégagent deux courants. Selon le premier de ces courants, si les rénovations visent un objectif général de bien-être, les coûts qui y sont liés ne sont pas déductibles. L'affaire Craig le confirme. En l'espèce, les dépenses ne visaient pas à assurer un bien-être général. Elles étaient destinées à diminuer le risque de réactions respiratoires allergiques qui, même à un degré modéré, entraînent un dysfonctionnement et qui, à un degré extrême, constituent une menace pour la vie. Quelque temps seulement avant les travaux de rénovations et la prescription du médecin, Michael avait dû être admis à deux reprises à l'urgence pour des difficultés respiratoires et des accès de toux suffisamment graves pour justifier son admission. Il ne s'agit pas ici d'une question de bien-être général, même si les rénovations ont pu contribuer au bien-être général de Michael en atténuant (au moyen d'une médication moins lourde) ses problèmes moins graves comme la respiration sifflante, le souffle court, la toux et d'autres troubles semblables.

                Le deuxième courant jurisprudentiel met en cause des faits très semblables à ceux de l'espèce. On peut penser aux affaires McGaugh et Williams, qui ont été invoquées. Dans les deux cas, on avait enlevé les moquettes et installé des planchers de bois franc. Dans les deux cas, les rénovations ont été admises car l'état de santé de la personne en cause était aggravé par les impuretés de l'air, dont certaines étaient attribuables ou avaient été jugées attribuables à la moquette. Dans ces deux affaires, cependant, on avait conclu que le patient avait un handicap moteur grave et prolongé et qu'il avait besoin des installations en question pour se déplacer dans la maison.

                Dans l'affaire Williams, se fondant sur le texte français de l'alinéa l.2), le juge Rip a conclu qu'il fallait que les rénovations permettent à la patiente de fonctionner chez elle de façon à pouvoir y accomplir des tâches de la vie quotidienne. Cependant, dans la présente affaire, l'appelante n'a invoqué aucun problème de mobilité à la maison, si ce n'est au cours des crises, lesquelles ne surviennent pas tous les jours. L'appelante a admis que, si l'on fait exception des activités récréatives, Michael était un enfant relativement normal et actif — si ce n'est qu'il avait des accès de respiration sifflante, de toux, de souffle court, de rhumes, etc. —, à la condition, cependant, qu'il respecte son lourd régime quotidien de médication. Et, évidemment, le risque de crises plus graves, mentionnées précédemment, se posait chaque jour.

                Bien qu'à mon avis il soit difficile de distinguer entre l'état des appelants dans les affaires McGaugh et Williams et celui de Michael en l'espèce, la possibilité que l'on puisse établir cette distinction n'est pas fatale à l'appel en l'espèce. La conclusion relative à l'existence d'un handicap moteur, sur laquelle ces deux affaires étaient fondées, pourrait aussi être justifiée dans la présente affaire. Autrement dit, je pourrais conclure que les rénovations en question ont bel et bien été faites pour permettre au patient de se déplacer et de mener une vie normale chez lui. Pour un enfant de 6 ans, les activités de la vie quotidienne incluent les activités récréatives dans la maison et un quotidien libre de tout régime de médication du genre de celui auquel Michael doit se soumettre — un quotidien dont sont absents, dans la mesure du possible, la toux, les rhumes, la respiration sifflante et le souffle court, ainsi que les problèmes de comportement et les visites fréquentes aux salles d'urgence que cela entraîne. On pourrait soutenir que ces déficiences se rapportent à la mobilité au regard de l'existence quotidienne normale d'un enfant de 6 ans. Cependant, il n'est pas nécessaire à mon avis de restreindre l'application de l'alinéa l.2) aux conditions relatives à la mobilité qui y sont prévues. L'application de cet alinéa comporte un autre aspect, permissif, qui peut lui aussi justifier la déduction des frais de rénovation dans la présente affaire. La déduction de ces frais est admise si ceux-ci ont été engagés dans le but de permettre au patient qui ne jouit pas d'un développement physique normal de mener une existence normale chez lui.

                Je n'ai pu trouver aucune définition médicale ou juridique de l'expression « développement physique normal » . On peut dire à mon avis que le sens qu'on souhaitait donner à cette expression n'est pas défini avec certitude, tant sur le plan juridique que sur le plan médical, et que, par conséquent, il y a lieu de lui donner un sens large et libéral fondé sur l'usage courant que l'on fait des termes qui forment l'expression et sur le sens qu'on lui prête habituellement.

                Le système respiratoire de Michael n'a pas atteint le niveau de maturité nécessaire. Michael est incapable de mener des activités normales en raison d'une imperfection physique. Les frais engagés pour réduire un état qui contribue à cette incapacité visaient à permettre à Michael d'accomplir chez lui les activités normales du quotidien d'un enfant de 6 ans. Le fait que les rénovations ne constituent pas un remède n'est pas pertinent. Si une activité quotidienne est perturbée par des troubles fréquents liés à l'asthme ainsi que par le risque de réactions allergiques graves qui entraînent un état dysfonctionnel et posant des risques, toute mesure visant à atténuer ces perturbations est destinée à libérer le patient, et donc à lui permettre de mener une existence quotidienne plus normale.

                Michael ne jouissait pas d'un développement physique normal, et certains frais ont été engagés pour lui permettre de mener chez lui une existence quotidienne aussi normale que son état le permettait. C'est suffisant à mon avis pour inclure les frais en question dans la catégorie des frais médicaux au sens de l'alinéa l.2). Cette application de l'alinéa l.2) aux faits de la présente affaire se situe bien à l'intérieur du mandat énoncé dans l'affaire Coté, qui a été mentionné dans l'affaire Williams. Ce mandat est le suivant :

[...] Bien qu'il y ait des dispositions précisant ce que sont des frais médicaux, la Cour est tenue d'interpréter cette loi de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

                En ce qui concerne les frais engagés pour remplacer le revêtement du plancher, qui ont été déduits à titre de frais médicaux, je vais aborder en premier lieu les frais liés à l'achat et à l'installation de la céramique. L'appelante a témoigné que la céramique avait été installée dans la cuisine et la salle de bain. Elle a admis qu'il n'y avait pour ainsi dire aucune moquette dans ces pièces, où la céramique a en fait remplacé un revêtement de linoléum. Il n'y a aucune preuve que le remplacement du linoléum avait quelque lien que ce soit avec l'asthme de l'enfant. La déduction n'est donc pas du tout justifiée.

                Quant au plancher de bois franc, il a été installé pour remplacer la moquette dans des pièces de la maison où Michael passait le plus clair de son temps. Ces rénovations visaient à atténuer l'état de Michael de façon qu'il puisse mener des activités physiques normales dans la maison en réduisant sa médication et en atténuant dans une certaine mesure les problèmes graves et chroniques associés à son affection respiratoire. Les rénovations visaient à prévenir des réactions allergiques et à réduire la médication de l'enfant. Les réactions allergiques sont un problème de tous les jours qui compromettent les fonctions quotidiennes du patient. En outre, il va sans dire que, si une médication vise à permettre à un patient de vivre normalement (au quotidien), tout ce qui remplace cette médication ou permet de la réduire permet également au patient de vivre normalement (au quotidien). Les rénovations en question satisfont à la condition prévue à l'alinéa 118.2(2)l.2).

                Les factures font état de 540 pieds carrés de plancher de bois franc, à 5,35 $ le pied carré, ce qui donne un total de 3 293,46 $, taxes et coût du traitement de surface inclus. Le traitement de surface était nécessaire pour éviter qu'il y ait dans la maison des émanations, qui auraient aggravé l'état de Michael ou auraient été dangereuses pour lui. Une deuxième facture porte sur l'installation du bois franc préfini, à un coût de 1 494,36 $. Ces deux factures totalisent 4 787,82 $. Le coût des travaux avait été estimé à 4 440,06 $. Il y a aussi un devis portant essentiellement sur les mêmes travaux que ceux figurant sur la facture d'installation; le prix qui y est indiqué est le même.

                La facture suivante n'est en fait pas du tout une facture. On peut lire en haut du document le mot [TRADUCTION] « Devis » puis les frais d'installation repris sur la facture de 1 494,36 $. Ce n'est qu'en ajoutant le montant de ce « devis » aux deux factures que l'on arrive au montant total, ou à très peu de choses près, déduit au titre de l'installation du plancher de bois franc.

                Au cours du contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimée a demandé à l'appelante la raison pour laquelle la déduction était beaucoup plus élevée que le prix estimatif. L'appelante a déclaré que des travaux supplémentaires avaient été effectués pour la finition des plinthes, ce qui n'avait pas été prévu dans le devis initial. Il n'y a aucune facture relative à l'installation des plinthes ou aux travaux se rapportant à celles-ci. Étant donné les questions de l'avocate de l'intimée, les dépenses supplémentaires, l'incapacité de l'appelante de me convaincre quant à la nature, au montant et au caractère raisonnable des dépenses supplémentaires, et son incapacité à en faire la preuve, je ne vais admettre que les montants qui ont été facturés, soit au total 4 787,82 $, à titre de frais médicaux, conformément à l'alinéa l.2).

                En résumé, l'appel est admis relativement à l'installation du plancher de bois franc (4 787,82 $) et relativement à l'installation du purificateur d'air (1 278,68 $).

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2001.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de mars 2002.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-313(IT)I

ENTRE :

JO-LYNNE RUSSELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 13 juin 2001 et jugement rendu oralement à l'audience

le 15 juin 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Pour l'appelante :                                 L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                           Me Nadine Taylor

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l'appelante a le droit de déduire les montants suivants à titre de frais médicaux pour l'année d'imposition 1998 :

          Plancher de bois franc                         4 787,82 $

          Installation d'un purificateur d'air         1 278,68 $

          L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2001.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de mars 2002.

Martine Brunet, réviseure




[1]           Bien qu'une ordonnance ne soit pas requise relativement à l'enlèvement de la moquette aux termes de l'alinéa l.2), je conclus que la prescription du Dr Coates relativement à l'enlèvement de la moquette appuie mes conclusions sur l'application de cet alinéa.

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