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Date: 20010718

Dossier: 2000-1182-EI

ENTRE :

ANH PHUONG HOANG TRONG,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 19 avril 2001 dans le but de déterminer si l'appelante exerçait un emploi assurable, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ), du 30 octobre 1996 au 17 octobre 1997, lorsqu'elle était au service du payeur, Les Aliments Dang Ngoc Inc.

[2]      Par lettre du 7 décembre 1999, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) informa l'appelante que cet emploi n'était pas assurable pour la raison qu'il n'existait pas de relation employeur-employée entre elle et le payeur durant la période en litige.

Exposé des faits

[3]      Les faits sur lesquels s'est fondé le Ministre pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

« a)        le payeur a été constitué en société en décembre 1987; (admis)

b)          jusqu'au mois de mars 1997, les actionnaires du payeur étaient :

            Buu Dang Ngoc                                     25 % des actions

            Chau Dang Ngoc                                   25 % des actions

            Dang Ngoc                                            25 % des actions

            Orlando Filice                                        25 % des actions; (admis)

c)          l'appelante est la conjointe de Buu Dang Ngoc et elle est la belle-soeur de Chau Dang Ngoc et de Dang Ngoc; (admis)

d)          la répartition des actions a changé le ou vers le 1er mars 1997, Orlando Filice détenait alors 51 % des actions et les 3 frères Ngoc détenaient 49 % des actions; (admis sauf la date)

e)          le payeur exploitait une entreprise de fabrication de mets chinois et vietnamiens; (admis)

f)           les tâches prétendues de l'appelante consistaient à entrer les données des factures des clients et à faire du classement; (admis)

g)          en réalité, l'appelante ne rendait aucun service au payeur; (nié)

h)          le 17 octobre 1997, le payeur remettait un relevé d'emploi à l'appelante pour la période du 30 octobre 1996 au 17 octobre 1997, qui indiquait 1,444 heures assurables (admis) et une rémunération assurable totale de 11 901,60 $; (ignoré)

i)           le relevé d'emploi est un faux; (nié)

j)           le payeur et l'appelante ont conclu un arrangement afin de qualifier l'appelante à recevoir des prestations d'assurance-emploi. » (nié)

[4]      L'appelante a reconnu la véracité de tous les alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'elle a niés, ainsi qu'il est indiqué entre parenthèses à la fin de chacun d'eux.

Témoignage de madame Hoang Trong

[5]      Madame Hoang est secrétaire, fait les factures des clients et en fait le classement. Elle travaille pour le payeur du 30 octobre 1996 au 17 octobre 1997 avec son mari et garde son enfant de deux ans avec elle. La journée de travail dure de 10 h à 17 h-18 h selon l'heure de départ de son mari. La semaine de travail est de 40 heures pour 300 $. Elle est mise à pied le 17 octobre 1997 (pièce I-1) parce qu'elle est enceinte. Son salaire ne lui est pas remis à elle, mais à son mari parce qu'elle n'a pas de compte de banque étant arrivée au Canada en 1991. Quand son travail n'est pas terminé, elle l'emporte à la maison pour en finir. Son mari la conduit au travail en automobile. Au travail, elle partage le bureau de son mari. Le 30 mars 1998, madame Hoang donne une déclaration à monsieur Bergeron, agent d'enquête et contrôle, qu'elle reconnaît avoir signée (pièce I-2). À la question 4, elle admet ne pas avoir de gardienne; elle amène donc son enfant avec elle et le laisse dans le bureau de son père. À la question 5, elle dit travailler de 12 h à 18 h. Elle fait une correction et déclare bosser de 10 h à 18 h. À la question 7, elle dit que c'est son mari qui contrôle son argent.

Témoignage de Nguyen Thi Ngoc Huong

[6]      Cette dame est gérante du payeur, Les Aliments Dang Ngoc Inc. Madame Thi travaille pour le payeur depuis octobre 1996 à octobre 1997 en qualité de responsable de la comptabilité, des factures, des payes et de tout le bureau. Elle connaît bien madame Huong parce qu'elle est sa belle-soeur et travaille aussi pour le payeur et vient au bureau tous les jours, quelques heures seulement. Madame Huong travaille à la maison, le soir, et tous les jours, 5 jours par semaine, au bureau, avant juin 1997. après cette date, le payeur déménage à 933 St-Martin à Laval. Dès lors, madame Huong ne vient plus souvent au bureau parce qu'elle est enceinte. Elle ne paie pas les employés aux heures, mais à la semaine. À la case 15A de la pièce I-1, il est indiqué que madame Huong a fait 1,444 heures assurables, mais cette donnée est obsolète depuis janvier 1997. Il est vrai, cependant, que sa rémunération totale fut de 11 901 $. Elle travaillait 40 heures par semaine, mais ses heures ne sont pas contrôlées. C'est elle qui a demandé qu'on lui remplisse un relevé d'emploi. Le 6 mars 1998 madame Thi a rencontré un enquêteur et fait une déclaration qu'elle a signée (pièce I-3). À la page 5 de ce document, troisième ligne, elle affirme :

« ...Je dis qu'elle venait 3 fois par semaine ... qu'elle venait 2 à 3 après-midi par semaine où elle effectuait quelques heures évidemment après juin 97, c'est-à-dire en juillet 1997... »

Et plus loin, elle continue :

« ...Tout au plus elle faisait 10 heures par semaine... »

À la page 6 de la déclaration, madame Thi ajoute :

« ...Peu importe le nombre d'heures qu'elle faisait, 5 heures ou 1 heure dans une semaine la Caisse populaire .... Desjardins inscrivait 40 heures... »

Enfin, à la page 7, madame Thi termine :

« ...Je reconnais quand même qu'elle n'a jamais travaillé... »

Témoignage de Roger Boucher

[7]      Boucher est directeur de l'entreprise du payeur et a travaillé pour lui d'octobre 1996 à octobre 1997. Il est représentant du payeur sur la route. Il bosse de 7 h à 17 h et connaît madame Hoang. Il l'a vue au bureau arrivant avec son enfant vers 14 h. Selon ce témoin, l'appelante se couchait avec l'enfant dans le bureau de son mari qui était un des présidents de la compagnie; elle demeurait là et dormait avec le petit. Selon ce témoin : « elle venait faire une apparition seulement, mais ne travaillait pas. On ne pouvait pas lui parler parce qu'elle ne parlait pas le français, ni l'anglais » . Jamais Boucher ne l'a vue travailler malgré qu'elle recevait une rémunération : « on la voyait au plus une fois par semaine au bureau du payeur » .

Témoignage de Michelle Nault

[8]      Michelle Nault est commis aux comptes à recevoir auprès de la compagnie du payeur. Elle travaille de 8 h 30 à 17 h. Elle connaît madame Hoang et dit qu'elle venait au bureau environ un demi après-midi par semaine avec son enfant d'un an à peu près. Quand elle arrivait, elle entrait dans le bureau de son mari et y passait l'après-midi. Parfois elle allait faire une visite à sa belle-soeur dans le bureau voisin et elle repartait. Elle ne faisait rien dans le bureau de son époux. Michelle Nault est informée que madame Thi, belle-soeur de madame Hoang, a complété le relevé d'emploi de cette dernière et qu'il a été ultérieurement annulé parce qu'il a été reconnu qu'elle n'avait pas travaillé vraiment. Elle recevait un salaire mais ne travaillait guère et ce salaire était versé dans son compte par dépôt direct.

Témoignage de Jean-Guy Bergeron

[9]      Jean-Guy Bergeron est agent d'enquête et contrôle. À la suite d'une dénonciation provenant d'Orlando Filice et de Roger Boucher, monsieur Bergeron s'est présenté au siège social du payeur et y a rencontré Orlando et Boucher. Il a obtenu une déclaration statutaire de monsieur Ngoc (pièce I-7). Ce dernier lui dit que sa femme vient au bureau trois fois par semaine avec son bébé âgé d'un an et demi. Quand madame Hoang venait au bureau, Ngoc et Hoang partageaient la garde de l'enfant. Orlando dit à Bergeron que madame Hoang n'a jamais travaillé au bureau. Selon madame Thi, madame Hoang venait rarement au bureau avec son bébé, mais pas pour travailler. Madame Thé était la contrôleuse du payeur, avait la charge de faire les relevés d'emploi et de rentrer les données comptables dans les livres. Elle a signé des relevés pour des périodes qui n'avaient pas été travaillées, donc frauduleuses. En conséquence, le conseil arbitral a demandé l'imposition à madame Thi d'une pénalité de 25 000 $.

Témoignage de Françoise Bienvenue

[10]     Agent des oppositions, madame Bienvenue affirme que la Caisse populaire de Vimont a reçu un dépôt direct hebdomadaire en provenance de la compagnie Les Distributions Alimentaires Dang Ngoc Inc. dans le compte de monsieur Dang (folio 32084) au profit de madame Hoang Trong Anh Phuong. Ce dépôt couvre la période de mai 1997 à octobre 1997 (9 versements de 272,23 $ et 12 versements de 326,06 $) (pièce I-8 en date du 17 novembre 1999).

Analyse des faits en regard du droit

[11]     Il y a lieu maintenant de déterminer si l'activité de l'appelante est incluse dans la notion d'emploi assurable, c'est-à-dire s'il existe un contrat de travail ou non.

[12]     La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de travail. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et le risque de perte. 4) La Cour d'appel fédérale y a ajouté le degré d'intégration dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, mais cette énumération n'est pas exhaustive.

[13]     Or, la preuve a démontré que le travail exécuté par l'appelante n'était sous la direction de personne et qu'il n'existait aucun lien de subordination entre elle et le payeur.

[14]     Toute entente ou arrangement prévoyant des modalités de paiement de la rétribution non pas en fonction du temps ou de la période d'exécution du travail rémunéré, mais en fonction d'autres objectifs tels tirer avantage des dispositions de la Loi, vicie la qualité du contrat de louage de services.

[15]     En outre, il n'y a pas de place pour d'autres considérations telles la générosité ou la complaisance. On a souvent indiqué que l'assurance-emploi est une mesure sociale pour venir en aide à ceux qui perdent vraiment leur emploi et non un programme de subvention pour venir en aide à l'entreprise, ou pour avantager des bénéficiaires qui déforment ou modifient la structure et les modalités de paiement de la rétribution que commande leur prestation de travail.

[16]     Toute entente ou arrangement relatif au cumul ou à l'étalement a pour effet de vicier le contrat de louage de services, d'autant plus que cela crée une relation contractuelle peu ou pas propice à l'existence d'un lien de subordination, composante essentielle d'un contrat de louage de services.

[17]     Il incombe à l'appelante de faire la preuve de son droit et elle ne s'en est pas déchargée à la satisfaction de la Cour. Au contraire, elle a fait de fausses déclarations.

[18]     En conséquence, l'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2001.

« G. Charron »

J.S.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-1182(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Anh Phuong Hoang Trong et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 19 avril 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge suppléant G. Charron

DATE DU JUGEMENT :                    le 18 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Pour l'intimé :                            Me Sophie Alain

                                                Me Marie-Aimée Cantin

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-1182(EI)

ENTRE :

ANH PHUONG HOANG TRONG,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 19 avril 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant G. Charron

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocates de l'intimé :                 Me Sophie Alain

                                                Me Marie-Aimée Cantin

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2001.

« G. Charron »

J.S.C.C.I.


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