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Date: 20010323

Dossier: 98-1946-IT-G

ENTRE :

THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]            Madame Thérèse Rousseau-Houle interjette appel des cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard des années d'imposition 1990 à 1993, 1995 et 1996 (période pertinente). La principale question en litige consiste à déterminer si la constitution, l'existence et le financement de la Société en commandite TRH Enr. (SEC) ainsi que l'acquisition par cette société d'un immeuble (Immeuble Laroche) constituent une série d'opérations effectuées principalement pour l'obtention d'un avantage fiscal qui est en conséquence assujettie à la règle générale anti-évitement (RGAÉ) énoncée à l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi). Le ministre prétend que le fait que madame Rousseau-Houle a emprunté personnellement pour financer son apport à SEC a permis à cette société de dégager des revenus artificiellement gonflés et de se prévaloir d'une déduction pour amortissement (DPA) supérieure à celle dont elle aurait pu profiter si SEC avait emprunté elle-même pour faire l'acquisition de l'Immeuble Laroche. Madame Rousseau-Houle aurait ainsi contrevenu à la lettre et à l'esprit de la règle édictée par le paragraphe 1100(11) du Règlement de l'impôt sur le revenu (Règlement). Ce paragraphe est ainsi rédigé :

(11)          Biens locatifs — Nonobstant le paragraphe (1), en aucun cas le total des déductions, dont chacune est une déduction à l'égard de biens d'une catégorie prescrite possédés par un contribuable, qui comprend les biens locatifs possédés par lui, que le contribuable peut déduire par ailleurs en vertu du paragraphe (1) en calculant son revenu pour une année d'imposition, ne doit excéder la fraction, si fraction il y a,

a)             du total des sommes dont chacune représente

(i)             son revenu pour l'année tiré de la location, à bail ou non, d'un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

(ii)            le revenu d'une société de personnes pour l'année tiré de la location, à bail ou non, d'un bien locatif de la société de personnes, dans la mesure de la participation du contribuable à un tel revenu,

                qui est en sus

b)             du total des sommes dont chacune représente

(i)             sa perte pour l'année de la location, à bail ou non, d'un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

(ii)            la perte subie par une société de personnes pour l'année de la location, à bail ou non, d'un bien locatif de la société de personnes, dans la mesure de la participation du contribuable à une telle perte.

[2]            Le ministre a donc refusé en totalité ou en partie la DPA faite par SEC dans le calcul de son revenu pour la période pertinente.

[3]            L'autre question en litige, qui est subsidiaire, consiste à déterminer si de l’argent emprunté en 1991 et en 1993 a été utilisé dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Le ministre a refusé la déduction d'intérêts de 7 652 $ pour 1991, de 22 834 $ pour 1992 et de 34 947 $ pour 1993 pour manque d'une preuve suffisante établissant que ces intérêts avaient été payés pour tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

Faits

[4]            Au cours de la période pertinente, madame Rousseau-Houle est mariée à monsieur Fernand Houle, qui possède une importante société de construction dans la région de Québec et une société de placement, « Placements FH Inc. » (PFH). Monsieur Houle possède aussi des immeubles locatifs industriels et résidentiels, dont un immeuble de 50 appartements.

[5]            De 1978 à 1988, année où elle est nommée juge, madame Rousseau-Houle acquiert quatre immeubles locatifs (Immeubles personnels). Le premier (Immeuble Saint-Louis), acquis en 1978, est situé sur le chemin Saint-Louis et comprend 26 appartements. Elle s'occupe de le gérer elle-même pendant la première année, mais, en raison de ses activités professionnelles, elle décide d'en confier la gestion à des gestionnaires immobiliers. Les trois autres immeubles acquis par la suite sont situés, dans le cas de deux d'entre eux, sur la rue Delage (Immeubles Delage) et, dans le cas du dernier, sur l'avenue du Chanoine-Scott. Durant la période pertinente, Gestion Houle enr. (Gestion), une entreprise appartenant à son mari, gère les Immeubles personnels.

[6]            Alors que son épouse se trouve en Floride, monsieur Houle fait, le 23 décembre 1989, une offre pour l'achat de l'Immeuble Laroche au prix de 1 550 000 $. L'offre est acceptée mais la vente doit être conclue rapidement, avant le 31 décembre 1989. Avant la présentation de cette offre, madame Rousseau-Houle avait consulté un avocat fiscaliste bien connu, un cousin à elle, relativement aux différents modes d'acquisition et de détention d'un immeuble locatif et au régime fiscal applicable à chacun de ces modes. Ils avaient notamment discuté de la détention d'immeubles par l'intermédiaire d'une société par actions et d'une société de personnes. Madame Rousseau-Houle a reconnu qu'elle connaissait le régime fiscal applicable aux immeubles locatifs et, de façon plus particulière, les règles relatives à la DPA. Elle savait qu'il n'était pas possible de créer ou d'augmenter une perte locative en déduisant le montant de la DPA, sauf s'il s'agissait de pertes provenant d'immeubles des catégories 31 ou 32, communément appelés IRLM (immeubles résidentiels à logements multiples). Elle sait que les Immeubles personnels et l'Immeuble Laroche n'étaient pas des IRLM. Finalement, madame Rousseau-Houle a reconnu que, si un immeuble locatif était acheté par l'intermédiaire d'une société de personnes, il serait plus avantageux fiscalement que ce soit madame Rousseau-Houle qui emprunte pour financer sa participation dans la société plutôt que de faire en sorte que la société fasse un emprunt pour financer l'achat de cet immeuble.

[7]            Avant même que l'offre ne soit faite le 23 décembre 1989, il avait été question d'acquérir l'immeuble Laroche par l'intermédiaire d'une société en commandite dont les associés seraient madame Rousseau-Houle et son mari. Toutefois, la participation respective de chacun n'avait pas été arrêtée. Ainsi, lorsque monsieur Houle fait son offre d'achat, il le fait pour le compte d'une société en commandite à être formée.

[8]            Comme le délai est trop court pour former SEC, c'est madame Rousseau-Houle qui se porte acquéreur de l'immeuble le 29 décembre 1989. Dans l'acte de vente, madame Rousseau-Houle déclare et le vendeur reconnaît qu'elle n'agit pas à titre personnel mais uniquement « pour et dans l'intérêt d'une compagnie et/ou société à être constituée » . Le prix d'achat est de 1 550 000 $, et le vendeur reconnaît avoir reçu en acompte une somme de 388 000 $. Selon le témoignage de madame Renée Garnier, une employée de Gestion et chargée des comptes chez PFH depuis février 1989, et selon les états de l'évolution de la situation financière (états de l'évolution) pour la période de 1989 à 1993 établis pour chacun des Immeubles personnels et l'Immeuble Laroche, cette somme de 388 000 provenait de retraits de 260 000 $ de l'Immeuble Saint-Louis et d'un retrait de 128 000 $ de l'un des Immeubles Delage[1]. Quant au solde de 1 162 000 $, l'acquéreur s'oblige à le payer le 1er février 1990 au plus tard, avec intérêt calculé selon le taux annuel de 11,375 %.

[9]            Le 2 février 1990, madame Rousseau-Houle, à titre de commandité, et monsieur Fernand Houle, à titre de commanditaire, signent une déclaration de société en commandite. Dans cette déclaration, on indique que l'objet de SEC est l'acquisition, l'exploitation, l'administration et la location de biens mobiliers et immobiliers. Madame Rousseau-Houle s'engage à contribuer une somme de 1 534 500 $, et monsieur Houle, une somme de 15 500 $. Le 5 février 1990, monsieur Fernand Houle souscrit une unité de SEC pour une somme de 15 500 $, et madame Rousseau-Houle, 99 unités pour une somme de 1 544 500 $[2]. Comme elle avait déjà versé 388 000 $ lors de l'acquisition de l'Immeuble Laroche pour le compte de SEC, madame Rousseau-Houle n'a eu à remettre à SEC qu'une somme de 1 156 500 $. Pour payer cette somme, elle obtient, le 5 février 1990, un prêt-relais de 1 146 500 $ consenti par PFH et utilise sans doute 10 000 $ de ses propres fonds. Le même jour, SEC verse au vendeur de l'Immeuble Laroche la somme de 1 170 728,63 $, qui comprend vraisemblablement des intérêts.

[10]          Madame Rousseau-Houle a expliqué comme suit pourquoi la participation de son mari dans SEC s'était limitée à 1 %. Monsieur Houle devait fournir des cautions pour permettre à sa société de construction d'obtenir d'importants contrats de construction. En raison de ces engagements financiers, sa situation financière ne lui permettait pas d'acquérir une plus grande participation dans SEC. Elle a aussi ajouté que l'acquisition de l'Immeuble Laroche par l'intermédiaire de SEC constituait le premier placement conjoint du couple et que son mari et elle envisageaient l'acquisition d'autres immeubles locatifs par l'intermédiaire de cette société. Toutefois, jusqu'à ce jour, il n'y en a pas eu d'autres.

[11]          Le 6 février 1990, SEC confie à Gestion la gestion de l'Immeuble Laroche. Cette entreprise s'occupe de la négociation des baux, des démarches auprès de la Régie du logement de même que du remboursement et du renouvellement du prêt de madame Rousseau-Houle.

[12]          Au nom de SEC, madame Rousseau-Houle ratifie le 12 avril 1990 le contrat d'achat signé par elle pour le bénéfice de cette société et cette dernière est donc saisie de l'Immeuble Laroche depuis la date de sa formation. Le même jour, la société Montréal Trust consent à madame Rousseau-Houle un prêt de 1 125 000 $. Une des conditions de ce prêt est que madame Rousseau-Houle doit utiliser les fonds pour l'acquisition d'une participation équivalente dans SEC. Évidemment, ce prêt sert à rembourser, au moins en partie, le prêt-relais consenti par PFH. Toujours le même jour, SEC signe un acte de caution hypothécaire accordant à Montréal Trust une hypothèque de premier rang sur l'Immeuble Laroche. Comme garantie additionnelle, SEC transporte au créancier hypothécaire les loyers échus et à échoir provenant de l'Immeuble Laroche.

[13]          Le prêt du 12 avril 1990 est remplacé le 7 août 1991 par un nouveau prêt de 1 325 000 $, soit 200 000 $[3] de plus que le précédent. La convention de prêt stipule un taux d'intérêt annuel fixe de à 11¼ %; il y est stipulé en outre que le remboursement s'échelonnera sur une période de 25 ans. Ce nouveau prêt est garanti par SEC, tout comme le précédent.

[14]          Selon madame Rousseau-Houle, la somme supplémentaire de 200 000 $ devait servir à financer l'acquisition d'autres immeubles. Au bilan de SEC au 31 décembre 1991, on voit qu'une mise de fonds de 209 594,50 $ a été effectuée au cours de cette année. Selon l'état de compte bancaire de SEC, un chèque de 209 594,50 $ a été déposé le 15 août 1991. Le lendemain, SEC remet à Gestion une somme de 209 000 $. Selon le témoignage de madame Garnier, cette somme de 209 000 $ a été utilisée dans l'exploitation de l'Immeuble Laroche et n'a pas été remboursée à madame Rousseau-Houle. Par contre, madame Garnier ne connaît pas le motif pour lequel madame Rousseau-Houle avait obtenu la somme supplémentaire de 200 000 $ lors du refinancement de juillet 1991.

[15]          Madame Rousseau-Houle obtient de SEC les fonds nécessaires pour rembourser le capital des emprunts contractés pour financer sa participation dans SEC et les intérêts se rapportant à ces emprunts. Ces transferts de fonds sont indiqués comme des retraits dans les états financiers de cette société. Ainsi, une partie de la somme de 209 000 $ aurait pu permettre à madame Rousseau-Houle d'effectuer ses versements hypothécaires, dont le total s'élève à 145 378 $ en 1991 (selon la pièce I-2).

[16]          Le 8 janvier 1993, la Laurentienne Vie Inc. prête une somme de 750 000 $ à madame Rousseau-Houle pour refinancer un prêt existant. Ce nouveau prêt porte un intérêt de 8,875 % à compter du 5 février 1993 et le prêt est garanti par une hypothèque de 750 000 $ grevant l'Immeuble Saint-Louis accordée à cette société d'assurance. Grâce à ce prêt, madame Rousseau-Houle obtient une somme additionnelle de 170 771 $. Cette somme est indiquée aux états de l'évolution comme un « refinancement » . Selon madame Garnier, elle a été déposée dans le compte de Gestion. D'après madame Rousseau-Houle, les fonds additionnels devaient servir à acheter un immeuble à un prix s'élevant à entre deux et trois millions de dollars. Malheureusement, ce projet d'acquisition ne se réalisera pas en raison des conditions difficiles du marché immobilier.

[17]          Selon les états de l'évolution pour l'Immeuble Saint-Louis, un retrait d'une somme de 105 000 $ a été effectué durant l'année 1993 en faveur de madame Rousseau-Houle. Selon madame Garnier, une somme de 5 000 $ a été utilisée à des fins personnelles et elle ne sait pas à quelles fins a été utilisé le solde de 100 000 $. La seule preuve fournie à cet égard est l'existence d'un certificat de placement garanti acquis par madame Rousseau-Houle l'année suivante, soit le 3 mai 1994, portant intérêt à 7,95 % et dont la date d'échéance est le 3 mai 1997. Selon madame Rousseau-Houle, ce certificat de placement garanti était rachetable en tout temps.

[18]          Le 8 juin 1995, madame Rousseau-Houle reçoit un projet de cotisation selon lequel le ministre refuse, en partie ou en totalité, la DPA faite par SEC durant les années 1990 à 1993, et ce, en se fondant sur la RGAÉ. Madame Rousseau-Houle décide alors de produire ses déclarations pour les années 1995 et 1996 sur la même base que celle adoptée par le ministre dans ses projets de cotisation, c'est-à-dire en déduisant les intérêts dans le calcul du revenu de SEC, diminuant ainsi le montant de la DPA. Toutefois, elle prend soin d'indiquer que ces déclarations sont transmises au ministre sous réserve de tous ses droits et plus particulièrement de son droit de déduire à son niveau personnel ses intérêts sur les emprunts contractés pour investir dans SEC et de déduire dans le calcul du revenu de SEC un montant de DPA plus élevé.

[19]          Madame Andrée Simard, coordonnatrice de la section de l'évitement fiscal pour Québec a témoigné à la demande de l'intimée. Son rapport de vérification a été produit sous la cote I-1. Elle y expose comme suit les motifs pour lesquels le ministre a appliqué le paragraphe 245(2) pour refuser la DPA faite par SEC.

Vue d'ensemble

                Par un stratagème utilisant une société de personnes pour faire la location d'immeubles, le client fait en sorte de réclamer l'amortissement au niveau de la société car elle a un revenu net suffisant, n'ayant pas comme dépense importante les frais d'intérêts sur les hypothèques qui sont demeurées au niveau de l'individu.

Ce stratagème se résume ainsi :

                Le client acquière [sic] un immeuble, celui-ci est payé en partie par un emprunt obtenu de la compagnie Les Placements Fernand Houle Inc. Par la suite le client forme une société avec son époux, elle contribue un montant minime de participation dans cette société.

                À la même date ou peu après, elle souscrit dans cette société en apportant comme souscription l'immeuble. Elle reçoit en contrepartie des parts de la société équivalente [sic] à la valeur de l'immeuble transféré. Le client garde la responsabilité de l'hypothèque.

                La société loue l'immeuble à une tierce personne non liée au client et réclame comme dépense les taxes, assurances, en fait toutes les dépenses courantes d'un immeuble de location.

[20]          L'avantage fiscal que le ministre veut contrer par l'application du paragraphe 245(2) de la Loi pour chacune des années en litige est bien décrit dans la réponse à l'avis d'appel de l'intimée. À titre d'illustration, je citerai la description faite pour l'année 1990 :

AVANTAGE FISCAL CONCERNANT L'ANNÉE D'IMPOSITION 1990

RÉSULTATS DES IMMEUBLES PERSONNELS

x)              De la déclaration de revenus de l'appelante pour l'année d'imposition 1990, il est permis de constater, à l'égard de ses immeubles personnels, les renseignements suivants :

                ÉTAT DES RÉSULTATS 1990 IMMEUBLES PERSONNELS

Chemin

Saint-Louis

878 Delage

Chanoine

Scott

858 Delage

TOTAL

Revenus bruts

147 273 $

86 565 $

32 678 $

63 158 $

329 674 $

Dépenses avant

amortissement

123 186 $

123 482 $

43 242 $

71 455 $

361 365 $

Bénéfices ou (pertes)

avant avant amortissement

22 518 $

(37 331 $)

(10 596 $)

(8 297 $)

(31 691 $)

Amortissement

mobilier

(autres que Cat. 3 et

6)

1 570 $

415 $

32 $

2 017 $

Déduction

d'amortissement-

immobilier Cat. 3

ou 6)

16 460 $

13 270 $

7 315 $

18 775 $

55 820 $

Total

amortissement

57 837 $

Bénéfices nets

ou pertes

réclamés

6 057 $

(50 602 $)

(17 911 $)

(27 072 $)

(89 528 $)

y)             De L'ÉTAT DES RÉSULTATS 1990 (IMMEUBLES PERSONNELS), tiré de la déclaration de revenus de l'appelante pour l'année d'imposition 1990, l'appelante a subi une perte, avant amortissement de (31 691 $);

z)              Dans la mesure où l'appelante n'avait été propriétaire que de ses immeubles personnels et n'avait détenu aucun intérêt dans la Société, elle ne pouvait créér [sic] une perte avec l'allocation du coût en capital puisqu'elle n'aurait pas eu le droit de réclamer la dépense d'amortissement de 57 837 $ (soit 2 017 + 55 820 $) à l'égard de ceux-ci en raison de l'article 1100(11) du Règlement de l'impôt sur le revenu, qui prévoit qu'un contribuable [ne] peut réclamer l'allocation du coût en capital ou une dépense d'amortissement que jusqu'à concurrence de l'ensemble des bénéfices provenant de ses biens locatifs et du montant qui lui est attribué par une société et provenant de tels biens, le bénéfice étant pour ces fins calculé abstraction faite de la dépense d'amortissement relatif aux immeubles;

RÉSULTATS DE L'IMMEUBLE-LAROCHE

aa)            Or, l'appelante détient une participation de 99 % dans la Société qui, pour l'année d'imposition 1990, lui attribua un bénéfice de 89 527 $ due uniquement parce que la Société ne supporte pas de dépenses d'intérêts découlant de l'achat de l'immeuble-Laroche tel qu'il appert de la déclaration de revenus de l'appelante;

bb)           En effet, l'ÉTAT DES RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ, pour l'exercice financier 1990, est le suivant :

ÉTAT DES RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ (1990)

1990

REVENUS BRUTS DE LOCATION

218 574 $

DÉPENSES AVANT AMORTISSEMENT

100 696 $

PROFIT AVANT AMORTISSEMENT

117 878 $

REVENUS D'INTÉRÊTS

355 $

PROFIT

118 233 $

DÉDUCTION D'AMORTISSEMENT Cat. 8

1 839 $

DÉDUCTION D'AMORTISSEMENT IMMOBILIER

25 962 $

TOTAL AMORTISSEMENT

27 801 $

BÉNÉFICE DE LA SOCIÉTÉ

90 432 $

BÉNÉFICES ATTRIBUÉS À L'APPELANTE,

99 % X 90 432

89 528 $

cc)            La Société a réalisé un bénéfice irréaliste de 90 432 $ du fait que c'est l'appelante, et non la Société, qui a absorbé les charges d'intérêt relatif à l'acquisition de l'immeuble-Laroche;

dd)           La Société étant, selon le paragraphe 96(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une personne distincte des associés, celle-ci ne tient pas compte d'intérêts de 141 106 $ payés par l'appelante au cours de l'année 1990, aux fins de la restriction apportée au calcul de l'amortissement prévu au règlement 1100(11) [de] l'impôt sur le revenu;

ee)            Si ce n'était de ces opérations, soit que la Société aurait elle-même emprunté pour l'acquisition de l'immeuble, la Société n'aurait pas un revenu net de location, mais bien une perte de location avant amortissement de (23 228 $), soit son bénéfice avant amortissement moins la dépense d'intérêt assumé [sic] par l'appelante (117 878 $ - 141 106 $ = (23 228 $);

ff)             De ce fait, la Société ne pourrait réclamer de déduction pour amortissement de 27 801 $ à l'encontre de son immeuble-Laroche et l'appelante ne pourrait pas non plus réclamer de déduction pour amortissement de 57 837 $ à l'encontre des immeubles qu'elle détient personnellement du fait qu'elle a subi une perte avant amortissement de (31 691 $) pour ces autres immeubles;

RÉSULTATS COMBINÉS DES IMMEUBLES PERSONNELS ET DE L'IMMEUBLE-LAROCHE

gg)           En l'absence de la société, et si l'appelante avait détenu personnellement l'immeuble à l'égard duquel elle réclame indirectement des dépenses d'intérêts, nous aurions obtenu les résultats suivants :

ÉTAT DES RÉSULTATS 1990 (TOUS LES IMMEUBLES)

Résultats (immeubles

personnels)

Résultats (immeubles-

—Société)

Résultats combinés en

l'absence de Société

Revenus bruts

329 674 $

218 574 $ x 99 %

546 062 $

Dépenses avant amortissement

361 365 $

100 696 $ x 99 %

461 054 $

+

Intérêts assumés et alloués à l'appelante

141 106 $

141 106 $

Total dépenses

602 160 $

Bénéfices ou (pertes) avant amortissement immobilier (Cat. 3 et 6)

(31 691 $)

(23 228 $)

(56 098 $)

Amortissement-mobilier réclamé (autres que Cat. 3 et 6)

2 017 $

1 839 $

Déduction d'amortissement-

immobilier réclamé Cat. 3 ou 6

55 819 $

25 962 $

Total amortissement réclamé

57 837 $

27 801 $ x 99 %

85 360 $

Amortissement excédentaire

85 360 $

hh)           Du tableau du paragraphe précédent, nous constatons que le seul montant que l'appelante aurait pu déduire à l'encontre de ses autres revenus pour l'année d'imposition 1990, aurait été la perte combiné avant amortissement de 56 098 $ (établit [sic] en tenant compte de tous les intérêts payés) alors qu'en procédant comme elle l'a fait l'appelante a déduit en sus l'amortissement totalisant 85 360 $ (soit 57 837 $ + 99 % de 27 801 $);

ii)              L'avantage fiscal que l'appelante retire abusivement de cet arrangement est une déduction additionnelle de 85 360 $ soit l'amortissement excédentaire réclamé par l'appelante et en agissant ainsi elle contrevient à l'esprit de l'article 1100(11) du Règlement de l'impôt sur le revenu (ainsi qu'à l'article 245 de la [L]oi de l'impôt sur le revenu) qui prévoit qu'un contribuable [ne] peut réclamer une dépense d'amortissement que jusqu'à concurrence de l'ensemble des bénéfices provenant de ses biens locatifs et du montant qui lui est attribué par une société et provenant de tels biens, le bénéfice étant pour ces fins calculé abstraction faite de la dépense d'amortissement relatif aux immeubles.

[21]          Comme on peut le constater, le fait de détenir l'Immeuble Laroche par l'intermédiaire de SEC, le fait d'emprunter personnellement pour financer son apport à SEC (opérations planifiées) et le fait que cet apport a été suffisant pour permettre à SEC de détenir cet immeuble sans avoir à supporter des frais d'intérêts ont permis à madame Rousseau-Houle non seulement de maximiser le montant de la DPA à l'égard de l'Immeuble Laroche mais de le faire aussi à l'égard des Immeubles personnels (avantage fiscal SEC). Madame Simard a confirmé que le ministre, dans l'application du paragraphe 245(2) de la Loi, a calculé le revenu net de SEC comme si l'emprunt de madame Rousseau-Houle avait été effectué par SEC. Elle a aussi reconnu qu'on serait arrivé au même résultat si on n'avait pas tenu compte de l'existence de SEC. Elle a clairement indiqué que, comme le révèle le passage cité plus haut tiré de la Réponse à l'avis d'appel, l'avantage fiscal que madame Rousseau-Houle aurait obtenu abusivement contrevient au paragraphe 1100(11) du Règlement.

[22]          Madame Simard a aussi indiqué que le ministre avait refusé la déduction des frais d'intérêts relatifs au prêt de 209 000 $ et à celui de 170 771 $ consentis respectivement en 1991 et en 1993. Selon elle, le ministre n'avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour lui permettre de conclure que l'argent avait été utilisé dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. De plus, elle a préparé un état des flux de trésorerie pour les Immeubles personnels et l'Immeuble Laroche pour quantifier les besoins en trésorerie de madame Rousseau-Houle. Pour les années 1991 à 1993, cet état fournit les données suivantes : (4 999 $) en 1991, (3 003 $) en 1992 et (62 887 $) en 1993. Selon madame Simard, ces données ne justifient pas tous les emprunts supplémentaires. Par contre, elle a reconnu qu'il n'y avait pas de preuve d'utilisation personnelle des fonds retenus dans les comptes bancaires de Gestion.

Analyse

Application de la RGAÉ

[23]          Dans un premier temps, il est utile de revoir les dispositions législatives pertinentes. Il y a d'abord les paragraphes 245(1)(2)et (3) qui édictent :

(1)           Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« attribut fiscal » S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant payable en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi.

« opération » Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement.

(2)            Disposition générale anti-évitement. En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

(3)            Opération d'évitement. L'opération d'évitement s'entend :

a)             soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

b)             soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

                                                                                                                [Je souligne.]

[24]          Comme on peut le constater, pour que s'applique la RGAÉ, il faut qu'aucune autre disposition de la Loi ne prohibe l'avantage fiscal demandé par le contribuable et refusé par le ministre. J'ai souligné dans le texte législatif les passages pertinents qui appuient cette interprétation. De plus, il faut qu’il y ait une opération d’évitement. Si une opération a été principalement effectuée pour des objets véritables (autres que l’obtention d'un avantage fiscal), elle ne constitue pas une opération d'évitement. Finalement, même si l’opération constitue une opération d'évitement, il faut déterminer si elle entraîne directement ou indirectement un abus dans l'application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble; c'est ce qui ressort du paragraphe 245(4) qui édicte :

(4)            Non-application du par. (2). Il est entendu que l'opération dont il est raisonnable de considérer qu'elle n'entraîne pas, directement ou indirectement, d'abus dans l'application des dispositions de la présente loi lue dans son ensemble — compte non tenu du présent article — n'est pas visée par le paragraphe (2).

                                                                                                                                [Je souligne.]

[25]          Si l’opération d'évitement entraîne un abus dans l'application des dispositions de la Loi, les attributs fiscaux doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal abusif. À mon avis, pour que les attributs fiscaux soient raisonnables, on doit les déterminer en essayant autant que possible de ne pas modifier les opérations mises en place par le contribuable.

[26]          Reprenons chacune des conditions d'application de la RGAÉ en les appliquant aux faits de ces appels. Tel que nous l'avons vu plus haut, le paragraphe 245(2) de la Loi constitue une disposition d'application de dernier recours. Il suppose que le contribuable a effectué des opérations valides qui respectent en plus chacune des dispositions de la Loi sauf l'article 245.

[27]          Ici, il n'y a pas de constestation quant à la validité des opérations planifiées et quant au respect des dispositions de la Loi et du Règlement, sauf l'article 245. Il faut donc, dans un premier temps, déterminer si les opérations planifiées constituent des opérations d'évitement[4].

[28]          De façon générale, l'acquisition d'un immeuble locatif constitue une opération effectuée pour des objets véritables (autres que l'obtention d'un avantage fiscal). Le fait que cet immeuble soit acquis par l'intermédiaire d'une société de personnes ou d'une société par actions ne devrait pas normalement changer la donne. Toutefois, lorsque l'on analyse les circonstances particulières de cet appel, force est de constater que madame Rousseau-Houle a effectué les opérations planifiées principalement pour obtenir des avantages fiscaux. Par l'intermédiaire de SEC, elle détenait une part de 99 % dans l'Immeuble Laroche. Elle aurait pu acquérir cet immeuble personnellement, comme elle l'avait d'ailleurs fait pour chacun des quatre Immeubles personnels. En faisant un apport de 1,5 million de dollars à SEC pour financer l'achat de l'Immeuble Laroche, elle permettait à cette société de réaliser des bénéfices importants en lui enlevant les frais d'intérêts considérables, lui permettant ainsi de se prévaloir d'une DPA plus élevée. Cette planification permettait même à madame Rousseau-Houle de profiter d'une DPA dont elle n'aurait pas pu bénéficier dans le calcul du revenu locatif tiré de ses Immeubles personnels. Elle avait reçu des conseils d'un fiscaliste et, de toute évidence, les opérations planifiées avaient été effectuées dans le but de maximiser les avantages fiscaux. Dans ces circonstances, il faut conclure que les opérations planifiées visaient principalement à obtenir un avantage fiscal et constituaient des opérations d'évitement.

[29]          Reste à déterminer si ces opérations entraînent un abus dans l'application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble. Je ne crois pas que le paragraphe 245(2) de la Loi s'applique ici et ceci essentiellement pour deux motifs principaux. Premièrement, le paragraphe 245(2) ne vise pas un avantage fiscal qui contrevient à une disposition du Règlement. Deuxièmement, même s'il fallait tenir compte des dispositions du Règlement, les opérations planifiées n'entraînent pas un abus dans l'application de la Loi lue dans son ensemble. Je vais maintenant expliciter chacun de ces motifs.

Loi lue dans son ensemble sans tenir compte du Règlement

[30]          Tout d'abord, la seule disposition de la Loi mentionnée par le procureur de l'intimée à l'égard de laquelle il a pu y avoir abus dans son application est l'alinéa 20(1)a), qui accorde à un contribuable le droit à la DPA. Le montant est celui qu'autorise le Règlement. De façon plus précise, c'est au paragraphe 1100(11) du Règlement que contreviendrait l'avantage fiscal de SEC et non à l'alinéa 20(1)a). Or, le paragraphe 245(4) de la Loi édicte qu'une opération qui n'entraîne pas d'abus dans l'application des dispositions de la « présente loi lue dans son ensemble » n'est pas visée par le paragraphe 245(2) de la Loi.

[31]          Lors de leur plaidoirie à l'audience, les procureurs des deux parties ont tenu pour acquis que, pour les fins du paragraphe 245(4) de la Loi, le mot « loi » comprenait le Règlement. J'ai manifesté un doute quant au bien-fondé de cette approche et les parties ont convenu de produire par la suite des notes écrites. Dans ses notes du 22 juin 2000, le procureur de madame Rousseau-Houle conclut que « loi » ne comprend pas le mot « règlement » . Voici comment il s'exprime sur cette question à la page 7 de ses notes :

14.            Nous soumettons que le terme « loi » prévu au paragraphe 245(4) de la Loi ne comprend pas le mot « règlement » dans le contexte de la Règle générale anti-évitement prévue à l'article 245. En effet, seul le parlement peut adopter des politiques fiscales d'où se dégagent l'esprit et l'objet de la Loi. Nous vous réitérons la position des auteurs René Dussault et Louis Borgeat mentionnée au paragraphe 7 des présentes notes à l'effet que la loi constitue « l'expression de la volonté politique des représentants élus de la population dans ce qu'elle a de plus stable. Elle transcende les programmes politiques, les livres « de toutes les couleurs » , les discours inauguraux : elle seule manifeste de façon concrète la volonté des dirigeants élus » .

15.            Il est cependant vrai qu'un règlement a force de loi. Cependant, comme le mentionne l'auteur Patrice Garant, un règlement n'est pas une loi formelle, c'est-à-dire un statut, même si une clause de la loi tende [sic] d'assimiler le règlement à la loi.

[32]          Voici certains des passages pertinents des auteurs René Dussault et Louis Borgeat auxquels fait référence le procureur et que l'on retrouve dans Traité de droit administratif, 2e édition, tome 1, 1984, Presses de l'Université Laval, aux pages 21 et 22 :

b) La loi

                La loi est l'expression de la volonté politique des représentants élus de la population dans ce qu'elle a de plus stable. Elle transcende les programmes politiques, les livres « de toutes couleurs » , les discours inauguraux : elle seule manifeste de façon concrète la volonté des dirigeants élus. L'autorité du Parlement en matière de loi est souveraine; lorsqu'il agit dans le cadre de la Constitution, son pouvoir de faire ou de modifier les lois n'a, en principe, aucune limite. Suprême, la loi s'inscrit donc comme la première source de droit. Elle est la source des pouvoirs de plus en plus étendus — réglementaires et autres — confiés à l'Exécutif ou aux autres organismes du gouvernement.

c) Le règlement

                Tout comme la loi est la voix des parlementaires, le règlement est la voix principale de l'Exécutif. Il s'agit essentiellement d'une norme de conduite générale autorisée par la loi et applicable aux citoyens ou à certaines catégories d'entre eux. Contrairement à la loi, qui vient du Parlement, le règlement vient de plusieurs organes, dont le principal est le gouvernement. [...] L'importance du règlement comme source de droit est capitale, car il est devenu un outil indispensable à l'application des lois.

                                                                                                                [Je souligne.]

[33]          Le procureur cite aussi Patrice Garant, Droit administratif, 4e édition, volume 1, 1996, Les Éditions Yvon Blais, pages 408, 414 et 418 qui énonce un certain nombre de règles de base régissant l'activité réglementaire de l'administration :

2e règle : tout règlement nécessite une loi habilitante.

7e règle : un règlement n'est pas une loi formelle, c'est-à-dire un statut, même si une clause de la loi tente d'assimiler le règlement à la loi; par contre, le terme loi ou law comprend très souvent le mot règlement suivant le contexte.

10e règle : le règlement doit être conforme à la clause habilitante. Le règlement, par son objet ou son contenu, ne doit pas aller au-delà de la clause habilitante. Cette règle est l'expression logique du lien de subordination entre la loi et le règlement. Le pouvoir réglementaire ne peut et ne doit être exercé qu'en conformité avec la loi habilitante.

                                                                                                                [Je souligne.]

[34]          À la doctrine mentionnée par le procureur de madame Rousseau-Houle, il faut ajouter l'affaire The King v. Singer, [1941] S.C.R. 111, dans laquelle la Cour suprême du Canada a décidé qu'un règlement ou un décret n'était pas une loi. Dans cette affaire, on avait poursuivi en vertu de l’article 164 du Code criminel (article 126 du Code présentement en vigueur) un pharmacien qui avait contrevenu à une disposition d’un décret pris sous le régime de la Loi des mesures de guerre. Cette loi disposait expressément que les règlements et les décrets avaient force de loi. Les juges dissidents de la Cour du Banc du Roi avaient conclu que le « règlement en question doit être considéré comme faisant partie de la Loi des Mesures de Guerre, et que partant il y a lieu à l’application de l’article 164 C. cr. » (p. 113). Cet article du Code criminel visait toute personne qui contrevenait à une loi fédérale. La Cour suprême a entériné la décision du juge de première instance, qui avait rejeté les poursuites exercées contre le pharmacien, et celle de la Cour d’appel la confirmant.

[35]          Dans ses notes écrites du 22 juin 2000, l'avocat de l'intimée exprime bien entendu un point de vue contraire. Au paragraphe 14 de ces notes, il écrit :

14.            À notre humble avis les dispositions de la loi de l'impôt sur le revenu et tous les règlements de la loi de l'impôt sur le revenu (particulièrement les règlements concernant l'allocation du coût en capital car ils forment à eux seuls un mini-code complet) sont à ce point reliés les uns aux autres qu'ils ne peuvent et ne doivent pas être lus ni interprétés l'un sans l'autre et par conséquent en raison de ce contexte particulier à la loi de l'impôt sur le revenu nous en arrivons à la conclusion que le mot « loi » à l'article 245 de la loi de l'impôt sur le revenu englobe par référence nécessaire le mot « règlement » .

[36]          À l'appui de cette conclusion, il cite notamment Driedger on the Construction of Statutes, Ruth Sullivan, 3e édition, Butterworths, Toronto et Vancouver, à la page 246 :

                In appropriate circumstances, however, where the Act and the regulations are closely meshed so as to form an integrated scheme, provisions from both are interpreted in the light of that overall scheme.

[37]          À mon avis, le texte du paragraphe 245(4) de la Loi est clair et ne souffre d'aucune ambiguïté. Lorsque le législateur traite d'abus dans l'application des dispositions « de la présente loi lue dans son ensemble » , il s'agit de la Loi adoptée par le Parlement canadien. Il n'est pas du tout question du Règlement pris par le gouvernement. Il est important de rappeler ici les principes d'interprétation adoptés par la Cour suprême du Canada pour les cas où l'on se retrouve devant un texte clair et non ambigu. Notamment, dans l'affaire Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, à la page 113 (95 DTC 5551, à la page 5553), le juge Major, avec l'appui des juges Sopinka et L'Heureux-Dubé, décrivait ainsi ces principes :

Pour interpréter les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, il convient, comme l'affirme le juge Estey dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, d'appliquer la règle du sens ordinaire. À la page 578, le juge Estey se fonde sur le passage suivant de l'ouvrage de E. A. Driedger, intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87:

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Le principe voulant que le sens ordinaire des dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu prévale, à moins d'être en présence d'une opération simulée, a récemment été approuvé par notre Cour dans l'arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312. Le juge Iacobucci affirme, au nom de la Cour, aux pp. 326 et 327:

Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l'impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu'ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l'effet juridique et pratique de l'opération est incontesté: Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, à la p. 194; voir également Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695.

J'accepte les commentaires suivants qui ont été faits à l'égard de l'arrêt Antosko dans l'ouvrage de P. W. Hogg et J. E. Magee, intitulé Principles of Canadian Income Tax Law (1995), dans la section 22.3c) [TRADUCTION] « Interprétation stricte et fondée sur l'objet visé » , aux pp. 453 et 454:

[TRADUCTION] La Loi de l'impôt sur le revenu serait empreinte d'une incertitude intolérable si le libellé clair d'une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions tacites tirées de la conception qu'un tribunal a de l'objet de la disposition. [. . .] [L'arrêt Antosko] ne fait que reconnaître que « l'objet » ne peut jouer qu'un rôle limité dans l'interprétation d'une loi aussi précise et détaillée que la Loi de l'impôt sur le revenu. Lorsqu'une disposition est rédigée dans des termes précis qui n'engendrent aucun doute ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée nonobstant son objet. Ce n'est que lorsque le libellé de la loi engendre un certain doute ou une certaine ambiguïté, quant à son application aux faits, qu'il est utile de recourir à l'objet de la disposition.

                                                [Je souligne.]

[38]          Lorsqu'il désire que l'on tienne compte à la fois de la Loi et du Règlement, le législateur l'énonce expressément. J'ai compté aux moins une bonne vingtaine d'articles[5] de la Loi où le législateur fait référence à la fois à la Loi et au Règlement. Il faut ajouter que l'expression « de la présente loi ou de son règlement » se retrouve dans au moins huit dispositions différentes de la Loi : 147.1(7), 220(2.1), 220(5), 221(2), 225.1(6), 238(3), 239(1)a) et 239(1.1).

[39]          Je ne citerai que quelques exemples fort indicatifs. Il y a d'abord l'alinéa 221(2)b) qui énonce la règle concernant la prise d'effet de dispositions réglementaires qui corrigent une disposition « non conforme à un objet de la présente loi ou de son règlement » . L'alinéa 221(2)b) est ainsi rédigé :

221(2) Prise d'effet. Les dispositions réglementaires d'application de la présente loi ont effet à compter de leur publication dans la Gazette du Canada ou après si elles le prévoient. Toute disposition réglementaire peut toutefois avoir un effet rétroactif, si elle comporte une disposition en ce sens, dans les cas suivants :

b)             elle corrige une disposition ambiguë ou erronée, non conforme à un objet de la présente loi ou de son règlement;

[...]

                                                                                                                [Je souligne.]

[40]          Il y a le paragraphe 220(5) qui traite du pouvoir de certains fonctionnaires de faire prêter des serments pour « l'application ou l'exécution de la présente loi ou de son règlement » [6].

[41]          Le dernier exemple illustre le cas où le législateur fait dans la Loi un renvoi à une autre loi du Parlement et à son règlement d'application. Au paragraphe 126.1(12) de la Loi, traitant du paiement anticipé du crédit d'impôt pour cotisations d'assurance-chômage, on édicte qu'un employeur est réputé avoir versé, aux fins de « l'application de la Loi sur l'assurance-chômage et de son règlement d'application » , le montant visé au receveur général au titre de sa cotisation d'assurance-chômage.

[42]          Il est donc manifeste que, lorsqu'il désire faire référence à la fois à la Loi et au Règlement, le législateur le dit expressément. Or, au paragraphe 245(4) de la Loi, il ne l'a pas fait. À mon avis, il faut donc interpréter les mots « la présente loi lue dans son ensemble » employés dans ce paragraphe en se limitant aux dispositions de la Loi et en ne tenant pas compte de celles du Règlement.

[43]          Ce résultat m'apparaît tout à fait approprié surtout lorsque l’on considère que le paragraphe 245(2) de la Loi vise à priver les contribuables canadiens d'avantages fiscaux qui sont accordés par la Loi et qui ne contreviennent à aucune disposition de celle-ci, à l'exception de l'article 245. Si le législateur désire que l’on tienne compte, pour l'application de cet article, de la politique fiscale adoptée par le gouvernement dans le Règlement en plus de celle adoptée par le Parlement dans la Loi, il est nécessaire, à mon avis, que cette intention soit clairement énoncée dans l'article. Comme le législateur prend soin de mentionner à la fois la Loi et le Règlement dans d'autres dispositions de la Loi, il m’apparaît encore plus important d'en faire autant dans le contexte de l'article 245 de la Loi.

[44]          Si on ne tient pas compte des dispositions du Règlement, on doit conclure qu'aucune des dispositions de la Loi lue dans son ensemble, y compris l'alinéa 20(1)a), ne restreint le montant de la DPA que l'on peut déduire. Ce résultat n'est pas surprenant puisque toutes les règles régissant le calcul de la DPA se retrouvent dans le Règlement.

Loi lue dans son ensemble en tenant compte du Règlement

[45]          Même si j'avais eu à tenir compte des dispositions du Règlement pour les fins de l'application du paragraphe 245(4) de la Loi, j'en viendrais quand même à la conclusion que les opérations planifiées n'entraînent pas d'abus dans l'application des dispositions de la Loi.

[46]          À mon avis, rien dans la Loi ou le Règlement n'empêche l'utilisation d'une société — qu'elle soit une société par actions ou une société de personnes — pour détenir un immeuble locatif, et rien n'oblige un contribuable à obtenir le financement d'un tel immeuble par l'intermédiaire d'une société plutôt que de l'obtenir directement de l'associé ou des associés eux-mêmes. Au contraire, la possibilité d'utiliser une société est même reconnue expressément au sous-alinéa 1100(11)a)(ii) du Règlement[7]. De plus, l'alinéa 20(1)c) prévoit expressément qu'un contribuable a le droit de déduire dans le calcul de son revenu les intérêts versés dans le but de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise. Cet alinéa permet aussi de déduire l'intérêt sur une somme payable pour un bien acquis pour être utilisé dans une entreprise. Ainsi, si un contribuable achète des actions d'une société ou détient un bien locatif personnellement (seul ou en indivision) ou par l’intermédiaire d’une société de personnes, il peut déduire les intérêts sur les prêts consentis pour financer l'acquisition de ces biens.

[47]          De plus, c'est l'alinéa 96(1)a)[8] qui exige que le revenu d'une société de personnes qui détient un immeuble soit calculé comme si cette société était une personne distincte, ce qui signifie que c'est à son niveau que doit s'effectuer la DPA prévue par l'alinéa 20(1)a) de la Loi et au niveau des associés qui ont emprunté pour financer leur apport à la société que l'on doit déduire les intérêts. Il faut ajouter que cette règle est en vigueur depuis 1972 et représente un changement majeur par rapport à la situation existant avant 1972. En effet, avant 1972, la DPA se prenait au niveau des associés. Ce n’est donc pas par oubli ou par inadvertance qu'à été créé ce régime fiscal applicable aux sociétés de personnes qui existait durant la période pertinente.

[48]          On peut constater en lisant ensemble le paragraphe 1100(11) du Règlement et de l'alinéa 96(1)a) de la Loi qu'une société ne peut demander une DPA dépassant son revenu net de location. Or, ici, le montant demandé par SEC ne dépasse pas les revenus nets (avant déduction de la DPA) réalisés par cette société. Donc, strictement parlant, cette règle a été respectée.

[49]          Madame Rousseau-Houle avait le choix de financer l'acquisition de l'Immeuble Laroche soit en empruntant pour financer sa souscription des unités dans SEC, soit en faisant en sorte que SEC effectue elle-même l'emprunt nécessaire. En soi, le choix de la première possibilité n’entraîne pas un abus dans l'application de la Loi. Il est tout à fait courant qu'un actionnaire emprunte pour souscrire ses actions et pour financer ainsi les opérations de sa société par actions, tout comme il est courant qu'une telle société emprunte elle-même pour financer ses propres activités. Je ne vois pas de raison de traiter différemment un associé qui décide de financer les activités de sa société de personnes en empruntant pour faire son apport à cette société[9] au lieu de demander à celle-ci d’obtenir son propre financement. Pourtant, le ministre prétend ici qu'il faudrait déduire dans le calcul du revenu locatif de SEC une dépense qu'elle n'a pas engagée, soit les intérêts payés par madame Rousseau-Houle. Obliger SEC à tenir compte, dans le calcul de son revenu, d'une dépense qu'elle n'a pas engagée contreviendrait à l'article 96 de la Loi, qui exige que le revenu de cette société soit calculé comme si elle était une personne distincte.

[50]          Lorsqu'il a adopté l'article 245 de la Loi, le législateur visait à contrer la mise en place de stratagèmes qui créent un avantage fiscal indu pour les contribuables. Par contre, il ne visait pas à permettre au ministre de forcer les contribuables à structurer leurs opérations de la façon la plus onéreuse possible au point de vue fiscal. Dans ses notes explicatives relatives au nouveau paragraphe 245 accompagnant le projet de loi modifiant la Loi, le ministre des Finances reconnaissait qu'un contribuable a le droit d'arranger ses affaires de façon à verser le moins d'impôt possible. L'article 245 constitue un outil puissant pour décourager et empêcher des abus flagrants dans l'application de la Loi. Il ne peut servir au ministre d'outil pour forcer les contribuables à structurer leurs opérations de la façon la plus favorable aux autorités fiscales. Mon collègue le juge Bowman adopte la même interprétation dans la décision Jabs Construction Ltd. c. La Reine, [1999] A.C.I. no 374 (99 DTC 729), où il affirme au paragraphe 48 que l'article 245 « ne doit pas être utilisé de façon routinière chaque fois que le ministre est mécontent du simple fait qu'un contribuable structure une opération d'une manière fiscalement efficace ou ne structure pas une opération d'une manière qui optimalise l'impôt. »

Déduction des intérêts

[51]          Dans sa cotisation, le ministre a refusé une partie des intérêts déduits par madame Rousseau-Houle relativement à des sommes empruntées en 1991 et en 1993. Lorsque, en août 1991, madame Rousseau-Houle a refinancé son prêt auprès de la société Montréal Trust, elle s'est retrouvée avec un excédent de 209 000 $. Cette somme a été déposée dans le compte de SEC, qui l'a remise à Gestion. Ces fonds ont été utilisés dans les opérations de SEC et rien n'indique qu’ils ont été employés à des fins personnelles. Dans ces circonstances, je crois qu'il est raisonnable de conclure que les intérêts relatifs à cette somme de 209 000 $ constituent des dépenses engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[52]          Quant à la somme de 170 771 $ représentant le montant excédentaire obtenu lorsque madame Rousseau-Houle a refinancé l'Immeuble Saint-Louis le 8 janvier 1993, la preuve révèle qu'elle a d’abord été déposée dans le compte bancaire de Gestion et utilisée pour les besoins de la location des immeubles. Par contre, selon toute vraisemblance, cette somme a servi par la suite, à une date indéterminée au cours de l'année, à effectuer le retrait de 105 000 $ en faveur de madame Rousseau-Houle. Selon madame Garnier, une somme de 5 000 $ a été utilisée à des fins personnelles. Quant au solde de 100 000 $, madame Rousseau-Houle n'a pas fait, tel qu’elle y était tenue[10], la preuve de l’usage fait de cette somme entre le moment où elle a été retirée en 1993 et le 3 mai 1994, lorsque madame Rousseau-Houle a acquis un certificat de placement garanti. Dans ces circonstances, je crois qu'il est raisonnable de conclure que madame Rousseau-Houle ne peut déduire les intérêts qu’à l’égard de la partie des 170 771 $ qui a été conservée par Gestion, soit 65 771 $.

[53]          Pour ces motifs, les appels de madame Rousseau-Houle sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que l'article 245 ne s'applique pas aux opérations planifiées, que madame Rousseau-Houle a droit à la DPA calculée en conformité avec le paragraphe 1100(11) du Règlement, tant pour les Immeubles personnels que pour l'Immeuble Laroche détenu par SEC, et qu'elle a droit à la déduction des intérêts relatifs à la somme de 209 000 $ à compter du 7 août 1991 et de ceux relatifs à la somme de 65 771$ à compter du 8 janvier 1993, le tout avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mars 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.



[1] Selon les états de l'évolution, il y a eu en 1989 des retraits de l'Immeuble Saint-Louis totalisant 320 000 $, dont 260 000 $ pour l'Immeuble Laroche et 60 000 $ pour des fins personnelles.

[2] Quoique la déclaration de société indique que madame Rousseau-Houle s'engageait à souscrire 1 534 500 $, elle a dans les faits versé 1 544 500 $ pour obtenir ses 99 unités de SEC. Ce montant représente 99 % du capital souscrit de cette société.

[3] Selon toute vraisemblance, environ 209 500 $ de plus que le solde impayé du prêt du 12 avril 1990.

[4] Il est évident que, dans les circonstances, madame Rousseau-Houle a obtenu un avantage fiscal sous la forme d’une réduction d’impôt grâce à une DPA plus élevée.

[5] À l'intérieur d'un même article, on peut retrouver plusieurs paragraphes ou alinéas où l'on fait référence à la fois à la Loi et au Règlement. Par exemple, à l'article 244 on compte pas moins de sept paragraphes où l'on retrouve employés ensemble ces deux termes.

[6] Le paragraphe 220(5) édicte :

(5) Assermentation. Tout fonctionnaire ou préposé, employé à l'application ou à l'exécution de la présente loi, s'il est désigné par le ministre à cette fin, peut, au cours de son emploi, faire prêter des serments et recevoir des affidavits, déclarations et affirmations solennelles pour l'application ou l'exécution de la présente loi ou de son règlement, ou connexes à cette application ou exécution, et tout fonctionnaire ou préposé ainsi désigné possède à cet effet les pouvoirs d'un commissaire aux serments.

[7] Voici le texte pertinent :

(11)       Biens locatifs — Nonobstant le paragraphe (1), en aucun cas le total des déductions, dont chacune est une déduction à l'égard de biens d'une catégorie prescrite possédés par un contribuable, qui comprend les biens locatifs possédés par lui, que le contribuable peut déduire par ailleurs en vertu du paragraphe (1) en calculant son revenu pour une année d'imposition, ne doit excéder la fraction, si fraction il y a,

a)          du total des sommes dont chacune représente

(i)          son revenu pour l'année tiré de la location, à bail ou non, d'un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

(ii)                 le revenu d'une société de personnes pour l'année tiré de la location, à bail ou non, d'un bien locatif de la société de personnes, dans la mesure de la participation du contribuable à un tel revenu,

          [Je souligne.]

[8] Le paragraphe 96(1) se lisait comme suit en 1993 (il a été modifié au cours de la période pertinente, mais cela est sans conséquence pour les fins du débat ici) :

            Article 96 : Règles générales.

(1) Lorsqu'un contribuable est membre d'une société, son revenu, le montant de sa perte autre qu'une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole restreinte et de sa perte agricole, s'il y en a, pour une année d'imposition, ou son revenu imposable gagné au Canada pour une année d'imposition, selon le cas, est calculé comme si

a) la société était une personne distincte résidant au Canada;

b) l'année d'imposition de la société correspondait à son exercice financier;

c) chaque activité de la société (y compris une activité relative à la propriété de biens) était exercée par celle-ci en tant que personne distincte, et comme si était établi le montant

(i) de chaque gain en capital imposable et de chaque perte en capital déductible de la société, découlant de la disposition de biens, et

(ii) de chaque revenu et perte de la société afférents à chacune des autres sources ou à des sources situées dans un endroit donné,

pour chaque année d'imposition de la société;

d) chaque revenu ou perte de la société pour une année d'imposition était calculé compte non tenu de l'alinéa 20(1)v.1) ni des paragraphes 66.1(1), 66.2(1) et 66.4(1) et comme si aucune déduction n'était permise par l'article 29 des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu ni par le paragraphe 65(1) ou les articles 66, 66.1, 66.2 ou 66.4;

[. . .]

f) le montant du revenu de la société, pour une année d'imposition, tiré d'une source quelconque ou de sources situées dans un endroit donné, constituait le revenu du contribuable tiré de cette source ou de sources situées dans cet endroit donné, selon le cas, pour l'année d'imposition du contribuable au cours de laquelle l'année d'imposition de la société se termine, jusqu'à concurrence de la part du contribuable, et

g) la perte du contribuable — à concurrence de la part dont il est tenu — résultant d'une source ou de sources situées dans un endroit donné, pour l'année d'imposition du contribuable au cours de laquelle l'année d'imposition de la société se termine, équivalait à l'excédent éventuel :

(i) de la perte de la société, pour une année d'imposition, résultant de cette source ou de ces sources,

sur

[. . . ]

(iii) dans les autres cas, zéro.

[9] Un tel scénario est même décrit de façon expresse au paragraphe 18(2.1) de la Loi.

[10] Dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, aux pages 45 et 46 (87 DTC 5059, à la page 5064), le juge en chef Dickson affirme :

Il incombe au contribuable d'établir que les fonds empruntés ont été utilisés à une fin identifiable ouvrant droit à la déduction. Par conséquent, si le contribuable mélange des fonds utilisés à différentes fins, dont une partie seulement est admissible, il peut ne pas pouvoir réclamer la déduction: voir, par exemple, Mills c. Ministre du Revenu national, 85 D.T.C. 632 (C.C.I.); No. 616 v. Minister of National Revenue, 59 D.T.C. 247 (C.A.I.)

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