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Date: 20010514

Dossier: 2000-1099-IT-I

ENTRE :

BIKKAR S. RANDHAWA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            L'appel en l'instance interjeté à l'encontre d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1997 porte sur le rejet de dépenses de 11 003 $ associées à un bien locatif dont l'appelant était propriétaire. Ce dernier était représenté par son fils Balvinder Randhawa, qui a été le seul témoin et qui paraît être la personne la plus étroitement liée aux décisions prises au sujet du bien.

[2]            Je devrais souligner dès le début que, par chance, il ne s'agit pas en l'espèce d'une question d'attente raisonnable de profit. Il faut déterminer si les dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu (alinéa 18(1)a)), si elles étaient une dépense en capital (alinéa 18(1)b)) ou si elles constituaient des frais personnels (alinéa 18(1)h)).

[3]            En 1990, l'appelant a acheté pour 250 000 $ une résidence individuelle située au 1151, Priory Court, à Oakville, à titre de bien locatif.

[4]            Les hypothèses selon lesquelles les dépenses ont été rejetées en 1997 sont les suivantes :

                [TRADUCTION]

a)              pendant toute la période pertinente, l'appelant était propriétaire d'une résidence unifamiliale située au 1151, Priory Court;

b)             l'appelant a acquis le bien situé au 1151, Priory Court en 1990 pour 250 000 $;

c)              l'appelant a déclaré des revenus de location et a déduit des pertes locatives pour les années d'imposition 1990 à 1997 de la manière suivante :

Année                                                     Revenu                                    Perte

1990                                                             850 $                                 (5 527 $)

1991                                                     15 600 $                                    (8 087 $)

1992                                                     16 800 $                                  (10 426 $)

1993                                                     17 400 $                                    (4 556 $)

1994                                                     17 400 $                                    (3 718 $)

1995                                                     17 400 $                                    (2 330 $)

1996                                                     17 400 $                                    (7 456 $)

1997                                                       5 150 $                                  (15 051 $)

d)             au cours de l'année d'imposition 1997, le bien situé au 1151, Priory Court a été occupé par des locataires pendant les mois de janvier et de février, deux semaines au mois de mars et le mois de juin;

e)              en juillet 1997, l'appelant a emménagé au 1151, Priory Court et a commencé à utiliser le bien comme sa résidence principale;

f)              au cours de l'année d'imposition 1997, l'appelant a déduit des dépenses d'entretien et de réparation de 11 003 $ (les " dépenses ");

g)             les dépenses ont été engagées aux mois de mars et d'avril 1997;

h)             les dépenses ont été engagées par l'appelant afin que le bien situé au 1151, Priory Court soit dans un état convenable pour qu'il puisse y emménager;

i)               les dépenses étaient des dépenses en capital;

j)               au cours de l'année d'imposition 1997, les dépenses de location déduites à l'égard du bien situé au 1151, Priory Court qui étaient supérieures aux montants admis n'ont pas été engagées, et si elles l'ont été, elles n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'un bien;

k)              au cours de l'année d'imposition 1997, les dépenses de location qui étaient supérieures aux montants admis à l'égard du bien situé au 1151, Priory Court constituaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant.

[5]            Les alinéas a) à g) sont reconnus comme exacts, sauf pour ce qui est de l'alinéa d), dans lequel, aux dires de M. Randhawa, il y aurait une légère inexactitude, puisque la maison a également été occupée pendant la dernière semaine du mois de mai.

[6]            Le bien a été acheté et utilisé en tant que bien locatif jusqu'au moment où l'appelant y a emménagé, en juillet 1997. Toutes les pertes déduites pendant les années 1990 à 1996 ont été admises, tout comme la perte déduite en 1997, à l'exception du montant de 11 003 $ en litige de la présente affaire. Il n'est pas contesté que ce montant a été dépensé.

[7]            Pendant une grande partie de la période jusqu'à la fin du mois de février 1997, la maison a été louée à une famille de trois ou de quatre jeunes enfants. Les membres de cette famille n'ont pas fait attention à la maison. Ils l'ont d'ailleurs laissée dans un état lamentable. Les moquettes étaient très endommagées, les murs étaient crasseux, les carreaux de revêtement de sol en vinyle étaient brisés, et le comptoir de cuisine était abîmé.

[8]            Les réparations en litige sont les suivantes :

-                la peinture à neuf de l'intérieur de la maison;

-                le remplacement des moquettes;

-                le remplacement du comptoir de cuisine;

-                l'installation de carreaux de céramique dans la cuisine, le vestibule et les deux salles de bains.

[9]            Après la fin des réparations, l'appelant a installé une pancarte " à louer " sur le gazon, devant la maison, et a loué cette dernière à un locataire pendant la dernière partie du mois de mai et le mois de juin. L'appelant a vendu sa maison de Burlington et a emménagé dans le bien situé au 1151, Priory Court, à Oakville, au mois de juillet.

[10]          Le problème de l'appelant en est un de date, bien que cela ne soit pas formulé dans la réponse. Si les réparations n'avaient pas été effectuées peu de temps avant que l'appelant n'emménage dans le bien locatif, je doute que la cotisation aurait été établie. Lors d'activités de location continues, les réparations du type concerné en l'espèce sont régulièrement effectuées sans être contestées par les autorités fiscales. Les locateurs remplacent périodiquement des moquettes ou des carreaux de revêtement de sol, repeignent des murs et réparent ou remplacent des comptoirs ou des meubles de cuisine ou de salle de bains, et personne ne suggère que ces dépenses sont des dépenses en capital. Je ne reproduirai pas la jurisprudence abondante portant sur la différence entre les dépenses d'exploitation et les dépenses en capital, qui a été élaborée au cours du siècle dernier au Canada, en Australie et au Royaume-Uni. On peut formuler à l'infini des expressions bien trouvées comme " le bénéfice durable de l'entreprise ", " une fois pour toutes " ainsi qu'une myriade d'autres expressions qui ont été utilisées sans que l'on ne puisse se rapprocher d'une réponse dans un cas en particulier.

[11]          Ces dépenses découlaient de l'activité de location que l'appelant exerçait. Elles constituaient un attribut direct et nécessaire de cette activité et devaient être payées à partir du fonds de roulement de l'entreprise.

[12]          Je ne peux faire mieux que de citer un extrait de la décision du juge Estey dans l'arrêt de principe Johns-Manville Canada c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, aux pages 70, 71 et 72 (85 DTC 5373, aux pages 5383 et 5384) :

                L'application du droit aux observations mentionnées ci-dessus nous ramène à la déclaration de lord Wilberforce dans l'arrêt Tucker v. Granada Motorway Services, [1979] 2 All E.R. 801, où il affirme, à la p. 804 :

                [TRADUCTION] Il arrive souvent dans les cas qui soulèvent la question de savoir si un paiement doit être considéré comme une dépense d'exploitation ou comme une dépense de capital que les indices soient contradictoires. En fin de compte, les tribunaux ne peuvent faire beaucoup mieux que de se former une opinion quant au côté où la balance penche. La jurisprudence mentionne un certain nombre de critères utiles à appliquer, mais nous avons été avertis plus d'une fois de ne pas chercher automatiquement à appliquer à un cas des termes ou formules jugés utiles dans un autre... Cependant la jurisprudence est le meilleur outil que nous ayons, même s'il est parfois rudimentaire. (C'est moi qui souligne.)

                Il faut aussi se rappeler les paroles déjà citées de lord Pearce dans l'arrêt B.P. Australia, Ltd.,précité, à la p. 264 :

[TRADUCTION] C'est une appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la réponse finale.

                Si nous devons appliquer le critère à trois étapes adopté par la cour australienne dans l'arrêt Sun Newspapers Ltd., précité, ces dépenses seraient des dépenses d'exploitation plutôt que des dépenses de capital. La nature du bénéfice recherché s'identifie à celle d'un avantage dans les opérations courantes de la contribuable. L'opération était répétitive et l'objet de la dépense directement incorporé dans les opérations minières de la contribuable. Enfin, la contribuable se procurait cet avantage en déboursant périodiquement des fonds qui auraient été dans le passé caractérisés, selon le vocabulaire de l'époque, comme capital de roulement. Selon l'expression du juge Dixon, tel était alors son titre, dans l'arrêt Sun Newspapers Ltd., précité, à la p. 362, nous sommes en présence d'une dépense d'exploitation parce que :

[TRADUCTION] ... son objet la range dans la très grande catégorie des choses qui, dans l'ensemble, constituent la demande constante à laquelle il faut répondre à même les revenus d'une activité ou de son capital de roulement, mais il n'est pas nécessaire que la répétition de la chose se produise ou soit probable.

Le même juge nous rappelle, dans l'arrêt Hallstroms Pty. Ltd., précité, à la p. 648, que la caractérisation de ces dépenses [TRADUCTION] " ... dépend de l'effet envisagé de la dépense d'un point de vue pratique et commercial plutôt que de la classification juridique des droits... " L'ancienne règle dite " une fois pour toutes ", de même que le critère du " bon sens " déjà mentionné, nous amènent à conclure d'une manière favorable aux arguments de la contribuable.

[13]          Les dépenses qui nous concernent en l'espèce ne sont pas des dépenses en capital, mais bien clairement des dépenses d'exploitation.

[14]          Je n'accepte pas non plus qu'elles aient été engagées afin que le bien soit dans un état convenable pour que l'appelant puisse y emménager. Elles ont été engagées à un moment où l'appelant projetait de poursuivre les activités de location comme, en effet, il l'a brièvement fait. Elles ne représentaient pas des frais personnels ou de subsistance. Elles faisaient partie intégrante des activités de location.

[15]          M. Randhawa a été contre-interrogé de manière approfondie et habile par l'avocate de l'intimée, et son témoignage était solide.

[16]          Malgré l'habile présentation de Me Sugunasiri de la cause de la Couronne, je conclus que les dépenses de 11 003 $ engagées en 1997 constituaient des dépenses réelles d'activités de location et que, par conséquent, elles sont déductibles dans le calcul du revenu de l'appelant pour cette année-là.

[17]          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation est admis, et la cotisation établie pour l'année d'imposition 1997 est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de manière à permettre la déduction de 11 003 $ demandée.

[18]          L'appelant a droit à ses frais, s'il en est, conformément au tarif.

Signé à Toronto, Canada, ce 14e jour de mai 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de janvier 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1099(IT)I

ENTRE :

BIKKAR S. RANDHAWA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 4 mai 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  Balvinder Randhawa

Avocate de l'intimée :                           Me Tamara Sugunasiri

JUGEMENT

          Il est ordonné que l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 soit admis et que la cotisation soit déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de manière à permettre la déduction de 11 003 $ demandée.


          L'appelant a droit à ses frais, le cas échéant, conformément au tarif.

Signé à Toronto, Canada, ce 14e jour de mai 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de janvier 2002.

Martine Brunet, réviseure


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