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Date: 20001121

Dossiers : 1999-3605-IT-I,

1999-3606-IT-I

ENTRE :

GASTON VEILLEUX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Ces appels ont été entendus sur preuve commune et concernent les années d'imposition 1994 à 1997. L'appel portant le numéro 1999-3605(IT)I concerne les années 1994, 1995 et 1997. Celui portant le numéro 1999-3606 (IT)I concerne l'année 1996.

[2]      La question en litige est de savoir si les paiements faits à des tiers par l'appelant sont déductibles en vertu du paragraphe 60.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). En ce qui concerne l'année 1996, il y avait un point en litige supplémentaire qui a été abandonné lors de l'audition. Il s'agit de la déduction d'un montant de 10 759 $ à titre de frais juridiques engagés pour réduire le montant de la pension alimentaire.

[3]      Pour établir les nouvelles cotisations pour les années 1994, 1995 et 1997, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est fondé sur les faits décrits au paragraphe 22 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) :

a)          lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus pour les années d'imposition en litige, l'appelant a réclamé les montants suivants à titre de déductions pour pension alimentaire (voir détails pour l'année d'imposition 1997, en annexe) :

                        1994                             1995                             1997

                        33 239 $                       34 935 $                       35 952 $

b)          au jugement en divorce de la Cour supérieure chambre de la famille daté du 20 décembre 1989, il est mentionné qu'il donnait acte au projet d'accord daté du 1er décembre 1989, intervenu entre l'appelant et son ex-conjointe, Louise Ouellette;

c)          selon l'entente relative aux mesures accessoires daté du 1er décembre 1989, il est mentionné que :

            i) trois enfants étaient nés de leur union à savoir Sophie (6 ans), Rémi (4 ans) et Félix (17 mois);

            ii) la pension alimentaire pour les enfants était de 250 $ par semaine;

            iii) ladite pension devait être indexée annuellement;

            iv) l'appelant s'engageait à assumer les dépenses reliées au domicile familial sis au 7745 Croissant Salomon à Brossard;

            v) les dépenses reliées au domicile familial étaient le versement hypothécaire, les taxes municipales et scolaires, les assurances, l'électricité, le chauffage, le téléphone, l'entretien et l'abonnement à Vidéotron;

            vi) pour les dépenses mentionnées, l'appelant se devait d'effectuer directement les paiements aux créanciers concernés;

            vii) l'appelant était seul propriétaire du domicile familial sis au 7745 Croissant Salomon à Brossard acquis avant le mariage;

d)          selon une entente complémentaire signée par l'appelant et son ex-conjointe et datée du 13 mars 1990, il est mentionné que l'appelant s'engageait à payer les sommes d'impôt fédéral et provincial qui pourraient être dues par l'ex-conjointe et qui découlaient du paiement de la pension alimentaire;

e)          il n'était aucunement mentionné à l'entente relative aux mesures accessoires et à l'entente complémentaire que les paiements effectués auprès de tiers étaient imposables pour l'ex-conjointe et déductibles pour l'appelant conformément aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi.

f)           l'ex-conjointe ne pouvait utiliser à sa discrétion les paiements payés par l'appelant directement aux tiers;

g)          conséquemment pour les montants payés directement aux tiers, les déductions réclamées par l'appelant à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement lors des années d'imposition en litige lui ont été refusés par le ministre.

[4]      En ce qui concerne l'année 1996, les seules différences d'avec la Réponse ci-avant citée est que le montant réclamé par l'appelant à titre de pension alimentaire pour l'année 1996 est 35 400 $.

[5]      Seul l'appelant a témoigné. Il a admis les alinéas 22 a), b), c (i) à c(v) et c(vii). Il a nié les alinéas 22e) et 22f).

[6]      Le jugement de divorce et l'entente relative aux mesures accessoires ont été déposés comme pièce A-1. Le jugement de divorce en date du 20 décembre 1989 donne acte aux parties du projet d'accord intervenu entre elles le 1er décembre 1989. L'appelant a expliqué que lorsqu'est venu le temps de faire la déclaration de revenu, il s'est rendu compte que s'il voulait déduire les paiements faits à des tiers, il lui fallait rédiger une entente supplémentaire. Cette entente complémentaire en date du 13 mars 1990 a été produite comme pièce A-2.

[7]      Selon l'appelant, en vertu des termes de l'entente complémentaire, l'ex-épouse avait la discrétion de prendre en charge les paiements faits aux tiers dont lui fournirait les fonds. L'appelant se fonde plus particulièrement sur le dernier paragraphe de l'article 3 de la dite Entente complémentaire, intitulé « Précisions » , comme suit :

                        Précisions

Toutes les sommes d'argent que M. Gaston Veilleux s'engagent à verser à Mme Louise Ouellet sont des sommes d'argent nettes d'impôt; M. Gaston Veilleux s'engage donc à assumer les sommes d'impôt fédéral et provincial qui pourraient être dues par Mme Louise Ouellette et qui découlent du paiement de ladite pension alimentaire.

Toutes les sommes versées à Mme Louise Ouellette ou à des tiers en son nom sont considérées faire partie de la pension alimentaire; parmi celle-ci figurent les dépenses reliées au domicile familial (i.e. le versement hypothécaire, les taxes municipales et scolaires, l'assurance-habitation, l'électricité, le chauffage, l'entretien et le câble) les dépenses reliées aux diverses assurances familiales (i.e. assurance-vie des personnes à charge, rente de survivant, frais d'hospitalisation, frais médicaux, frais para-médicaux, assurance dentaire), l'impôt provincial et fédéral et toute autre somme sur laquelle pourront s'entendre les deux parties (ex: réparation d'automobile, frais d'activités pour les enfants, etc...).

Afin que Mme Louise Ouellette puisse consacrer le maximum de temps aux enfants, les deux parties conviennent de maintenir le modus vivendi financier adopté depuis leur séparation à savoir que M. Gaston Veilleux assumera la gestion financière au nom de Mme Louise Ouellette de certaines sommes d'argent convenues entre les deux; à chaque année, au rythme désiré par elle, une partie ou la totalité de gestion desdites sommes sera prise en charge par Mme Louise Ouellette.

[8]      Selon l'appelant, il s'est fondé pour la rédaction de cette entente sur la brochure publiée par Revenu Canada, intitulée « Pension alimentaire » et révisée en 1993. Cette brochure a été déposée comme pièce A-4. Lors de l'audience on m'avait mentionné que cette brochure ne mentionnait nullement à l'égard des paiements faits aux tiers que le jugement du tribunal ou l'accord écrit devait mentionner que le bénéficiaire devra inclure ces paiements dans son revenu selon le paragraphe 56.1(2) de la Loi et que le payeur pourra les déduire en vertu du paragraphe 60.1(2) de la Loi. On reprochait même au Ministre d'induire les gens en erreur par des brochures vagues et incomplètes. Or, au contraire, il y a un texte concernant les paiements aux tiers aux pages 18 et 19 de la brochure. Je cite :

Autres paiements qui pourraient être imposables ou déductibles

Dans certaines circonstances, en tant que bénéficiaire, vous devez déclarer les paiements suivants faits à des fins précises ou versés à un tiers et, en tant que payeur, vous pouvez déduire ces paiements :

      les paiements non périodiques, comme les dépenses isolées pour des frais d'orthodontie ou des frais de scolarité;

      les paiements versés pour certains biens matériels, limités cependant à ceux qui visent des frais médicaux ou des frais d'études, des frais d'entretien de la résidence que vous habitez ou jusqu'à 20% du capital de toute dette contractée pour l'achat ou l'amélioration de votre résidence;

      les paiements faits à un tiers et dont le bénéficiaire ne peut pas disposer comme il veut;

     les paiements à des fins précises qui sont versés personnellement au bénéficiaire et dont il ne peut pas disposer comme il le veut.

            Vous devez déclarer ou vous pouvez déduire, selon le cas, ces paiements dans votre revenu seulement si les trois conditions suivantes sont remplies :

      Les trois premières exigences de base visant les pensions alimentaires ou les deux premières exigences de base visant les allocations d'entretien, selon le cas, sont respectées (référez-vous aux section « Pension alimentaire » ou « Allocation d'entretien » ;

     les paiements ont été faits pour l'entretien du bénéficiaire, l'entretien d'un enfant à sa charge, ou les deux (tant que l'enfant n'habitait pas avec le payeur, ni était à sa charge, lors des paiements);

     le jugement du tribunal ou l'accord écrit précise que le bénéficiaire doit inclure ces paiements dans son revenu selon le paragraphe 56.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et que le payeur pourra les déduire en vertu du paragraphe 60.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[9]      L'avocat de l'appelant a mentionné à la Cour que l'appelant lui avait apporté cette brochure au matin même de l'audience. Il me faut croire que l'avocat n'avait pas eu le temps de consulter la brochure avant de dire qu'elle induisait les contribuables en erreur.

Argument

[10]     L'avocat de l'appelant s'est référé à la décision de cette Cour dans Michel Pelchat c. La Reine, 97 DTC 945. Dans cette affaire, un jugement de la Cour supérieure du Québec avait entériné une entente intervenue entre les parties en vertu de laquelle monsieur Pelchat convenait de payer à des tiers certaines dépenses au profit de madame Sylvie Patry à titre de pension alimentaire. Ces dépenses totalisaient un montant de 963 $ par mois. Le jugement mentionnait ceci : « Cette pension alimentaire sera imposable dans les mains de la défenderesse et déductible d'impôt pour le demandeur » . Le juge de cette Cour a considéré que ce langage équivalait au langage utilisé aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi.

[11]     L'avocat de l'appelant s'est référé aussi à deux autres décisions de cette Cour : Mambo c. la Reine, [1995] 1 A.C.I. no 931 et Pierre Mailloux c. la Reine, [1991] A.C.I. no 641 et à deux décisions de la Cour d'appel fédérale : La Reine c. Arsenault, 96 DTC 6131 et Armstrong c. Canada, [1996] A.C.F. no 599. Ces décisions soulignent que le but des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi est d'assurer que les parties en cause se rendent compte des conséquences fiscales et les acceptent.

[12]     L'avocat de l'appelant fait valoir que les termes de l'entente complémentaire expriment clairement d'une part que les paiements faits aux tiers seront compris dans la pension alimentaire de l'ex-épouse et d'autre part que cette dernière a discrétion de l'égard de ces paiements. Relativement à ce dernier aspect, l'avocat de l'appelant soutient que l'ex-épouse peut reprendre en tout temps la gestion des montants que l'appelant paie aux tiers en son nom. Dans ce contexte, l'appelant agit à titre de mandataire de l'ex-épouse.

[13]     L'avocat de l'intimée s'est référé à deux décisions, soit à celle de Armstrong (supra) et à celle de Kingsbury c. Canada, [2000] A.C.I. no 141. De la décision de la Cour d'appel fédérale dans Armstrong il s'est référé au passage suivant :

            L'applicabilité du paragraphe 60.1(2) peut être tranchée rapidement. À mon avis, la présomption que le Parlement utilise à la fin de cette disposition s'applique uniquement « lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit, selon le cas, prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué en vertu de ce document... » . Aucun texte de cette nature ne figure dans l'une ou l'autre des ordonnances de la Cour. Il s'ensuit que le paragraphe 60.1(2) ne peut être invoqué pour permettre la déduction des montants du revenu de l'intimé.

Conclusion

[14]     La partie pertinente du paragraphe 60.1(2) de la Loi pour les années avant 1997 se lit comme suit :

60.1(2) Pour l'application des alinéas 60b) et c), le résultat du calcul suivant :

...

            est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement.

Pour l'année 1997, elle se lit comme suit :

60.1(2) Pour l'application de l'article 60, du présent article et du paragraphe 118(5), le résultat du calcul suivant :

...

            est réputé, lorsque l'ordonnance ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à un montant payé ou payable à leur titre, être un montant payable par le contribuable à cette personne et à recevoir par celle-ci à titre d'allocation périodique, que cette personne peut utiliser à sa discrétion.

[15]     Tout montant payé à titre de pension alimentaire selon le droit civil n'est pas nécessairement déductible par le payeur et devant être inclus dans le calcul du revenupar le récipiendaire au sens de la Loi, celle-ci imposant certaines conditions. La pension alimentaire qui est imposable dans les mains du récipiendaire et déductible par le payeur est un montant prédéterminé payable périodiquement au récipiendaire. Dans la présente affaire, les paiements dont il est question sont des paiements faits aux tiers qui ne sont pas des montants prédéterminés payables périodiquement bien qu'ils soient des paiements faits au bénéfice de l'ex-épouse de l'appelant.

[16]     Ce sont ces paiement qui font l'objet du paragraphe 60.1(2) de la Loi. Pour que ces paiements faits aux tiers soient réputés être des montants payables à titre d'allocations périodiques à la personne récipiendaire, l'accord écrit doit prévoir que les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) de la Loi s'appliquent à ces paiements. Il s'agit là d'une exigence stricte. À moins que le langage utilisé, comme dans l'affaire Pelchat (ci-dessus), dise exactement la même chose, il n'y a pas de conformité avec cette disposition.

[17]     À sa lecture même, l'entente complémentaire, produite comme pièce A-2, ne fait pas mention des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi. Elle ne fait pas non plus une référence claire au traitement fiscal prévu par ces dispositions comme dans l'affaire Pelchat (supra). Dans ces circonstances, les nouvelles cotisations du Ministre sont correctement fondées en fait et en droit selon la Loi.

[18]     Les appels sont rejetés.

Signé à Montréal, Québec, ce 21e jour de novembre 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Nos DU DOSSIER DE LA COUR :      1999-3605(IT)I et 1999-3606(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Gaston Veilleux et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 27 juillet 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 21 novembre 2000

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :                Me Philip Nolan

Avocat de l'intimée :                  Me Mounes Ayadi

AVOCAT(e) INSCRIT AU DOSSIER :

Avocat de l'appelant :

                   Nom :           Me Philip Nolan

                   Étude :                   Lavery, de Billy

                   Ville :                     Montréal (Québec)

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-3605(IT)I

1999-3606(IT)I

ENTRE :

GASTON VEILLEUX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 27 juillet 2000, à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Philip Nolan

Avocat de l'intimée :                            Me Mounes Ayadi

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal, Québec, ce 21e jour de novembre 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


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