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Date: 20010523

Dossier: 1999-3166-EI

ENTRE :

YELLOW CAB COMPANY LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1]      On a effectué une évaluation des cotisations d'assurance-emploi pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 que devait retenir Yellow Cab Company Ltd. ( « Yellow Cab » ) en ce qui concerne les services fournis par M. Rajinder Matharu ( « propriétaire exploitant » ) à Yellow Cab. Cette évaluation a été établie à l'égard de Yellow Cab parce que cette dernière avait omis de retenir et de verser des montants se rapportant à des cotisations en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) en ce qui concerne la rémunération de M. Matharu.

[2]      On a effectué une autre évaluation des cotisations d'assurance-emploi pour les années d'imposition 1997 et 1998 que devait retenir Yellow Cab en ce qui concerne les services que Baldev Atwal, Abdiqni Abdille, Davinder Brar, Manjinder Dhaliwal, Kiranjit Malhi, Hassan Osman, Amale Salah et Kewal Sond (collectivement appelés les « exploitants à contrat » ) lui avaient rendus. Cette évaluation a été établie à l'égard de Yellow Cab parce celle-ci avait omis de retenir et de verser des montants se rapportant à des cotisations en vertu de la Loi pour ce qui est de la rémunération des chauffeurs.

OBSERVATIONS DE L'APPELANT

[3]      L'appelante soutient que toutes les évaluations en litige dans le présent appel concernent des personnes qui n'exerçaient pas un emploi assurable tel que le définissent la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi.

[4]      Toutes les évaluations en litige dans le présent appel concernent des personnes qui doivent à juste titre être considérées comme des « exploitants d'une entreprise » , n'exerçant par conséquent pas un « emploi assurable » .

[5]      Subsidiairement, l'appelante a également soutenu que, si l'on concluait que le propriétaire exploitant et les exploitants à contrat exerçaient un emploi assurable et que les évaluations étaient fondées sur le revenu brut du propriétaire et des exploitants à contrat, donc sur le revenu sur lequel des déductions appropriées, comme l'assurance automobile, la comptabilité, la répartition, le stationnement, la formation et les frais de marketing, n'ont pas été effectuées, les évaluations devraient être déférées au ministre pour modification, puisqu'elles devraient être fondées sur le revenu net.

PREUVE

EXTRAITS DE L'EXPOSÉ CONJOINT

DES FAITS PRODUIT PAR LES PARTIES AU PROCÈS

            [TRADUCTION]

. . .

2.          Le 16 juillet 1998 ou vers cette date, l'appelante Yellow Cab a reçu quatre évaluations pour retenues et versements de cotisations d'assurance-emploi. Une évaluation concernait l'année d'imposition 1996, deux évaluations, l'année d'imposition 1997, et une, année d'imposition 1998. . . .

3.          L'appelante a produit des oppositions aux évaluations. L'intimé a ratifié toutes les évaluations. Les appelants ont interjeté le présent appel.

. . .

5.          Yellow Cab a fait l'objet d'une évaluation aux termes de laquelle il a été déterminé qu'elle devait verser des cotisations d'assurance-emploi en ce qui concerne M. Matharu uniquement par rapport à l'exploitation du taxi no 102D du mois de juillet 1996 au mois de janvier 1997.

6.          Pendant la période pour laquelle une évaluation a été établie à l'égard de Yellow Cab pour qu'elle effectue des versements de cotisations d'assurance-emploi en ce qui concerne M. Matharu, c'est-à-dire du mois de juillet 1996 au mois de janvier 1997, M. Matharu possédait la moitié des droits d'exploitation du taxi no 102 (décrit dans la convention d'achat-vente comme le taxi no 102D (exploitation de jour), dont le droit de détenir un permis délivré par la ville de Vancouver en ce qui concerne ce taxi.

[. . .]

9.          Yellow Cab a fait l'objet d'une évaluation aux termes de laquelle il a été déterminé qu'elle devait verser des cotisations d'assurance-emploi concernant :

            a)          M. Atwal uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 158D du mois de septembre 1997 au mois d'avril 1998;

            b)          M. Abdille uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 179N du mois de mars 1997 au mois d'avril 1998;

            c)          M. Brar uniquement en ce qui a trait au taxi no 179D du mois de décembre 1996 au mois d'avril 1998;

            d)          M. Dhaliwal uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 158N du mois de septembre 1997 au mois d'avril 1998;

            e)          M. Malhi uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 161D du mois de décembre 1996 au mois d'avril 1998;

            f)           M. Osman uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 158N du mois de décembre 1996 au mois de juin 1997;

            g)          M. Salah uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 161N du mois de décembre 1996 au mois d'avril 1998;

            h)          M. Sond uniquement en ce qui a trait à l'exploitation du taxi no 158D du mois de décembre 1996 au mois de juin 1997.

10.        Pendant la période pour laquelle Yellow Cab a fait l'objet d'une évaluation de versement de cotisations d'assurance-emploi concernant M. Atwal, M. Abdille, M. Brar, M. Dhaliwal, M. Malhi, M. Osman, M. Salah et M. Sond (les « exploitants » ) pour ce qui est de l'exploitation des taxis énumérés au paragraphe 9 ci-dessus, les exploitants à contrat ont obtenu leurs droits d'exploiter les taxis en question en vertu d'un contrat de location conclu avec M. Amrik Dhillon. Yellow Cab est une partie au contrat de location. . . .

11.        La forme et le contenu de tous les contrats de location sont essentiellement les mêmes, la principale différence résidant dans l'identité du propriétaire, celle de l'exploitant, le numéro du taxi, la durée de la location et les frais d'exploitation.

12.        En vertu des contrats de location, les exploitants (p. ex. M. Moalin, M. Abdille, M. Brar, M. Dhaliwal, M. Malhi, M. Osman, M. Salah et M. Sond) avaient droit à toutes les recettes découlant de l'exploitation du taxi.

13.        En vertu des contrats de location, les exploitants étaient responsables du paiement :

a)          des frais de répartition mensuels;

b)          de l'essence utilisée pour l'exploitation du taxi;

c)          de toutes les réparations du véhicule utilisé par l'exploitant du taxi;

            d)          du permis pour le véhicule à moteur émis par le service des véhicules à

                        moteur;

e)          d'un certificat d'inspection valide indiquant que le véhicule est en bon état;

f)           des frais d'administration;

g)          des frais de comptabilité;

h)          des frais d'exploitation.

. . .

15.        Pendant la période pour laquelle Yellow Cab a fait l'objet d'une évaluation aux termes de laquelle il a été déterminé qu'elle devait verser des cotisations d'assurance-emploi en ce qui concerne M. Matharu uniquement pour l'exploitation du taxi no 102D, ce dernier payait les chauffeurs pour conduire le taxi no 102D et avait également versé l'impôt sur le revenu et des montants relatifs au RPC et à l'assurance-emploi au nom des chauffeurs. Chaque chauffeur a reçu un feuillet T4, déterminant que M. Matharu était l'employeur. Les parties ont présumé, pour les besoins du présent appel, que les évaluations en litige se rapportaient uniquement aux tarifs perçus par M. Matharu.

PRINCIPAUX TÉMOIGNAGES AU PROCÈS

[6]      Yellow Cab détient des permis de transporteur routier à l'égard de 198 taxis. Elle possède également les « droits » d'exploitation de dix taxis. Les droits d'exploitation des 188 autres taxis sont détenus par les actionnaires de Yellow Cab.

[7]      Les droits sont divisés en trois catégories : exploitation à la journée, exploitation de jour et exploitation de nuit.

[8]      Les propriétaires qui ne souhaitent pas exploiter leur taxi, mais qui désirent conserver leurs droits peuvent les louer à des exploitants à contrat.

[9]      Les évaluations établies à l'égard de Yellow Cab pour ce qui est du versement de cotisations d'assurance-emploi concernent deux catégories d'exploitants : propriétaire-exploitant (M. Matharu) et exploitants à contrat (MM. Atwal, Abdille, Brar, Dhaliwal, Malhi, Osman, Salah et Sond).

[10]     L'industrie du taxi de Vancouver, en Colombie-Britannique, est régie par des mesures de réglementation fédérales, provinciales et municipales.

[11]     La Motor Carrier Commission de la Colombie-Britannique réglemente tous les taxis de la province et leur délivre les permis. Elle délivre des permis, un certificat de transporteur routier et une plaque d'immatriculation. Les responsabilités quotidiennes administratives et celles relatives à l'enquête et au respect des lois qu'assumait la Motor Carrier Commission sont maintenant assumées par l'entremise du service des véhicules à moteur de la ICBC.

[12]     La ville de Vancouver délivre également des permis et réglemente des taxis en vertu du règlement municipal intitulé Vehicles for Hire, qui prévoit des lignes directrices strictes en ce qui concerne l'exploitation de taxis.

[13]     L'aéroport de Vancouver contrôle et réglemente également un programme s'appliquant aux taxis. L'administration aéroportuaire de Vancouver délivre des permis et exige des inspections régulières ainsi que des normes de formation particulières pour les chauffeurs.

[14]     Les chauffeurs sont également réglementés par le service des véhicules à moteur, qui exige un permis de catégorie 4 pour l'exploitation d'un taxi.

[15]     Le service de la police responsable des taxis de la ville de Vancouver délivre et réglemente les permis des chauffeurs, qui sont obligatoires pour la conduite d'un taxi.

[16]     La relation contractuelle expresse entre Yellow Cab et le propriétaire exploitant figure dans un « contrat d'achat » , et celle entre Yellow Cab et les exploitants à contrat figure dans un « contrat de location » . Selon la preuve, il semblerait également que plusieurs clauses contractuelles n'effectuent implicitement aucun renvoi direct aux contrats.

[17]     Selon le témoignage du directeur général de l'appelante, Yellow Cab était à peine plus qu'un fournisseur de services, et les restrictions ou les mesures de contrôle figurant dans le contrat de location ou d'achat ne constituaient qu'un reflet des mesures de réglementation de l'industrie du taxi imposées par plusieurs paliers de gouvernement.

LOIS ET JURISPRUDENCE

[18]     L'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi inclut expressément l'emploi d'un chauffeur de taxi dans la catégorie des emplois assurables :

6. Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

[...]

e)          l'emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, d'autobus commercial, d'autobus scolaire ou de tout autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou publique pour le transport de passagers, si cette personne n'est pas le propriétaire de plus de 50 pour cent du véhicule, ni le propriétaire ou l'exploitant de l'entreprise privée ou l'exploitant de l'entreprise publique; [Je souligne.]

[19]     L'alinéa 12e)[1] de l'ancien Règlement sur l'assurance-emploi a été examiné par la Cour d'appel fédérale dans trois affaires, à savoir Le procureur général du Canada c. Skyline Cabs (1982) Ltd., C.A.F., no A-498-85, 26 mai 1986 ([1986] 5 W.W.R. 16), 715341 Ontario Ltd. c. M.R.N., [1993] A.C.F. no 1064 (QL) et Mangat c. R., C.F.A., no A-59-98, 11 septembre 2000 ([2000] 4 C.T.C. 227). Dans ces affaires, il a été décidé que les locataires des taxis étaient des employés en vertu de l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage.

[20]     La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Martin Service Station c. M.R.N., [1977] 2 R.C.S. 996, a interprété le mot « emploi » de l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage dans le sens large d' « activité » ou d' « occupation » , et non dans le sens étroit d'un contrat de louage de services.

[21]     Le juge d'appel MacGuigan, dans l'affaire Skyline Cabs, précitée, a cité et approuvé cette interprétation. Dans cette affaire, Skyline Cabs a fait l'objet d'une évaluation à l'égard des cotisations d'assurance-chômage de l'employeur aux termes de l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage en ce qui concerne l'emploi de chauffeurs de taxi. Skyline Cabs a interjeté appel à l'encontre de l'évaluation au motif qu'elle n'employait pas de chauffeurs de taxi. Skyline détenait une licence de courtage en taxi, son tarif de location donnait accès à un service de répartition, elle assurait l'application d'un code vestimentaire et d'un code relatif à l'apparence des chauffeurs, elle voyait à ce que les chauffeurs gardent leur véhicule propre, elle payait les bordereaux de cartes de crédit et elle interdisait aux chauffeurs de dérober des courses déjà attribuées et de consommer de la drogue et de l'alcool. La Cour d'appel fédérale a conclu que, même si les chauffeurs de taxi en question louaient des véhicules de l'intimée sans avoir de contrat de louage de services, ils exerçaient un emploi assurable. Le juge d'appel MacGuigan a fait remarquer que l'ensemble des faits établissait irréfutablement « un degré suffisant de participation de [Skyline Cabs] au transport de passagers par taxi » même s'il n'établissait pas nécessairement l'existence d'un contrat de louage de services entre celle-ci et les chauffeurs.

[22]     Dans l'affaire 715341 Ontario Ltd., précitée, 715341 Ontario Ltd. possédait des taxis et avait une entente avec un courtier agréé, en vertu de laquelle elle recevait les services du courtier lui permettant de louer des taxis à des chauffeurs. Selon les faits, il était évident que 715341 Ontario Ltd. exploitait une entreprise de location de taxis équipés à des chauffeurs qui transportaient des passagers, et non une entreprise de transport de passagers. La Cour d'appel fédérale a conclu que l'interprétation ci-dessous de l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage par le juge de la Cour canadienne de l'impôt était correcte. Au paragraphe 3, le juge Heald a déclaré ce qui suit :

Aux fins de trancher la question en litige soulevée dans le présent appel, il faut lire cet alinéa tel qu'il est ci-après rapporté en y retranchant le libellé qui est inapplicable aux faits de l'espèce, à savoir :

...

e)          l'emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, [...] lorsque cette personne n'est pas le propriétaire du véhicule [...];

Ainsi, la Cour fédérale du Canada a accepté que, contrairement à l'interprétation du juge d'appel MacGuigan dans l'affaire Skyline Cabs, l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage n'exigeait pas que les taxis soient utilisés par l'employeur pour le transport de passagers. En conséquence, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que les chauffeurs qui louaient des taxis de 715341 Ontario Ltd. devaient être considérés comme exerçant un emploi assurable en vertu des dispositions de l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage.

[23]     Dans l'affaire Mangat, précitée, la Cour d'appel fédérale devait examiner l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage et le paragraphe 17(1) de l'ancien Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations), en vertu desquels le propriétaire ou l'exploitant d'une entreprise qui emploie une personne en tant que chauffeur de taxi est considéré comme un employeur pour l'application de la Loi sur l'assurance-chômage.

[24]     M. et Mme Mangat possédaient des véhicules à moteur, qu'ils louaient à des chauffeurs de taxi. Au lieu de détenir le permis nécessaire pour l'exploitation d'un taxi, M. et Mme Mangat possédaient des actions de deux compagnies et ont conclu des ententes avec ces dernières. Ces compagnies possédaient des permis d'exploitation de taxis et offraient des services de répartition. Il s'agissait de savoir si M. et Mme Mangat, en tant que propriétaires de taxis, employaient des personnes à titre de chauffeurs de taxi ou si les compagnies offrant des services de répartition de taxis jouaient ce rôle.

[25]     À la Cour canadienne de l'impôt, le juge Teskey, s'appuyant sur l'affaire 715341 Ontario Ltd., précitée, a conclu que M. et Mme Mangat étaient considérés comme des employeurs aux termes du Règlement sur l'assurance-chômage et qu'ils possédaient et entretenaient des taxis, qu'ils louaient à des chauffeurs de taxi. Cette décision s'appuyait en grande partie sur la conclusion selon laquelle les taux de location négociés par M. et Mme Mangat et les chauffeurs comprenaient le coût des services fournis par les compagnies de répartition de taxis. La Cour d'appel fédérale a d'abord conclu que le juge de la Cour canadienne de l'impôt avait correctement examiné toutes les circonstances entourant la relation entre les chauffeurs et M. et Mme Mangat en concluant qu'ils employaient les chauffeurs.

[26]     Le juge McDonald a formulé le commentaire suivant en ce qui concerne l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage au paragraphe 25 :

Premièrement, le paragraphe 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage inclu expressément dans la catégorie des emplois assurables l'emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi. Par définition, une rémunération est payée aux employés. Il s'agit d'une différence importante entre un travailleur autonome et un employé. On était certainement conscient des pratiques de l'industrie du taxi quand on a rédigé le paragraphe 12e). À vrai dire, le fait que les chauffeurs de taxi aient été expressément inclus dans la catégorie des employés assurables semble signifier que ces pratiques auraient pu autrement créer de la confusion. Le Règlement sur l'assurance-chômage semble avoir été rédigé afin d'éviter cette confusion, en incluant expressément les chauffeurs de taxi dans la catégorie des employés assurables, et non dans celle des travailleurs autonomes.

[27]     La Cour d'appel fédérale était d'avis que le juge de la Cour canadienne de l'impôt n'avait commis aucune erreur en concluant que M. et Mme Mangat étaient considérés comme des employeurs pour l'application de la Loi sur l'assurance-chômage.


ANALYSE

[28]     L'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi étend le concept relatif à l'emploi assurable au-delà de la détermination de l'existence d'un contrat de louage de services dans une relation employeur-employé. Les modalités écrites des contrats conclus entre Yellow Cab, le propriétaire et M. Matharu sont régies par un contrat d'achat, et celles des contrats conclus entre Yellow Cab, les propriétaires et les exploitants à contrat sont régies par un contrat de location. Les éléments importants de ces contrats sont présentés ci-après.

a)        Le contrat d'achat (pièce A-1, onglet 23) :

          Les parties à la convention d'achat-vente sont M. Ross, M. Mills (le « vendeur » ), M. Matharu (l' « acheteur » ) et Yellow Cab. En vertu de cette convention, le vendeur a accepté de vendre à M. Matharu des actions du capital de Yellow Cab, ses droits à un permis délivré par la ville de Vancouver à Yellow Cab, ses droits à un permis délivré par la province de la Colombie-Britannique à Yellow Cab et ses droits portant sur le véhicule à moteur no 102 (catégorie de jour) et l'équipement y afférent (l' « actif » )

          La vente de l'actif à M. Matharu est soumise à l'approbation du transfert par Yellow Cab. En contrepartie de cette approbation, M. Matharu accorde à Yellow Cab, pendant une année, l'option d'achat de l'actif. Cette option sera levée si Yellow Cab est d'avis que le taxi n'est pas utilisé et exploité conformément aux règles et aux règlements de Yellow Cab en ce qui concerne l'exploitation d'un taxi.

          En plus du prix d'achat, M. Matharu est tenu de prendre en charge les coûts et les dépenses relatifs à l'exploitation et à l'entretien du véhicule à moteur.

b)       Les contrats de location (pièce A-1, onglet 28) :

          En vertu de ces contrats, M. Amrik Dhillon (le « propriétaire » ) est un actionnaire de Yellow Cab et possède des droits d'exploitation des taxis en question. Ces droits sont loués à des exploitants à contrat qui possèdent des permis de taxi de Yellow Cab, qui détient ces permis délivrés par la ville de Vancouver. Le permis d'utilisation d'un taxi fait partie des frais mensuels d'exploitation imposés aux exploitants à contrat par Yellow Cab. Les frais d'exploitation sont déterminés par un barème fixe. Yellow Cab fournit plus que l'utilisation d'un permis de taxi aux exploitants à contrat : ces derniers doivent payer des frais mensuels fixés et imposés par Yellow Cab pour l'assurance, la comptabilité effectuée par Yellow Cab et les services de répartition offerts, maintenus et gérés par Yellow Cab.

          Le contrat prévoit que Yellow Cab peut émettre des ordres ou des directives aux exploitants à contrat en ce qui concerne les services de répartition et l'exploitation générale des taxis.

          Le contrat prévoit également que les exploitants à contrat ont droit aux recettes provenant des clients et qu'ils doivent couvrir les dépenses d'exploitation, d'assurance, de répartition et de comptabilité de Yellow Cab.

[29]     Les autres éléments importants de la relation contractuelle d'ensemble entre Yellow Cab et le propriétaire exploitant et les exploitants à contrat que la preuve a révélés sont indiqués ci-après.

[30]     Yellow Cab détient les permis de transporteur routier à l'égard des taxis.

[31]     Yellow Cab est le propriétaire inscrit des taxis à certaines fins, dont l'assurance du parc de voitures.

[32]     Yellow Cab veille à l'application au niveau interne des règles et des règlements des différents organismes de réglementation et intègre dans ses contrats les règles et les règlements applicables à la relation contractuelle entre elle-même et le propriétaire exploitant ainsi que les exploitants à contrat.

[33]     Dans l'industrie du taxi de Vancouver, Yellow Cab se présente au public comme une compagnie de taxis.

[34]     Par l'intermédiaire de son service de répartition, Yellow Cab reçoit les demandes de services de taxi et en envoie un au client au nom de Yellow Cab.

[35]     Dans les accords de location conclus avec les exploitants de taxis, ces derniers sont soumis aux règles et aux règlements généraux de Yellow Cab et ils doivent se conformer aux ordres et aux directives de la compagnie en ce qui concerne le système de répartition et l'exploitation d'un taxi. Yellow Cab peut ordonner la suspension ou le renvoi de chauffeurs qui contreviennent à une règle ou à un règlement de la compagnie.

[36]     Yellow Cab peut pénaliser un propriétaire exploitant qui contrevient aux procédures de la compagnie, par exemple en imposant une amende ou en suspendant l'accès au système de répartition si une feuille de route est incomplète. Yellow Cab détermine les règles applicables à l'exploitation d'un taxi au moyen d'un contrat d'exploitation conclu par M. Matharu et Yellow Cab[2].

[37]     Yellow Cab réglemente et applique des codes de conduite, de propreté du véhicule à moteur et de tenue vestimentaire et le code relatif à l'apparence du chauffeur et de l'exploitant.

L'INTERPRÉTATION DE L'ALINÉA 6e)

[38]     L'intimé et l'appelante ont débattu l'interprétation appropriée de l'alinéa 6e). L'intimé soutient qu'il s'agit de savoir si les revenus ont été réalisés par les exploitants à contrat et les propriétaires exploitants à titre de chauffeurs de taxi. L'appelante soutient que l'interprétation par la Cour d'appel fédérale de l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi dans l'affaire 715341 Ontario Ltd. ne devrait être lue de manière à exclure une personne employée en tant que chauffeur de taxi de l'application de la disposition que si la personne possède plus de 50 pour 100 du véhicule.

[39]     Je suis d'avis que l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi devrait être lu de la manière dont il a été interprété par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire 715341 Ontario Ltd., soit comme un « emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, [...] lorsque cette personne n'est pas le propriétaire de plus de 50 pour 100 du véhicule » . Ainsi, les mots « utilisé par une entreprise privée ou publique pour le transport de passagers » ne modifient que l'expression « tout autre véhicule » .

[40]     J'ajoute, à mon opinion sur l'interprétation, que l'on doit tenir compte de l'utilisation des conjonctions à l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi. Ainsi, une personne employée en tant que chauffeur de taxi est exclue de l'application de l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi si elle entre dans le cadre de l'une des exceptions suivantes :

(1)               la personne est propriétaire de plus de 50 pour 100 du véhicule;

(2)      la personne est le propriétaire ou l'exploitant de l'entreprise privée;

(3)      la personne exploite l'entreprise publique.

[41]     Pour que l'on détermine que les exploitants à contrat et le propriétaire exploitant exercent un emploi assurable, ces derniers doivent être des chauffeurs de taxi, ne doivent pas posséder plus de 50 pour 100 du véhicule et ne doivent pas posséder ou exploiter d'entreprise de prestation de services de taxi.

CONCLUSION

[42]     Le propriétaire exploitant et les exploitants à contrat ont acheté ou loué les droits d'exploitation des taxis. L'exploitation des taxis est régie par une connexité contractuelle entre Yellow Cab et le propriétaire exploitant ainsi que les exploitants à contrat, comme le précisent une combinaison de modalités contractuelles écrites, implicites et expresses. Un degré de contrôle important est exercé par Yellow Cab sur le propriétaire exploitant et les exploitants à contrat en ce qui concerne la prestation de services de taxi, dont le transport de passagers, sous le nom de Yellow Cab. Dans cette relation, cette dernière n'est pas simplement un fournisseur de services de soutien à une entreprise de taxi, mais exploite une entreprise de prestation de services de taxi, dont le transport de passagers. L'analyse globale de tout le modèle d'organisation mène à la conclusion selon laquelle l'entreprise de prestation de services de taxi dont les propriétaires exploitants et les exploitants à contrat font partie intégrante est celle de Yellow Cab et qu'en tant que telle, Yellow Cab est l'employeur.

[43]     Les propriétaires exploitants et les exploitants à contrat sont employés en tant que chauffeurs de taxi pour Yellow Cab. Dans le cadre de leur emploi de chauffeurs de taxi, le propriétaire exploitant et les exploitants à contrat ne sont pas des propriétaires de plus de 50 pour 100 des véhicules. Les propriétaires exploitants et les exploitants à contrat ne sont pas les propriétaires ou les exploitants de l'entreprise de prestation de services de taxi, c'est-à-dire le transport de passagers : cela est l'affaire de Yellow Cab.

[44]     Je conclus que les propriétaires exploitants et les exploitants à contrat, lorsqu'ils conduisent les taxis, exercent un emploi assurable en vertu de l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi.

[45]     En vertu de l'article 9 du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, le propriétaire ou l'exploitant d'une entreprise qui emploie une personne en tant que chauffeur de taxi est considéré comme l'employeur pour l'application de la Loi.

9. (1) Le propriétaire ou l'exploitant d'une entreprise privée ou publique au service de laquelle une ou plusieurs personnes exercent un emploi visé à l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi est réputé, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable et du paiement des cotisations exigibles à cet égard aux termes de la Loi et du présent règlement, être l'employeur de chacune de ces personnes dont l'emploi est inclus dans les emplois assurables en vertu de cet alinéa.

[46]     Je conclus que l'appelante possédait et exploitait une entreprise de prestation de services de taxi pendant les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 et qu'elle employait le propriétaire exploitant et les exploitants à contrat en tant que chauffeurs.

[48]     Je conclus de plus que les évaluations étaient fondées sur le revenu brut du propriétaire et des exploitants à contrat, revenu brut à l'égard duquel des déductions pour des dépenses n'avaient pas été effectuées. En fonction de l'affaire Jack M. Chow c. M.R.N., 98-42(UI), une décision de l'honorable juge Bonner, je conclus que les évaluations devraient être fondées sur le revenu net du propriétaire exploitant et des exploitants à contrat et qu'en tant que telles, les évaluations sont déférées au ministre du Revenu national pour modification.


DÉCISION

[49]     Les appels interjetés sont accueillis, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles évaluations compte tenu du fait que les évaluations des cotisations d'asssurance-emploi que devait verser l'appelante à l'égard du propriétaire exploitant et des exploitants à contrat pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 ont correctement été établies, mais qu'elles doivent être modifiées, puisqu'elles devraient être fondées sur le revenu net du propriétaire exploitant et des exploitants à contrat.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3166(EI)

ENTRE :

YELLOW CAB COMPANY LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

Appel entendu le 22 mars 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge D. Hamlyn

Comparutions

Avocate de l'appelante :              Me Kathryn Arnold

Avocat de l'intimé :                    Me Ron D. F. Wilhelm

JUGEMENT

          Les appels interjetés conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi sont accueillis, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles évaluations compte tenu du fait que les évaluations des cotisations d'asssurance-emploi que devait verser l'appelante au propriétaire exploitant et aux exploitants à contrat pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 ont correctement été établies, mais qu'elles doivent être modifiées, puisqu'elles devraient être fondées sur le revenu net du propriétaire exploitant et des exploitants à contrat.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2001.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] L'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage est le prédécesseur de l'alinéa 6e) du Règlement sur l'assurance-emploi.

[2] Les états de location du propriétaire (pièce A-1, onglet 26) mettent en évidence les ententes d'exploitation conclues entre Yellow Cab et les propriétaires exploitants, dont l'achat d'essence, l'utilisation de cartes de crédit, la souscription d'assurances et les services de comptabilité et de répartition et ceux relatifs aux dépenses de commercialisation.

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