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Date: 20010822

Dossiers: 2000-4791-IT-I, 2000-4945-IT-I

ENTRE :

FRED MAYSKY,

SYLVIA MAYSKY,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifsdu jugement

Le juge Miller, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels, interjetés pour les années d'imposition 1996 et 1997 par M. Fred Maysky et Mme Sylvia Maysky, en vertu de la procédure informelle, qui ont été entendus sur preuve commune. Fred Maysky interjette appel à l'encontre des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le " ministre ") rejetant les pertes locatives de 10 129,95 $ et de 7 924,96 $ pour 1996 et 1997 respectivement. Sylvia Maysky interjette appel à l'encontre des cotisations du ministre rejetant les pertes locatives de 5 454,59 $ et de 4 267,29 $ pour les années d'imposition 1996 et 1997 respectivement.

[2]            Les pertes locatives dont les appelants demandent la déduction pour les années 1996 et 1997 se rapportent à un bien situé au 12039, 63e rue, à Edmonton, en Alberta. Cette maison a été construite en 1958 par M. Maysky et ses parents et leur a servi de maison familiale. Le père de M. Maysky est décédé en 1969, et sa mère a agrandi le sous-sol du bien pour le transformer en une superficie locative. Tout au long des années 70, M. Maysky a aidé sa mère à conclure les ententes de location. Pour des raisons de santé, la mère de M. Maysky a déménagé dans les années 80, et le rez-de-chaussée a également été transformé en un logement locatif. M. Maysky s'est occupé des ententes de location à partir de ce moment. Au décès de sa mère, il est devenu l'unique propriétaire du bien. Il possédait et louait également le bien voisin jusqu'à ce qu'il le vende en 1991. Il a vendu le bien à ce moment parce que le marché à Edmonton était bon et que le bien exigeait un plus grand entretien que celui du 12039, 63e rue. Il croyait que la vente du bien réduirait son endettement. En 1992, il a loué une partie du bien situé au 12039, 63e rue à une connaissance d'un proche. Il ne lui a pas imposé un loyer fixé selon la juste valeur locative puisque le locataire ne pouvait se le permettre. En 1993, ce locataire s'est suicidé. D'autres locataires ont déménagé et, en 1994, le bien était inoccupé. Il est toujours inoccupé aujourd'hui. Le dernier locataire a causé des dommages considérables en 1994 qui, selon M. Maysky, ont nécessité un nettoyage qui a duré quelques mois.

[3]            Vers 1992, M. Maysky a changé de carrière et est devenu courtier en immeubles. Selon son témoignage, tout au long des années 90, il a concentré ses efforts à la vente de biens immobiliers, espérant que ce revenu ne ferait pas que soutenir le bien locatif, mais lui permettrait finalement de réduire son endettement qui, en 1996, était d'environ 120 000 $. M. Maysky n'a pu préciser avec clarté ce à quoi se rapportait la dette de 120 000 $, bien qu'il fût clair qu'une partie importante représentait une marge de crédit soutenant les activités de courtier en immeubles de M. Maysky.

[4]            M. Maysky a fourni peu de détails sur les démarches qu'il a entreprises en 1994 afin de générer un revenu. Son plan consistait simplement à réduire son endettement pour finalement réaliser un profit plus important grâce au bien. Il a indiqué que le profit pouvait découler d'un revenu de location, qui n'existait plus après 1994, ou d'une plus-value en capital. Il croyait que la valeur du bien avait grimpé depuis le milieu des années 90. Il a soutenu qu'il a conservé le bien tout au long des années 90 pour deux raisons : pour qu'il conserve sa valeur et parce qu'il serait plus facile à louer. M. Maysky a fait visiter le bien à moins de dix locataires potentiels en 1996 et en 1997. Son effort principal en ce qui concerne la publicité semble avoir été de placer une affiche à la fenêtre. M. Maysky soutient avoir souffert de dépression à cette époque. Je conclus qu'en raison de ses problèmes de santé et de son engagement à l'égard de ses activités en tant que courtier en immeubles, il n'a pas consacré beaucoup de temps, ou n'en a pas consacré du tout, à tenter de louer le bien pendant les années en litige. Il a conservé son ancienne maison en raison d'un sentiment de fierté et également parce qu'elle représentait une garantie précieuse pour les banques. Il a indiqué que ce qui importait n'était pas de voir combien d'argent le bien pouvait produire mais de voir à ce que le bien soit un atout dans le quartier. Il n'était pas prêt à le louer à quelqu'un qui pourrait l'endommager. Il n'a pas encore trouvé de locataire responsable.

[5]            M. et Mme Maysky ont réparti les pertes selon une proportion de 65 p. 100 contre 35 p. 100, bien que M. Maysky possède 100 p. 100 du bien. M. Maysky a été vague quant au partage des responsabilités, mais a indiqué que la répartition suivait la recommandation de son comptable.

[6]            Pour ce qui est des dépenses dont il demande la déduction en 1996 et en 1997, M. Maysky n'a pu détailler l'entretien et les réparations, ni répartir les frais d'intérêts entre le bien locatif et ses activités de courtier en immeubles.

[7]            L'avocat de l'intimée a présenté quatre arguments dans un ordre subsidiaire :

1)               Il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit pendant les années d'imposition 1996 et 1997. Par conséquent le bien en litige ne constituait pas une source de revenu pour les appelants duquel les pertes pouvaient être déduites;

2)               Comme les appelants n'étaient pas engagés activement dans la location du bien en 1996 et en 1997, les dépenses n'ont donc pas été engagées en vue de tirer un revenu au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ");

3)               Les dépenses d'entretien et de réparation étaient des dépenses en immobilisations et les frais d'intérêts étaient personnels. Par conséquent, aucun de ces deux éléments n'était déductible;

4)               Les dépenses dont on demande la déduction n'étaient pas raisonnables.

[8]            L'intimée se fonde sur la trilogie bien connue des affaires Moldowan c. Sa Majesté La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213), Mastri c. Canada (Procureur général) (C.A.), [1998] 1 C.F. 66 (97 DTC 5420) et Tonn c. Canada, (C.A.), [1996] 2 C.F. 73 (96 DTC 1806) qui établissent le principe voulant que, pour avoir une source de revenu, un contribuable doit avoir une attente raisonnable de profit de cette source, déterminée objectivement, et que, sans une source de revenu, il n'existe pas de fondement en vertu duquel une perte locative peut être déduite. Comme je l'ai mentionné à différentes occasions, l'article 3, aux fins de l'application de ce critère, joue le rôle de disposition portail. S'il n'est pas justifié de passer à l'étape suivante, il n'est pas nécessaire d'appliquer d'autres dispositions de la Loi. L'application du critère de l'attente raisonnable de profit peut différer selon que la source alléguée constitue un bien ou une entreprise et selon qu'il y a un élément personnel ou non. En l'espèce, j'ai devant moi une situation où la source alléguée constitue un bien et où il y a un " élément personnel ". L'élément personnel tient au fait que le bien a constitué autrefois le domicile de l'appelant, au fait que l'appelant a utilisé le bien à titre de garantie pour une marge de crédit se rapportant à son entreprise d'activités de vente d'immeubles et au fait que l'appelant a reconnu éprouver une certaine fierté à conserver la maison en tant qu'atout du quartier. Je n'ai aucune hésitation à procéder à une détermination objective de la question de savoir s'il y avait ou non une attente raisonnable de profit. Il s'agit d'une affaire où il est opportun de le faire. Il ne s'agit pas de faire des conjectures quant au jugement commercial de l'appelant.

[9]            Les facteurs à prendre en considération pour parvenir à une détermination objective de l'attente raisonnable de profit à l'égard de ce bien, suggérés par l'avocat de l'intimée, sont ceux cités dans l'affaire Landry c. La Reine, C.A.F., no A-392-93, 5 juillet 1994 (94 DTC 6624) de la manière suivante :

·          le temps requis pour rentabiliser une activité de ce genre

·          la présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits

·          l'état des profits et des pertes pour les années postérieures aux années en litige

·          le nombre d'années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées

·          l'accroissement des dépenses et la diminution des revenus au cours des périodes pertinentes

·          la persistance des facteurs qui causent les pertes

·          l'absence de planification

·          le défaut de s'adapter

J'ajouterais à cette liste la motivation du contribuable à engager des dépenses. Selon le témoignage de M. Maysky, il est clair que, pour des raisons de santé et parce qu'il a concentré ses efforts dans son entreprise de vente immobilière, il a consacré peu de temps au bien locatif. En effet, il n'y a pas d'ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits puisqu'il n'y avait tout simplement pas de revenu. Même en réduisant son endettement à zéro, ce qui constituait l'objectif de son plan, M. Maysky n'aurait pas réalisé de profit. Le bilan du bien avant les années en litige faisait état de pertes malgré le revenu qu'il avait produit. Par la suite, le bilan ne fait état d'aucun revenu. Il aurait pu y avoir une attente raisonnable de profit à la fin des années 80 et au début des années 90, bien que je ne sois pas appelé à rendre une décision sur ce point. Toutefois, en 1994, rien ne permettait de conclure à une attente de profit. Les dépenses sont demeurées constantes, et les revenus sont descendus à zéro. M. Maysky n'a rien fait pour obtenir un revenu, et son unique plan consistait à réduire sa dette. Alors, pourquoi a-t-il continué à engager des dépenses relativement à son bien inoccupé? Trois raisons : d'abord, il était fier de conserver la maison familiale. Il souhaitait qu'elle soit considérée comme un atout dans le quartier et non simplement comme un élément duquel retirer de l'argent. Ensuite, il voulait s'assurer qu'elle conserverait sa valeur pour une vente future. M. Maysky savait exactement ce qu'elle valait en 1998 et il sait ce qu'elle vaut aujourd'hui. Il est un courtier en immeubles et il sait quand il peut maximiser un gain réalisé lors d'une vente. Troisièmement, il devait s'assurer que le bien constitue une garantie attrayante pour les banquiers pour que ces derniers continuent de l'accepter comme sûreté pour sa marge de crédit personnelle. Il ne s'agit pas de la motivation d'une personne déterminée à tirer un revenu de location d'un bien. Aucun de ces éléments de motivation ne reflète une attente de profit à l'égard d'un revenu de location.

[10]          Selon un point de vue objectif, il n'y a pas d'attente raisonnable de profit et, par conséquent, pas de source de revenu. Il n'est pas nécessaire d'examiner les dépenses à la lumière des autres dispositions de la Loi puisqu'elles n'ont pas franchi le portail de l'article 3. Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada ce 22e jour d'août 2001.

" C. J. Miller "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de janvier 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4791(IT)I

ENTRE :

FRED MAYSKY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Sylvia Maysky (2000-4945(IT)I) le 15 août 2001 à Edmonton (Alberta) par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Michael Taylor

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2001.

" C. J. Miller "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de janvier 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4945(IT)I

ENTRE :

SYLVIA MAYSKY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Fred Maysky (2000-4791(IT)I) le 15 août 2001 à Edmonton (Alberta) par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Fred Maysky

Avocat de l'intimée :                            Me Michael Taylor

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2001.

" C. J. Miller "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de janvier 2002.

Mario Lagacé, réviseur


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