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Date: 20010531

Dossier: 98-1009-IT-G

ENTRE :

ROSALINA VALLADOLID,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan

[1]            L'appelante a interjeté appel de cotisations d'impôt sur le revenu relatives à ses années d'imposition 1992 et 1994. Pour chacune de ces années, l'appelante avait, dans le calcul de son revenu, déduit des pertes provenant d'une entreprise de location immobilière et d'une entreprise alimentaire. Le ministre du Revenu national a refusé la déduction des pertes pour le motif que l'appelante n'avait pas d'attente raisonnable de profit. La principale question dans ces appels est de savoir si l'appelante est en droit de déduire les pertes qu'elle avait indiquées pour 1992 et 1994. L'appelante avait en outre demandé un crédit de taxe sur les produits et services ( « TPS » ) pour 1992 et 1994. Elle avait également demandé la prestation fiscale pour enfants pour 1992, 1994 et 1996. Le crédit de TPS et la prestation fiscale pour enfants dépendaient en partie du revenu de l'appelante. Ainsi, le ministre a réduit ou entièrement refusé les montants indiqués au titre du crédit de TPS ou de la prestation fiscale pour enfants. Les questions secondaires dans ces appels tiennent au montant du crédit de TPS que l'appelante peut déduire pour 1992 et 1994 ainsi qu'au montant de la prestation fiscale pour enfants qu'elle peut déduire pour 1992, 1994 et 1996.

[2]            Le crédit de TPS et la prestation fiscale pour enfants dépendent en partie du montant du revenu d'un contribuable. La principale question dans ces appels a clairement une incidence sur le montant du revenu de l'appelante pour 1992 et 1994 en raison des pertes importantes que l'appelante a déduites pour chacune de ces années. De la manière dont je comprends le point de vue des deux avocats, si les pertes sont jugées déductibles au bout du compte, le droit de l'appelante à un crédit de TPS et à une prestation fiscale pour enfants (et aux montants correspondants) s'ensuivra automatiquement. Dans les présents motifs du jugement, je ne traiterai donc que de la principale question en litige.

[3]            L'appelante est née en 1934, aux Philippines. Elle s'est mariée là-bas et a eu sept enfants. Son époux est décédé en 1964, alors que le plus jeune des enfants n'avait qu'un an. L'appelante a obtenu un diplôme universitaire aux Philippines et est devenue enseignante. Elle a déménagé au Canada en 1982 et a emmené avec elle tous ses enfants, bien que la plupart d'entre eux aient été de jeunes adultes. Elle s'est installée dans la région de Toronto et a entrepris de lire les journaux locaux pour trouver un poste d'enseignante. Peu de temps après, elle a trouvé de l'emploi comme enseignante qualifiée. Elle a ultérieurement obtenu une maîtrise en enseignement des langues et un doctorat en linguistique. À l'audience, l'appelante a témoigné pendant plus de trois heures. Elle est intelligente, entreprenante, travailleuse et très énergique. Les documents déposés par l'avocat de l'appelante démontrent que l'appelante tient ses livres d'une manière méticuleuse. J'ai trouvé que l'appelante était un témoin digne de foi.

[4]            Pour chacune des années allant de 1992 à 1996 inclusivement, l'appelante a déclaré plus de 50 000 $ comme revenu provenant de l'emploi qu'elle exerçait en tant qu'enseignante qualifiée. C'est de ce revenu d'emploi qu'elle a cherché à déduire les pertes provenant de ses diverses entreprises. Bien que les appels portent seulement sur 1992 et 1994, j'indiquerai dans le tableau ci-après les pertes que l'appelante a déduites pour la période de cinq ans allant de 1992 à 1996 inclusivement. Dans la colonne intitulée « Activité » , j'ai indiqué la source des pertes respectives. Les termes « Repas et aliments frais » devront être expliqués, car le produit a changé de 1992 à 1993.

[TRADUCTION]

Activité

1992

1993

1994

1995

1996

Location

25 304,08 $

12 100,15 $

13 896,37 $

1 236,83 $

10 570,19 $

T-shirts

392,63 $

Repas et aliments frais

1 931,30 $

11 105,98 $

8 860,49 $

5 791,03 $

5 171,18 $

Location

[5]            Je traiterai d'abord de l'entreprise de location, car elle est plus importante et s'étale sur une période plus longue. En juin 1987, l'appelante a acheté sa première maison, située sur Truscott Drive, à Mississauga, qu'elle a payée 168 000 $. C'était une maison relativement petite qui ne comportait que trois chambres à coucher. En 1988, l'appelante a loué le sous-sol, ainsi que deux chambres du deuxième étage. En 1989, elle a vendu la maison de Truscott Drive pour 220 000 $ et a acheté sa deuxième maison, située au 4859, Guildwood Way, à Mississauga, près de l'angle du chemin Mavis et de l'avenue Eglinton.

[6]            L'appelante était encore le propriétaire et l'occupante de cette deuxième maison, devenue le 5199, Guildwood Way, à l'époque de l'audience, qui a eu lieu en l'an 2000. L'appelante l'avait payée 344 990 $ en 1989, soit un achat financé principalement par un emprunt hypothécaire de premier rang à la Banque de Nouvelle-Écosse d'un montant de 289 680 $ et un produit de disposition de la première maison d'un montant d'environ 30 000 $. Lorsque la banque a appris que l'appelante prévoyait de louer des parties de sa maison à certains de ses enfants pour faciliter le remboursement de l'emprunt hypothécaire, la banque a insisté pour que les enfants devant être locataires soient inscrits sur le titre comme copropriétaires et codébiteurs hypothécaires. L'acte de cession et le contrat hypothécaire, qui font partie des documents figurant dans la pièce A-4, recueil I, indiquent que les copropriétaires étaient :

                                                  Rosalina Valladolid                                                 94 %

                                                  Mildred Valladolid                                                  2 %

                                                  Alex Valladolid                                                        1 %

                                                  Edna Valladolid                                                       1 %

                                                  Omar Valladolid                                                       1 %

                                                  Pamela Valladolid                                                    1 %

Mildred est la fille de l'appelante; Alex et Omar sont les fils de l'appelante; Edna est l'épouse d'Alex, et Pamela est l'épouse d'Omar.

[7]            L'appelante et ses enfants considéraient qu'elle était le véritable propriétaire de la maison du 5199, Guildwood Way. Ainsi, ils avaient signé en octobre 1989 une convention de cotenance (qui fait partie de la pièce A-4) indiquant les pourcentages de propriété qui figurent vis-à-vis de chaque nom dans le tableau ci-devant. Le but de la convention de cotenance était de répondre superficiellement à l'insistance de la banque pour que les « enfants-locataires » soient inscrits sur le titre de propriété et le contrat hypothécaire, tout en confirmant que, au sein de la famille, l'appelante était le véritable propriétaire de la maison. En 1989, les trois enfants (Mildred, Alex et Omar) et les deux belles-filles sont bel et bien devenus des locataires dans cette maison. Le 27 juillet 1992, ces cinq membres de la famille qui étaient inscrits sur le titre de propriété ont signé un document (qui fait partie de la pièce A-4) disant qu'ils n'avaient « absolument aucun intérêt » dans la maison du 5199, Guildwood Way. Ce document confirmait simplement ce qui était un fait depuis juillet 1989, soit depuis que la maison avait été achetée.

[8]            J'ai dit au paragraphe 3 que l'appelante tenait ses livres d'une manière méticuleuse. Les pièces A-6 à A-9, recueil II, sont des registres de tous les revenus et frais de location de l'appelante pour 1992 et 1994. La pièce A-6 indique qui étaient les locataires de l'appelante en 1992 et combien ils payaient comme loyer, soit :

[TRADUCTION]

Alex (fils de l'appelante) et Edna, plus 3 enfants

600 $ / mois

12 mois

7 200 $

Omar (fils de l'appelante) et Pamela, plus 2 enfants

550 $ / mois

12 mois

6 600 $

Ulysses Valladolid

(fils de l'appelante)

300 $ / mois

12 mois

3 600 $

Felisa Hernando

(mère d'Edna)

300 $ / mois

6 mois

1 800 $

Omar

200 $ / mois

12 mois

2 400 $

Loyer total déclaré pour 1992

21 600 $

Le montant de 21 600 $ est le montant du loyer brut annuel indiqué dans la déclaration de revenu de l'appelante pour 1992, mais il est trompeur quant à la somme de 200 $ par mois indiquée comme ayant été payée par Omar. Omar n'a pas payé la somme de 200 $ par mois, et l'appelante ne l'a pas reçue. Chaque mois, l'appelante délivrait à Omar un reçu de 200 $ disant que ce montant représentait la valeur de services d'enlèvement de la neige ou d'entretien du gazon (selon la saison) qu'Omar fournissait « en échange de l'hébergement de ses enfants » . S'il s'agissait d'un véritable échange, il me semble que l'appelante aurait dû indiquer les deux éléments de l'opération, les revenus et les frais, comme si Omar lui avait versé un loyer supplémentaire de 200 $ par mois et qu'elle lui avait versé 200 $ par mois pour l'entretien du terrain. En indiquant seulement les revenus, l'appelante a réduit de 2 400 $ sa perte déclarée.

[9]            Le tableau figurant au paragraphe 8 indique que les locataires de l'appelante en 1992 étaient des fils, belles-filles et petits-enfants de l'appelante, soit des personnes faisant directement partie de la famille, ainsi que la belle-mère d'un fils de l'appelante, soit Felisa Hernando. L'appelante a témoigné qu'elle avait consulté les annonces du Toronto Star pour déterminer le juste prix de location de logements comparables (appartement situé au sous-sol et chambre) et qu'elle demandait à ses locataires le juste prix de location, qu'il s'agisse ou non de membres de la famille. En 1994, bon nombre de ses locataires étaient des étrangers (c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas membres de la famille), et elle a utilisé la pièce A-8, recueil II, pour prouver que le loyer qu'elle demandait à des membres de la famille était le même que celui qu'elle demandait à des étrangers. Il y a eu un certain nombre d'arrivées et de départs de locataires en 1994, mais, me fondant sur la pièce A-6, j'essaierai d'énumérer les locataires ainsi que les loyers.

[TRADUCTION]

Alex et Edna, plus 3 enfants

600 $ / mois

12 mois

7 200 $

Priscilla Almarinez

250 $ / mois

100 $ / mois

10 mois

1 mois

2 500 $

100 $

Tess Cuadra

350 $ / mois

10 mois

3 500 $

Nancy Naboya

350 $ / mois

2 mois

700 $

Ulysses Valladolid

300 $ / mois

8 mois

2 400 $

Marcelino Syjueco

375 $ / mois

3 mois

1 125 $

Rosemarie Bartolome

350 $ / mois

6 mois

2 100 $

175 $ / mois

1 mois

175 $

Loyer total déclaré pour 1994

19 800 $

[10]          Parmi les sept locataires susmentionnés, seuls Alex et Ulysses (deux fils de l'appelante) étaient liés à l'appelante. Les cinq autres (Priscilla, Tess, Nancy, Marcelino et Rosemarie) n'étaient pas liés à l'appelante. Le loyer brut pour 1994 a été à peu près le même que le loyer brut pour 1992, notamment si le loyer théorique de 2 400 $ d'Omar pour 1992 est soustrait du loyer total de 21 600 $. Me fondant sur la preuve, je suis convaincu que l'appelante cherchait à faire payer un loyer fondé sur la valeur marchande aussi bien à des membres de sa famille qu'à des étrangers. En outre, sous réserve de la répartition de frais dont il est question ci-après, je suis convaincu que l'appelante essayait de tirer un profit de son entreprise de location.

[11]          Voici une version condensée de la manière dont l'appelante a calculé sa perte locative pour chacune des deux années considérées en l'espèce (1992 et 1994), ainsi que pour 1993. L'appelante a considéré seulement un treizième (1/13) de sa maison et du terrain contigu comme se rapportant à son utilisation personnelle. Ainsi, elle a attribué à son entreprise de location douze treizièmes (12/13) de tous les frais, soit 92,3 p. 100 des frais :

[TRADUCTION]

      1992

        1993

       1994

Loyers bruts

21 600 $

21 000 $

19 800 $

Total des frais

50 800 $

35 862 $

36 483 $

Partie personnelle (1/13)

3 896 $

2 762 $

2 787 $

Partie locative

46 904 $

33 100 $

33 696 $

Perte déclarée

25 304 $

12 100 $

13 896 $

L'appelante avait adopté la proportion d'utilisation personnelle de 1/13 en 1989 ou 1990, alors que les 13 personnes suivantes habitaient dans sa maison :

[TRADUCTION]

Résidents du 5199, Guildwood Way

Nombre

L'appelante

1

Alex (fils de l'appelante) et Edna, plus 3 enfants

5

Omar (fils de l'appelante) et Pamela, plus 2 enfants

4

Felisa Hernando (mère d'Edna)

1

Ulysses (fils de l'appelante)

1

Alex junior (fils adoptif)

1

13

Comme elle était seulement une des treize personnes vivant dans la maison, l'appelante avait déterminé qu'une proportion de seulement 1/13 de tous les frais se rapportait à son utilisation personnelle. Comme les douze autres personnes étaient toutes des locataires payant un loyer, l'appelante a déduit 12/13 de tous les frais dans le calcul du revenu ou de la perte de location. L'appelante a maintenu cette proportion d'utilisation personnelle de 1/13 pour des années subséquentes (1995 et 1996; voir les pièces R-9 et R-10), même lorsque le nombre de personnes vivant dans la maison était inférieur à 13.

[12]          Si la proportion d'utilisation personnelle de 1/13 était raisonnable, la fraction de 12/13 quant aux frais déduits du revenu de location donnerait lieu à des pertes constantes, et l'appelante n'aurait pas d'attente raisonnable de profit à l'égard de son entreprise de location. En vertu de l'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu, un contribuable ne peut déduire une dépense que dans la mesure où elle était raisonnable dans les circonstances. Je conclus que la proportion de 1/13 n'a jamais été raisonnable et qu'elle ne l'était assurément pas pour les années considérées en l'espèce. L'appelante s'est fondée sur l'hypothèse que toutes les personnes qui habitaient chez elle avaient des possibilités et besoins égaux quant à l'utilisation de la maison et du terrain contigu. C'est manifestement faux. Par exemple, les trois enfants d'Alex et Edna et les deux enfants d'Omar et Pamela (en 1992) n'étaient pas sur un pied d'égalité avec les adultes. Les adultes n'avaient pas tous les mêmes besoins non plus quant à l'espace, car Alex et Edna étaient mariés, tout comme Omar et Pamela. Enfin, l'appelante elle-même avait un contrôle absolu quant à savoir qui occuperait quelle chambre, qui partagerait certaines pièces communes comme la cuisine, le salon, la buanderie et les salles de bain et comment la cour serait utilisée et qui l'entretiendrait.

[13]          À mon avis, il serait raisonnable d'attribuer 1/3 des dépenses totales à l'appelante, vu sa situation concernant la propriété, le contrôle, la gestion et l'utilisation de la maison. La proportion restante de 2/3 des dépenses totales pourrait raisonnablement être attribuée à l'entreprise de location. Cette répartition révisée des frais peut être quelque peu arbitraire, mais l'entreprise de location comporte ainsi une attente raisonnable de profit qu'elle ne comportait pas par ailleurs, et cela tient compte du fait que l'appelante était propriétaire de la maison et du terrain contigu. Je me suis donné la peine de réviser la répartition des frais parce que je suis convaincu que l'appelante a véritablement l'esprit d'entreprise. Je suis impressionné par la taille de la maison qu'elle a achetée, par le fait qu'elle a diligemment consulté le Toronto Star pour déterminer un juste prix de location, par la manière dont elle tenait ses livres et par les efforts qu'elle a faits pour avoir de nouveaux locataires en 1994. Ce n'est pas comme dans les nombreux cas dans lesquels une personne loue simplement une ou deux chambres pour se procurer plus d'argent de manière à faciliter le remboursement de l'emprunt hypothécaire. Lorsque, en 1989, elle a acheté cette maison plus grande, l'appelante savait qu'il lui faudrait exercer une activité locative importante. Sur la base de la répartition révisée des frais, l'appelante est en droit de déduire les pertes rajustées suivantes pour 1992 et 1994 :

[TRADUCTION]

1992

1994

Loyers bruts

                     21 600 $

                     19 800 $

Total des frais

                     50 800 $

                     36 483 $

Partie personnelle 1/3

                     16 933 $

                     12 161 $

Partie locative

                     33 867 $

                     24 322 $

Perte rajustée

                     12 267 $

                       4 522 $

T-shirts

[14]          L'appelante et une amie, Mary Calanglang, avaient décidé vers 1990 qu'elles pourraient importer des t-shirts des Philippines et les vendre à profit. C'était une entreprise modeste. Elles ne s'étaient pas rendu compte à l'époque qu'il leur faudrait payer des droits de douane lorsqu'elles importeraient les t-shirts. C'est le genre d'erreur qu'une personne inexpérimentée peut faire, notamment si elle n'est pas née au Canada et n'y a pas été élevée. Les coûts ont été plus élevés que ce qui avait été prévu, et l'appelante et Mary Calanglang ont perdu 785,26 $ en 1992. La part de 50 p. 100 de cette perte attribuable à l'appelante représentait 392,63 $. Rien n'indiquait que les t-shirts étaient vendus à des membres de la famille. Il n'y avait pas de « circonstances douteuses » , pour reprendre les termes utilisés par le juge Linden dans l'arrêt Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73 (96 DTC 6001). À mon avis, l'entreprise de t-shirts était un autre exemple du caractère entreprenant de l'appelante. Je permettrais à l'appelante de déduire pour 1992 la somme de 392,63 $ représentant sa moitié de la perte provenant de l'entreprise de t-shirts.

Repas et aliments frais

[15]          J'ai dit que la troisième activité à l'égard de laquelle l'appelante avait subi des pertes concernait des « Repas et aliments frais » . L'activité relative aux repas n'a été exercée qu'en 1992. L'activité relative aux aliments frais a été exercée en 1993 et au cours d'années subséquentes. L'appelante savait qu'elle cuisinait bien et avait donc décidé de préparer dans sa cuisine du 5199, Guildwood Way des repas pour ses locataires et d'autres personnes de la communauté philippine locale. D'après l'état de revenus d'entreprise annexé à la déclaration de revenu de l'appelante pour 1992 (pièce R-1), les résultats financiers de l'activité de l'appelante relative aux repas peuvent être résumés comme suit :

[TRADUCTION]

Revenu brut

4 459,65 $

Moins achats

2 973,10 $

Profit brut

1 486,55 $

Moins frais

3 417,85 $

Perte nette

1 931,30 $

[16]          La liste de locataires figurant au paragraphe 8 des présents motifs indique que tous les locataires en 1992 étaient des particuliers unis à l'appelante par les liens du sang ou du mariage. Telles sont les personnes pour qui l'appelante a principalement préparé des repas en 1992. Aucune preuve n'indique qu'un nombre important de repas a été vendu à des personnes autres que les membres de la famille de l'appelante. Pour reprendre encore une fois les termes utilisés par le juge Linden dans l'arrêt Tonn, il y avait des « circonstances douteuses » relativement à la prétention de l'appelante selon laquelle son activité consistant à préparer et à vendre des repas en 1992 était une entreprise. Le paragraphe 9 de l'avis d'appel dit :

[TRADUCTION]

9.              En 1992, la contribuable a de nouveau essayé d'augmenter son revenu, cette fois en fournissant des repas à ses locataires moyennant une rémunération. Encore là, toutefois, les choses ne se sont pas passées comme prévu, l'appelante a subi une perte et elle a discontinué cette entreprise.

[17]          Je ne considère pas l'activité relative aux repas comme une « entreprise » . C'est trop étroitement lié à l'idée selon laquelle l'appelante nourrissait des membres de sa famille élargie qui étaient des locataires dans sa maison en 1992. On peut comparer le loyer payé par ces personnes en tant que locataires au loyer payé par des étrangers (par exemple en 1994), pour prouver que ces membres de la famille payaient un loyer fondé sur la valeur marchande, mais on ne peut faire une comparaison semblable en ce qui a trait aux sommes qu'ils payaient à l'appelante pour des repas en 1992. Compte tenu du calcul effectué au paragraphe 15 des présents motifs, je conclus que l'appelante fournissait gratuitement des repas à des membres de sa famille en 1992. Son activité consistant à préparer et à vendre des repas ne comportait pas d'attente raisonnable de profit. La perte de 1 931,30 $ déclarée par l'appelante n'est pas déductible pour 1992.

[18]          L'appelante a témoigné que, à la fin de 1992, elle était fatiguée de préparer des repas et avait décidé de vendre des fruits et légumes frais. Cette activité est décrite dans sa déclaration de revenu pour 1993 comme consistant à vendre « des fruits et légumes frais et du poisson congelé » . Les mêmes mots figurent dans sa déclaration de revenu pour 1994. Pour 1995 et 1996 (pièces R-9 et R-10), les déclarations de revenu de l'appelante indiquent que le produit était des « aliments congelés » . L'appelante semble avoir considéré cela comme une seule et unique activité suivie, car le stock de clôture d'une année était reporté dans le stock d'ouverture de l'année suivante, ce qui a été le cas de 1993 à 1996 inclusivement. Voir les pièces R-2, R-3, R-9 et R-10.

[19]          Durant toute la période pertinente, l'appelante était enseignante à temps complet. Elle se levait à 5 heures et, à 5 h 30, elle était au Marché des produits alimentaires de l'Ontario (situé à l'extrémité ouest du Grand Toronto). Elle faisait ses achats. Son fils la conduisait ensuite à l'école pour 8 h 30 et retournait à la maison pour placer les aliments dans un réfrigérateur ou un congélateur. L'appelante essayait de vendre les aliments après son retour de l'école, ainsi que le samedi. Je traiterai de cette activité par rapport à ce qui est indiqué dans les déclarations de revenu de l'appelante pour 1993 et 1994, même si l'appel à ce sujet se rapporte seulement à 1994. Les états financiers annexés aux déclarations de revenu de l'appelante pour 1993 et 1994 peuvent être résumés comme suit :

[TRADUCTION]

Fruits et légumes frais

1993

1994

Revenu brut

12 162,00 $

11 383,32 $

Coût de produits vendus

9 817,94 $

9 354,05 $

Profit brut

2 344,06 $

2 029,27 $

Frais

13 450,04 $

10 889,76 $

Perte nette

11 105,98 $

8 860,49 $

[20]          Les montants indiqués à titre de « frais » dans le calcul des pertes ci-devant peuvent être divisés comme suit :

[TRADUCTION]

         1993

            1994

Frais de véhicule à moteur

3 337,32 $

3 432,22 $

Autres sommes déboursées

1 584,22 $

1 462,74 $

Déduction pour amortissement (DPA)

8 528,50 $

5 994,80 $

13 450,04 $

10 889,76 $

Pour les deux années, les frais de véhicule à moteur dépassent le profit brut d'environ 50 p. 100. Les autres frais et la DPA augmentent simplement une perte déjà établie. D'après le tableau de DPA annexé à la déclaration de revenu de l'appelante pour 1993 (pièce R-2), la DPA s'applique à deux congélateurs et à du matériel de réfrigération dont le coût est de 1 242,53 $ ainsi qu'à une camionnette dont le coût est de 27 600 $. L'appelante a indiqué que la camionnette était utilisée à des fins personnelles dans une proportion de 20 p. 100, mais elle a appliqué la DPA comme si la camionnette était utilisée aux fins de l'entreprise dans une proportion de 100 p. 100.

[21]          La DPA relative à la camionnette fait penser à la proportion d'utilisation personnelle de la maison de 1/13 que l'appelante avait indiquée à l'égard des frais relatifs à son entreprise de location. Voir les paragraphes 11 et 12 des présents motifs. Si la camionnette était utilisée aux fins de l'entreprise dans une proportion de 80 p. 100 ou de 100 p. 100, les frais de fonctionnement et la DPA feraient que l'appelante serait considérée comme n'ayant pas d'attente raisonnable de profit et que la perte ne serait pas déductible pour 1994. Je suis convaincu que la camionnette n'était pas utilisée aux fins de l'entreprise plus de 50 p. 100 du temps, car l'appelante était une enseignante à temps complet, l'activité relative aux aliments était une activité secondaire et aucune preuve n'indiquait que d'autres membres de la famille de l'appelante travaillaient à cette activité. Si la camionnette était utilisée aux fins de l'entreprise dans une proportion d'au plus 50 p. 100, les calculs de la perte de l'appelante pour 1993-1994 se présenteraient à peu près comme suit :

[TRADUCTION]

      1993

     1994

Profit brut

2 344,06 $

2 029,27 $

Frais de véhicule à moteur

1 668,66 $

1 716,11 $

Autres frais

1 584,22 $

1 462,74 $

DPA

4 388,50 $

3 717,80 $

Total des frais

7 641,38 $

6 896,65 $

Perte nette

5 297,32 $

4 867,38 $

[22]          Si la camionnette était utilisée aux fins de l'entreprise dans une proportion d'au plus 50 p. 100, je permettais à l'appelante de déduire une perte d'au plus 4 800 $ pour 1994 concernant son activité consistant à vendre des fruits et légumes frais. Si la camionnette était utilisée aux fins de l'entreprise dans une proportion de plus de 50 p. 100, je conclurais que l'activité de l'appelante consistant à vendre des fruits et légumes frais ne comportait pas d'attente raisonnable de profit, et aucune perte ne serait déductible.

[23]          En se reportant brièvement à l'entreprise de location de l'appelante et en tenant compte de la grande énergie que l'appelante déployait dans son activité relative aux repas en 1992 et dans la vente de fruits et légumes en 1993 et en 1994, on peut voir pourquoi il n'était pas raisonnable que l'appelante indique qu'elle utilisait seulement 1/13 de sa maison!

[24]          L'appelante avait signé une renonciation pour son année d'imposition 1992, de manière qu'une nouvelle cotisation puisse éventuellement être établie pour cette année-là. Puis elle a allégué qu'elle avait signé cette renonciation sous une certaine pression, qu'elle avait cru n'avoir d'autre choix que de signer, que la renonciation devrait être annulée et que l'année 1992 devrait être considérée comme frappée de prescription. Aucun élément de preuve ne me permettrait d'annuler la renonciation.

[25]          En conclusion, j'accorde certaines mesures de redressement à l'appelante. Pour son activité locative, l'appelante peut déduire des pertes de 12 267 $ et de 4 522 $ pour 1992 et 1994 respectivement. En ce qui a trait à son activité relative aux t-shirts, elle peut déduire une perte de 392,63 $ pour 1992. Pour ce qui est de son activité consistant à vendre des fruits et légumes, elle peut déduire une perte d'au plus 4 800 $ pour 1994. Je fixe une limite de 4 800 $ quant à la perte provenant de l'entreprise de fruits et légumes pour 1994 parce que je ne suis pas certain qu'une vérification consciencieuse permettrait de déterminer le montant que j'ai calculé au titre de la DPA. Comme l'appelante a obtenu un redressement important, elle a droit à une taxation de ses frais. J'accorderais notamment une somme pour le coût des relieurs à feuilles mobiles contenant les pièces A-1 à A-25, car ces pièces étaient importantes dans le succès partiel obtenu par l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de février 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-1009(IT)G

ENTRE :

ROSALINA VALLADOLID,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 9 mars 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Antonio Conte

Avocate de l'intimée :                           Me H. Annette Evans

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1994 sont admis, avec frais (y compris en particulier les frais de reproduction de pièces), et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, compte tenu du fait que :

1.        pour 1992, l'appelante peut déduire une perte locative de 12 267 $, plus une perte de 392,63 $ provenant de l'entreprise de t-shirts;

2.        pour 1994, l'appelante peut déduire une perte locative de 4 522 $, plus une perte de 4 800 $ provenant de l'entreprise de fruits et légumes;

3.        la demande de l'appelante quant au crédit de taxe sur les produits et services et quant à la prestation fiscale pour enfants sera déterminée une fois prise en compte la déduction des pertes susmentionnées.

          L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur


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