Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981016

Dossier: 97-780-UI,

97-84-CPP

ENTRE :

CUSTOM AUTO CARRIERS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHRIS RODGERS,

intervenant.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1]      Les appels en l'instance ont été entendus ensemble sur preuve commune, avec le consentement des parties, à Edmonton, en Alberta, le 17 juin 1998.

[2]           L'appelante, Custom Auto Carriers Ltd., (la « compagnie » ) interjette appel à l'encontre de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) datée du 6 février 1997 selon laquelle l'intervenant, Chris Rodgers, (le « chauffeur » ) était un employé de la compagnie en vertu d'un contrat de louage de services pour les périodes allant du 1er janvier au 7 juin 1995 et du 14 juillet au 1er novembre 1995. Il a donc été décidé que l'emploi était « assurable » et qu'il « ouvrait droit à pension » en vertu des dispositions de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ) et de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada respectivement (collectivement appelées les « dispositions législatives » ).

[3]      Les faits établis révèlent que l'appelant exploitait une entreprise de remorquage d'urgence à Edmonton, en Alberta, et que, durant les périodes en litige, elle a conclu certaines ententes avec le chauffeur afin d'exploiter l'une de ses dépanneuses. Il s'agit donc de savoir si cette entente était un contrat de louage de services et si l'emploi était assurable et ouvrait droit à pension en vertu des dispositions législatives ou s'il s'agissait d'un contrat d'entreprise, donc non inclus au sens de ces termes.

[4]           L'intervenant a comparu et a témoigné au soutien de la position du ministre.

Le droit

[5]      La façon dont la Cour doit procéder pour déterminer s'il s'agit d'un emploi exercé aux termes d'un contrat de louage de services et, par conséquent, d'une relation employeur-employé ou aux termes d'un contrat d'entreprise et, par conséquent, d'une relation avec un entrepreneur autonome a clairement été énoncée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025). La Cour d'appel fédérale a par la suite expliqué plus en détail le critère à appliquer dans l'arrêt Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A-531-86, 15 janvier 1988 (88 DTC 6099). Plusieurs décisions subséquemment rendues par la Cour canadienne de l'impôt, dont certaines ont été citées par l'avocat, montrent comment les lignes directrices exposées par la Cour d'appel fédérale ont été appliquées. Dans l'arrêt Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc., précité, la Cour d'appel fédérale s'est prononcée dans les termes suivants :

[Analyse]

La cause décisive concernant cette question dans le contexte de la loi est la décision de la Cour dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national, 87 D.T.C. 5025. Parlant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a analysé des causes canadiennes, britanniques et américaines et, en particulier, il a mentionné les quatre critères pour rendre une telle décision qui sont énoncés par lord Wright dans l'affaire La ville de Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161, aux pages 169 et 170. Il a conclu à la page 5028 que :

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright [contrôle, propriété des instruments de travail, chances de bénéfice, risques de perte] constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à [TRADUCTION] « examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties » . Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.

À la page 5029, il déclare :

Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé [TRADUCTION] « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » et ce même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

À la page 5030, il poursuit :

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles.

Il fait également observer : « Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents. »

... comme le juge MacGuigan, nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l'entreprise de la requérante. C'est maintenant l'approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle-ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

[6]      Les critères mentionnés par la Cour peuvent se résumer ainsi :

          a) le degré ou l'absence de contrôle de la part du prétendu employeur;

          b) la propriété des instruments de travail;

          c) les chances de bénéfice et les risques de perte;

          d) l'intégration du travail du prétendu employé dans l'entreprise du prétendu employeur.

[7]      Je prends également note des commentaires supplémentaires du juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe, précité, où il a souscrit à l'approche adoptée par les tribunaux anglais :

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

[TRADUCTION]

Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte » . Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

Les faits

[8]      Bien que de nombreux faits concernant l'entente conclue entre la compagnie et le chauffeur ne soient pas en litige, certains le sont, comme la question de la crédibilité, qui a été soulevée entre eux.

[9]           L'entente de base entre la compagnie et le chauffeur a été déposée en preuve au cours de l'instance. Il s'agit d'un document d'une page comportant neuf paragraphes, établissant les modalités. Elle est censée être une entente de location d'une dépanneuse G.M.C. 3500 1998, pour laquelle le chauffeur paierait à la compagnie 60 p. 100 du revenu brut total tiré de l'utilisation de la dépanneuse, dont un minimum de 1 500 $ par mois. Ce dernier montant devait être versé, que le chauffeur travaille ou non avec la dépanneuse. En réalité, ce montant n'a jamais été facturé ni payé.

[10]           L'entente prévoyait de plus que le chauffeur devait payer directement toutes les taxes et les cotisations au Régime de pensions du Canada et au régime de l'assurance-chômage et qu'il était responsable de tout dommage causé à la dépanneuse. Elle prévoyait également pour le chauffeur une carte de crédit pour l'essence, dont le coût devait être pris en charge par la compagnie, elle précisait que tous les paiements comptants devaient être remis à la compagnie, elle ne permettait au chauffeur de ne prendre que les clients comme passagers et elle interdisait toute utilisation personnelle de la dépanneuse. Il était permis en vertu de l'entente d'accomplir du travail pour d'autres employeurs et de donner du travail en sous-traitance à d'autres chauffeurs de la compagnie, mais toutes les factures devaient toujours être produites au nom de la compagnie.

[11]     Bien qu'il s'agisse d'une location, tout l'argent, tous les reçus et toutes les factures étaient remis à la compagnie ou directement perçus par elle, puis le chauffeur recevait sa part deux fois par mois. La compagnie fixait les prix qui devaient être payés pour tous les appels qui passaient par son service de répartition, mais le chauffeur était libre d'en négocier un qui convenait selon lui pour le travail qu'il trouvait sans l'aide du service de répartition, prix qui devait tout de même être facturé par la compagnie ou, s'il s'agissait d'espèces, qui devaient être remises à la compagnie.

[12]     La compagnie payait les frais d'exploitation des dépanneuses, notamment l'essence, l'huile, l'entretien ordinaire et les éléments attribuables à l'usure normale. Les dépanneuses portaient le logo de la compagnie et le chauffeur revêtait des habits portant le logo de la compagnie. Cette dernière fournissait un radio-téléphone pouvant être utilisé dans la dépanneuse.

[13]     Le ministre s'est fondé sur ces faits précités, qui ont été présentés dans la réponse à l'avis d'appel. Ils ont été reconnus par la compagnie et le chauffeur. Les sous-paragraphes 11k), l), m), n), o), p), q) et x), qui sont contestés, sont ainsi rédigés :

          [TRADUCTION]

k) M. Rodgers travaillait généralement de 7 h à 19 h mais, à des périodes déterminées d'avance, il était de service 24 heures par jour;

l) l'appelante prévoyait les heures de travail de M. Rodgers et lui assignait des périodes particulières pendant lesquelles il était de service;

m) M. Rodgers devait obtenir la permission de l'appelante pour prendre un congé;

n) l'appelante exigeait que M. Rodgers offre les services personnellement, et il ne pouvait pas embaucher, renvoyer ou payer ses propres assistants;

o) si M. Rodgers s'absentait du travail, il n'avait pas à trouver un remplaçant;

p) si M. Rodgers s'absentait du travail, l'appelante nommait un autre chauffeur pour conduire la dépanneuse;

q) M. Rodgers n'était pas libre de décider des missions qu'il accomplissait;

x) M. Rodgers ne pouvait travailler pour une autre entreprise de remorquage lorsqu'il utilisait la dépanneuse de l'appelante.

[14]     Ed Miller, le propriétaire et dirigeant de la compagnie, a indiqué dans son témoignage que les chauffeurs pouvaient se déclarer disponibles à leur guise. M. Rodgers ainsi qu'un autre chauffeur, Mark Albert, ont indiqué dans leur témoignage qu'ils étaient de service 24 heures par jour, et M. Rodgers a déclaré qu'il devait être disponible à partir de 7 h tous les matins. M. Miller a dit que les chauffeurs étaient libres de prendre des appels ou non, selon ce qui leur convenait. Les chauffeurs semblaient indiquer que, bien qu'il se soit agi d'une règle stricte, elle n'était pas toujours respectée. Selon ce que je comprends de la preuve, la compagnie exerçait en général une pression pas très subtile sur les chauffeurs pour qu'ils soient disponibles le plus souvent possible. De toute évidence, plus les dépanneuses étaient utilisées, plus elle en retirait des bénéfices. Ainsi, bien que l'hypothèse du ministre selon laquelle les heures de travail étaient assignées et que les chauffeurs devaient obtenir une permission pour prendre congé ne soit pas tout à fait correcte, en pratique, c'est ainsi que cela fonctionnait.

[15]     Bien que l'on ait présenté l'arrangement comme une entente de location, le chauffeur a déclaré - et j'accepte son témoignage sur ce point - que, lorsqu'il était malade, la compagnie désignait un autre chauffeur pour sa dépanneuse, lequel se présentait et partait avec elle. De même, le chauffeur a déclaré - et, encore une fois, j'accepte son témoignage - qu'en une autre occasion, la compagnie lui avait retiré sa dépanneuse, l'avait vendue et qu'il n'avait rien eu à dire à ce sujet. Apparemment, cela n'a pas fonctionné et, peu de temps après, la même dépanneuse lui a été retournée. Toutefois, cela n'est pas très compatible avec l'existence d'une entente de location.

[16]     Le chauffeur pouvait, selon le contrat, conclure un contrat de sous-traitance avec d'autres chauffeurs tant qu'il s'agissait de chauffeurs de la compagnie. Je ne vois pas très bien comment cela pourrait se produire, puisque les autres chauffeurs avaient sans doute leur propre dépanneuse. De plus, il ne me semble pas très clair que cela se soit vraiment déjà produit.

[17]     Le chauffeur a reconnu qu'il pouvait travailler pour d'autres entreprises de remorquage, mais, encore une fois, tous les services devaient être facturés par la compagnie. L'hypothèse 11x) du ministre est incorrecte à cet égard.

[18]     Le chauffeur a lui-même trouvé de nouveaux clients. Il pouvait arrêter sur les lieux d'un accident ou d'une panne qui n'avait pas encore été rapporté et répondre à ses propres appels directs. Toutefois, tout devait être facturé par la compagnie. En outre, il a créé une remorque spéciale pour motos et en a fait la promotion de sa propre initiative et à ses propres frais, de sorte qu'il a trouvé pour lui-même un certain nombre d'occasions de remorquer des motos.

[19]     La compagnie maintenait que le chauffeur était responsable des chèques sans provision. Ce dernier a indiqué qu'il n'avait jamais été facturé à l'égard de tels chèques. Je ne suis pas certain de l'importance de ce point, même si les parties s'y sont attardées. Il se peut qu'il n'y ait tout simplement pas eu de chèques sans provision.

[20]     Le chauffeur a enregistré sa propre dénomination commerciale, C.C.R. Enterprises, et a exploité son entreprise sous ce nom. Mark Albert, l'autre chauffeur qui a témoigné, a fait la même chose. Chacun a affirmé que la compagnie leur avait dit de le faire. Ed Miller a affirmé que l'on ne leur avait pas dit qu'ils devaient le faire. J'accepte le témoignage du chauffeur sur le fait qu'ils devaient le faire. Encore une fois, cela peut avoir été fait d'une manière subtile. Il n'y a pas eu d'écrit, mais je déduis de la preuve que, s'ils souhaitaient travailler pour cette compagnie, c'est ainsi que cela devait se faire.

[21]     Pour ce qui est de la formation, Ed Miller a déclaré que, lorsque M. Rodgers s'était présenté à lui, il avait de l'expérience. Il n'a donc pas suivi de formation. Ce dernier a indiqué qu'il avait fait de la route avec un autre chauffeur pendant environ une semaine. Mark Albert a déclaré qu'il avait fait la même chose pendant trois semaines. Je ne crois pas que ce facteur ait de l'importance, mais la compagnie exigeait de toute évidence que ses chauffeurs suivent certaines procédures, qui devaient être apprises, même s'ils avaient déjà de l'expérience.

Application des critères

[22]     Le contrôle : Il est clair que la compagnie faisait tout son possible pour créer un statut d'entrepreneur indépendant pour ses chauffeurs, apparemment en leur louant les dépanneuses. Toutefois, il ne s'agissait pas d'une location dans le vrai sens du terme. Le chauffeur n'a jamais fait aucun paiement uniforme de 1 500 $ à la compagnie et celle-ci ne lui a jamais donné de facture pour ce montant. Il devait remettre à la compagnie tous les paiements comptants qui lui avaient été versés. Il devait utiliser les factures de la compagnie pour tout le travail accompli avec la dépanneuse, qu'il ait été réparti par la compagnie ou obtenu de manière indépendante. Tous ses frais d'essence et d'entretien étaient payés par la compagnie. La dépanneuse lui a été retirée en deux occasions, sans son consentement. Il l'exploitait toujours au nom de la compagnie, le logo de cette dernière apparaissant sur la dépanneuse et ses vêtements. On avait de solides attentes quant à sa disponibilité ainsi qu'à la manière et au moment où il travaillait. Il était payé deux fois par mois. L'utilisation de la dépanneuse à des fins personnelles était interdite et il y avait des restrictions en ce qui concerne les passagers. Le chauffeur pouvait, une fois qu'il avait reçu un appel, organiser le remorquage ou d'autres services d'urgence selon ce qui lui convenait. Il pouvait également fixer ses propres prix pour le travail qu'il avait trouvé lui-même, mais il devait imposer le tarif de la compagnie pour toute demande de service qui lui avait été acheminée.

[23]     Je conclus qu'un contrôle important était exercé par la compagnie sur le chauffeur et je suis porté à croire que cela rendait l'entente davantage compatible avec l'existence d'un contrat de louage de services qu'avec un contrat d'entreprise, même si certains aspects indiquent plutôt le contraire.

[24]     Les instruments de travail : La dépanneuse était fournie par la compagnie en vertu des modalités de ce qu'ils appelaient une location. Il s'agit à mon avis d'un trompe-l'oeil, puisqu'en réalité, il ne s'agissait pas d'une location. Tout dans la preuve indique que la compagnie exerçait encore beaucoup de contrôle sur l'utilisation de la dépanneuse. En réalité, il s'agissait d'une entente en vertu de laquelle le chauffeur utilisait la dépanneuse et recevait 40 p. 100 du revenu brut qu'il avait produit avec elle plutôt que d'en payer 60 p. 100 à la compagnie.

[25]     On lui fournissait également un radio-téléphone. Il apportait ses propres instruments de travail et une trousse pour déverrouiller des voitures et il possédait son propre scanner, de sorte qu'il pouvait être au courant des accidents et des pannes plus rapidement. En réalité, le principal équipement, la dépanneuse, était fourni par la compagnie, demeurait sous son contrôle et était entretenu et assuré par elle. La compagnie y avait accès et pouvait la prendre quand elle le voulait. À mon avis, cet aspect du critère est également plus compatible avec l'existence d'une situation d'employeur-employé plutôt qu'avec celle d'un statut d'entrepreneur indépendant véritable.

[26]     Les chances de bénéfice et les risques de perte : Pour l'essentiel, le chauffeur avait peu à perdre, à moins d'endommager la dépanneuse par négligence. Apparemment, il pouvait perdre le montant de 1 500 $ s'il n'utilisait pas la dépanneuse pour travailler pendant tout un mois. Toutefois, cela ne s'est jamais produit, et on ne lui a jamais facturé ce montant. Je dois réellement me demander s'il s'agissait d'une véritable entente.

[27]     Le chauffeur a engagé des dépenses en créant sa propre remorque à motos et en en faisant la publicité. Il s'agissait d'une dépense pour lui et il courait la chance de gagner un revenu supplémentaire si cela fonctionnait. Cela correspondait à un élément de bénéfice et de perte, mais, selon ce que j'ai compris de la situation, cela ne représentait certainement pas une partie importante et régulière de son travail.

[28]     Bien qu'il y ait eu un élément de chance de bénéfice et de risque de perte dans l'ensemble, l'entente n'était pas compatible avec cette situation, mais plutôt avec celle d'un employé recevant un pourcentage d'un montant et exerçant une deuxième activité.

[29]           Intégration : Il s'agit toujours d'un aspect difficile du critère. De toute évidence, sans les chauffeurs, la compagnie n'aurait pas d'entreprise. Ainsi, de son point de vue, il y avait un aspect d'intégration à l'entente. Toutefois, c'est du point de vue du chauffeur que je dois examiner la situation. Il convient de se demander à qui appartenait l'entreprise qu'il exploitait. Était-ce la sienne ou celle de la compagnie? Il est vrai qu'il possédait une dénomination sociale et qu'il remplissait ses déclarations de revenus à titre d'entrepreneur indépendant. Cela indique qu'il exploitait sa propre entreprise. Toutefois, il ne gérait pas ses finances. Les finances étaient gérées par la Compagnie et il recevait un pourcentage net. Il n'a pas pris en charge les dépenses principales et devait en fait suivre la ligne imposée par la compagnie et sa politique. Tout ce qu'il a accompli était à mon avis intégré à l'entreprise de la compagnie.

Conclusion

[30]     Il est peut-être banal de dire que c'est la substance de l'entente et non sa forme que la Cour doit examiner dans ces situations. Même si elle était censée être une entente de location conclue avec un entrepreneur indépendant, à mon avis, la location était fictive et la compagnie conservait le contrôle effectif de la dépanneuse. Pour ce qui est de la manière dont le chauffeur travaillait, je ne crois pas que l'on ait démontré qu'il possédait un degré suffisant d'indépendance à l'égard de la compagnie pour que l'on puisse conclure qu'il était un entrepreneur indépendant. J'ai constaté qu'il existait une certaine animosité entre le chauffeur et la compagnie, pour une raison quelconque et je devrais donc être prudent à l'égard de cette preuve. Toutefois, elle a grandement été corroborée par le témoignage du deuxième chauffeur et je la trouve dans l'ensemble crédible. Je suis d'avis que la compagnie souhaitait accorder, dans la forme, un statut d'entrepreneur indépendant à ses chauffeurs, mais qu'en substance, elle voulait conserver le contrôle. À mon avis, à tout le moins, elle ne s'est pas déchargée du fardeau que lui imposait la loi, soit celui de démontrer que la décision prise par le ministre était erronée, laquelle était selon moi correcte.


[31]     En conséquence, les appels sont rejetés et la décision prise par le ministre est confirmée.

Signé à Calgary (Alberta), ce 16e jour d'octobre 1998.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'octobre 2001.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-780(UI)

ENTRE :

CUSTOM AUTO CARRIERS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHRIS RODGERS,

intervenant.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Custom Auto Carriers Ltd. 97-84(CPP) à Edmonton (Alberta) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Avocat de l'appelante :                     Me Brian Baltimore

Avocate de l'intimé :                           Me Laura Pitcairn

Pour l'intervenant :                              L'intervenant lui-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 16e jour d'octobre 1998.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'octobre 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-84(CPP)

ENTRE :

CUSTOM AUTO CARRIERS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHRIS RODGERS,

intervenant.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Custom Auto Carriers Ltd. (97-780(UI)) à Edmonton (Alberta) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Avocat de l'appelante :                     Me Brian Baltimore

Avocate de l'intimé :                           Me Laura Pitcairn

Pour l'intervenant :                              L'intervenant lui-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 16e jour d'octobre 1998.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'octobre 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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