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Date: 20010409

Dossiers: 2000-2935-EI,

2000-2936-CPP

ENTRE :

SKYLINK AVIATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      L'appelante interjette appel contre la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle l'emploi que M. Bernd Firnung, le travailleur, exerçait pour l'appelante au cours de la période allant du 24 juin au 6 août 1998 était un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). Elle interjette également appel contre la décision du ministre selon laquelle l'emploi que le travailleur exerçait pour l'appelante au cours de la période en question était un emploi ouvrant droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada.

[2]      Les actes de procédure étant les mêmes dans les deux appels, je ferai seulement référence aux actes de procédure relatifs à la Loi sur l'assurance-emploi.

[3]      Les faits décrits dans l'avis d'appel sont les suivants :

[TRADUCTION]

1.          L'appelante avait retenu les services à court terme de M. Firnung en tant que pilote qualifié pour conduire un type particulier d'hélicoptère loué à bref préavis à un exploitant d'aéronefs fournissant des services d'hélicoptère au gouvernement de l'Ontario pour la lutte contre les incendies. M. Firnung était le pilote commandant de bord de l'hélicoptère et n'était pas assujetti à un contrôle et à des instructions par l'appelante, le locataire-exploitant ou le gouvernement de l'Ontario quant à la manière dont il pilotait l'aéronef et effectuait les vols, pourvu qu'il effectue les vols assignés et qu'il se conforme à tous les règlements gouvernementaux applicables en matière d'exploitation d'aéronefs et aux exigences relatives aux soumissions.

2.          M. Firnung fournissait son équipement normal de pilote. Aucune partie de ce matériel n'était fournie par l'appelante ou le locataire.

3.          M. Firnung avait non pas un taux horaire fixe ou un salaire comme dans le cas d'un employé, mais plutôt une indemnité de disponibilité quotidienne ainsi qu'un taux horaire élevé pour les heures de vol; un minimum quotidien d'heures de vol lui était assuré. Ainsi, il avait des chances de réaliser un profit supplémentaire considérable s'il devait effectuer de plus longs vols ou un plus grand nombre de vols durant la période.

4.          M. Firnung courait le risque de subir des pertes, car, en tant que pilote qui était qualifié pour conduire un type particulier d'hélicoptère et qui se spécialisait à cet égard, il devait maintenir un minimum d'heures de vol par année et prendre à sa charge les frais y afférents s'il n'effectuait pas ces vols dans le cadre de contrats; il devait aussi maintenir à ses propres frais son permis, ainsi que ses connaissances et qualifications, et payer lui-même les frais de tests.

5.          M. Firnung et l'appelante avaient conclu un contrat écrit prévoyant un statut d'entrepreneur indépendant et M. Firnung ne bénéficiait d'aucun des attributs normaux d'un emploi.

[4]      Les faits présumés par l'intimé sont décrits comme suit au paragraphe 9 de la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

a)          l'appelante est une entreprise qui fournit des services d'aéronef à ses clients;

b)          le travailleur a été embauché comme pilote par l'appelante, pour fournir des services de lutte contre les incendies aux clients de l'appelante;

c)          le travailleur recevait des instructions des clients de l'appelante;

d)          l'appelante conservait le droit d'exercer un contrôle sur le travailleur pendant que ce dernier fournissait des services pour les clients de l'appelante;

e)          les heures de travail du travailleur étaient déterminées par les clients de l'appelante, selon le nombre d'incendies de forêt;

f)           l'appelante fournissait au travailleur l'hélicoptère nécessaire pour la prestation des services;

g)          l'appelante était responsable de l'ensemble des travaux d'entretien et de réparation de l'hélicoptère et fournissait le carburant nécessaire pour l'aéronef;

h)          le travailleur était payé par l'appelante selon un taux quotidien fixe;

i)           le travailleur était remboursé des frais qu'il engageait pour se rendre dans des régions éloignées.

[5]      M. Alexander John Waldrum et M. Olavo Valadares ont témoigné pour l'appelante. Personne n'a témoigné pour l'intimé.

[6]      M. Waldrum avait été pilote pour le ministère de la Défense nationale. En 1996, après sa retraite, il avait créé sa propre entreprise de conseils en matière d'aviation internationale et de passation de marchés internationaux. M. Waldrum est un lobbyiste enregistré auprès du gouvernement de l'Ontario et du gouvernement du Canada. Il a commencé à travailler pour l'appelante comme consultant en 1996. Il a un titre de vice-président à SkyLink. Il fournit à l'appelante de l'expertise en réglementation aérienne canadienne et internationale. Il participe en outre à la gestion de la flotte d'aéronefs de l'appelante. Il travaille 10 jours par mois, à contrat.

[7]      M. Waldrum a expliqué que l'appelante exploite une entreprise tripartite : a) elle effectue du courtage relativement à un certain nombre de sociétés d'exploitation d'aéronefs du monde entier, surtout de pays d'Europe de l'Est; b) elle exploite sa propre flotte d'aéronefs; c) elle fait de la gestion de projets. Par exemple, elle réunit différentes sociétés pour du travail à accomplir dans une région et assure la gestion globale du processus.

[8]      M. Waldrum a expliqué que Heli-North Aviation Inc. s'était vu adjuger un contrat pour fournir des services de transport par hélicoptère au ministère des Richesses naturelles de l'Ontario en vue d'opérations de lutte contre des incendies dans le Nord de l'Ontario pour la période allant du 15 mai au 2 août 1998. Heli-North avait besoin d'un aéronef supplémentaire. Elle avait demandé à l'appelante de lui fournir un hélicoptère Bell 212. L'entente entre Heli-North Aviation Inc. et SkyLink Aviation Inc., en date du 5 mai 1998, a été déposée sous la cote A-1. L'appelante avait accepté de fournir l'hélicoptère Bell 212 aux fins du contrat relatif à l'incendie de Chapleau entre Heli-North Aviation Inc. et le ministère des Richesses naturelles, à un prix de 1 590 $ par heure de vol, compte tenu d'un minimum de 160 heures, plus une allocation à SkyLink de 9 000 $ pour 80 jours concernant le transport, l'hébergement et les repas de l'équipage.

[9]      L'entente s'appliquait à la période allant du 22 mai au 9 août. Il y avait deux pilotes en cause. Le premier agissait comme travailleur indépendant.

[10]     M. Waldrum a expliqué que l'appelante, à l'instar de ses concurrents, utilise comme pilotes à la fois des employés et des travailleurs indépendants lorsqu'il s'agit de fournir des hélicoptères à court terme. M. Waldrum a utilisé l'expression « pilotes flottants » et a dit qu'il y a environ 40 de ces pilotes, qui fournissent leurs services à contrat et qui travaillent ainsi pour divers exploitants d'hélicoptères au Canada.

[11]     D'après l'expérience de ce témoin, il y a des différences entre les pilotes qui sont des employés et les pilotes indépendants. Les pilotes sous contrat peuvent exiger des tarifs supérieurs en raison de leur expérience et aussi parce que leurs affectations sont habituellement de courte durée. Les « pilotes flottants » doivent s'occuper eux-mêmes de tenir à jour leur licence de pilote et leur certificat médical de Transports Canada. Les frais y afférents doivent être engagés par eux et ne sont pris en charge par des exploitants que par suite de la négociation avec un tel pilote des modalités d'une affectation particulière.

[12]     De l'avis de ce témoin, une question de risque se pose dans le cas d'un travail indépendant. Le pilote sous contrat ne travaille que pour de courtes périodes et, s'il commet une erreur, cela se sait très rapidement dans l'industrie. Expliquer une erreur, c'est une chose quand on est un employé, mais c'en est une autre quand on demande du travail. Il y a un risque à cet égard, et le pilote sous contrat se fait payer en conséquence.

[13]     Concernant les pilotes qui sont des employés, l'appelante et d'autres exploitants au Canada les aident à obtenir les heures de vol, la formation et l'attestation médicale requises et payent les frais de permis pour eux.

[14]     La pièce A-6 est le contrat entre SkyLink et le travailleur. M. Waldrum n'avait pas négocié ce contrat. C'est M. Paul Kristopovich, le chef pilote de la société, qui l'avait négocié. M. Waldrum n'avait pas contrôlé le contrat et n'avait rien eu à voir non plus avec la rémunération du travailleur. Il a toutefois déclaré qu'il pouvait dire que M. Firnung devait travailler de jour, pendant 45 jours d'affilée. Le contrat exigeait que l'aéronef soit disponible avec pilote tous les jours de la période. La rémunération était de 225 $ par jour et, si le pilote effectuait des heures de vol, il y avait une rétribution supplémentaire de 30 $ l'heure.

[15]     L'appelante exige que tous ses pilotes réussissent un test préparé par le chef pilote. Le travailleur avait à réussir ce test (pièce A-7).

[16]     En ce qui a trait aux hypothèses de fait du ministre, ce témoin a admis l'alinéa 9 a). Pour ce qui est de l'alinéa 9 b), il a dit que les services de lutte contre les incendies étaient fournis par Heli-North. Il a admis l'alinéa 9 c) et a ajouté que Heli-North recevait des instructions du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario. Il appartenait à Heli-North de s'assurer que l'aéronef était prêt pour la prestation des services requis par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario. Ce témoin a nié l'alinéa 9 d). Il a admis l'alinéa 9 e) et une partie de l'alinéa 9 g). L'entretien était fait par SkyLink. Cette dernière avait en tout temps un technicien autorisé par le gouvernement du Canada à attester par écrit la navigabilité de l'aéronef, mais le carburant était fourni par Heli-North. En ce qui concerne l'alinéa 9 h), ce témoin a dit que, en plus du taux quotidien fixe, M. Firnung avait un taux horaire pour chaque heure effective de vol. Ce témoin a nié l'alinéa 9 i). Cependant, il a dit que le travailleur recevait une indemnité quotidienne de l'appelante et que la chambre d'hôtel était fournie par Heli-North. Il a dit que, en fait, il croyait que Heli-North prenait les dispositions relatives à l'hôtel et était remboursée de ces frais par l'appelante. Le travailleur a été transporté par avion de Vancouver à Chapleau et de Chapleau à Vancouver aux frais de l'appelante.

Contre-interrogatoire auquel a été soumis M. Waldrum

[17]     M. Waldrum a dit qu'il participait de près à certaines activités bien qu'il ait été un consultant et il a dit qu'il ne participait nullement à d'autres activités. Dans le cas qui nous occupe, il n'avait pas participé à l'embauchage de M. Firnung. Il avait été l'autorité responsable de la négociation entre Heli-North et l'appelante, mais ce n'était pas lui qui avait directement négocié; il était en fait celui qui avait pris la décision. Il joue un rôle décisionnel dans la société. Il n'a jamais rencontré M. Firnung. Il lui a parlé au téléphone et il le connaissait en raison de travaux précédemment accomplis par M. Firnung dans d'autres régions. M. Waldrum pouvait en dire assez long sur le travail accompli par le travailleur. Tout ce que M. Firnung faisait relativement au contrat était rapporté au supérieur immédiat chargé du contrat, puis à M. Waldrum.

[18]     L'avocate a demandé à ce témoin si un pilote de la société aurait eu les mêmes fonctions que M. Firnung. Il a répondu par la négative, en ce sens que M. Firnung agissait strictement comme pilote de ligne. Les 212 pilotes qui étaient des employés faisaient d'autres choses. Toutefois, si l'appelante avait envoyé un pilote de la société pour accomplir le travail de M. Firnung, il aurait accompli ce travail à peu près de la même manière. Il pourrait y avoir eu une légère différence, peut-être plus apparente que réelle, dans la mesure où un pilote sous contrat aurait plus tendance à travailler de manière à servir ses propres intérêts, tandis qu'un pilote de la société aurait plus tendance à travailler de façon à servir les intérêts de la société dont il est un salarié.

[19]     À la page 4 de la pièce R-1, qui est un questionnaire devant être rempli par l'employeur allégué, il est dit :

[TRADUCTION]

Le 19 mai, SkyLink a fait livrer l'hélicoptère 212 à Heli-North par son chef pilote, Louis Drapeau. M. Drapeau a pris une autre affectation à la mi-juin. Comme M. Firnung avait effectué des vols pour SkyLink en Yougoslavie deux années auparavant et qu'il avait l'attestation nécessaire pour conduire un Bell 212, SkyLink l'avait trouvé et avait retenu ses services pour qu'il s'occupe du reste du bail de Heli-North, pour la période allant du 24 juin au 3 août.

[20]     L'avocate de l'intimé a fait référence à la pièce A-2, et plus particulièrement au paragraphe qui dit :

[TRADUCTION]

Louis Drapeau, qui continuera d'être payé au taux de 4 000 $ US par mois, plus l'assurance médicale, commencera ce contrat. Ses frais peuvent être imputés à ce contrat au 1er mai 1998, jusqu'à ce qu'il retourne au Belize.

[21]     L'avocate de l'intimé a ensuite demandé à ce témoin pourquoi il avait dit plus tôt qu'un employé avait droit à une assurance médicale, mais pas un pilote indépendant. Il a répondu que Louis Drapeau, soit un pilote indépendant, avait une assurance médicale dans le cadre de son contrat parce qu'il travaillait hors du Canada.

[22]     Ce témoin n'était pas au courant que M. Firnung avait travaillé comme employé pour SkyLink en 1996. Il savait que M. Firnung avait travaillé en Yougoslavie, mais il ignorait si M. Firnung travaillait alors comme employé.

[23]     Ce témoin a expliqué que le chef pilote est la personne qui s'assure que la compétence technique des pilotes est maintenue. Le chef pilote effectue tous les vols de vérification de compétence et fait passer les examens. Il est essentiellement la compétence technique du corps de pilotes. Il y a en outre un directeur des opérations. Cette personne s'assure que les aéronefs sont dotés en pilotes, qu'ils ont le matériel approprié, qu'ils sont bien entretenus, et ainsi de suite. Ces deux personnes travaillent en étroite collaboration.

[24]     L'avocate de l'intimé a fait référence à la question 14 du questionnaire produit sous la cote R-1. La question était : « [...] décrivez le type de système de production de rapports qui était en place et indiquez à quelle fréquence ces rapports devaient être produits. » La réponse donnée était qu'il n'y avait pas de système semblable entre M. Firnung et SkyLink. M. Waldrum a dit qu'il expliquerait cela plus en détail. Un rapport était fait à l'appelante concernant le temps de service. M. Firnung faisait en outre rapport de son travail quotidien à Heli-North, car cette dernière devait ensuite faire rapport au ministère des Richesses naturelles.

[25]     La pièce A-6, désignée comme étant un contrat d'entreprise, est un mélange d'un contrat type et du contrat effectif entre l'appelante et le travailleur. L'une des pages est signée par le travailleur.

[26]     M. Waldrum a dit que des pilotes peuvent être embauchés comme employés pour de très courtes périodes. Cela arrive habituellement dans le cas de jeunes pilotes.

[27]     Le second témoin était M. Olavo Valadares. Il est le directeur des comptes de l'appelante. Il a la responsabilité globale du service comptable pour le secteur de l'aviation. Il avait cette responsabilité au cours de la période allant de mai à septembre 1998. La pièce A-9 est la demande d'autorisation de voyager de M. Firnung à SkyLink. Le billet a été émis pour la période allant du 24 juin au 3 août. M. Firnung devait recevoir 225 $ par jour. Il devait également recevoir 30 $ par heure effective de vol.

Arguments

[28]     L'avocat de l'appelante a fait référence à la décision rendue par la section civile de la Cour d'appel dans l'affaire Massey v. Crown Life Insurance, [1978] 2 All E.R. 576, soit une décision rédigée par lord Denning dont je cite les pages 579 et 580 :

[TRADUCTION]

J'estime que la règle de droit est la suivante : si la véritable relation des parties est une relation commettant-préposé selon un contrat de louage de services, les parties ne peuvent fausser la réalité en étiquetant cette relation différemment. Si les parties étiquetaient cette relation différemment et cherchaient ainsi à tromper le fisc, ce serait illégal, et cela ne pourrait être mis à exécution par l'une ou l'autre partie, qui ne pourraient en tirer un avantage, assurément pas dans une cause où elles devraient s'appuyer là-dessus aux fins d'une demande : voir l'affaire Alexander v. Rayson, ([1936] 1 B.R. 169, [1935] All E.R. Rep.185). Un arrangement conclu entre deux parties de manière à présenter une description malhonnête de leur relation pour tromper le fisc serait clairement illégal et inexécutable. Par ailleurs, si la relation est ambiguë et peut être assimilée à l'un ou l'autre des deux types de relation, les parties peuvent supprimer cette ambiguïté, et ce, par le contrat même qu'elles concluent entre elles. [...]

[...]

Me fondant sur la jurisprudence, il me semble que, dans le cas d'une relation douteuse ou ambiguë, au point de pouvoir être assimilée à l'un ou l'autre des deux types de relation, les parties peuvent par voie de contrat stipuler ce que sera leur situation juridique. C'est ce que le juge MacKenna a dit en 1968 dans l'affaire Ready Mixed Concrete (South East) Ltd. v. Minister of Pensions and National Insurance, ([1936] A.C. I, [1935] All E.R. 259). Il a dit :

[TRADUCTION]

S'il y avait un doute quant aux droits et obligations que les parties entendaient prévoir, une déclaration de ce genre pourrait aider à éclaircir ce doute et à déterminer ces droits et obligations dans le sens requis pour donner effet à cette intention.

Donc, la façon dont les parties conçoivent et expriment leur contrat peut être un facteur très important dans la définition de ce qu'était leur relation. Si les parties déclarent qu'il s'agit d'un travailleur indépendant, cela peut être décisif.

[29]     L'avocate de l'intimé a fait référence à la décision du Conseil privé Lee Ting Sang v. Chung Chi Keung and Shun Shing, [1990] J.C.J. No 10 (Q.L.), et plus particulièrement à l'extrait suivant, qui figure à la page 3 :

[TRADUCTION]

Eu égard à l'ensemble de ces considérations, il ressort qu'il s'agissait d'un artisan spécialisé qui gagnait sa vie en travaillant pour plus d'une personne en tant qu'employé et non en tant que petit entrepreneur indépendant travaillant à son compte, avec tous les risques que cela comporte. L'appelant ne courait absolument aucun risque, si ce n'est celui de ne pouvoir trouver un emploi, soit évidemment un risque que courent tous les employés, notamment les employés occasionnels qui passent d'un travail à un autre, et ces employés occasionnels sont expressément couverts par l'ordonnance.

Conclusion

[30]     La preuve révèle que, en raison des circonstances particulières relatives aux services devant être fournis, les modalités du travail du travailleur indiquent davantage l'existence d'un contrat d'entreprise que l'existence d'un contrat de louage de services : a) le pilote devait rester à un endroit ne faisant pas partie des lieux d'affaires habituels de l'appelante; b) le pilote devait être disponible pendant un certain nombre de jours consécutifs et devait conduire l'aéronef loué par l'appelante lorsque le locataire lui demandait de le faire; c) il s'agissait d'un travail d'une courte durée; d) ce n'était pas un travail accompli pour les fins générales de l'appelante.

[31]     La courte durée du travail est un indice appuyant la thèse de l'existence d'un contrat d'entreprise. Bien que l'un des témoins de l'appelante ait dit que l'appelante pouvait embaucher de jeunes pilotes comme employés pour de courtes périodes, parce que les jeunes pilotes ont généralement besoin d'une formation ainsi que des avantages liés à un emploi, la courte durée du contrat en cause amène quand même à conclure qu'il s'agissait d'un contrat d'entreprise et non d'un contrat de louage de services. De même en est-il pour ce qui est de l'objet pour lequel on avait retenu les services du travailleur. On avait retenu les services du travailleur pour une fin très précise et non pour le travail général de la société. Il est à noter que, juste avant que le travailleur commence à travailler, le travail était accompli par un pilote indépendant. Aucun élément de preuve n'indique que ce que ce dernier faisait était différent de ce que faisait le travailleur en cause. L'intimé n'a rien fait concernant cette personne.

[32]     Je ne peux conclure comme l'a fait le Conseil privé dans la décision précitée qu'il s'agissait d'un artisan spécialisé qui gagnait sa vie en travaillant pour plus d'une personne en tant qu'employé et non en tant que petit entrepreneur indépendant travaillant à son compte, avec tous les risques que cela comporte. Dans cette décision-là, les lords avaient tenu compte du fait que la législation relative aux accidents du travail visait à accorder une vaste protection aux travailleurs de la construction et à indemniser les travailleurs dont on ne s'attendrait normalement pas qu'ils prennent leurs propres assurances contre le risque d'un accident du travail. Je crois qu'une législation de cette nature a toujours été interprétée de manière très large.

[33]     Quoi qu'il en soit, dans le cas qui nous occupe, il s'agit de pilotes d'expérience, soit une catégorie de spécialistes qui peuvent pour leurs propres raisons préférer fournir leurs services comme travailleurs indépendants plutôt qu'en tant qu'employés. Ils préfèrent avoir ce statut fiscal et ce statut d'entrepreneur. Je n'ai aucune preuve qu'il s'agissait d'un arrangement conclu de manière à présenter une description malhonnête de la relation entre l'appelante et les pilotes, pour utiliser les termes de la décision rendue dans l'affaire Massey v. Crown Life Insurance Co., précitée.

[34]     Pour ses opérations, l'appelante a besoin des services de pilotes qui sont des employés et de pilotes indépendants. L'appelante a son propre effectif de pilotes et a en outre une liste de pilotes indépendants à qui elle peut faire appel au besoin pour des fins précises. Comme l'a mentionné un des témoins de l'appelante, le travail en cause dans le présent appel aurait pu être accompli par un des pilotes faisant partie du personnel de l'appelante. C'était au choix de l'appelante. Je ne vois pas pourquoi l'appelante n'aurait pas le droit de faire affaire avec des pilotes qui acceptent de négocier sur la base de contrats d'entreprise, sauf s'il y avait des preuves que ce serait dans le but de contourner la loi et sauf s'il était clairement prouvé que les services fournis étaient essentiellement des services d'employé. Tel n'était pas le cas en l'espèce, et il n'y a pas lieu d'intervenir relativement au contrat entre les parties.


[35]     L'appel est accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'avril 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2935(EI)

ENTRE :

SKYLINK AVIATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu avec l'appel 2000-2936(CPP)

le 6 décembre 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Paul Trethewey

Avocate de l'intimé :                            Me Jocelyn Espejo Clarke

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la décision rendue par le ministre du Revenu national est accueilli et la décision du ministre est infirmée conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'avril 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2936(CPP)

ENTRE :

SKYLINK AVIATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu avec l'appel 2000-2935(CPP)

le 6 décembre 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Paul Trethewey

Avocate de l'intimé :                            Me Jocelyn Espejo Clarke

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la décision rendue par le ministre du Revenu national est accueilli et la décision du ministre est infirmée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'avril 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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