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Date: 20010629

Dossier: 2000-5023-IT-I

ENTRE :

ANNA MAURO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Pour l'appelante : L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée : Me Suzanne Bruce

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Motifsdu jugement

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario) le 18 avril 2001)

Le juge Mogan

[1]            L'appelante interjette appel d'une nouvelle cotisation établie à son égard pour l'année d'imposition 1998. Cette année-là, elle a déduit la somme totale de 5 039 $ au titre des frais médicaux qu'elle a payés à une clinique d'amaigrissement. Elle avait éprouvé certaines difficultés sur le plan personnel et avait perdu toute confiance en elle-même. Elle en est arrivée à la conclusion qu'elle devait une partie de cette perte de confiance au fait qu'à ses propres yeux elle faisait de l'embonpoint. Elle a donc fréquenté la clinique Healthy Lifestyles Weight Loss (la « clinique » ), où elle a reçu des conseils et acheté des suppléments alimentaires, ce qui lui a permis de faire preuve de la discipline nécessaire pour perdre du poids. Elle a témoigné qu'en fréquentant la clinique et en suivant les directives et les conseils qu'elle y avait reçus, elle avait perdu approximativement 50 livres. J'en infère qu'elle considère que le programme, dans son ensemble, s'est avéré efficace.

[2]            La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit un crédit d'impôt pour frais médicaux. Lorsque l'appelante a demandé le crédit en 1998, Revenu Canada a rejeté sa demande pour le motif que celle-ci ne se rapportait pas à des frais médicaux. L'appelante a interjeté appel de cette cotisation à la Cour et elle a choisi le régime de la procédure informelle.

[3]            L'appelante est secrétaire juridique. En 1997, elle est arrivée à la conclusion qu'elle faisait de l'embonpoint. Elle a donc commencé à fréquenter la clinique du centre Eaton, au centre-ville de Toronto. La clinique a été fondée par un certain Dr B. Pich, propriétaire de trois cliniques semblables à Toronto et en banlieue. À la clinique, on a donné des conseils à l'appelante et on lui a recommandé d'acheter certains suppléments alimentaires. L'appelante s'est rendue à la clinique deux ou trois fois par semaine pendant les années civiles 1997 et 1998. En 1997, ses visites à la clinique lui ont coûté au total 5 600 $ environ, montant qu'elle a semble-t-il déduit dans le calcul de son revenu pour 1997. D'après l'avocate de l'intimée, cette déduction a échappé à l'attention de Revenu Canada, qui n'en a pas contesté le bien-fondé. En 1998, l'appelante a engagé des frais de 5 039 $, qui, cette fois-ci, ont été contestés par Revenu Canada. C'est ce montant qui est en litige en l'espèce.

[4]            Certains documents ont été produits en preuve par l'intimée, en particulier la pièce R-4, une lettre que l'appelante a adressée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 26 juin 2000, dont voici un extrait :

                                [TRADUCTION]

En réponse à votre lettre du 3 mai 2000, j'ai joint à la présente les renseignements complémentaires demandés afin de permettre à la Division des appels d'examiner plus avant mon opposition et de rendre une décision à cet égard.

Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à communiquer avec moi.

Un document d'une page, rédigé sur le papier à en-tête de la clinique et adressé à l'appelante, est joint à cette lettre. En voici des extraits :

                                [TRADUCTION]

Mme Mauro nous a fait savoir qu'elle avait besoin d'un compte détaillé des frais engagés pour 1998.

Voici quels sont les frais en question :

Conseils d'hygiène alimentaire = 3 122,26 $

Suppléments alimentaires = 1 916,74 $

Nous souhaitons également vous informer que nous sommes une clinique médicalement autorisée et que nous travaillons sous la supervision du Dr Pich.

Le montant en litige, soit 5 039 $, est la somme de ces frais.

[5]            L'avocate de l'intimée s'appuie sur certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu pour faire valoir que la somme totale de 5 039 $ n'est pas déductible. Elle invoque le paragraphe 118.2(1), qui énonce la formule générale de calcul du montant déductible au titre des frais médicaux.

118.2(1)                   Le résultat du calcul suivant est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

                                                                                A (B-C) - D

où :

[...]

B              le total des frais médicaux du particulier, attestés par des reçus présentés au ministre [...]

Les « frais médicaux » sont définis dans les termes suivants au paragraphe 118.2(2) :

118.2(2)                   Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

a)                   à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, [...]

[6]            Il s'agit par conséquent de déterminer si la personne qui donnait des conseils d'hygiène alimentaire est un médecin ou une personne exerçant une profession semblable. L'appelante a témoigné qu'elle n'avait jamais vu le Dr Pich parce qu'il ne travaillait qu'à la clinique du centre commercial Cloverdale, et que la seule personne qu'elle avait consultée était une femme appelée Shaine Kanji-Lalani, qui, semble-t-il, est conseillère en hygiène alimentaire. Revenu Canada soutient que la profession de conseiller en hygiène alimentaire n'est pas visée par la législation applicable. Je me reporte à l'alinéa 118.4(2)a) de la Loi, dont voici le libellé :

118.4(2)                   Tout audiologiste, dentiste, ergothérapeute, infirmier, infirmière, médecin, médecin en titre, optométriste, pharmacien ou psychologue visé aux articles 63, 118.2, 118.3 et 118.6 doit être autorisé à exercer sa profession :

a)             par la législation applicable là où il rend ses services, s'il est question de services;

[...]

Le renvoi à un médecin ou à un médecin en titre, dans le contexte de l'appel en l'espèce, vise la personne autorisée à exercer sa profession par la législation de la province de l'Ontario car c'est là que tous les services ont été rendus.

[7]            L'avocate de l'intimée a attiré mon attention sur la Loi sur les professions de la santé réglementées de l'Ontario. À l'annexe 1 sont énumérées les professions de la santé autonomes, dont voici les plus connues : audiologie et orthophonie, chiropratique, dentisterie, diététique, massothérapie, médecine, profession de sage-femme, soins infirmiers, ergothérapie, optométrie et pharmacie. La seule profession de la santé autonome qui ressemble un tant soit peu à celle dont il est question ici est celle de la diététique, régie par la Loi sur les diététistes, adoptée en 1991. L'intimée fait valoir qu'il y a une différence entre un hygiéniste alimentaire et un diététiste. Le diététiste exerce la diététique et est régi en Ontario par la Loi sur les diététistes. L'hygiéniste alimentaire n'est pas un diététiste, il n'exerce pas la diététique, et, apparemment, il n'exerce aucune profession de la santé autonome en Ontario. J'ignore quelles compétences doit posséder un conseiller en hygiène alimentaire, mais cette question n'a été soulevée d'aucune façon dans l'appel en l'espèce.

[8]            Dans un cas comme celui qui nous occupe, il aurait peut-être été utile d'appeler un représentant de la clinique à témoigner pour l'appelante, particulièrement si cette dernière s'est fait dire par le personnel que ses reçus seraient acceptés à titre de frais médicaux aux fins d'impôt sur le revenu. Si l'appelante a obtenu cette assurance, et je la crois lorsqu'elle affirme l'avoir obtenue, il me semble qu'un représentant de la clinique aurait dû exprimer son désir de venir en cour étayer les propos de l'appelante, décrire ses compétences et répondre à la question de savoir si les conseils en hygiène alimentaire pouvaient être considérés comme étant rattachés à une profession de la santé autonome. Nous n'avons aucune preuve de ce genre provenant de la clinique. Je tends à penser qu'un hygiéniste alimentaire n'exerce sous le régime d'aucune loi provinciale. À cet égard, je renvoie encore au libellé pertinent de l'alinéa 118.4(2)a) :

118.4(2)                   Tout [...] médecin [...] visé aux articles [...] 118.2 [...] doit être autorisé à exercer sa profession :

a)             par la législation applicable là où il rend ses services [...]

[9]            La disposition reproduite ci-avant s'appliquerait à toutes les autres professions, comme celle d'infirmière, d'ergothérapeute, d'optométriste, de pharmacien ou de psychologue. Il n'y a rien dans cet alinéa qui se rapporte aux diététistes, à la diététique, aux consultations en matière d'hygiène alimentaire, aux hygiénistes alimentaires ou aux conseillers en alimentation. Par conséquent, à mon avis, les montants payés au titre des conseils d'hygiène alimentaire ne peuvent être assimilés au montant payé à un médecin, un médecin en titre ou un autre professionnel de la santé mentionné au paragraphe 118.4(2). L'appel est rejeté relativement au montant de 3 122,26 $ payé pour les conseils d'hygiène alimentaire.

[10]          J'examinerai maintenant la question de savoir si les montants payés pour les suppléments alimentaires peuvent être déduits. Selon son témoignage, non seulement l'appelante se rendait-elle à la clinique en question deux ou trois fois par semaine et y recevait-elle des conseils, mais le personnel mesurait sa pression sanguine, la pesait, prenait ses mensurations, suggérait de faire de l'exercice pour maintenir la perte de poids et recommandait également l'achat des suppléments alimentaires qui y étaient vendus. Il me semble que la clinique était peut-être en situation de conflit d'intérêt lorsqu'elle recommandait à ses clients d'acheter des produits qu'elle seule vendait. Toutefois, cette question ne me concerne pas. L'appelante a acheté des comprimés et des suppléments alimentaires. À mon avis, le coût de ces comprimés et suppléments ne pouvait être déduit que s'il se rapportait à des médicaments délivrés sur ordonnance ou à des médicaments semblables à de tels médicaments. L'avocate de l'intimée a reporté la Cour à l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi, dont voici le libellé :

118.2(2)                   Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

[...]

n)             pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances — sauf s'ils sont déjà visés à l'alinéa k) — qui sont, d'une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d‘une maladie, d'une affection, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d'autre part, achetés afin d'être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien;

[11]          Il ressort clairement de la preuve en l'espèce que les suppléments alimentaires n'étaient pas délivrés sur ordonnance d'un médecin et n'étaient pas enregistrés par un pharmacien. Ils ont semble-t-il été achetés par l'appelante, à la clinique, dans le cadre de ses séances de consultation avec Shaine Kanji-Lalani; au fond, ils ont été vendus à l'appelante comme n'importe quel autre produit. Peut-être avaient-ils ce qu'on pourrait appeler une utilité liée aux sciences de la santé. Ou peut-être permettaient-ils d'atteindre l'objectif consistant à maintenir la perte de poids, ou à prévenir la possibilité que l'appelante développe un goût excessif pour la nourriture. Cependant, s'ils pouvaient être considérés comme des médicaments (et je ne crois pas qu'ils puissent l'être), ils ne seraient néanmoins pas des médicaments délivrés sur ordonnance. Il y a quand même une possibilité qu'ils soient, non pas des médicaments, mais des produits qui s'ajoutent aux aliments dont le corps a besoin pour qu'une personne puisse continuer à mener des activités normales de travail et de loisir dans le cadre d'un style de vie sain.

[12]          Je ne puis conclure, compte tenu de la preuve produite en l'espèce, que les suppléments alimentaires sont visés de quelque manière que ce soit par la définition de « médicament » énoncée à l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi. Pour cette raison, le montant de 1 916,74 $ n'est pas un montant déductible car il n'est pas admissible à titre de frais médicaux. Par conséquent, les deux montants déduits par l'appelante (5 039 $ au total) ne sont pas des frais médicaux et ne donnent pas droit à un crédit d'impôt en vertu de l'article 118.2. À mon avis, l'appelante a de la chance de ne pas avoir eu à faire face à une contestation pour l'année 1997 relativement à des déductions semblables, à l'égard desquelles elle a effectué une divulgation complète à Revenu Canada et qui ne peuvent apparemment plus faire l'objet d'une contestation.

[13]          L'appel est rejeté. Soit dit en passant, si j'étais l'appelante, je serais très déçu des renseignements fournis par la clinique sur la déductibilité de ces montants. Les gens qui exploitent des cliniques du genre de celle dont il est question ici sont en général beaucoup mieux renseignés que le client moyen qui s'y présente pour obtenir de l'aide. Ce dernier est dans une position beaucoup plus vulnérable que la clinique. Ce genre de clinique, établie dans des centres commerciaux importants de Toronto et appartenant peut-être à un ou plusieurs médecins, devrait agir de manière plus responsable quant aux renseignements qu'elle donne aux clients sur la déductibilité des coûts liés à ses services. Cette remarque vise à donner suite à la déclaration de l'appelante, soit qu'elle s'est inscrite au programme parce qu'elle a cru le personnel de la clinique qui lui a dit que les coûts seraient déductibles. Elle ne doit pas être blâmée pour cela. Il y a peut-être lieu cependant de blâmer quelqu'un d'avoir induit l'appelante en erreur, compte tenu du témoignage entendu aujourd'hui.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de février 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

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