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Date : 20000628

Dossier : 1999-1335-EI

ENTRE :

ANGE-ALBERT PARADIS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CIT DES FRONTIÈRES (CDRHT INC.)

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      L'appelant en appelle d'une détermination en date du 9 avril 1999. Cette détermination est à l'effet que le travail exécuté par l'appelant pour le compte et bénéfice de monsieur Laurier St-Pierre, lors de la période allant du 30 octobre 1995 au 5 janvier 1996, n'était pas un travail assurable en ce qu'il ne constituait pas un contrat de louage de services mais plutôt un contrat d'entreprise.

[2]      Les faits pris pour acquis au soutien de cette décision sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces faits se décrivent comme suit :

a)          le payeur était un transporteur et commerçant de bois;

b)          le payeur se servait du service de paye de la Corporation Intermédiaire de Travail (CIT) des Frontières (CDRHT Inc.) pour la rémunération de l'appelant;

c)          les activités de l'appelant étaient la coupe et le transport de bois;

d)          l'appelant possédait une débusqueuse Timberjack 225;

e)          l'appelant était responsable de l'entretien et des réparations de la débusqueuse;

f)           durant la période en litige, l'appelant bûchait sur des lots appartenant à Denis Barisselle;

g)          le payeur achetait le bois de l'appelant et de Denis Barisselle;

h)          l'appelant et Denis Barisselle avait conclu une entente de partage le prix de vente du bois à 50% chacun;

i)           Nicole St-Pierre-Lavoie, la conjointe de l'appelant, recevait des chèques du payeur pour le bois vendu par l'appelant;

j)           l'appelant oeuvrait seul;

k)          le 10 janvier 1996, la Corporation Intermédiaire de Travail (CIT) des Frontières (CDRHT Inc.) émettait un relevé d'emploi à l'appelant pour la période du 30 octobre 1995 au 5 janvier 1996, indiquant 10 semaines d'emploi et une rémunération assurable de 624.00 $ à chaque semaine.

l)           dans sa déclaration statutaire signée du 10 mars 1998, l'appelant déclarait avoir bûché sur les lots de Denis Barisselle pour la période en litige

m)         dans sa déclaration statutaire signée du 10 mars 1998, l'appelant admettait que le relevé d'empoi était faux quant au nombre de semaines travaillées et quant à la rémunération versée et par rapport aux dates de début et de fin d'emploi;

n)          le payeur n'a jamais été l'employeur de l'appelant;

o)          le relevé d'emploi était un relevé de complaisance;

p)          le payeur et l'appelant ont conclu un arrangement afin de qualifier l'appelant à recevoir des prestations d'assurance-emploi.

[3]      L'appelant a admis spécifiquement le contenu des alinéas a) à l) et o); il a nié le contenu des alinéas m), n) et p).

[4]      L'intervenante « CIT des Frontières » (CDRHT Inc.), malgré un appel formel n'était pas présente ni représentée lors de l'audition d'où le défaut a été enregistré.

[5]      Dans ce dossier, l'appelant a indiqué qu'il n'aurait pas dû signer la déclaration statutaire du 10 mars 1998; il y admettait que le relevé d'emploi était faux quant au nombre de semaines travaillées et quant à la rémunération versée par rapport aux dates de début et de fin d'emploi. En l'espèce, son relevé d'emploi a été émis par la Corporation « CIT des Frontières » (CDRHT Inc.). Le propriétaire des lots où il aurait présumément travaillé, Denis Barisselle, n'a pas témoigné au soutien de l'appel. Il y a lieu de reproduire l'extrait de la déclaration où l'appelant indique que le relevé relatif à la période en litige était faux :

Déclaration de Ange-Albert Paradis du 10 mars 1998 (pièce I-1) dossier 1999-1334(EI)

...

c'est Denis Barisselle qui était propriétaire et avec qui j'avais une entente de 50-50 du montant des ventes. Dès ou vers le 13 novembre 1995 jusqu'au 27 novembre 1995, j'ai bûché un chemin sur un lot de Denis Barisselle; Denis Barisselle a mis une clôture à l'entrée du chemin; je n'ai pas été payé pour ce bûchage, c'est pourquoi je ne l'ai pas déclaré sur mes cartes de chômage; c'était sur le lot # 2 dans le Rang 4 à St-Elzéar. Je conviens que le relevé d'emploi # 92037468, était par le C.I.T. des Frontières, pour du travail que j'avais fait pour Laurier St-Pierre du 30/10/95 au 05/01/96 est faux car les dates de début et de fin d'emploi et le nombre de semaine d'emploi ne sont pas exacte et précises...

[6]      Il s'agit d'un autre dossier où les montants décrits au relevé d'emploi 2037468, reconnu comme étant faux par l'appelant lui-même et émis par la « CIT des Frontières » (CDRHT Inc.), indiquaient que l'appelant aurait reçu exactement le même montant pour chacune des 10 semaines alors que la rémunération était essentiellement fonction de la quantité de bois coupé. Comment expliquer cette réalité ? L'appelant a simplement dit que c'était là le résultat du hasard.

[7]      Le Tribunal est d'avis que la vérité se situe au niveau de la déclaration statutaire de l'appelant; je n'accorde aucune valeur à son témoignage soumis lors de l'audition. Madame Danielle Lavoie, conjointe de Laurier St-Pierre, pour le compte de qui le bois aurait été coupé, a témoigné de manière simple, claire et cohérente. Son conjoint a bel et bien acheté du bois de l'appelant et le paiement a été articulé suivant les seules instructions de ce dernier. Elle a également témoigné à l'effet que l'appelant vendait du bois à son conjoint et que le chèque était souvent fait à l'ordre de sa conjointe dont le nom était soit Nicole St-Pierre, soit Nicole Lavoie.

[8]      D'ailleurs madame Danielle Lavoie, lors d'une déclaration statutaire en date du 12 novembre 1997, mentionnait ce qui suit : (pièce I-3)

J'ai été rencontrée et interviewée à ma résidence du 1693 Principale à Pokénégamook. J'ai été identifiée à l'aide de mon permis de conduite # L1002-270154-17. Je suis la secrétaire-comptable de l'entreprise de mon époux Laurier St-Pierre, Transport de bois Laurier St-Pierre qui est une entreprise non incorporée Transport de bois Laurier St-Pierre a acheté du bois de Ange-Albert Paradis et/ou Denis Barisselle en 1995 et 1996; le factures sont datées de date du paiement au vendeur du bois; les factures sont faites après que le bois ait été mesuré du moulin à scie, une ou deux semaines après que le bois ait été acheté et transporté au moulin à scie; les paiements de bois dans le cas de Denis Barisselle, les chèques sont faits soit au nom de Denis Barisselle soit au nom de sa fille Marianne Bariselle selon ce que demandait Denis Barisselle; dans le cas de Ange-Albert Paradis, les chèques de paiement pour le bois étaient faits soit au nom de Ange-Albert Paradis ou au nom de sa conjointe qui fonctionne soit sous le nom de Nicole Lavoie ou sous le nom de Nicole St-Pierre, selon ce que demandait Ange-Albert Paradis, en 1995 et 1996, il y a des factures pour du bois acheté de Denis Barisselle seul, de Ange-Albert Paradis seul, et du bois acheté des deux; les lots à bois appartenaient à Denis Barisselle et le Skidder appartenait à Ange-Albert Paradis, et, le paiement du bois se faisait 50% à Bariselle et 50% à Ange-Albert, ce sont eux qui avaient demandé d'être payé de cette façon; comme transport de bois Laurier St-Pierre n'a pas d'employé et fait normalement affaire avec des gens à leur compte s'il arrive que quelqu'un veut être salarié, l'entreprise passe par les services de C.I.T. Les Frontières (CDRHT Inc.); pour ce qui est du relevé d'emploi #N92037468 émis par le CIT des Frontières pour la période du 30-10-95 ou 05-01-96, c'est Ange-Albert Paradis qui a demandé d'être payé de cette façon; ni moi ni mon mari, Laurier St-Pierre, sommes capables de dire les dates réelles de travail parce que c'était du bois que nous achetions; nous n'avions aucun contrôle sur le travail effectué par Denis Barisselle et Ange-Albert Paradis; lorsqu'il y avait du bois prêt à être transporté au moulin à scie, ils nous appelaient pour aller en prendre livraison; c'est Ange-Albert Paradis qui était responsable de l'entretien, des réparations et des assurances de son skidder; Transport de bois Laurier St-Pierre faisait qu'acheter du bois de Denis Barisselle et Ange-Albert Paradis. L'agent d'enquête et contrôle m'a lu ma déclaration, elle est exacte et conforme à la réalité; elle a été faite de façon libre et volontaire sans menace ni promesse de faveur.

[9]      La preuve a révélé que Nicole St-Pierre ou Nicole Lavoie ne possédait aucune terre à bois et ne travaillait pas en forêt. Appelé à expliquer et justifier comment sa conjointe pouvait avoir droit à de tels chèques, l'appelant a répondu qu'il s'agissait là de cadeaux. Ce stratagème confirme que l'appelant avait une comptabilité élastique, était très peu scrupuleux quant à la transparence et cohérence de ses affaires et n'hésitait aucunement à maquiller des informations pourtant très importantes.

[10]     Pour déterminer si un travail a été exécuté dans le cadre d'un contrat de louage de services ou d'un contrat d'entreprise, la jurisprudence a identifié quatre importants critères. Ces critères sont les suivants :

·         lien de subordination caractérisé par l'existence du pouvoir de contrôle du payeur;

·         propriété des outils;

·         chances de profits et risques de pertes;

·         intégration.

[11]     En l'espèce, le critère relatif à la propriété des outils ne fait aucun doute, l'appelant était bel et bien propriétaire des outils d'ailleurs d'une grande valeur. En effet, une débusqueuse est une machinerie imposante, dispendieuse et très particulière. La preuve a établi qu'il s'agissait là d'une pièce d'équipement sophistiquée nécessitant compétence et qualification. Généralement, les propriétaires d'une telle machine n'acceptent pas, sauf exception, qu'elle soit opérée par quelqu'un d'autre qu'eux-mêmes.

[12]     Pour ce qui est du critère chances de profits et risques de pertes, encore là il ne fait aucun doute que l'appelant pouvait espérer avoir de meilleurs revenus si sa débusqueuse fonctionnait rondement; il en aurait été tout autrement dans l'hypothèse d'un bris mécanique majeur qui aurait eu deux grandes conséquences. Dans un premier temps, il aurait dû assumer lui-même tous les coûts requis pour les réparations; en second lieu, il aurait dû se consacrer aux réparations et cesser son travail de coupe et de transport du bois, perdant de ce fait son revenu pour la durée exigée pour les réparations.

[13]     Dans une telle hypothèse, il est facile d'imaginer des scénarios où l'appelant n'aurait eu aucun revenu tout en devant débourser des montants importants pour les réparations.

[14]     Quant au critère de l'intégration, la preuve, encore là, a été prépondérante à l'effet que l'appelant exploitait sa propre entreprise, laquelle était complètement indépendante de celle du payeur.

[15]     Conscient de la pente qu'il avait à remonter pour assumer le fardeau de preuve qui lui incombait, l'appelant a répété avec insistance que son travail faisait l'objet d'un contrôle, d'une surveillance quotidienne de la part du payeur. Il a également soutenu que l'exécution de son travail était assujetti aux directives, aux instructions et recommandations du payeur. Finalement, l'appelant a aussi mentionné avoir reçu des indications précises quant à l'endroit où devaient être coupés les arbres et quels arbres devaient être coupés.

[16]     De telles prétentions sont-elles suffisantes pour conclure qu'il existait un lien de subordination entre l'appelant et Laurier St-Pierre ? Peut-on conclure que Laurier St-Pierre avait ou exerçait un pouvoir de contrôle ?

[17]     Je ne le crois pas; je crois plutôt que les interventions de Laurier St-Pierre visaient à assurer que le résultat désiré soit cohérent et conforme à ses attentes. Il était totalement indifférent à l'endroit des moyens et de la façon dont le travail était exécuté. Il voulait avoir un bon résultat et ne pas avoir de problèmes avec les organismes auxquels il était assujetti tel l'environnement, la Commission de la santé et sécurité au travail (C.S.S.T.) etc.

[18]     D'ailleurs, il n'y a aucun doute quant à la raison pour laquelle il avait obtenu le contrat. Il avait l'expertise et la compétence et surtout il possédait une débusqueuse. Aurait-il pu obtenir le même travail s'il n'en avait pas été propriétaire ou s'il n'avait pas été lui-même commerçant dans le bois ? Je ne le crois pas.

[19]     Le fait d'obtenir obtenu un relevé d'emploi attestant que les cotisations au régime de l'assurance-emploi ont été retenues et payées n'a rien à voir avec la qualification du travail. Un travail exécuté dans le cadre d'un contrat d'entreprise n'est pas cotisable.

[20]     D'autre part, le droit aux prestations d'assurance-chômage ne découle aucunement des cotisations, puisque pour être cotisable un travail doit d'abord être exécuté dans le cadre d'un contrat de louage de services.

[21]     En l'espèce, il s'agissait d'un travail qui ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services et conséquemment, ce travail n'était pas cotisable; il s'agissait plutôt d'un contrat d'entreprise.

[22]     Cette Cour a certes le pouvoir et la juridiction pour déterminer s'il s'agissait ou non d'un contrat de louage de services, mais elle a aussi l'obligation de respecter et de suivre les paramètres édictés par la Cour d'appel fédérale dans les dossiers semblables. À cet effet, cette Cour a rendu trois décisions pertinentes, il s'agit des affaires :

- Procureur général du Canada c. Vaillancourt, A-639-91

- Procureur général du Canada c. Charbonneau, A-831-95 et A-832-95

- Procureur général du Canada c. Rousselle et al., A-1243-88, A-1244-88 et A-1246-88

[23]     Le jugement de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Procureur général du Canada et Normand Charbonneau, A-831-95 portait sur des faits très similaires à ceux du présent dossier. L'honorable juge Décary s'exprimait comme suit :

Contrat de travail ou contrat d'entreprise ? Telle est, une fois de plus, la question qui se pose dans ce dossier où il s'agit de déterminer si l'intimé, propriétaire et opérateur d'une débusqueuse, exerçait un emploi assurable aux fins de l'application de l'alinéa 3(1)a de la Loi sur l'assurance-chômage.

Deux observations préliminaires s'imposent.

Les critères énoncés par cette Cour dans Weibe Door Services Ltd. c. M.N.R., à savoir d'une part le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte et d'autre part l'intégration, ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qui s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail (art. 2085 du Code civil du Québec). ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service (art. 2098 dudit Code). En d'autres termes, il ne faut pas, et l'image est particulièrement appropriée en l'espèce, examiner les arbres de si près qu'on perde de vue la forêt. Les parties doivent s'effacer devant le tout.

Par ailleurs, s'il est certain que l'appréciation de la nature juridique de la relations contractuelles soit affaire d'espèce, il n'en reste pas moins qu'à espèces sensiblement semblables en fait devraient correspondre en droit des jugements sensiblement semblables. Aussi, lorsque cette Cour s'est déjà prononcée sur la nature d'un certain type de contrat, point n'est besoin par la suite de refaire l'exercice dans son entier: à moins que n'apparaissent dans les faits des différences vraiment significatives, le Ministre, puis la Cour canadienne de l'impôt ne devraient pas s'écarter de la solution retenue par cette Cour.

Lorsque le juge de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli en l'espèce les appels de l'intimé et conclu que le contrat en était un de travail, il est tombé selon nous dans le piège d'une analyse par trop mathématique des critères de Weibe Door, ce qui l'a amené à s'écarter à tort de la solution retenue par cette Cour dans Procureur général du Canada c. Rousselle et al et maintenue dans Procureur général du Canada c. Vaillancourt.

Le payeur, ici, était une entreprise d'exploitation forestière. Il confiait à des équipes formées de deux personnes - un abatteur, qui coupait les arbres et un opérateur de débusqueuse, qui les ramassait et les transportait au bord d'un chemin forestier - le travail d'abattre et ramener du bois. L'intimé était propriétaire de la débusqueuse, une pièce de machinerie lourde évaluée à quelque 15 000 $ dont il assumait les coûts d'entretien et de réparation. Il avait lui-même recruté l'abatteur avec lequel il formait équipe. Lui-même et l'abatteur étaient payés au volume, en fonction du nombre de mètres cubes de bois abattu, et aucun volume n'était prescrit par le contrat; ce volume était mesuré aux deux semaines par un « mesureur » à l'emploi du payeur.

Au moment de la signature du contrat, l'intimé se voyait remettre « une liste et condition des jours fériés » , laquelle, selon la preuve, était basée sur les normes provinciales de travail. Il se voyait remettre, aussi, un document contenant les « règlements internes des travailleurs en forêt » , lesquels, selon le témoignage d'un représentant du payeur, reflétaient les exigences du ministère québécois des Ressources naturelles. En annexe à ce règlement, se trouvaient des « règles générales » , c'est-à-dire une liste de détails techniques relatifs à la coupe des arbres, ainsi que les « normes minimales de protection des forêts contre le feu » imposées par la Société de conservation de l'Outaouais.

L'intimé travaillait quelque trente-deux heures par semaine et sa période quotidienne de travail se situait généralement, mais pas nécessairement, à l'intérieur de la période proposée dans les règlements internes, soit entre 7h30 et 16 heures. Un contremaître à l'emploi du payeur s'assurait aux deux jours que l'équipe de l'intimé abattait bien les arbres précédemment identifiés par le payeur. Le mode de paiement était le suivant: le quart de la somme due à l'équipe était payé à l'intimé, le quart, à l'abatteur et la moitié à l'intimé pour l'utilisation de la débusqueuse. Trois chèques étaient donc émis aux quinze jours par le payeur. Le coût du transport de la débusqueuse, en début et fin de saison, était assumé par l'intimé; en cas de changement de territoire en cours de saison, il l'était par le payeur.

Quand on regarde le portrait d'ensemble, il est bien évident qu'il s'agit à prime abord d'un contrat d'entreprise. La propriété de la débusqueuse, le choix du coéquipier, le paiement en fonction d'un volume non défini, l'autonomie de l'équipe sont des éléments déterminants qui, dans le contexte ne peuvent être associés qu'à un contrat d'entreprise.

La surveillance des travaux aux deux jours et le mesurage du volume aux quinze jours ne créent pas en l'espèce de lien de subordination et sont tout à fait compatibles avec les exigences d'un contrat d'entreprise. Rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

Il en va de même des normes imposées en matière d'heures et de jours de travail, de jours fériés, de mode d'opération et de sécurité. Les normes sont communes à tous les travailleurs en forêt publique dont les activités sont "encadrées" par le ministère des Ressources naturelles. Elles s'appliquent peu importe que le travailleur soit un simple employé ou un entrepreneur.

Un élément retenu par le juge, qui l'amenait à conclure que "les chances de bénéfice et les risques de perte ne pouvaient exister" pendant le contrat était le fait que l'intimé était payé à salaire, au taux horaire de deux dollars et demi. C'est là une erreur de fait majeure. L'intimé était en effet payé en fonction de son volume de production et il eût suffi que sa débusqueuse tombe en panne pour qu'il se retrouvât devant rien.

La procureure de l'intimé a avancé une hypothèse que semble avoir retenue le juge, à savoir: il y aurait eu, en l'espèce, formation de deux contrats distincts, l'un de travail, l'autre de louage de la débusqueuse, de sorte que le fait que l'intimé soit propriétaire de la débusqueuse et en assume les coûts d'entretien et de réparation ne devrait pas être pris en considération dans l'analyse du contrat de travail proprement dit. Cette hypothèse d'un double contrat, si tant est qu'elle ait les effets juridiques escomptés par l'intimé, ne s'appuie sur aucune preuve en l'espèce et ne pouvait à coup sûr être considérée et a fortiori retenue par le juge.

Les constatations que nous venons de faire, cette Cour les avait déjà faites, à quelques nuances près, dans Rousselle. Il est vrai qu'il s'agissait alors d'un contrat de convenance, mais la Cour ne pouvait pas s'arrêter à ce seul aspect et se devait, ce qu'elle fit, d'examiner en détails les relations entre les parties. L'intimé ne nous a pas convaincus qu'il était permis, en l'espèce, d'écarter la conclusion de cette Cour dans Rousselle.

La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la Cour canadienne de l'impôt sera annulée et l'affaire lui sera renvoyée pour qu'elle la décide à nouveau en tenant pour acquis que l'intimé n'exerçait pas un emploi assurable.

[24]     Le fardeau de la preuve incombait à l'appelant. La preuve soumise n'a mis en évidence aucun fait ou élément qui puisse orienter ce Tribunal vers une conclusion différente de celle retenue par la Cour d'appel fédérale.

[25]     Conséquemment, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-1335(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               ANGE-ALBERT PARADIS et M.R.N.

                                                          et CTI DES FRONTIÈRES (CDRHT INC.)

LIEU DE L'AUDIENCE :                    RIVIÈRE-DU-LOUP (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 25 mai 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 28 juin 2000

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :                Me Jérôme Carrier

Avocat de l'intimé :                    Me Simon-Nicolas Crépin

pour l'intervenante            Personne n'a comparu

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :           Me Jérôme Carrier

                   Étude :                   Rochon, Belzile, Carrier, Auger

                   Ville :                     Québec (QC)

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-1335(EI)

ENTRE :

ANGE-ALBERT PARADIS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CIT DES FRONTIÈRES (CDRHT INC.)

intervenante.

Appel entendu le 25 mai 2000 à Rivière-du-Loup (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Jérôme Carrier

Avocat de l'intimé :                             Me Simon-Nicolas Crépin

          Représentant de l'intervenante : Personne n'a comparu

JUGEMENT

L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


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