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Date: 20010103

Dossier: 98-1096-IT-G

ENTRE :

PAUL-AIMÉ JONCAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

P.R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation pour l'année 1992. Par cette cotisation, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a refusé à l'appelant la déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise de 245 614 $ résultant de la vente à la société Garage LBS Inc. ( « LBS » ) de toutes les actions du capital-actions de la société Trans Côte Inc. ( « Trans Côte » ) qu'il détenait.

Le litige

[2]            Le motif invoqué par le Ministre pour refuser de reconnaître la perte est que l'appelant et LBS avaient, dans les faits, un lien de dépendance au moment de la transaction. Pour que soit reconnue une perte au titre d'un placement d'entreprise lors de la disposition par un contribuable d'actions du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise, le sous-alinéa 39(1)c)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) exige que la disposition « soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance » .

[3]            Aux fins d'établir la cotisation, le Ministre a tenu pour acquis, notamment, les faits énoncés aux alinéas a) à x) du paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent :

a)              La corporation Trans Côte Inc. a été formée en 1987 et exerçait une entreprise de service de transport aérien à l'aéroport de Lourdes-de-Blanc-Sablon, province de Québec.

b)             Jusqu'au 31 décembre 1992, l'appelant possédait toutes les actions catégorie A (votantes et participantes) et toutes les actions catégorie B (non-votantes et non participantes) de Trans Côte Inc.

c)              La corporation 162481 Canada Inc. a été formée en 1988 et exerçait une entreprise d'entretien et réparation d'aéronefs et de vente de produits pétroliers à Lourdes-de-Blanc-Sablon, province de Québec.

d)             Au 31 décembre 1992, Trans Côte Inc. possédait toutes les actions catégorie A (votantes et participantes) de 162481 Canada Inc.

e)              Au 31 décembre 1992, les actions catégorie F (dividende préférentiel non cumulatif de 1.00$/action, non-votantes et non participantes) de 162481 étaient réparties comme suit: l'appelant (3 524 actions), Trans Côte Inc. (16 120 actions), 153760 Canada Inc. (15 031 actions) et Construction Joncas & Frères Inc. (9 322 actions).

f)              La corporation 153760 Canada Inc. a été formée en 1986 et était propriétaire d'aéronefs à Lourdes-de-Blanc-Sablon. Au 31 décembre 1992, la totalité de ses actions votantes étaient détenues par l'appelant.

g)             La corporation Garage LBS Inc. a été formée en 1986 et exerçait une entreprise de réparation et vente de pièces pour automobiles, cependant, depuis 1993, son seul revenu provenait de la location de son immeuble à Hydro-Québec.

h)             Au 31 décembre 1992, les actions catégorie A (votantes) de Garage LBS Inc. étaient réparties également entre l'appelant et monsieur Philippe Labadie.

i)               Au 31 décembre 1992, l'appelant possédait 70 982 actions catégorie G (non-votantes) dont 15 086 avaient été émises le 30 décembre 1992, et monsieur Philippe Labadie en possédait 55 896.

j)               L'appelant, pendant l'année en litige, exerçait deux entreprises: Gestion Paul-A. Joncas (gestion) et Paul-Aimé Joncas Enr. (location d'aéronefs).

k)              Le 26 novembre 1992, l'appelant, qui possédait 51 350 actions de catégorie B (non-votantes) du capital-actions de Trans Côte Inc. souscrivait à 114 166 autres actions de catégorie B (non-votantes) du capital-actions de Trans Côte Inc., en contrepartie l'appelant donnait quittance à Trans Côte Inc. d'une avance de 114 166$ qu'il lui avait consentie.

l)               Le 26 novembre 1992, l'appelant souscrivait à 41 770 actions de catégorie B (non-votantes) du capital-actions de Trans Côte Inc., en contrepartie l'appelant donnait quittance à Trans Côte Inc. d'une avance de 41 770$ qu'il lui avait consentie.

m)             Le 30 décembre 1992, l'appelant souscrivait à 15 086 actions de catégorie G (non-votantes) du capital-actions de Garage LBS Inc.

n)             Les seules cautions de Trans Côte Inc. concernant sa marge de crédit au montant de 115 000$ étaient l'appelant, 153760 Canada Inc. et 162481 Canada Inc.

o)             Au 31 décembre 1992 et au 31 décembre 1993, Trans Côte Inc. avait bénéficié des avances suivantes:

Avances de                                  31 décembre 1992                31 décembre 1993

sociétés apparentées

Constructions Joncas et frères              18 000$                                    1 259$

Gestion Paul-A. Joncas et frères           15 000$                                      0

153760 Canada Inc.                                  19 868$                                      0

Pec Nord                                                      940$                         0

Avance d'un particulier lié 55 250$

p)             Le 31 décembre 1992, l'appelant vendait à Garage LBS Inc. toutes les actions du capital-actions de Trans Côte Inc. (catégorie A et catégorie B) pour une contrepartie de 1.00$.

q)             Ainsi, l'appelant vendait 12 020 actions de catégorie A (votantes) dont le prix de base rajusté total était de 120 200$ et 207 286 actions de catégorie B (non-votantes) dont le prix de base rajusté total était de 207 286$.

r)              Selon l'évaluation des actions fournie par l'appelant, les actions de catégorie B avaient une valeur totale de 6 022$ tandis que les actions de catégorie A avaient une valeur nulle.

s)              L'appelant a donc réclamé, pour son année d'imposition 1992, une perte au titre d'un placement d'entreprise de 245 614$, représentant 75% de 327 486$

                (120 200$ + 207 286$).

t)              Cependant, le 31 décembre 1992, l'appelant a disposé de ses actions du capital-actions de Trans Côte Inc. en faveur d'une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance.

u)             L'appelant exerçait sur les activités et les décisions prises par Garage LBS Inc. une influence et un contrôle qui étaient disproportionnés à sa possession d'actions.

v)             L'appelant était, dans les faits, la personne qui a dirigé les deux parties à la transaction du 31 décembre 1992.

w)             Monsieur Philippe Labadie travaillait pour Construction St-Laurent Inc. et Construction Roger Dumas Inc., il n'a jamais été un employé de Garage LBS Inc., de Trans Côte Inc., de 153760 Canada Inc. ou de 162481 Canada Inc.

x)              Monsieur Philippe Labadie ne participait pas aux décisions concernant les achats, rachats ou émissions d'actions par Trans Côte Inc., par exemple, il n'était pas au courant que Trans Côte Inc. possédait les actions de catégorie A (votantes) de 162481 Canada Inc.

[4]            Ainsi l'appelant a, le 31 décembre 1992, disposé de toutes les actions du capital-actions de Trans Côte qui lui appartenaient en faveur de la société LBS dont il détenait alors 50 % des actions du capital-actions comportant le droit de vote. Monsieur Philippe Labadie détenait l'autre 50 % des actions du capital-actions comportant le droit de vote de cette société.

[5]            Selon les alinéas 15 t), u) et v) de la Réponse à l'avis d'appel, le Ministre a conclu que l'appelant et LBS avaient un lien de dépendance au moment de cette transaction en ce que l'appelant exerçait sur les activités et les décisions prises par LBS une influence et un contrôle disproportionnés à sa possession d'actions et que, dans les faits, il était la personne qui avait dirigé les deux parties à la transaction. Évidemment, l'appelant est en désaccord avec la conclusion du Ministre et nie les faits sur lesquels elle est fondée.

La preuve

[6]            L'appelant et monsieur Philippe Labadie ont témoigné. Pour l'intimée, monsieur Harold Bouchard et madame Jeannine Claveau, respectivement enquêteur et agent des appels à Revenu Canada au moment de la cotisation ainsi qu'au moment de l'opposition, ont témoigné.

[7]            L'appelant est médecin. De 1985 à la fin d'août 1993, il pratiquait sa profession au Centre de santé de la Basse-Côte-Nord ( « Centre de santé » ) à Lourdes-de-Blanc-Sablon ( « Blanc-Sablon » ) à quelques 1 800 kilomètres de Québec. L'appelant avait également des intérêts dans de multiples entreprises locales dans lesquelles il avait investi, que ce soit dans le domaine immobilier, la construction, la vente au détail (dépanneurs), l'aquaculture et le transport aérien.

[8]            Comme on le constate à la lecture de la Réponse à l'avis d'appel, les intérêts de l'appelant en rapport avec le transport aérien étaient répartis dans plusieurs sociétés et entreprises. D'abord, il était propriétaire de toutes les actions du capital-actions de la société exploitant le service de transport aérien, Trans Côte. Pour l'exploitation de son entreprise, Trans Côte utilisait des appareils appartenant à la société 153760 Canada Inc. ou à l'appelant lui-même qui exploitait sous les noms et raison sociale de Paul-Aimé Joncas Enr. Toutes les actions du capital-actions de la société 153760 Canada Inc. appartenaient à l'appelant. La société 162481 Canada Inc. exploitait une entreprise d'entretien et de réparations des appareils et faisait également la vente de carburant pour les avions. L'entreprise de la société était désignée comme le « Centre Aéro » . Toutes les actions comportant le droit de vote du capital-actions de cette société appartenaient à Trans Côte. Les actions privilégiées étaient réparties entre l'appelant, Trans Côte, la société 153760 Canada Inc. et Construction Joncas et Frères Inc. Finalement, signalons que les cautions pour la marge de crédit de Trans Côte étaient l'appelant lui-même et les sociétés 153760 Canada Inc. et 162481 Canada Inc.

[9]            Pour les besoins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire d'élaborer davantage sur les autres intérêts financiers de l'appelant à Blanc-Sablon, si ce n'est qu'il possédait également 50 % des actions catégorie A comportant le droit de vote du capital-actions de LBS, société à laquelle il a vendu ses actions de Trans Côte.

[10]          Trans Côte a été constituée en 1987 par l'appelant et un certain monsieur Pierre Duchesne, un homme d'affaires de Québec actif dans le domaine de l'aviation et ce, dans le but initial de pallier l'absence d'un service de transport aérien organisé pour fins d'évacuations médicales. Débutant avec un service de vols nolisés, Trans Côte a, par la suite, étendu ses activités et offert un vol régulier quotidien à Sept-Îles, de cinq à six jours par semaine.

[11]          Devenu seul actionnaire de Trans Côte vers la fin de 1988, l'appelant a affirmé qu'il ne s'occupait généralement pas des entreprises dans lesquelles il avait investi, y compris Trans Côte, puisqu'il consacrait tout son temps, de 120 à 150 heures par semaine à sa pratique médicale. C'est son frère, Armand Joncas, qui s'occupait notamment des activités courantes de Trans Côte et de sa filiale 162481 Canada Inc., bien que l'appelant en était le seul administrateur.

[12]          Dès 1988, l'appelant était avisé par la Corporation professionnelle des médecins du Québec ( « Corporation des médecins » ) d'une situation potentielle de conflit d'intérêts puisque d'une part, il était médecin prescripteur du transport aérien de certains patients du Centre de santé vers d'autres établissements et d'autre part, la société Trans Côte était liée par contrat au Centre de santé pour effectuer ce transport. Dans son témoignage, l'appelant affirme avoir entrepris des démarches pour vendre Trans Côte dès le moment que la Corporation des médecins l'eût avisé. Ainsi, dès 1989, deux pilotes d'avion et un mécanicien de Trans Côte auraient manifesté un intérêt et signé avec lui une promesse d'achat et de vente mais sans qu'une transaction puisse être complétée.

[13]          Selon l'appelant, toute cette question de conflit d'intérêts a fait l'objet non seulement d'un échange de lettres mais également de nombreuses discussions avec la Corporation des médecins pendant plusieurs années.

[14]          Le 4 octobre 1991 et alors que la situation était, semble-t-il, toujours la même, le Dr Lair de la Corporation des médecins avisait l'appelant qu'il avait été informé par un sous-ministre associé du ministère de la Santé et des Services sociaux que ce dernier croyait effectivement en l'existence d'un important conflit d'intérêts pour les raisons évoquées plus haut et en conséquence, qu'il avait l'intention de procéder à une enquête à cet égard.

[15]          Le 14 mai 1992, le Dr Lair écrivait à l'appelant pour lui faire part que les membres du Comité d'examen des plaintes de la Corporation des médecins ( « Comité d'examen des plaintes » ) désiraient le rencontrer pour lui communiquer les commentaires et recommandations à la suite de l'enquête effectuée par le Bureau du syndic. La rencontre eut effectivement lieu le 10 juin 1992.

[16]          Le 18 juin 1992, le Dr Lair écrivait à nouveau à l'appelant suite à la rencontre que ce dernier avait eu avec des membres du Comité d'examen des plaintes le 10 juin 1992. Dans cette lettre, le Dr Lair affirmait que lors de cette rencontre, l'appelant les avait informés qu'il avait vendu, rétroactivement au 1er janvier 1992, la compagnie Trans Côte et que dans le cadre de cette vente, un notaire avait été nommé fiduciaire. De façon à compléter son dossier d'enquête, le Dr Lair demandait donc une copie du contrat de vente à l'appelant.

[17]          Dans son témoignage, l'appelant a affirmé qu'il avait expliqué aux membres du Comité des plaintes qu'il n'avait qu'une offre d'achat et donc que les personnes rencontrées auraient faussement compris qu'il avait déjà vendu.

[18]          En réalité, en date du 27 février 1992, l'appelant avait signé une promesse de vente et d'achat avec la Coopérative de transport intégré de la Basse-Côte-Nord ( « Coopérative de transport » ) portant sur la totalité des actions du capital-actions de Trans Côte et de la société 153760 Canada Inc. qui lui appartenaient (pièce A-1, onglet 6). Le contrat portait également sur un avion de marque Beechcraft 1973 que l'appelant possédait personnellement. Le prix minimum stipulé au contrat pour la transaction était de 500 000 $ et l'acquéreur s'engageait à signer, simultanément avec l'acte de vente à intervenir, une convention de fiducie aux termes de laquelle le notaire Clément Côté devait être nommé fiduciaire avec mandat de détenir les actions vendues jusqu'à parfait paiement du solde de prix de vente.

[19]          L'acte de vente devait intervenir aussitôt que les états financiers des sociétés pour l'année terminée le 31 décembre 1991 seraient disponibles, soit vers la fin de mars 1992. Bien que la promesse de vente et d'achat n'était pas conditionnelle et qu'elle devait prendre effet le ler janvier 1992, une convention additionnelle signée le même jour stipule expressément son caractère conditionnel en ce qu'elle devait être approuvée par la Caisse populaire de Blanc-Sablon, la Fédération des Caisses populaires du Québec et la Société de développement industriel du Québec, dans un délai de 30 jours de la production des états financiers des sociétés concernées.

[20]          Dans une lettre signée par le Dr Lair et datée du 10 juillet 1992, celui-ci signale à l'appelant que le Comité des plaintes a résolu de lui faire parvenir par écrit ses remarques et recommandations suite à l'enquête du Bureau du Syndic. Le Dr Lair note également ce qui suit :

« Le Comité a pris bonne note que vous auriez vendu, rétroactivement au 1er janvier 1992, la compagnie d'avion Trans Côte à une coopérative de transport. »

[21]          Suite à une lettre de l'appelant en date du 3 août 1992, laquelle n'a pas été soumise en preuve, le Dr Lair fait la remarque suivante dans une lettre en date du 16 septembre 1992 :

« J'ai noté que « le contrat de vente du Groupe Trans Côte Inc. » était plutôt une promesse de vente et d'achat. Je présume, cependant, que vous avez effectivement vendu la compagnie Trans Côte Inc. et qu'un acte de vente définitif a eu lieu. »

[22]          Le 19 novembre 1992, le Dr Lair écrivait de nouveau à l'appelant pour l'informer de ce qu'il venait d'apprendre dans les termes suivants :

« J'ai récemment reçu une information du ministère de la Santé et des Services sociaux au fait que vous n'auriez pas vendu les intérêts que vous déteniez dans la compagnie aérienne signataire du contrat de transport au Centre de Santé de la Basse-Côte-Nord, compte tenu que des chèques émanant de cette compagnie portaient encore, à la fin d'août 1992, votre signature.

Je vous demanderais de me dire si vous avez effectivement conclu la vente de votre compagnie aérienne et, si tel était le cas, je désirerais obtenir une copie du contrat final concernant une telle vente. »

[23]          Le 12 décembre 1992[1], l'appelant répondait à la lettre du 19 novembre du Dr Lair en affirmant qu'il n'avait pas signé de chèque de Trans Côte en août 1992 et qu'il ne signait plus aucun chèque de cette société depuis plus de trois ans.

[24]          Quant à la question de la vente de Trans Côte, l'appelant se référait à une lettre du notaire Clément Côté au Dr Lair en date du 8 décembre 1992 expliquant le déroulement du dossier depuis le début. Dans cette lettre, dont copie était jointe à celle de l'appelant, le notaire Côté mentionnait la promesse de vente et d'achat de février 1989 à laquelle il n'y avait pas eu de suite. Il faisait également référence à une autre promesse de vente et d'achat avec Manit Innuat, une corporation représentant les conseils de bande des amérindiens de Mingan, Natashquan, La Romaine et St-Augustin. Cette promesse n'avait pas eu de suite non plus.

[25]          Dans sa lettre, le notaire Côté faisait également le point en rapport avec la promesse de vente et d'achat du 27 février 1992 avec la Coopérative de transport et il décrivait les démarches subséquentes. Il importe à cet égard de se référer directement au texte de la lettre du notaire Côté avec laquelle l'appelant semblait tout à fait en accord puisqu'il en joignait copie à sa propre lettre du 12 décembre 1992 au Dr Lair.

[26]          Aux pages 2 et 3 de la lettre du notaire Côté, on peut lire ce qui suit :

Le 27 février 1992, le Docteur Paul-Aimé Joncas a signé une promesse de vente et d'achat avec la Coopérative de Transport Intégré de la Basse Côte-Nord, aux termes de laquelle ladite Coopérative a promis d'acquérir 100% des actions de Trans Côte Inc. Cette transaction est conditionnelle à ce que les banquiers de la Coopérative, à savoir la Caisse Populaire Desjardins de Blanc-Sablon, la Fédération des Caisses Populaires Desjardins de Québec et la Société de Développement Industriel du Québec, donnent leur accord à sa réalisation et la transaction devait se finaliser aussitôt ledit accord obtenu, soit au cours du printemps 1992. Cette transaction est toujours en suspens car l'accord des banquiers n'a pas encore été obtenu. Le notaire soussigné a contacté en date de ce jour James Fequet, le directeur général de la Coopérative de Transport et ce dernier a affirmé au notaire soussigné que la Coopérative était toujours désireuse de se porter acquéreur de Trans Côte Inc. mais qu'elle devait pour ce faire procéder à une réorganisation financière de ses affaires, laquelle est actuellement en cours.

Le Docteur Paul-Aimé Joncas a affirmé au notaire soussigné qu'il croyait que, dès la signature de la promesse de vente et d'achat avec la Coopérative de Transport, ses actions dans Trans Côte Inc. étaient déposées en fiducie auprès du notaire soussigné en attendant que la transaction se concrétise. Ce n'est qu'au mois de septembre 1992 lors d'une mise à jour du dossier que le Docteur Joncas s'est rendu compte que ses actions n'avaient effectivement pas été déposées en fiducie et que la situation a alors été régularisée immédiatement. En effet, le 16 septembre 1992, le Docteur Paul-Aimé Joncas a déposé entre les mains du notaire soussigné, à titre de fiduciaire, toutes les actions de toutes les catégories qu'il détient dans le capital-actions de Trans Côte Inc. et des compagnies affiliées. Il s'agit d'une fiducie sans droit de regard, car Paul-Aimé Joncas a délégué au fiduciaire le droit de vote attaché aux actions, lequel est dorénavant exercé par le fiduciaire selon son seul jugement et à sa seule discrétion. De plus, le Docteur Joncas a démissionné dès lors comme administrateur de Trans Côte Inc.

Le Docteur Paul-Aimé Joncas a expressément déclaré au notaire soussigné qu'il n'est plus le signataire des chèques de Trans Côte Inc. depuis au moins trois ans, le seul signataire des chèques au cours de ladite période étant Armand Joncas, lequel a agi comme gérant général de la compagnie au cours de cette même période et jusqu'à ce jour.

Suite au retard dans la réalisation de la transaction avec la Coopérative de Transport, Armand Joncas a décidé de mettre en vente Trans Côte Inc. au moyen d'un appel d'offres dans les journaux spécialisés. En septembre 1992, un avis d'appel d'offres a été publié dans trois journaux, à savoir le Nord-Est, L'Aviateur et Canadian Operator et cet avis d'appel d'offres a été publié mensuellement par la suite, à savoir en octobre, novembre et décembre 1992 dans L'Aviateur.

Suite à cette publicité, plusieurs groupes ont contacté Trans Côte Inc. pour avoir des informations, à savoir le groupe Gamac de Roberval, le groupe Somnipair de Montréal, Confortair de Sept-Îles et Triton Airlines de St-John, Newfoundland.

En novembre 1992, une rencontre formelle a eu lieu avec le groupe Gamac, de Roberval, lequel est contrôlé par des amérindiens. Des discussions sont toujours en cours avec ce dernier groupe.

Vous constatez que le Docteur Paul-Aimé Joncas a tenté de bonne foi à plusieurs reprises de vendre son entreprise et qu'à chaque fois se sont les acheteurs qui se sont désistés. Actuellement, le gérant général continue les démarches avec les groupes intéressés.

[27]          Cette lettre nous apprend qu'en date du 8 décembre 1992, la transaction avec la Coopérative de transport était toujours en suspens, que des appels d'offres pour la vente de Trans Côte avaient été publiés dans des journaux spécialisés, que plusieurs groupes identifiés avaient contacté Trans Côte et même qu'une rencontre formelle avait déjà eu lieu avec un groupe contrôlé par des amérindiens.

[28]          La lettre ne fait aucune mention de Philippe Labadie et de son intérêt d'acquérir Trans Côte, intérêt qu'il aurait manifesté, selon l'appelant, dès l'été 1992. En effet, dans son témoignage, l'appelant a affirmé que monsieur Philippe Labadie lui aurait téléphoné au cours de l'été 1992 pour lui dire qu'il était intéressé à acheter Trans Côte ou le groupe de sociétés reliées au transport aérien sans toutefois procéder à une offre d'achat. Selon l'appelant, entre l'été et le mois de décembre, il y aurait sûrement eu des discussions puisque monsieur Labadie lui aurait signifié qu'il avait l'intention de procéder à l'achat par l'entremise de LBS et lui aurait demandé s'il avait des objections concernant cette façon de faire.

[29]          L'appelant a laissé entendre que c'était monsieur Labadie qui prenait les décisions dans LBS, qu'il lui faisait confiance et qu'il approuvait ses décisions par la suite. Selon l'appelant, monsieur Labadie aurait notamment consulté le notaire Côté et son frère, Armand Joncas, concernant cette acquisition. L'appelant a dit que se serait le notaire Côté, un de ses conseillers juridiques, comme il l'a désigné, et aussi, sûrement, sa comptable fiscaliste, madame Lise Gauthier, qui auraient préparé et proposé la formule pour établir le prix de vente des actions que l'on retrouve au contrat. Toutefois, selon l'appelant, sa décision finale de vendre à LBS aurait été prise quelques semaines, peut-être un mois avant la transaction. Or, celle-ci a eu lieu le 28 décembre 1992 pour prendre effet le 31 décembre 1992.

[30]          Or, ni la lettre de l'appelant au Dr Lair en date du 12 décembre 1992 ni celle du notaire Côté en date du 8 décembre 1992 ne mentionnaient cette transaction avec LBS. Dans son témoignage, l'appelant à qui on a signalé le fait qu'il y avait toujours en décembre 1992 des avis dans des journaux spécialisés pour vendre le groupe Trans Côte, a répondu qu'il avait dit au notaire Côté de tout faire pour vendre tout ce qui était relié à l'aviation. Comme il avait reçu dans le passé d'autres offres qui n'avaient pas eu de suite et qu'il lui fallait « trouver une solution » , il s'agissait de poursuivre toutes les démarches possibles pour vendre puisqu'il ne voulait pas, à ce moment, abandonner la pratique de la médecine à Blanc-Sablon. Un extrait de son témoignage illustre bien le sérieux et l'urgence de la situation :

Q. On dit : « À vendre Trans Côte inc., compagnie d'aviation basée à Lourdes-de-Blanc-Sablon, avec permis . . . Voici la liste des items qui appartiennent à cette dernière. » Et là, il y a un, deux, trois, quatre, quatre avions, un garage, bureau, entrepôt, pièces, outillage, installation diesel, comptoir à billets, et cetera. Je comprends que vous, vous ne voulez pas vendre seulement Trans Côte et puis la compagnie 160, là, les avions, ce n'est pas à 160?

R. Je voulais tout vendre. Je voulais tout vendre.

Q. Vous voulez vendre aussi 153760?

R. Tout ce qui avait lien à l'aviation, j'avais donné le mandat à maître Côté de tout vendre c'est quoi qui avait lien à l'aviation.

Q. Donc vous voulez vendre Trans Côte, 162481, 153760?

R. Tout, tout.

Q. Et les avions vous appartenant?

R. J'ai dit à maître Côté de tout vendre c'est quoi dans lequel j'étais impliqué dans l'aviation. Qui avait un lien avec l'aviation et le Centre de santé.

Q. Même l'avion que vous aviez personnellement et que vous louez à Trans Côte?

R. J'ai pas dit ça de même, là, j'ai dit de tout vendre. C'est maître Côté, et si je vois bien, là c'est Armand Joncas qui a fait l'annonce, c'était après l'entiercement de mes actions, cette annonce-là. O.K.? Puis moi, j'étais . . ., c'est pas moi qui ai écrit l'annonce, j'ai pas . . .

Q. À qui vous avez dit ça, à Armand Joncas ou à . . .?

R. J'ai dit à maître Côté que, puis maître Côté était au courant parce qu'on avait eu de nombreuses discussions au cours des années, maître Côté est quand même un notaire sur la Côte, qu'il fallait tout vendre, c'était, je sentais que j'étais de plus en plus . . . Puis on voyait pas d'amélioration au niveau des médecins, donc je serais, j'avais le choix, il fallait que je continue à signer des transports ou que j'abandonne la médecine tout de suite à Blanc-Sablon[2].

                                                                                                                                [Je souligne.]

                                                                               

[31]          L'appelant a également signalé le fait que LBS n'avait pas les moyens d'acheter la société 153760 Canada Inc. qui possédait les avions et ainsi que la vente des seules actions du capital-actions de Trans Côte n'était pas la solution idéale, mais bien le moindre mal. D'ailleurs, on perçoit très nettement dans son témoignage, non seulement la pression ressentie mais aussi la nécessité de trouver une solution à très court terme.

[32]          Le prix indiqué au contrat avec LBS pour la vente des actions de Trans Côte avait été fixé à 1 $ pour les actions comportant le droit de vote et à 80 000 $ pour les actions privilégiées (catégorie B). Ce montant devait cependant être rajusté selon la formule suivante :

« Deux cent soixante-et-un mille dollars (261 000 $) plus l'actif à court terme moins le passif à court et à long terme, tels que déterminés aux états financiers de Trans Côte Inc. au 30 décembre 1992 » (pièce A-1, onglet 8, page 2).

[33]          Interrogé sur l'acceptation de ce prix, l'appelant a affirmé n'avoir pas eu l'impression de vendre ses actions pour 1 $ mais pour 1 $ plus un prix à être déterminé subséquemment. Pourtant, dans sa déclaration de revenu pour 1992, il est indiqué à l'annexe A que le produit de disposition des actions de catégorie A (ordinaires) est de 1 $ et que celui des actions de catégorie B (privilégiées) est de 0 $ (pièce I-1, annexe A). Lors de son témoignage, l'appelant a affirmé que sa déclaration de revenu avait été produite par sa comptable fiscaliste, madame Lise Gauthier, qui avait été autorisée à signer pour lui. La déclaration est effectivement signée par madame Gauthier. Toutefois, l'appelant a dit qu'il croyait se souvenir qu'il y avait eu par la suite un amendement à cette déclaration pour refléter le prix déterminé selon la formule inscrite au contrat concernant les actions privilégiées de catégorie B, soit un montant d'environ 6 000 $. Dans son témoignage, l'appelant a affirmé que ce montant, plus des intérêts, aurait été payé le 24 août 1995.

[34]          Lorsqu'il a été interrogé à nouveau par son avocat concernant la décision de vendre ses actions de Trans Côte à LBS, l'appelant s'est exprimé dans les termes suivants :

« Je pense que . . . , bien, il y avait une décision, il y avait une « promesse » , entre guillemets, verbale d'achat. Mais comme j'ai dit plus tôt, tant que c'était pas signé, et même après la signature, je voulais continuer la démarche de vente. Et c'est la raison pour laquelle probablement qu'ils ont continué à publier parce qu'on avait eu plusieurs promesses qui avaient jamais . . . , même on avait eu des promesses écrites, là, on avait une promesse qui avait jamais abouti à un document de vente. Mon but était, puis même, pour faire un petit peu l'historique, même après la vente de Trans Côte au Garage LBS, Philippe avait eu le mandat de vendre les actifs de Trans Côte et de continuer cette démarche-là qui aboutit en 1998 à la vente du groupe Trans Côte. Puis pour moi, c'était clair, il fallait que je . . . , d'abord, un, j'avais plus d'intérêt là-dedans puis deux, ça me créait des problèmes, puis trois, il y avait une compagnie aérienne sur la Basse Côte-Nord qui pouvait offrir du service de transport aérien et qui pouvait offrir des évacuations médicales. L'objectif avait été atteint.[3] »

                                                                                                                                [Je souligne.]

                                                                               

[35]          À ce stade, il importe de noter que de tels propos donnent nettement l'impression que la vente à LBS n'était vue que comme une étape transitoire organisée dans le but de diminuer, ne serait-ce que momentanément, les pressions exercées par la Corporation des médecins.

[36]          Un certain nombre d'autres événements survenus autant avant qu'après la transaction avec LBS, sont également importants à rappeler pour bien en illustrer le contexte.

[37]          Ainsi, le 16 septembre 1992, l'appelant démissionnait de son poste d'administrateur de Trans Côte. Le même jour, son frère, Armand Joncas, était nommé administrateur par résolution du notaire Clément Côté qui signe une résolution comme seule personne habile à voter à l'égard des actions détenues par l'appelant et ce, au terme d'une convention d'entiercement de ses actions du capital-actions des sociétés Trans Côte et 153760 Canada Inc., signée par l'appelant le jour même et par le notaire Côté, deux jours plus tard, soit le 18 septembre 1992. Par cette convention, l'appelant désignait le notaire Côté, fiduciaire des actions faisant l'objet de l'entiercement avec pouvoir d'exercer, le cas échéant, le droit de vote s'y rapportant selon son seul jugement et à sa seule discrétion. La convention devait durer au maximum cinq ans et prendre fin à la date de la vente ou du transfert des actions entiercées. Signalons de plus que l'appelant pouvait exiger la démission du fiduciaire pour toute raison jugée valable. Dans son témoignage, l'appelant a affirmé qu'il n'avait pas, jusqu'alors, remarqué que ce pouvoir avait été inscrit à la convention.

[38]          Les actions faisant l'objet de la convention d'entiercement sont décrites comme étant 12 020 actions de catégorie A et 207 286 actions de catégorie B du capital-actions de Trans Côte ainsi que 11 020 actions de catégorie A et 3 980 actions de catégorie B du capital-actions de la société 153760 Canada Inc., toutes détenues par l'appelant. Or, à la date de la convention, seulement 5 135 actions de catégorie B du capital-actions de Trans Côte avaient été émises.

[39]          C'est le 25 novembre 1992 que les 5 135 actions de catégorie B du capital-actions de Trans Côte étaient subdivisées, à raison de dix pour une, en 51 350 actions de la même catégorie suite à un certificat de modification des statuts de la société en date du 16 novembre 1992.

[40]          De plus, le 26 novembre 1992, deux créances de l'appelant envers Trans Côte au montant de 114 166 $ et de 41 770 $ respectivement, étaient transformées en 155 936 actions privilégiées de catégorie B portant ainsi le total des actions émises de cette catégorie à 207 286 soit précisément le nombre d'actions de cette catégorie B ayant fait l'objet de la convention d'entiercement du 16 septembre 1992. Il était difficile d'entiercer des actions qui n'avaient pas encore été émises ou encore qui n'avaient d'existence légale qu'après l'obtention d'un certificat de modification qui n'a été obtenu que plus tard, mais enfin. Il est tout de même permis de penser que ces différentes opérations ont été effectuées dans la perspective d'une vente. Il est vrai que la situation juridique se devait d'être régularisée puisque les états financiers, pour la période se terminant le 31 décembre 1990, faisaient état que le fractionnement des actions de catégorie B avait été effectué au cours de cette période, tout comme l'avait d'ailleurs été l'émission de 114 166 nouvelles actions de cette catégorie.

[41]          Le 23 décembre 1992, l'appelant et Philippe Labadie signaient à titre d'administrateurs de LBS, une résolution autorisant la société à acquérir toutes les actions du capital-actions de Trans Côte possédées par l'appelant selon le projet de contrat approuvé. Philippe Labadie était autorisé à signer les documents dont le contrat de vente au nom de la société. La résolution contient également les éléments essentiels que l'on retrouve au contrat lui-même signé le 28 décembre 1992 dont le prix de vente et la formule de rajustement du prix de 80 000 $ fixé pour les actions privilégiées de catégorie B. La clause portant sur le paiement du prix de vente en huit versements annuels égaux et consécutifs débutant le 31 décembre 1993 de même que la clause stipulant les intérêts payables sur le solde inscrit au contrat, sont également mentionnées dans la résolution.

[42]          Le 28 décembre 1992, l'appelant et LBS, celle-ci étant représentée par monsieur Philippe Labadie, signaient l'acte de vente à LBS de la totalité des actions du capital-actions de Trans Côte possédées par l'appelant. La vente devait prendre effet le 31 décembre 1992.

[43]          Interrogé sur l'existence de documents légaux additionnels qui auraient été signés chez son notaire, l'appelant a fourni une réponse qui traduit bien, à mon avis, ses préoccupations face aux demandes de la Corporation des médecins. La voici :

Il y a eu. . ., attendu que là, bien, le Garage LBS devenait l'actionnaire du groupe Trans Côte, et que j'étais quand même actionnaire, la Corpo était heureuse mais partiellement heureuse parce que j'avais diminué mon exposition de moitié, je contrôlais plus Trans Côte, mais qu'elle demandait quand même qu'on garde le départ qui était l'entiercement des actions, et qu'on garde aussi en vue qu'il faut que je vende le reste des actions. Il faut que je trouve pour non pas seulement, ils disaient « Diminish your exposure » , diminuer mon exposition, mais l'éliminer tout doute complètement.[4]

                                                                                                                                [Je souligne.]

[44]          Aucune correspondance avec la Corporation des médecins après la transaction n'a été soumise en preuve. On se demande quand et comment l'appelant a informé la Corporation des médecins de la vente de ses actions du capital-actions de Trans Côte à LBS. On se demande aussi en quels termes exacts la Corporation des médecins aurait réagi et formulé ses nouvelles exigences.

[45]          Pour le moment, signalons de plus qu'en date du 28 décembre 1992, soit le même jour que celui de la transaction, l'appelant démissionnait de son poste d'administrateur de LBS et était remplacé par son frère, Armand Joncas.

[46]          Le 30 décembre 1992, l'appelant et le notaire Clément Côté signaient un amendement à la convention d'entiercement des actions intervenue le 18 septembre 1992 dans le but de substituer les actions détenues par l'appelant dans LBS à celles de Trans Côte qu'il venait de vendre à LBS. L'amendement de la convention d'entiercement précise qu'elle devait être d'une durée initiale de dix ans avec prorogation possible de cinq ans mais qu'elle devait prendre fin lors de la vente ou du transfert des actions entiercées ou encore « à compter du moment où l'actionnaire ne prescrira plus de subventions au transport de personnes qu'il traite en sa qualité de médecin » .

[47]          Malgré le fait que l'appelant ait démissionné de son poste d'administrateur de LBS, c'est lui qui a signé la déclaration de revenu de LBS pour l'année d'imposition 1992 en tant qu'administrateur et ce, en date du 22 juin 1993. Dans son témoignage, l'appelant a affirmé qu'il s'agissait là d'une erreur, le comptable ayant préparé les états financiers joints à la déclaration, monsieur André Maltais, n'étant vraisemblablement pas au courant qu'il n'était plus administrateur. Toutefois, il est à noter que ces états financiers de LBS pour la période terminée le 31 décembre 1992, font état de l'achat des actions du capital-actions de Trans Côte (120 200 actions ordinaires et 207 286 actions privilégiées de catégorie B) « pour la valeur symbolique de 1 $ » (pièce I-4, page 7 des états financiers).

[48]          L'appelant a continué à pratiquer la médecine à Blanc-Sablon jusque vers la mi-août 1993. À ce moment, il a quitté pour Ottawa afin d'y poursuivre des études en économie de la santé, études qui se sont poursuivies au niveau de la maîtrise en Angleterre l'année suivante. En août 1995, l'appelant s'est installé à Québec pour y pratiquer à nouveau sa profession, « surtout au niveau des urgences » . Dans son témoignage, il a dit retourner pratiquer la médecine à Blanc-Sablon, de deux à trois mois par année depuis 1998, soit depuis « la vente complète de Trans Côte » .

[49]          Qu'en est-il maintenant de la situation de monsieur Philippe Labadie et de son rôle dans la transaction entre l'appelant et LBS ?

[50]          Monsieur Philippe Labadie s'est décrit comme opérateur de machinerie lourde, métier qu'il exerce depuis 1975 et également comme homme d'affaires. Vers 1983, après avoir travaillé dans l'Ouest du pays et y avoir été propriétaire d'une entreprise, monsieur Labadie s'installait à Blanc-Sablon. En 1985, il acquérait un intérêt de 50 % dans une entreprise qui exploitait une station service. Une participation de 50 % dans cette entreprise a été par la suite acquise par l'appelant qui désirait investir. Dans son témoignage, l'appelant affirme qu'il connaissait monsieur Labadie et que celui-ci était un jeune homme actif qui avait bien réussi. Comme l'appelant était lui-même originaire de Blanc-Sablon et qu'il y était revenu pour pratiquer la médecine, il cherchait aussi à y faire des placements. Il avait donc décidé d'investir dans cette entreprise. En 1987, l'appelant et monsieur Labadie vendaient l'entreprise à LBS qu'ils venaient de constituer en société et devenaient actionnaires en parts égales. À l'activité initiale de mécanique automobile, on a, par la suite, ajouté celles de débosselage, de peinture, de mécanique diesel et de montage de transmissions de bateaux. Si l'appelant et monsieur Labadie étaient tous deux administrateurs de la société, c'est monsieur Labadie, seul, qui s'occupait des opérations courantes de la société. Son comptable d'alors, monsieur James Féquet dressait les états financiers et monsieur Labadie était jusque là le seul signataire de la déclaration de revenu. Les états financiers pour l'exercice terminé le 31 décembre 1991 et la déclaration de revenu pour la même année confirment ces faits (pièce I-5).

[51]          Au cours de son témoignage, monsieur Labadie a fait part de ses autres intérêts à Blanc-Sablon et notamment du fait qu'il avait ouvert un magasin de sports en 1990. On ne sait pas ce qui est advenu de cette entreprise. Il a aussi affirmé qu'il avait été actionnaire et administrateur d'un certain nombre d'entreprises et, plus particulièrement, membre du conseil d'administration de la Coopérative de transport qui s'était montrée intéressée à acquérir le groupe Trans Côte en février 1992.

[52]          Quant à LBS, suite à une réduction sensible sinon une interruption des activités de pêche dans la région, ses revenus (à l'exception des revenus de location d'une partie de ses locaux à Hydro-Québec), avaient considérablement diminué au cours des années, passant de 106 000 $ en 1990, à 67 000 $ en 1991 et à 44 000 $ en 1992. En 1993, soit après la transaction en litige, ils n'étaient plus que de 2 329 $.

[53]          Compte tenu de cette réduction des activités de LBS, monsieur Philippe Labadie travaillait au cours des mêmes années du mois de mai au mois de septembre comme opérateur de machinerie lourde et mécanicien pour différentes entreprises de construction. Pendant les autres mois de l'année, il recevait des prestations d'assurance-chômage et travaillait occasionnellement au garage pour LBS sans toutefois recevoir de salaire. Parfois, il engageait un aide-mécanicien. Comme les activités du garage étaient réduites et qu'il était donc disponible, monsieur Labadie a affirmé qu'il n'avait aucun problème à partir s'il se trouvait un emploi ailleurs. Pendant ses absences prolongées, il n'y avait aucune activité au garage. D'ailleurs, les états financiers de LBS pour l'année terminée le 31 décembre 1992 ne mentionnent ni salaire ni avantages sociaux à qui que ce soit (pièce I-4).

[54]          Peu de temps après l'achat des actions du capital-actions de Trans Côte par LBS, soit en mars 1993, monsieur Labadie a accepté à nouveau un emploi comme opérateur de machinerie lourde, cette fois pour un projet hydro-électrique au lac Robinson à environ 150 kilomètres à l'ouest de Blanc-Sablon. Son emploi à cet endroit se serait prolongé jusqu'en septembre ou octobre 1993. En 1994 et en 1995, au cours des mois d'avril ou mai au mois de septembre de chacune des années, monsieur Labadie a occupé le même emploi sur le même chantier. Ainsi, il a affirmé n'avoir fait qu'occasionnellement de la mécanique au garage à compter de 1993 puisque la « pêche était quasiment fermée » et que les activités du garage n'étaient pas rentables. En effet, comme il travaillait à l'extérieur comme opérateur de machinerie lourde pour 25 $ de l'heure et qu'il se faisait payer également 25 $ de l'heure au garage, il a affirmé qu'il n'y avait plus d'argent à faire là, dû au fait que les pièces et l'outillage requis coûtaient « une fortune » .

[55]          Dans son témoignage, monsieur Labadie a affirmé que c'était comme membre du conseil d'administration de la Coopérative de transport qu'il avait appris l'existence d'une offre d'achat et de vente entre la Coopérative de transport et l'appelant en 1992. Selon lui, l'offre visait les actions de Trans Côte et celle de la société 162481 Canada Inc., la société qui exploitait le Centre Aéro, c'est-à-dire, qui faisait la vente de carburant ainsi que l'entretien et la réparation des avions. Selon lui, cette offre n'aurait pas porté sur les appareils, lesquels auraient possiblement fait l'objet d'une offre distincte de la première. Monsieur Labadie a affirmé que la Coopérative de transport était intéressée à acheter les actions de Trans Côte et de la société 162481 Canada Inc. parce que « cela ne valait pas grand-chose » . Incapable de préciser pour quel montant l'offre avait été faite, il s'est contenté de dire que le prix n'avait pas été déterminé et de répéter à plusieurs reprises « que cela ne valait pas grand-chose » .

[56]          Selon monsieur Labadie, la Coopérative de transport aurait finalement refusé de s'engager par manque de financement puisqu'elle devait également acquérir les avions pour faire le transport sur la Basse-Côte-Nord. Il a affirmé qu'il avait vu les états financiers et avait constaté que Trans Côte avait subi de grosses pertes l'année précédente. Il a affirmé qu'il avait pu, par la suite, établir avec André Maltais, le comptable qui s'occupait désormais de ses affaires personnelles, que Trans Côte et la société exploitant le Centre Aéro, « ensemble cela ne valait pas cher » . Je signale ici que dans son témoignage, l'appelant a affirmé qu'il connaissait monsieur Maltais qui était C.M.A. (comptable en management accrédité), que celui-ci s'occupait d'à peu près toutes les entreprises à Blanc-Sablon y compris certaines de ses propres entreprises.

[57]          Puisque la Coopérative de transport avait un problème de financement, monsieur Labadie aurait alors approché l'appelant pour faire une offre, une proposition pour l'achat de Trans Côte. Toutefois, dans son témoignage, il n'a jamais indiqué pour quel montant il aurait fait cette offre ou cette proposition, se contentant de répéter à plusieurs reprises « que ça ne valait pas grand-chose » .

[58]          Rappelant que les revenus du garage avaient baissé, monsieur Labadie a affirmé que ce qui l'intéressait, en réalité, c'était la vente de carburant du Centre Aéro de même que le transport par avion des pièces pour le garage afin de donner un meilleur service aux clients. Toutefois, par la suite, il a affirmé qu'il voulait vendre les actifs de Trans Côte ainsi que ceux du Centre Aéro pour ne conserver que la vente de carburant pour les avions. L'avantage du transport des pièces par avion n'aurait donc été considéré que temporaire en attendant la vente des actifs de Trans Côte et du Centre Aéro. Dans son témoignage, monsieur Labadie a affirmé qu'il voulait vendre et qu'il savait qu'il était capable de vendre le groupe Trans Côte. Je me permettrai de remarquer simplement ici que l'appelant lui-même avait déjà tenté de vendre à maintes reprises mais sans succès depuis plusieurs années.

[59]          C'est avec monsieur Armand Joncas, le frère de l'appelant que monsieur Labadie a affirmé avoir négocié l'achat des actions par LBS. Aucun prix, ni aucune condition n'ont toutefois été mentionnés. Le seul prix auquel il a été fait référence lors du témoignage de monsieur Labadie est celui indiqué au contrat du 28 décembre 1992, soit 1 $ pour les actions ordinaires et 80 000 $ pour les actions privilégiées, prix qui devait être rajusté selon la formule déjà mentionnée plus haut et libellée dans les termes suivants :

« . . . 261 000 $ plus l'actif à court terme moins le passif à court et à long terme, tels que déterminés aux états financiers . . . au 30 décembre 1992 » .

[60]          Selon monsieur Labadie, c'est le notaire Côté qui aurait proposé la formule. Dans un document produit par la suite aux autorités fiscales par l'appelant, le rajustement fera en sorte que le prix payé pour les actions privilégiées sera réduit de 80 000 $ à 6 022 $ seulement. Toutefois, lors de son témoignage, monsieur Labadie a admis qu'il ne savait pas quel serait le prix final au moment de la signature du contrat. Il a simplement affirmé que la formule lui était apparue raisonnable après qu'il l'eût examinée avec son comptable, monsieur André Maltais. Il s'est contenté de répéter qu'à cause des pertes des années antérieures, il savait « que cela ne valait pas grand-chose » et que son comptable lui avait affirmé que c'était « raisonnable » , qu'il n'y avait « pas de problème avec ça » , que « ça allait être bon » et que cela avait « du bon sens » .

[61]          Quant aux actions acquises, monsieur Labadie a affirmé lors de son témoignage qu'il s'agissait de toutes les actions ordinaires et privilégiées du capital-actions de Trans Côte, lesquelles appartenaient à l'appelant de même que toutes les actions ordinaires et privilégiées du capital-actions de la société 162481 Canada Inc. exploitant le Centre Aéro, lesquelles appartenaient toutes à Trans Côte. Manifestement, monsieur Labadie ignorait que des actions privilégiées de la société 162481 Canada Inc. appartenaient non seulement à Trans Côte mais également à l'appelant et à deux autres sociétés, soit la société 153760 Canada Inc. et Construction Joncas et Frères Inc.

[62]          Lors de son témoignage, monsieur Labadie a mentionné que suite à la transaction du 28 décembre 1992 entre LBS et l'appelant, ce dernier avait démissionné de son poste d'administrateur de LBS et avait été remplacé par son frère, Armand Joncas, parce que, selon monsieur Labadie, le notaire Côté était d'avis qu'il « checkerait » les affaires pour l'appelant et verrait en quelque sorte à ses bons placements.

[63]          Il importe de préciser ici qu'entre la transaction du 28 décembre 1992 et la prise d'effet du contrat, 15 086 nouvelles actions privilégiées du capital-actions de LBS ont été émises à l'appelant en date du 30 décembre 1992 (pièce A-1, onglet 14). Bien qu'il n'ait pu initialement expliquer cette émission d'actions lors de son contre-interrogatoire, monsieur Labadie a, le lendemain, et avec l'aide de l'avocat de l'appelant, mentionné qu'il s'agissait de la conversion de sommes déjà dues aux administrateurs et qu'en réalité, l'émission de 15 086 actions à l'appelant était une erreur faite par le notaire Côté puisque l'émission aurait dû être en parts égales entre lui et l'appelant pour environ 7 500 actions chacune.

[64]          Après la transaction, monsieur Labadie a dit qu'il se serait occupé « un peu » de LBS jusqu'en mars 1993, alors qu'il a accepté l'emploi d'opérateur de machine lourde au Lac Robinson jusqu'en septembre ou octobre de la même année. Il a affirmé avoir occupé le même emploi pour six à sept mois consécutifs au cours de chacune des années 1994 et 1995 et n'être revenu définitivement à Blanc-Sablon qu'en septembre 1995. Les raisons invoquées pour cette décision d'accepter un emploi à l'extérieur ont été que monsieur Armand Joncas s'occupait de Trans Côte et qu'il n'avait pas vraiment besoin de lui, que Trans Côte allait bien, faisait de l'argent et que lui-même, finalement, n'avait pas besoin d'être là puisque monsieur Armand Joncas était sur place et qu'il faisait du bon travail.

[65]          Dans son témoignage, monsieur Labadie a dit s'être occupé de Trans Côte vers la fin de 1996 et en 1997. Il se serait impliqué d'abord en rapport avec un projet de réseau secondaire de transport aérien avec Transport Québec, projet qui nécessitait entre autres, la construction de nouvelles pistes d'atterrissage. Ce projet n'eut pas de suite et entraîna, selon monsieur Labadie, de nombreux problèmes dont des poursuites judiciaires non encore résolues. Ayant dit avoir toujours eu l'intention de vendre Trans Côte ainsi que le Centre Aéro, monsieur Labadie a affirmé s'être ensuite occupé des négociations avec la société Régionair qui s'était montrée intéressée. Ainsi, en 1997, il y aurait d'abord eu la vente de l'achalandage de Trans Côte ainsi que de la bâtisse utilisée par le Centre Aéro. Dans un deuxième temps et toujours en 1997, Régionair aurait accepté d'acheter les pièces du Centre Aéro. Concernant ces transactions, monsieur Labadie a déposé un document qui aurait été préparé selon ses instructions en 1997, et qui fait état d'une proposition et des points à négocier pour la vente des actifs de Trans Côte et du Centre Aéro. Finalement, selon monsieur Labadie, la distribution du carburant qui ne faisait pas partie des ententes avec la société Régionair aurait été cédée également en 1997, à une société du nom de Handair reliée à la pétrolière Esso. On se souviendra que l'appelant a plutôt situé la vente des actifs de Trans Côte en 1998.

[66]          Monsieur Harold Bouchard, vérificateur à Revenu Canada à l'époque pertinente, a débuté sa vérification des affaires de l'appelant en juillet 1996. Dans le cadre de cette vérification, il a notamment contacté monsieur Labadie par téléphone en rapport avec l'achat des actions du capital-actions de Trans Côte par LBS. Selon lui, lors d'une conversation téléphonique en date du 16 juillet 1996 (voir pièce I-7), monsieur Labadie lui aurait déclaré avoir été associé avec l'appelant et qu'ils avaient acquis Trans Côte pour rien car il n'y avait rien là-dedans à l'exception de deux « fax » . Selon monsieur Bouchard, monsieur Labadie n'était pas au courant que Trans Côte possédait la société 162481 Canada Inc. et qu'il pensait que cette dernière société possédait le garage de Trans Côte. Monsieur Labadie aurait également affirmé à monsieur Bouchard que LBS n'avait jamais fait de profit et était inopérant depuis quatre ans, qu'une partie des locaux était louée à Hydro-Québec, que lui-même y faisait parfois des petits travaux de mécanique et des commandes de pièces, qu'il n'avait pas travaillé pour Trans Côte et que c'est l'appelant qui s'en occupait. Enfin, monsieur Labadie lui aurait dit qu'il avait travaillé pour des compagnies de construction au cours des trois dernières années.

[67]          Compte tenu également des informations obtenues jusque-là de différentes autres personnes dont l'appelant, et de l'échéance prochaine du délai pour émettre une nouvelle cotisation pour l'année 1992, monsieur Bouchard procéda à la cotisation à l'égard de l'appelant, en date du 23 août 1996.

[68]          La décision de monsieur Bouchard de refuser la perte au titre d'un placement d'entreprise à l'égard de la vente des actions du capital-actions de Trans Côte à LBS a été fondée plus particulièrement sur le fait qu'il considérait que l'appelant avait été responsable de la négociation pour les deux parties à la transaction, que Philippe Labadie n'avait aucun intérêt réel à cette transaction, que l'appelant avait utilisé une société inopérante, LBS, pour réaliser cette transaction et qu'en réalité, il continuait de contrôler Trans Côte à cause de son contrôle des autres sociétés reliées au transport aérien vu l'interdépendance des activités de chacune. Selon lui, le but de la transaction pour l'appelant était de réaliser une perte afin de réduire ses revenus professionnels tout en conservant, dans les faits, le contrôle de Trans Côte et de sa filiale, la société 162481 Canada Inc. exploitant le Centre Aéro.

[69]          Lors de son témoignage, monsieur Bouchard a admis n'avoir pas été au courant des problèmes de l'appelant avec la Corporation des médecins ni de ses efforts antérieurs pour se départir de Trans Côte.

[70]          C'est madame Jeannine Claveau, agent des appels à Revenu Canada, qui a pris en charge le dossier de l'appelant en juin 1997 suite à la réception de son avis d'opposition. Aux fins de son analyse, elle a, en présence de son conseiller technique, monsieur Benoit Roberge, rencontré l'appelant et sa représentante, madame Lise Gauthier, en décembre 1997. Au cours de cette rencontre, l'appelant aurait relaté les circonstances ayant mené à la vente des actions du capital-actions de Trans Côte, soit la question du conflit d'intérêts soulevée par la Corporation des médecins, les démarches pour vendre à compter de 1990, l'échec de ces démarches et l'intérêt manifesté par Philippe Labadie lors d'un déjeuner. Selon ce que l'appelant aurait déclaré à madame Claveau, monsieur Labadie cherchait à améliorer sa situation au point de vue du travail qui se faisait rare à Blanc-Sablon. Il aurait été plus particulièrement intéressé par l'entreprise exploitée par la société 162481 Canada Inc. (le « Centre Aéro » ) dont 100% des actions étaient possédées par Trans Côte, qu'il croyait pouvoir rentabiliser. L'appelant aurait aussi déclaré lors de cette rencontre que monsieur Labadie ne pouvait pas lui-même acheter les actions mais que la société qu'ils possédaient en commun pouvait le faire.

[71]          L'appelant aurait mentionné le travail de monsieur Labadie pour le projet hydro-électrique en 1993 et 1994 et le fait qu'il ait alors délaissé Trans Côte et la société 162481 Canada Inc.

[72]          L'appelant aurait également mentionné que monsieur Labadie aurait travaillé pour la société 162481 Canada Inc. mais sans recevoir de salaire et que cela était avantageux pour lui en rapport avec un profit à venir.

[73]          L'appelant a aussi fait part à madame Claveau qu'il avait lui-même mis toutes ses actions en fiducie et qu'il ne voyait les états financiers qu'une fois par année.

[74]          Intéressée à connaître l'implication de monsieur Labadie en relation avec la vente des actions du capital-actions de Trans Côte à LBS en décembre 1992, madame Claveau a aussi communiqué avec monsieur Labadie par téléphone quelques jours après la rencontre avec l'appelant. Dans son rapport concernant cette conversation, madame Claveau note que monsieur Labadie semblait mal à l'aise et hésitant de sorte qu'elle a dû lui poser plusieurs questions pour obtenir quelques informations.

[75]          Madame Claveau a noté que monsieur Labadie lui avait mentionné qu'il avait discuté plusieurs fois avec l'appelant concernant la vente des actions du capital-actions de Trans Côte sans toutefois lui faire savoir que c'était lui-même qui avait proposé de faire l'acquisition des actions. Monsieur Labadie aurait aussi mentionné que l'intérêt pour LBS d'acquérir ces actions résidait dans le service que cela pouvait lui rendre quant à l'approvisionnement plus rapide des pièces pour le garage, et ce, de façon à éliminer la concurrence. Il aurait également mentionné l'avantage de voyages gratuits pour lui-même.

[76]          Monsieur Labadie aurait également affirmé à madame Claveau qu'il savait que les actions ne valaient pas très chères et qu'il voulait faire un profit dans l'avenir, affirmant que l'entreprise était depuis devenue rentable.

[77]          À la question de savoir s'il connaissait les actifs et les placements que Trans Côte possédait, monsieur Labadie aurait simplement répondu que l'important pour lui était qu'il pouvait acquérir les actions « pour pas grand-chose » . Selon madame Claveau, bien que monsieur Labadie savait que Trans Côte possédait un garage, il n'a pas manifesté d'intérêt pour cette entreprise.

[78]          Madame Claveau rapporte également que monsieur Labadie lui avait dit être au courant que des actions de catégorie F de la société 162481 Canada Inc. étaient au nom de corporations liées appartenant à l'appelant. Toutefois, monsieur Labadie aurait dit que lui-même ou LBS n'en avait pas acquis car son intention n'était pas d'investir dans Trans Côte puisqu'il n'avait pas d'argent. Par contre, l'appelant, lui en avait.

[79]          Quant à son implication au niveau décisionnel, monsieur Labadie aurait déclaré à madame Claveau qu'il assistait aux réunions mais qu'il y avait un administrateur qui s'occupait de Trans Côte et des autres sociétés. Il aurait aussi dit que le temps qu'il mettait dans Trans Côte était gratuit et qu'il n'avait pas mis de temps dans le garage de la société 162481 Canada Inc.

[80]          Au cours de la conversation, monsieur Labadie aurait aussi mentionné son implication pour obtenir de nouvelles pistes d'atterrissage en 1997.

[81]          En relation avec le prix de vente des actions de Trans Côte à LBS fixé dans la convention, madame Claveau a demandé à monsieur Labadie si LBS allait payer le montant de 80 000 $ fixé pour les actions de catégorie B. La réponse de monsieur Labadie a été « qu'il va payer le montant mais ne sait pas quand » .

[82]          Dans le rapport de sa conversation avec monsieur Labadie, madame Claveau a expressément noté qu'il ne semblait pas au courant de grand-chose et ne comprenait pas trop bien le pourquoi de toutes ces questions.

[83]          Dans son rapport, madame Claveau conclu au lien de dépendance entre l'appelant et LBS et signale notamment que l'appelant avait avantage à vendre à une société dont il n'avait pas perdu le contrôle effectif. Elle a noté que la marge de crédit de Trans Côte avant et après la transaction était cautionnée par l'appelant et la société 153760 Canada Inc. que l'appelant contrôlait. Elle a noté aussi que les actions de catégorie F de la société 162481 Canada Inc. émises avant et après la transaction étaient pour des personnes ou des sociétés liées à l'appelant et que monsieur Labadie n'avait pas acquis de ces actions. Elle a aussi souligné que LBS avait émis des actions ne comportant pas le droit de vote à l'appelant seulement le 30 décembre 1992, et finalement, que monsieur Labadie ne s'impliquait pas monétairement et même dans les prises de décisions de Trans Côte. Toutefois, elle a également signalé ce qui suit :

« Les parties à la transaction ont des intérêts distincts selon les conversations que nous avons eues avec eux »

et plus loin

« Selon l'entrevue avec monsieur Joncas et une conversation téléphonique avec monsieur Labadie, nous nous apercevons qu'il y a divergence dans les dires » .

La position de l'appelant

[84]          L'avocat de l'appelant souligne d'abord que la « question de fait » à déterminer relativement au « lien de dépendance » n'est pas définie dans la Loi et qu'il faut donc s'en remettre aux critères élaborés par les tribunaux pour l'établir. Il se réfère, à cet égard, à un article récent de Tom Stack, Arm's Length as a Question of Fact, 1997 Conference Report, Canadian Tax Foundation - L'Association canadienne d'études fiscales, p. 16:1, ainsi qu'au Bulletin d'interprétation IT-419 R, Définition de l'expression « sans lien de dépendance » , 24 août 1995, dans lesquels les critères qui ont été retenus par les tribunaux sont analysés. Dans ce bulletin d'interprétation, ces critères sont énoncés comme suit :

-                la présence d'une entité responsable de la négociation pour les deux parties à une transaction;

-                le fait que les parties à une transaction agissent ensemble sans intérêt distinct;

-                la présence d'un contrôle de fait.

[85]          L'avocat de l'appelant se réfère ensuite aux décisions dans les affaires M.N.R. v. Sheldon's Engineering Ltd., 55 DTC 1110 (C.S.C.) et M.N.R. v. Merritt Estate, 69 DTC 5159 (Cour de l'Échiquier) comme étant à l'origine du premier critère. Puis, il cite la décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Swiss Bank Corporation et al. v. M.N.R., 71 DTC 5235 dans laquelle a été proposé le second critère. Enfin, quant au troisième critère « le contrôle de fait » , bien qu'il ait été utilisé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Robson Leather Company Ltd. v. M.N.R., 77 DTC 5106, il ne s'agirait, selon l'avocat de l'appelant qui se fonde sur ce point sur l'analyse de Tom Stock (précitée), que d'une façon différente d'exprimer le premier critère et non de l'énoncé d'un critère distinct.

[86]          Concernant l'application du premier critère, l'avocat de l'appelant affirme comprendre difficilement comment il est possible de conclure que l'appelant était l'entité responsable de la négociation pour les deux parties à la transaction. Dans sa plaidoirie écrite, il s'exprime ainsi à cet égard :

« D'une part, le Dr Joncas mentionne lui-même qu'il ne s'est pas occupé de la vente des actions de Trans Côte Inc., puisqu'à compter du mois de septembre 1992, en raison des pressions exercées par la Corporation professionnelle des médecins, ces actions avaient été entiercées dans les mains du notaire Côté, qui devenait alors la seule personne autorisée à exercer le droit de vote rattaché à ces actions. Ainsi, c'est ce dernier et Monsieur Armand Joncas, alors administrateur de Trans Côte Inc. qui négociaient la vente des actions de Trans Côte Inc.

D'autre part, Monsieur Labadie, qui détenait cinquante pour cent (50 %) des actions de Garage LBS inc. (l'autre cinquante pour cent (50 %) étant détenu par l'Appelant) et qui administrait dans les faits cette compagnie, voit une opportunité intéressante de faire l'acquisition de Trans Côte Inc. Monsieur Labadie nous indique qu'il négocie lui-même avec le notaire Côté, le représentant de Trans Côte Inc., et que le prix négocié lui paraît raisonnable. Il s'en assure en vérifiant auprès de son comptable.

Dans ces circonstances, il nous semble difficile de conclure que l'Appelant était l'entité responsable de la négociation pour les deux (2) parties. D'ailleurs, il est intéressant de constater que le rapport sur opposition préparé par Madame Claveau (produit sous la cote A-9), bien qu'il énonce clairement les trois (3) tests ci-haut mentionnés, ne contient aucune conclusion à l'effet que le Dr Joncas était l'âme dirigeante pour les deux (2) parties relativement à la transaction » .

[87]          Quant à l'application du deuxième critère, l'avocat de l'appelant se fonde essentiellement sur le rapport sur opposition de madame Claveau (pièce A-9), dans lequel, dit-il, elle conclut clairement que les parties, soit l'appelant et monsieur Labadie, agissaient avec un intérêt distinct. Les extraits suivants du rapport sont cités au soutien de cet argument :

-                à la page 5 du rapport T401, rubrique C intitulée Autres commentaires :

« Suite à des conversations avec les parties nous constatons que les raisons mentionnées par chacun sont divergentes :

(Voir historique des discussions pour les commentaires des parties)

Il n'y a pas d'intérêts communs entre les parties. »

-                à la page 7 du rapport T401, le 2e paragraphe de la rubrique 8 intitulée Décision :

« Les parties à la transaction ont des intérêts distincts selon les conversations que nous avons eues avec eux.

(Voir historique des discussions). »

[88]          L'avocat de l'appelant ajoute le commentaire suivant :

« De plus, Mme Claveau, lors de son contre-interrogatoire, est venue confirmer qu'elle avait répondu dans le même sens à deux (2) occasions lors de son interrogatoire au préalable. En conséquence, nous croyons que la preuve administrée devant le tribunal ainsi que cet aveu de Madame Claveau démontrent clairement que ce deuxième test n'est aucunement satisfait et ne s'applique aucunement à la situation sous étude. »

[89]          Finalement, l'avocat de l'appelant souligne que les autorités fiscales semblent avoir appliqué uniquement le troisième critère, soit « le contrôle de fait » , bien qu'il estime qu'il ne s'agit pas véritablement d'un nouveau critère mais plutôt une façon d'exprimer le premier critère, c'est-à-dire celui référant à une situation ou une entité est responsable de la négociation pour les deux parties à une transaction. Pour expliquer la position prise par le ministère du Revenu, l'avocat de l'appelant s'appuie sur un certain nombre de faits énoncés à différents alinéas du paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel qui sont les suivants :

(alinéa e)

-                la détention de catégorie F de la filiale 162481 Canada Inc. par différentes entités contrôlées par l'appelant.

                (alinéas k et l)

-                les souscriptions d'actions de catégorie B par l'appelant dans Trans Côte le 26 novembre 1992.

                (alinéa n)

-                les cautionnements par l'appelant, et les sociétés 153760 et 162481 pour la marge de crédit de Trans Côte.

                (alinéa o)

-                les avances de sociétés apparentées dont bénéficiait Trans Côte.

                (alinéas i et m)

-                la détention des actions de catégorie A et de catégorie G dans le capital-actions de LBS.

[90]          Selon l'avocat de l'appelant, les quatre premiers éléments permettraient tout au plus d'établir que c'est l'appelant qui avait le contrôle de fait de Trans Côte et non de LBS, ce qui de toute façon, n'a pas été démontré. Quant au contrôle de fait de LBS par l'appelant, à cause d'un plus grand nombre d'actions de catégorie G résultant de l'émission du 30 décembre 1992, l'avocat de l'appelant affirme qu'il a été démontré lors de l'audition (pièces A-4 et A-8), qu'il s'agissait d'une erreur et que les avances à LBS par monsieur Labadie et par l'appelant pour un total de 15 086 $ auraient dû être converties en actions de catégorie G en nombre égal pour chacun. Selon lui, ce qu'il importe de retenir est que cette émission d'actions était destinée à convertir en actions des avances déjà consenties et non à refléter un nouvel apport de capital. Ainsi, même si on admettait que l'appelant possédait plus d'actions de cette catégorie G que monsieur Labadie, les caractéristiques de ces actions ne sont pas telles qu'elles auraient pu lui conférer le contrôle de droit ou de fait de LBS. Sur ce point, l'avocat de l'appelant se réfère aux décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Duha Printers c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795 et La Reine c. Imperial General Properties Ltd., [1985] 2 R.C.S. 288.

[91]          Un autre point soulevé par l'avocat de l'appelant concerne le fait que monsieur Labadie était plus ou moins au courant des actions de catégorie F du capital-actions de la filiale de Trans Côte, la société 162481 Canada Inc., comme étant un élément important du point de vue des autorités fiscales pour décider de l'issue du litige. Il estime ici qu'il faut nuancer les réponses données par monsieur Labadie en fonction de son degré d'éducation et de son niveau de connaissance et ne pas exiger de lui qu'il connaisse toutes les subtilités du droit corporatif. Il soutient de plus que même si on acceptait l'interprétation faite par les autorités fiscales, cela ne permettrait tout au plus d'établir qu'il n'avait pas le contrôle de fait de cette filiale et que c'est l'appelant qui avait ce contrôle. Selon lui, cela ne permettrait sûrement pas de conclure que l'appelant avait le contrôle de fait de LBS.

[92]          L'avocat de l'appelant s'appuie également sur l'affaire McNichol et al. v. The Queen, 97 DTC 111 (C.C.I.) qui présente, selon lui, certains éléments similaires à ceux du présent dossier qu'il affirme être les suivants :

-                le vendeur avait eu des discussions avec plus d'un acheteur potentiel;

-                le vendeur et l'acheteur avaient des intérêts distincts; et,

-                le vendeur et l'acheteur avaient reçu des avis de personnes indépendantes pour la négociation de cette transaction.

[93]          Par ailleurs, l'avocat de l'appelant souligne les distinctions qu'il faut faire avec les situations que l'on retrouve dans les affaires Peter Cundill & Associates Limited v. The Queen, 91 DTC 5085 (C.F. 1ère inst.) et 91 DTC 5543 (C.A.F.) et Martin Feed Mills Ltd. c. M.N.R. [1991] 2 C.T.C. 2052 (C.C.I.). Dans le premier cas, la cour a conclu que le contribuable qui ne détenait que 50 % du capital-actions d'une société avait avec elle un lien de dépendance puisque la preuve démontrait qu'il était en plein contrôle de celle-ci. La deuxième affaire donne l'exemple d'une personne ayant dirigée la transaction pour les deux parties, situation qui, selon l'avocat de l'appelant, ne représente en rien la conduite de l'appelant dans la présente affaire.

[94]          L'avocat de l'appelant a aussi commenté les écarts entre les états financiers et les registres corporatifs constatés lors de l'audition et les irrégularités ainsi commises, notamment, concernant l'émission d'actions de catégorie B de Trans Côte le 26 novembre 1992, ainsi que l'émission d'actions de catégorie G de LBS le 30 décembre 1992. Pour expliquer ces irrégularités, l'appelant avait, lors de son témoignage, souligné l'absence d'expert-comptable à Blanc-Sablon ainsi que l'éloignement des aviseurs légaux. Son avocat soutient ainsi que si les erreurs commises ne devraient pas être excusées en totalité, qu'il s'agit d'éléments qui ne devraient pas être pris en compte dans l'appréciation d'une question de fait et ainsi conduire à la conclusion que les émissions d'actions à des dates rapprochées de la transaction faisaient partie d'un stratagème fiscal quelconque qui aurait placé l'appelant dans une situation de contrôle de fait des deux sociétés, Trans Côte et LBS. Il rappelle à cet égard que la preuve a démontré qu'il s'agissait de la conversion d'avances consenties bien avant la transaction.

[95]          Finalement, l'avocat de l'appelant souligne qu'il est important tout comme la Cour suprême du Canada l'avait fait dans l'affaire Swiss Bank (précitée) et comme le rappelle l'auteur Tom Stack dans son étude (précitée) d'analyser l'objectif fiscal recherché par la législation applicable.

[96]          L'avocat de l'appelant affirme ensuite que les représentants de Revenu Canada, tant monsieur Bouchard que madame Claveau, avaient une idée bien arrêtée des motifs qui ont conduit l'appelant à réaliser la transaction comme le passage suivant du rapport de monsieur Bouchard en témoigne :

« D'un côté, nous avons Paul-Aimé Joncas, médecin avec de gros revenus et désirant réduire son revenu le plus possible possédant Trans Côte Inc. et cette dernière possède à 100 % 162481 Canada inc. et 153760 Canada inc. et 50 % du Garage LBS inc., corporation inopérante ou presque. » . (pièce A-1, page 1 du rapport de monsieur Bouchard)

[97]          Selon lui, dans cette optique, les autorités fiscales auraient toujours, pour appuyer leur position, retenu uniquement des éléments qu'il estime plus ou moins pertinents et auraient laissé de côté des éléments essentiels qu'il formule dans les termes suivants à la page 16 de sa plaidoirie écrite :

-                les demandes répétées de la Corporation professionnelle des médecins à l'Appelant de vendre ses actions dans Trans Côte Inc. Il nous apparaît étrange que les motifs à l'appui de la décision de Madame Claveau ne tiennent pas compte de cette situation, alors qu'il s'agit, selon nous, de l'élément déclencheur conduisant à la vente des actions par l'Appelant;

-                aucune analyse par les autorités fiscales des conséquences de la convention d'entiercement sur le « contrôle de fait » . D'ailleurs, Madame Claveau s'est contredite lors de son contre-interrogatoire relativement à l'existence de cette convention. Pourtant, la jurisprudence est unanime à l'effet que les fiduciaires ont, dans un tel cas, le « contrôle de jure » de la corporation[5]. Il aurait fallu à tout le moins, selon nous, retenir des éléments pour démontrer que l'Appelant avait conservé le « contrôle de fait » de Trans Côte Inc. malgré l'entiercement des actions, ce qui n'a pas été fait;

-                le ministère ne s'appuie sur aucun fait pour permettre d'établir le « contrôle de fait » par l'Appelant de Garage LBS inc., à l'exception de la détention des actions de catégorie « G » . Quant à cette détention d'actions, nous avons fait part de notre argumentation aux pages 6 et 11 de la présente plaidoirie.

[98]          L'avocat de l'appelant soutient que la preuve présentée n'a jamais démontré que l'appelant avait réalisé la transaction pour réduire ses « gros revenus » et que les éléments retenus ne peuvent permettre de conclure à un lien de dépendance entre l'appelant et LBS.

[99]          Subsidiairement, l'avocat de l'appelant demande d'adopter l'approche pratique relevée par l'auteur Stack dans son analyse de l'affaire Swiss Bank et de tenir compte de certaines circonstances atténuantes favorables à l'appelant, notamment le fait que suite aux pressions de la Corporation des médecins, l'appelant n'avait d'autre choix que de vendre Trans Côte, dont le siège social était situé à un endroit qui limitait le bassin d'acheteurs potentiels. De plus, souligne-t-il, le prix de vente n'a jamais été contesté par les autorités fiscales et la perte aurait été réalisée de toute façon, quelle que soit l'identité de l'acheteur des actions.

[100]        Enfin, l'avocat de l'appelant rappelle que le témoignage de monsieur Labadie sur son implication dans les opérations, puis dans la vente des actifs de Trans Côte quelques années plus tard, constitue un élément additionnel pour démontrer qu'il n'y avait aucun stratagème fiscal derrière la transaction et que celle-ci n'a pas été effectuée uniquement pour réaliser une perte comme le prétendent les autorités fiscales.

La position de l'intimée

[101]        L'avocate de l'intimée s'est d'abord elle aussi référée au Bulletin d'interprétation IT-419 R (précité), lequel résume les critères appliqués par les tribunaux pour conclure à un lien de dépendance « de facto » entre des personnes non liées.

[102]        En rapport avec le premier critère, l'avocate de l'intimée soutient que l'appelant était le « cerveau » directeur, responsable de la négociation pour les deux parties à la transaction, que monsieur Labadie a été manipulé par l'appelant et ses conseillers (comptable et notaire) et qu'ainsi l'appelant a « dicté » les conditions de la transaction au nom de chacune des parties. Elle se réfère aussi sur ce point à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sheldon's Engineering Ltd., (précitée) et à la décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Merritt Estate (précitée). Dans l'affaire Sheldon's Engineering Ltd., la Cour suprême du Canada a établi le principe qu'il y a un lien de dépendance entre deux parties à une transaction lorsque celles-ci sont contrôlées par la même personne. Dans l'affaire Merritt Estate, le même principe était repris dans les termes suivants aux pages 5165 et 5166 :

[TRADUCTION]

« Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la présente analyse est le suivant : lorsque les négociations menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont en fait dirigées par le même « cerveau » , on ne peut dire que les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la preuve révèle que la même personne « dictait » les « conditions de la transaction » au nom de chacune des deux parties, on ne peut dire que les parties traitaient à distance » .

Un peu plus loin, la Cour ajoutait ce qui suit à la page 5166 :

                               

[TRADUCTION]

« Selon moi, il importe peu que toute la convention ait été « enfantée » par les cerveaux de conseillers professionnels. »

[103]        L'avocate de l'intimée se réfère également à la décision dans RMM Canadian Entreprises Inc. et al. v. The Queen, 97 DTC 302 (C.C.I.) pour affirmer que la Cour suprême du Canada a, dans l'affaire Swiss Bank Corporation et al. v. M.N.R., 72 DTC 6470, confirmé le principe voulant que « lorsqu'un groupe de personnes, qui par ailleurs, n'ont entre elles aucun lien de dépendance, agissent de concert pour diriger les actes d'un tiers, elles ont avec cette dernière un lien de dépendance » . Les décisions que j'ai rendues dans les affaires Fournier c. M.R.N., 91 DTC 743 (C.C.I.) et Gosselin c. Canada, [1996] A.C.I. no 206 sont aussi citées au soutien de cet argument.

[104]        Par ailleurs, l'avocate de l'intimée se réfère aussi à la décision dans l'affaire Robson Leather Company Ltd. v. M.N.R., 77 DTC 5106 dans laquelle la Cour d'appel fédérale énonce, entre autres, « que le contrôle ou le non contrôle des actions votantes n'est qu'un facteur à considérer parmi tous les autres » . Sur ce point, elle se réfère aussi à l'affaire Peter Cundill & Associates Limited v. The Queen, 91 DTC 5085 (C.F. 1ère inst.) et 91 DTC 5543 (C.A.F.).

[105]        Selon l'avocate de l'intimée, dans la présente affaire, aucune partie de la convention n'a comporté de négociations entre les parties avec des intérêts indépendants. Cette conclusion, dit-elle, est fondée sur plusieurs éléments de la preuve. D'abord, elle mentionne que l'appelant avait un motif important de vendre ses actions du capital-actions de Trans Côte rapidement afin de se conformer à l'exigence de la Corporation des médecins. En effet, selon elle, l'appelant avait fait croire pendant plusieurs mois que la promesse de vente conclue avec la Coopérative de transport s'était concrétisée en une vente. Toutefois, la Corporation des médecins avait appris en novembre 1992 qu'il était toujours propriétaire.

[106]        L'avocate de l'intimée souligne ensuite qu'en décembre 1997, lors de sa conversation avec madame Claveau, monsieur Labadie ne connaissait pas le prix convenu pour l'achat des actions du capital-actions de Trans Côte par LBS et ne savait pas non plus à quel moment le paiement devait être fait alors que l'appelant lui-même avait précisé à madame Claveau, qu'aucun montant ne serait payé car l'analyse de la valeur par la suite, en 1993, était d'environ 6 000 $.

[107]        Toujours concernant le prix de vente, l'avocate de l'intimée rappelle que lors de l'audition, monsieur Labadie avait reconnu que le prix des actions avait été déterminé par le comptable et par le notaire de l'appelant, qu'il n'a pu expliquer le prix de 80 000 $ indiqué au contrat et que ses explications se résumaient à « ça ne valait pas grand-chose » et « ça semblait être un bon prix » .

[108]        L'avocate de l'intimée signale ensuite que les motifs énoncés par monsieur Labadie pour justifier son intérêt à l'achat des actions du capital-actions de Trans Côte par LBS sont contradictoires puisque d'une part, en juillet 1997, il mentionnait que LBS était intéressée parce que Trans Côte pourrait acheminer plus rapidement les pièces requises pour le garage et qu'il était aussi intéressé à obtenir des billets gratuits et d'autre part, lors de l'audition, qu'il était en premier lieu intéressé par la vente de carburant et à obtenir des pièces pour offrir un meilleur service aux clients du garage. Cependant, par la suite, il a mentionné qu'il désirait plutôt vendre Trans Côte et ne conserver que l'entreprise de vente de carburant.

[109]        L'avocate de l'intimée souligne ensuite l'intérêt de l'appelant de vendre à une société qui ne lui ferait pas perdre le contrôle effectif du groupe Trans Côte. Elle rappelle qu'après la transaction, c'est l'appelant lui-même qui a signé la déclaration de revenu de LBS et qu'aucun changement n'a été apporté aux cautionnements de Trans Côte.

[110]        Finalement, l'avocate de l'intimée estime que la nomination d'un fiduciaire ne fait pas obstacle à l'établissement d'un lieu de dépendance « de facto » puisque la convention d'entiercement ne déléguait au fiduciaire que le droit de vote rattaché aux actions du capital-actions de Trans Côte sans octroyer au fiduciaire le pouvoir de négocier la vente des actions ou d'en transférer la propriété. Elle signale à cet égard la fin de l'entiercement le jour de la vente ou du transport des actions et la possibilité pour l'appelant d'exiger la démission du fiduciaire pour toute raison jugée valable.

[111]        Pour les raisons invoquées, l'avocate de l'intimée conclut qu'il existait, dans les faits, un lien de dépendance entre l'appelant et LBS de sorte qu'il ne peut déduire de perte au titre d'un placement d'entreprise dans le calcul de son revenu pour l'année 1992.

Les arguments additionnels de l'appelant

[112]        Dans sa réplique, l'avocat de l'appelant s'en prend à l'exposé des faits présentés par l'avocate de l'intimée sur plusieurs points et conteste son interprétation de certains faits aux fins des arguments avancés.

[113]        D'abord, sur la question du cautionnement de la marge de crédit de Trans Côte, l'avocat de l'appelant prétend qu'il n'a pas été mis en preuve que les seules cautions, tant avant qu'après la transaction, étaient l'appelant et les sociétés 153760 Canada Inc. et 162481 Canada Inc. Il affirme qu'il a été mis en preuve que monsieur Labadie avait cautionné la marge de crédit de Trans Côte après la transaction. Par ailleurs, il soutient que la question de la libération d'une caution est de la compétence du créancier et qu'elle est hors du contrôle du débiteur.

[114]        L'avocat de l'appelant conteste aussi l'affirmation selon laquelle l'appelant aurait transmis des informations inexactes à la Corporation des médecins. À cet égard, il souligne sa bonne foi et se réfère à la lettre transmise par celui-ci le 12 décembre 1992 à la Corporation des médecins, de même qu'à la lettre du notaire Côté annexée à la sienne. De plus, dit-il, la lettre de la Corporation des médecins en date du 22 décembre 1992 démontre que celle-ci était satisfaite des explications fournies.

[115]        L'avocat de l'appelant prétend aussi qu'il est inexact d'affirmer que le prix de vente a été déterminé par le comptable ou le notaire de l'appelant puisqu'il contient une formule basée sur les résultats des états financiers à être produits pour l'exercice financier se terminant le 31 décembre 1992. De plus, dit-il, Philippe Labadie a, lors de son témoignage, affirmé qu'il avait consulté son comptable et qu'il avait obtenu l'assurance de ce dernier, que la formule donnait un prix juste et raisonnable pour la transaction. L'avocat de l'appelant souligne ensuite que cette manière de procéder est tout à fait normale et fréquente et qu'on ne saurait en inférer que le prix a été imposé à monsieur Labadie par les représentants de l'appelant. Il souligne également le fait qu'un vendeur qui décide de vendre une entreprise a généralement une idée du prix qu'il veut obtenir et qu'il ne vendra pas à moins d'obtenir un prix qui se rapproche de cette valeur.

[116]        Sur le fait que monsieur Armand Joncas ait remplacé l'appelant comme administrateur de LBS à la date de la transaction, l'avocat de l'appelant souligne qu'il est tout à fait normal que deux actionnaires possédant chacun 50 % des actions comportant le droit de vote et de participation désignent chacun un représentant au conseil d'administration. Il rappelle également que les actions de l'appelant étaient entiercées auprès du notaire Côté au moment de cette élection.

[117]        L'avocat de l'appelant conteste aussi les informations obtenues par le vérificateur, monsieur Bouchard, lors de sa très courte conversation téléphonique avec monsieur Labadie et ce, plus particulièrement sur les activités de LBS et sur l'implication de monsieur Labadie après la transaction.

[118]        Concernant la négociation de monsieur Labadie avec monsieur Armand Joncas, l'avocat de l'appelant souligne, contrairement à l'avocate de l'intimée, qu'il ne voit aucune anomalie mais plutôt un usage courant que les administrateurs d'une société prennent en charge les négociations pour la vente d'un groupe de sociétés bien que les actionnaires aient évidemment le dernier mot. Selon lui, dans la présente situation, cela ne fait que confirmer, à son avis, la preuve que l'appelant n'était plus vraiment impliqué dans les affaires de Trans Côte et qu'il n'avait pas participé aux négociations. De plus, ajoute-t-il, il n'y a jamais eu de preuve que l'appelant exerçait un contrôle sur Armand Joncas ou le notaire Côté lors de ces négociations.

[119]        Sur la question de l'existence d'intérêts indépendants ou distincts, l'avocat de l'appelant reproche notamment à l'avocate de l'intimée de ne se référer qu'à certains passages du rapport sur opposition de madame Claveau et de passer sous silence ceux auxquels il s'est lui-même référés, tout en se rappelant que madame Claveau avait elle-même admis à deux reprises, l'existence d'intérêts distincts.

[120]        L'avocat de l'appelant reconnaît que pour se conformer aux demandes de la Corporation des médecins, l'appelant devait vendre. Toutefois, il estime que LBS était un acheteur potentiel, tout comme les autres acheteurs dont il est fait mention dans la lettre du notaire Côté annexée à la lettre que l'appelant transmettait le 12 décembre 1992 à la Corporation des médecins. À cet égard, il se réfère à nouveau à la réponse de la Corporation des médecins dans laquelle celle-ci semble manifester sa satisfaction quant aux explications données sans imposer un délai de rigueur à l'appelant pour la vente de ses actions.

[121]        Une fois de plus, l'avocat de l'appelant revient sur la question des explications fournies par monsieur Labadie relativement à l'établissement du prix de vente et que l'avocate de l'intimée considère imprécises. Il soutient que les explications données étaient suffisamment claires pour comprendre que monsieur Labadie avait une bonne idée de la valeur de Trans Côte et qu'il avait reçu l'assurance de son comptable que le prix de vente correspondait à la valeur de la compagnie. Selon lui, le contrat de vente et les calculs transmis aux autorités fiscales par la suite permettent d'établir le montant final à 6 022 $.

[122]        L'avocat de l'appelant prétend que ce dernier n'avait pas le contrôle effectif de Trans Côte après la transaction et qu'il n'a eu, à aucun moment, le contrôle effectif de LBS comme le prétend l'avocate de l'intimée puisque, selon lui, il aurait fallu démontrer que dans les faits l'appelant avait le contrôle sur les décisions prises par le fiduciaire, le notaire Côté.

[123]        En conclusion, l'avocat de l'appelant soutient que la preuve ne permet pas d'établir un « lien de dépendance de fait » entre l'appelant et LBS selon les trois critères retenus par les tribunaux à cet égard.

[124]        Finalement et subsidiairement, l'avocat de l'appelant soutient que si la Cour en vient à la conclusion que les faits mis en preuve peuvent mener à deux interprétations valables, que les principes d'interprétation élaborés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3 devraient s'appliquer et ce, tout particulièrement en ce qui a trait à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

[125]        L'avocat de l'appelant affirme que la position intransigeante de l'intimée laisse l'appelant pratiquement sans allégement pour un investissement de 327 495 $ utilisé dans l'économie de sa région. Selon lui, ce résultat apparaît disproportionné pour un contribuable qui n'avait d'autre choix que de vendre Trans Côte et dont la perte aurait été réalisée de toute façon, quelle que soit l'identité de l'acheteur.

Analyse

[126]        Si plusieurs éléments de la présente affaire peuvent paraître confus ou contradictoires ou encore prêter à des interprétations différentes, voire opposées, certaines propositions avancées, telles qu'elles ont été formulées, appellent d'abord quelques commentaires de façon à situer la question en litige dans sa juste perspective.

[127]        Je rappelle d'abord que le sous-alinéa 39(1)c)(ii) de la Loi exige, pour que soit reconnue une perte au titre d'un placement d'entreprise lors de la disposition par un contribuable d'actions du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise, que la disposition soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance.

[128]        L'objectif recherché par la législation paraît assez évident. On se refuse à reconnaître une perte résultant d'une disposition que l'on tient pour artificielle puisque la disposition par le vendeur est faite en faveur d'une personne ou d'un groupe de personnes qu'il contrôle d'une façon ou d'une autre au moment de cette disposition.

[129]        L'alinéa 251(1)a) de la Loi établit que des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. Les paragraphes 251(2) à (6) et l'article 252 de la Loi énoncent les règles pour établir quelles sont les « personnes liées » ou les personnes liées entre elles. Dans le présent cas, il est acquis que l'appelant et LBS n'étaient pas des personnes liées de sorte que l'alinéa 251(1)a) n'a aucune application pour la solution du présent litige.

[130]        Par ailleurs, l'alinéa 251(1)b) de la Loi précise que « la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait » .

[131]        Il s'agit donc d'une question de fait et uniquement d'une question de fait qui ne requiert aucunement l'application des principes d'interprétation statutaire de sorte que le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable telle qu'énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre Dame de Bon-Secours (précitée) n'est tout simplement pas pertinente. La Cour est appelée à trancher cette question de fait en fonction de la preuve présentée et ce, indépendamment de la conclusion ou de l'opinion que monsieur Bouchard et madame Claveau de Revenu Canada ont pu exprimer. Toutefois, les informations que ces personnes ont pu recueillir ont évidemment leur importance. J'ajouterai également que devant une telle question de fait à déterminer, la crédibilité que l'on peut accorder aux témoignages présentés est cruciale.

[132]        Je rappelle que parmi les présomptions de faits qui ont servi de fondement à la cotisation, les alinéas u) et v) du paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel énoncent ce qui suit :

u)             L'appelant exerçait sur les activités et les décisions prises par Garage LBS Inc. une influence et un contrôle qui étaient disproportionnés à sa possession d'actions.

v)             L'appelant était, dans les faits, la personne qui a dirigé les deux parties à la transaction du 31 décembre 1992.

[133]        Il revenait à l'appelant d'établir, par prépondérance des probabilités, que les faits ainsi énoncés étaient inexacts.

[134]        L'alinéa u) du paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel énonce en réalité que l'appelant avait le contrôle de fait de LBS quant aux décisions prises. La décision qui importe ici est celle d'acquérir toutes les actions du capital-actions de Trans Côte que lui-même possédait. La décision a été prise par résolution des deux administrateurs de LBS, l'appelant et Philippe Labadie en date du 23 décembre 1992. Le contrat a été signé le 28 décembre suivant pour prendre effet le 31 décembre 1992. Même si l'appelant et Philippe Labadie possédaient un nombre égal d'actions ordinaires comportant le droit de vote du capital-actions de LBS et qu'ils étaient tous les deux administrateurs de cette société, on doit comprendre que ce qui est allégué, c'est que la décision était avant tout, celle de l'appelant, ou exprimé autrement, que son rôle a été prédominant quant à la décision de LBS d'acquérir ses actions.

[135]        Comme l'appelant était lui-même à titre personnel d'une des parties comme vendeur à la transaction, on comprendra que l'alinéa v) du paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel énonce que c'est aussi lui qui a dirigé ou qui a conduit LBS à accepter la transaction comme acheteur et qui en a dicté les termes. De façon simple et concrète, ce que cela signifie, c'est qu'au delà de la nécessaire collaboration de Philippe Labadie, c'est l'appelant qui a joué un rôle prédominant quant à l'établissement des termes de sa transaction avec LBS.

[136]        Il s'agit là, essentiellement, de la position adoptée dans la Réponse à l'avis d'appel et que l'avocate de l'intimée a soutenu dans son plaidoyer fondé notamment sur l'affaire Merritt Estate (précitée). En effet, en s'appuyant sur cette décision, elle soutient que l'appelant a dicté les conditions de la transaction au nom de chacune des parties et que Philippe Labadie a été « manipulé » par l'appelant et ses conseillers (comptable et notaire).

[137]        Sous réserve du terme « manipulé » qui est peut-être utilisé mal à propos compte tenu des circonstances, j'estime que la position de l'intimée est fondée. L'ensemble de la preuve présentée, donne non seulement la très nette impression mais conduit à la quasi-certitude que c'est l'appelant avec l'aide de ses conseillers qui a décidé de la transaction et de ses termes, non sans avoir, bien entendu, obtenu la collaboration de Philippe Labadie. Compte tenu de sa situation, ce dernier n'y voyait probablement aucun inconvénient et pouvait même anticiper certains avantages que la transaction était susceptible de lui procurer. Cependant, j'ajouterai ici que certains faits qui sont, à mon avis, importants pour juger de la crédibilité du témoignage de l'appelant et de celui de monsieur Labadie n'ont peut-être pas été mis suffisamment en lumière. Je tenterai de pallier à cette lacune.

[138]        L'appelant, on l'a vu, avait des intérêts dans de multiples entreprises et, plus particulièrement, dans certaines reliées au transport aérien. Il s'agissait bien sûr de Trans Côte mais aussi de sa filiale, la société 162481 Canada Inc. qui exploitait le Centre Aéro. Lui-même et la société 153760 Canada Inc., dont il possédait 100 % des actions, étaient propriétaires des appareils utilisés par Trans Côte. Bien qu'officiellement seul administrateur de ces différentes sociétés, l'appelant qui se consacrait entièrement à sa pratique médicale, en avait confié la gestion à son frère Armand Joncas. Ce dernier, suite à la question du conflit d'intérêts soulevée par la Corporation des médecins et dont on a abondamment fait état, a été mandaté par l'appelant pour vendre l'ensemble ou si l'on veut, le groupe Trans Côte. C'est d'ailleurs lui qui faisait paraître les avis dans les journaux et qui se présentait comme la personne à contacter. Une autre personne a aussi été mandatée par l'appelant « de tout faire pour vendre » , il s'agit du notaire Côté, conseiller juridique de l'appelant qui l'a représenté d'ailleurs également quant à la question du conflit d'intérêts soulevée par la Corporation des médecins. Le témoignage de l'appelant est on ne peut plus clair à cet égard. Prêter au notaire Côté le seul rôle de fiduciaire indépendant à compter de septembre 1992, c'est simplement ignorer une partie de la preuve présentée. Il y avait aussi madame Lise Gauthier, comptable fiscaliste de l'appelant, dont il a été moins question mais dont on sait, à tout le moins, qu'elle aurait participé quant à la fixation du prix de vente par l'introduction de la formule déjà mentionnée au contrat de vente. Toutes ces personnes étaient, bel et bien et avant tout, les mandataires de l'appelant. Que monsieur Labadie ait discuté de la transaction avec l'appelant lui-même ou avec l'un ou l'autre, ou plusieurs des mandataires de l'appelant, ne change pas grand-chose aux fins du présent litige. Tel que souligné par l'avocate de l'intimée, on peut, à cet égard, se référer à la décision dans l'affaire Merritt Estate (précitée). On aurait pu également simplement rappeler les règles du mandat énoncées au Code civil du Bas-Canada à l'époque de la transaction.

[139]        Suite à l'enquête menée par le syndic et la rencontre avec l'appelant qui eut lieu le 10 juin 1992, on était sous l'impression au sein de la Corporation des médecins et ce, à tort ou à raison, que l'appelant avait effectivement vendu le groupe Trans Côte à la Coopérative de transport. Le Dr Lair de la Corporation des médecins demandait donc une copie du contrat dans une lettre qu'il écrivait à l'appelant dès le 18 juin 1992. Dans une autre lettre en date du 16 septembre 1992, le Dr Lair a noté que le « contrat de vente » , dont il avait obtenu copie, était plutôt une promesse de vente et d'achat mais il présumait quand même qu'il y avait effectivement eu une vente. On peut comprendre que l'appelant était déjà sous forte pression d'agir, puisque la demande de la Corporation des médecins était de vendre le groupe Trans Côte ou de cesser de pratiquer la médecine et de prescrire des transports médicaux au Centre de santé de Blanc-Sablon.

[140]        C'est aussi le 16 septembre 1992 que l'appelant a signé la convention d'entiercement de ses actions du capital-actions de Trans Côte et de la société 153760 Canada Inc. et désigné le notaire Côté comme fiduciaire. Je signale ici que cette désignation du notaire Côté comme fiduciaire n'avait rien à voir avec la désignation d'un fiduciaire et le dépôt des actions de l'appelant en fiducie jusqu'au paiement complet du prix d'achat prévu à la promesse d'achat et de vente avec la Coopérative de transport. Comme l'a souligné l'avocate de l'intimée, la convention d'entiercement dont l'objet principal était de déléguer le droit de vote au notaire Côté, ne faisait nullement obstacle à l'établissement d'un lien de dépendance « de facto » entre l'appelant et LBS et le laissait tout à fait libre de vendre les actions entiercées, puisqu'elle devait prendre fin lors d'une vente ou d'un transfert.

[141]        Ce même 16 septembre 1992, le notaire Côté, bien qu'il n'ait signé lui-même la convention d'entiercement que le 18 septembre 1992, a désigné le frère de l'appelant, Armand Joncas, comme administrateur de Trans Côte. Encore là, dans les faits, cela ne changeait pas grand-chose puisque l'on sait que monsieur Armand Joncas était celui qui gérait de toute façon les sociétés et les entreprises de l'appelant et qu'il était toujours mandaté par l'appelant, tout comme l'était le notaire Côté, de vendre le groupe Trans Côte.

[142]        Le 19 novembre 1992, la pression est montée d'un cran, puisque le Dr Lair informait l'appelant qu'il venait d'apprendre que le groupe Trans Côte n'avait pas été vendu. Il lui demandait donc des explications. C'est le notaire Côté qui fournira les explications au nom de l'appelant dans une lettre datée du 8 décembre 1992.

[143]        Selon ce que l'appelant a affirmé dans son témoignage, la décision de vendre ses actions du capital-actions de Trans Côte à LBS aurait été prise quelques semaines, peut-être un mois avant la signature du contrat. La résolution autorisant LBS à acheter est en date du 23 décembre 1992 et le contrat de vente en date du 28 décembre 1992, pour prendre effet le 31 décembre 1992. Si la vente à LBS avait déjà été décidée, qu'elle était le fruit de véritables négociations ou discussions avec Philippe Labadie et que ce dernier y avait eu un intérêt réel, on s'étonne de constater qu'il n'en est aucunement question dans la lettre du notaire Côté datée du 8 décembre 1992 et jointe à celle que l'appelant faisait parvenir à la Corporation des médecins en date du 12 décembre 1992. Pourtant, n'était-ce pas, à ce moment, la seule transaction qui avait été décidée et qu'on s'affairait à organiser du côté des conseillers de l'appelant ?

[144]        On peut, à bon droit, se demander pourquoi avoir décidé de vendre à LBS alors que dans le même temps, le notaire Côté prétend que la transaction avec la Coopérative de transport est toujours en suspens, qu'il y a d'autres groupes qui ont demandé des informations et qu'il y a même eu une rencontre formelle avec le Groupe Gamac de Roberval en novembre 1992. La réponse paraît évidente. Comme aucune autre transaction ne semblait vouloir se concrétiser à plus ou moins brève échéance, on a décidé d'utiliser un expédient pour satisfaire, ne serait-ce que partiellement et temporairement, la Corporation des médecins. Officiellement du moins, l'appelant ne contrôlerait plus Trans Côte et, par ailleurs, on continuerait quand même les démarches pour vendre l'ensemble des sociétés reliées au transport aérien comme l'a si bien indiqué d'ailleurs l'appelant dans son témoignage. À mon avis, la vente de ses actions du capital-actions de Trans Côte à LBS a été décidée par l'appelant et organisée par ses mandataires et conseillers dans le but de l'accommoder temporairement. De plus, elle n'était pas envisagée comme une solution permanente. Cela ressort clairement de la preuve et plus particulièrement du témoignage de l'appelant notamment dans les extraits de la transcription de celle-ci, cités plus haut. Au-delà des subtilités juridiques, il n'est donc pas du tout étonnant que le frère de l'appelant, Armand Joncas, ait été nommé administrateur de LBS après la transaction. Encore ici, dans les faits, cela n'entraînait pas de changement véritable. On ne peut manquer également de rappeler ici, que c'est la société 153760 Canada Inc., dont la totalité des actions du capital-actions appartenaient toujours à l'appelant malgré l'entiercement auprès du notaire Côté, ainsi que l'appelant lui-même qui étaient toujours propriétaires, tant avant qu'après la transaction avec LBS, des appareils utilisés par Trans Côte.

[145]        Je souligne au passage qu'il est inexact d'affirmer que l'appelant ne cautionnait plus la marge de crédit de Trans Côte après la transaction. Il a lui-même affirmé dans son témoignage que les cautionnements étaient demeurés inchangés et que c'est suite à la rencontre avec madame Claveau qu'il a décidé de « faire le ménage » concernant les cautionnements qu'il avait fourni à l'égard de plusieurs entreprises[6]. Il est tout aussi inexact d'affirmer que Philippe Labadie a cautionné la marge de crédit de Trans Côte après la transaction. Il n'y a tout simplement eu aucune preuve sur ce point.

[146]        Quant à monsieur Labadie, son intérêt réel à réaliser cette transaction pour lui-même apparaît trop diffus pour que l'on puisse y croire vraiment. Son témoignage et ses déclarations antérieures aux autorités fiscales sont contradictoires et ne permettent pas d'affirmer qu'il ait pu jouer un rôle significatif, au-delà de son caractère légal et officiel, dans la décision ayant conduit LBS à acquérir les actions du capital-actions de Trans Côte possédées par l'appelant.

[147]        D'abord, si comme il l'affirme si souvent dans son témoignage, Trans Côte et sa filiale ne valaient pas grand-chose ou presque rien, on se demande bien pourquoi il ne les aurait pas achetées ou même qu'il n'aurait pas tenté de les acheter personnellement. Sur ce point, aucune explication n'a été fournie.

[148]        L'explication de monsieur Labadie sur son intérêt pour le service que Trans Côte pouvait lui rendre en acheminant plus rapidement, par avion, des pièces pour le garage, et ce, de façon à éliminer la concurrence, est surprenante. D'abord, on sait qu'il y avait très peu d'activité au garage et que celui-ci n'était plus rentable. On sait aussi que monsieur Labadie occupait, depuis déjà un certain temps, un emploi d'opérateur de machinerie lourde pour des entreprises de construction pendant la majeure partie de l'année et qu'il recevait des prestations d'assurance-chômage le reste de l'année. Ce n'était qu'occasionnellement qu'il faisait de la mécanique au garage. On sait également qu'il a accepté un emploi d'opérateur de machinerie lourde au Lac Robinson, à peine trois mois après la transaction, soit en mars 1993 et, ce, jusqu'en septembre ou octobre de la même année et qu'il a continué à occuper le même emploi en 1994 et en 1995. On se souviendra aussi que les revenus du garage n'ont été que de 2 329 $ en 1993. Compte tenu de ces faits, l'intérêt pour le transport de pièces par Trans Côte ne paraît pas avoir été très important. Lors de son témoignage, monsieur Labadie a, par la suite, affirmé que cet intérêt n'était que temporaire puisqu'il voulait vendre Trans Côte. N'était-ce pas là la poursuite même de l'objectif recherché par l'appelant et qui fera dire à celui-ci, comme l'indique l'extrait de son témoignage reproduit au paragraphe 34, qu'il voulait continuer la démarche de vente même après la signature et que, même après la vente, Philippe Labadie avait été mandaté « de continuer cette démarche » et de vendre les actifs de Trans Côte.

[149]        Quant à l'intérêt de Philippe Labadie pour la vente de carburant du Centre Aéro, on est surpris de constater que cet intérêt ait été mentionné pour la première fois lors de l'audition et non lors des conversations antérieures qu'il a eues avec monsieur Bouchard et madame Claveau.

[150]        La question du prix de vente mérite qu'on s'y attarde. D'abord, il est clair que monsieur Labadie n'a jamais mentionné lui-même un prix quelconque pour l'achat des actions du capital-actions de Trans Côte possédées par l'appelant. Aux fins du contrat, le prix a été fixé à 1,00 $ pour les actions ordinaires et à 80 000 $ pour les actions privilégiées de catégorie B du capital-actions de Trans Côte. Ce prix pour les actions de catégorie B devait être rajusté par la formule reproduite ci-haut au paragraphe 32. L'appelant a affirmé que l'application de cette formule avait eu pour effet de réduire le prix de 80 000 $ à 6 022 $ une fois les données connues. De son côté, monsieur Labadie a affirmé qu'il avait eu des discussions avec Armand Joncas et qu'il avait négocié avec lui. Cependant, il n'a jamais indiqué sur quel point. Lors de son témoignage, monsieur Labadie a admis qu'au moment de la signature du contrat, il ne connaissait pas le prix final mais qu'il avait consulté son comptable, André Maltais concernant la formule proposée par les conseillers de l'appelant, le comptable de celui-ci et le notaire Côté. Il a aussi affirmé que monsieur Maltais l'avait assuré que l'application de la formule donnerait un prix correct et raisonnable. Il est étonnant de constater que dans une note aux états financiers de LBS pour l'année terminée le 31 décembre 1992, jointe à la déclaration de revenu de LBS pour la même période, ce même monsieur Maltais a écrit que LBS avait acquis la totalité des actions du capital-actions de Trans Côte pour la « valeur symbolique de 1 $ » . L'utilisation du mot « symbolique » veut beaucoup dire. D'ailleurs, faut-il rappeler que c'est l'appelant lui-même qui a signé la déclaration de revenu à laquelle étaient joints ces états financiers. Dans son témoignage, l'appelant a laissé entendre qu'il avait déjà signé plusieurs documents, dont cette déclaration, sans trop prêter attention à ce qu'il signait. Il y a une limite à présenter une telle excuse si on veut maintenir une certaine crédibilité. De plus, cette présentation des faits par monsieur Maltais dans les états financiers de LBS pour l'année d'imposition 1992 n'a jamais été expliquée. Si on se fie à cette présentation des faits, on peut sûrement en inférer que les discussions ou négociations n'ont pas dû être très élaborées et que le conseil donné par monsieur Maltais à monsieur Labadie a dû être assez bref.

[151]        De plus, quand on sait que monsieur Maltais s'occupait aussi de la comptabilité de certaines entreprises de l'appelant, on est en droit de s'interroger sur son rôle véritable dans cette affaire.

[152]        Le plus étonnant, toutefois, c'est que madame Lise Gauthier, comptable fiscaliste de l'appelant qui signe elle-même et qui produit la déclaration de revenu de l'appelant pour 1992 indique, elle aussi, que le produit de disposition des actions ordinaires de Trans Côte est de 1 $ et que le produit de disposition des actions privilégiées est de 0 $. Quelle coïncidence ! Le comptable de monsieur Labadie et celui de l'appelant présentent tous deux la transaction comme ayant été réalisée pour la somme de 1 $. On se demande bien sur quoi la négociation a réellement pu porter. Bien sûr, l'appelant a affirmé que cela avait été corrigé par la suite pour refléter le prix final établi par l'application de la formule inscrite au contrat et qui ne sera finalement que de 6 022 $. Quand même ! On peut assez facilement inférer de l'ensemble de ces faits que le principe même de la transaction pour l'appelant était une vente « symbolique » à 1 $ pour se départir du contrôle « légal » de Trans Côte.

[153]        En effet, le rapprochement entre la déclaration de revenu de l'appelant pour 1992 et les états financiers de LBS pour la même année, lesquels étaient joints à la déclaration de revenu de la société signée par l'appelant lui-même laisse supposer autre chose que ce que l'on retrouve tant dans le témoignage de l'appelant que dans celui de monsieur Labadie concernant les négociations qui ont pu avoir lieu. Cela affecte certainement la crédibilité qu'on peut accorder à leur témoignage. J'ajouterai, même si le point n'est pas en litige, que cela sème également un doute quant à la date véritable d'exécution du contrat entre l'appelant et LBS puisque, plusieurs mois après la transaction, on présente de part et d'autre aux autorités fiscales que la vente a été faite pour 1 $.

[154]        Incidemment, je rappelle que les documents dont il est ici question, soit la déclaration de revenu de l'appelant pour 1992 (pièce I-1) et les états financiers de LBS pour l'exercice financier terminé le 31 décembre 1992 joints à la déclaration de revenu pour la même année (pièce I-4), ont été présentés en preuve lors du contre-interrogatoire de l'appelant par l'avocate de l'intimée. Ils ne faisaient pas partie des documents présentés par l'appelant bien que les états financiers de LBS pour les années terminées le 31 décembre 1991, 1993, 1994, 1996 et 1998 en faisaient partie (voir pièce A-1, onglet 15). Évidemment, les états comparatifs de LBS pour ces années révèlent certaines informations sur les années pour lesquelles les états n'ont pas été présentés mais pas nécessairement toute l'information pertinente. Ceci est plus particulièrement le cas concernant l'année terminée le 31 décembre 1992 puisque seule la pièce I-4 révèle clairement que la transaction a été faite pour la « valeur symbolique de 1 $ » . Par ailleurs, dans les notes aux états financiers de LBS présentés pour les années subséquentes (pièce A-1, onglet 15) il est à noter que l'on réfère aux actions de catégorie A du capital-actions de Trans Côte en fonction de leur valeur de consolidation, laquelle varie d'année en année, alors qu'on indique toujours pour les actions de catégorie B, simplement un montant nominal de 1 $.

[155]        Malgré tout cela, voilà que monsieur Labadie, lors d'une conversation avec madame Claveau, ne savait pas que le prix de 80 000 $ indiqué au contrat avait subséquemment été réduit à 6 022 $ et qu'il a répondu qu'il ne savait pas quand il paierait ce montant de 80 000 $.

[156]        Compte tenu des autres réponses de monsieur Labadie tant aux questions de monsieur Bouchard qu'à celles de madame Claveau, ainsi que des explications données lors de l'audition, on ne peut, non plus, manquer de noter le caractère vague, confus et même contradictoire du l'ensemble censé représenter sa version des faits.

[157]        En conclusion, j'estime que ce sont l'appelant et ses conseillers et mandataires tels son frère, son comptable et le notaire Côté, qui ont décidé et mis en place tous les éléments nécessaires à la vente de ses actions du capital-actions de Trans Côte à LBS pour satisfaire, du moins partiellement et temporairement, comme je l'ai dit plus tôt, la Corporation des médecins. À mon avis, cette transaction, a été réalisée sans que l'appelant ne perde le contrôle effectif de Trans Côte et de sa filiale, la société 162481 Canada Inc. Comment expliquer autrement une vente pour un montant « symbolique de 1 $ » ou même pour un montant de 6 022 $ et alors que l'appelant a affirmé avoir voulu poursuivre les démarches pour vendre à des tiers même après la signature du contrat et que Philippe Labadie avait expressément été mandaté pour poursuivre ces démarches. Au delà des apparences, il n'est pas possible de croire que l'appelant aurait pu se départir du contrôle de Trans Côte pour rien ou pour si peu, sans s'être assuré du contrôle effectif de LBS tant avant qu'après la transaction notamment en veillant à ce que ses mandataires et conseillers soient placés aux bons endroits et que Philippe Labadie devienne lui aussi un mandataire dans la recherche de tiers acquéreurs après la signature du contrat. Toutefois, face à la Corporation des médecins, cette vente à LBS était, comme il l'a dit lui-même, le moindre mal puisqu'il ne contrôlerait plus directement Trans Côte. Que lui et ses conseillers aient ou n'aient pas eu à l'esprit un objectif fiscal prioritaire pour organiser et réaliser cette transaction, n'atténue en rien, à mon avis, le rôle dominant qu'ils ont joué. J'estime qu'il s'agit là d'une situation qui rejoint le critère énoncé dans l'affaire Merritt Estate (précitée) où une personne ou ses conseillers ont établi les conditions de la transaction pour les deux parties. Comme LBS n'était plus rentable et qu'elle était devenue pratiquement inopérante, je crois que Philippe Labadie a accepté, consciemment, de collaborer à ce que j'estime être une initiative et une décision de la part de l'appelant et de ses conseillers. Son implication directe, plusieurs années plus tard et alors qu'il avait « été mandaté » pour vendre, ne peut en rien changer cette conclusion.

[158]        Compte tenu de tous ces faits, j'estime que l'appelant n'a pas démontré qu'il a disposé des actions du capital-actions de Trans Côte en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance. La cotisation par laquelle le Ministre lui refusait une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour l'année 1992 est donc bien fondée.

[159]        En conséquence, l'appel est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de janvier 2001.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.



[1]     Dans la transcription du témoignage de l'appelant, on fait plutôt référence au 18 décembre 1992. Toutefois, la lettre du Dr Lair en date du 22 décembre 1992 est en réponse à une lettre de l'appelant en date du 12 décembre 1992.

[2]     Transcription du témoignage de l'appelant, pages 149 à 151.

[3]     Transcription du témoignage de l'appelant, pages 160 et 161.

[4]           Transcription de témoignage de l'appelant, pages 70 et 71.

[5]           Duha Printers c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795, . . . , plus particulièrement aux pages 821 à 823.

[6]      Transcription du témoignage de l'appelant, pages 108 et 109.

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