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Date: 20001110

Dossier : 1999-3920-IT-I

ENTRE :

FERNAND TARDIF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            L'appel porte sur l'année d'imposition 1994.

[2]            La question en litige consiste à déterminer si le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a correctement établi le gain en capital, découlant de la disposition d'un immeuble situé à Stratford.

[3]            Pour établir la cotisation faisant l'objet du présent appel, le Ministre a pris pour acquis les faits suivants :

a)              la propriété en litige est située au 609, chemin Plante, à Stratford;

b)             le bien en litige consiste en un chalet, en bordure du lac Aylmer;

c)              la propriété fut acquise par l'appelant, au mois de juin 1987, au coût de 58 000 $;

d)             la propriété fut cédée à sa conjointe, madame Huguette Charpentier, au mois d'octobre 1992 pour bonnes et valables considérations;

e)              au mois d'avril 1994, madame Huguette Charpentier, a vendu la dite propriété à la société " 2955-0779 Québec Inc. " pour une somme de 100 000 $;

f)              le ministre a établi le gain en capital découlant de la transaction mentionné à l'alinéa e), selon le calcul suivant :

                i)               produit de disposition                                                          100 000 $

                ii)              prix de base rajusté

                                a)              coût                                         58 000 $

                                b)             estimation-rénovations 10 000 $      68 000 $

                iii)             gain en capital                                                                       32 000 $

g)             sur la foi, entre autres, d'une demande de permis de construction, une somme de 10 000 $ fut ajoutée au prix de base rajusté;

h)             le gain en capital imposable de 24 000 $ (32 000 $ x 75%) a été réputé réalisé par l'appelant puisque ce dernier avait cédé la propriété à sa conjointe en 1992.

[4]            Tous les faits ont été admis par l'appelant à l'exception du sous-paragraphe f)ii) alinéa b), à savoir spécifiquement l'estimation des rénovations. En effet, le Ministre pour établir le prix de base rajusté a estimé le coût des réparations et rénovations à 10 000 $, alors que l'appelant prétend avoir déboursé, à ce chapitre, un montant supérieur à 60 000 $.

[5]            L'appelant a longuement témoigné pour décrire l'ampleur des rénovations effectuées à l'immeuble situé à Stratford et à l'origine du litige. Il a expliqué qu'il s'agissait de réparations et transformations majeures. À cet effet, il a indiqué que la toiture avait été remplacée au complet sur les conseils et avec la collaboration d'un architecte; il a d'ailleurs produit le plan préparé et ayant servi aux réparations.

[6]            Outre ces dépenses pour la toiture, l'appelant a soutenu que de nombreux déboursés avaient été effectués pour le remplacement du système de chauffage et pour la réfection de certains murs; il a, en outre, refait le revêtement extérieur. Il a installé deux portes patio, remplacé la fosse septique, apporté des corrections au système électrique et enrichi l'intérieur de plusieurs améliorations pour finalement exécuter des travaux de paysagement, le tout pour un montant supérieur, selon lui, à 60 000 $.

[7]            À l'appui de ses prétentions, l'appelant a soumis plusieurs factures, quelques photos représentant l'immeuble tant avant qu'après les réparations, un plan, l'évaluation municipale pour l'année 1995 et la compilation manuscrite, non datée, faisant état des déboursés de 52 395 $.

[8]            L'appelant a estimé le coût de ses déboursés totaux à un montant supérieur à 60 000 $. De son côté, pour fixer le prix de base rajusté, le Ministre s'est essentiellement basé sur le montant indiqué sur la demande de permis de construction, soit 10 000 $ et sur deux contrats postérieurs à l'exécution des travaux où il est expressément mentionné ce qui suit : (Pièce I-2)

Contrat en date du 19 octobre 1992

entre FERNAND TARDIF et HUGUETTE CHARPENTIER

...

Déclarations des parties relativement à la T.P.S. et à la T.V.Q.

                Le cédant déclare que les immeubles faisant l'objet de la présente cession sont des immeubles occupés principalement à titre résidentiel, qu'il n'a effectué aucune rénovation majeure et n'a réclamé et ne réclamera pas de crédit de taxe sur les intrants relativement à l'acquisition ou à des améliorations apportées aux immeubles, le cédant faisant cette déclaration solennelle la croyant consciencieusement vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment en vertu de la Loi sur la Preuve au Canada.

                En conséquence, la présente cession est exonérée suivant les dispositions de la Loi sur la taxe d'accises et suivant les dispositions sur la taxe de vente du Québec.

...

(Pièce I-3)

Contrat intervenu le 26e jour d'avril 1994

entre Huguette CHARPENTIER et 2955-0779 QUÉBEC INC.

...

                La venderesse déclare que les immeubles présentement vendus sont des immeubles occupés principalement et totalement à des fins résidentielles, qu'elle n'a effectué aucune rénovation majeure et n'a réclamé et ne réclamera pas de crédit de taxes sur les intrants relativement à l'acquisition ou à des améliorations apportées auxdits immeubles.

...

[9]            Lors de l'analyse des pièces et explications soumises, le Ministre n'a retenu comme valables des déboursés de l'ordre d'environ 3 500 $; toutes les autres dépenses ont été refusées pour le motif que certaines factures étaient soit inexistantes, soit incomplètes ou discutables quant à leur contenu, étant adressées à la compagnie " Almex ". Outre ces griefs, le Ministre a aussi reproché à l'appelant de ne pas avoir de pièces à l'appui des déboursés les plus importants et aussi de ne pas avoir de preuve de paiement tels des chèques ou des reçus pour en attester.

[10]          L'appelant a expliqué que l'écoulement du temps était à l'origine de la preuve documentaire incomplète; par contre, il a aussi affirmé qu'il avait pris soin de conserver les pièces justificatives pour soutenir la valeur ajoutée de l'immeuble, dans l'hypothèse d'une éventuelle vente à un tiers. Ces deux affirmations sont quelque peu difficiles à concilier d'autant plus que les pièces à l'appui de dépenses fort importantes étaient manquantes.

[11]          Bien que le fardeau de la preuve incombe à l'appelant à qui on reproche une preuve incomplète et boiteuse, il est très étonnant de constater que l'évaluation de l'intimée est elle-même discutable pour ne pas dire arbitraire; en effet, dans un premier temps elle appuie son évaluation sur le montant indiqué au permis de construction sur lequel le montant estimé des réparations est de 10 000 $; dans un deuxième temps, elle soutient que l'appelant a produit des pièces justificatives acceptables que pour un montant de 3 520 $, malgré la production de factures représentant des dépenses largement supérieures à 3 500 $.

[12]          Le montant indiqué au permis de construction n'est certainement pas une référence fiable; il s'agit essentiellement d'un estimé qui n'a pas beaucoup de valeur, surtout quand il s'agit de réparer un vieux bâtiment. D'autre part, il peut survenir plusieurs impondérables ou changements en cours d'exécution, rendant ainsi inapproprié le montant d'abord prévu ou indiqué sur la demande du permis.

[13]          Quant à la mention indiquée aux contrats notariés, encore là il s'agit d'éléments ayant une relative importance, mais certainement pas déterminante. Certaines dépenses visaient essentiellement à réparer ou remplacer certaines composantes vétustes ou lourdement endommagées de la résidence.

[14]          De son côté, l'appelant a soumis une preuve documentaire certes imparfaite, en ce que certaines factures étaient adressées au nom de la compagnie pour laquelle il travaillait; d'autres factures démontrent que les matériaux décrits ont été livrés ailleurs qu'à Stratford où était l'immeuble.

[15]          Les explications fournies par l'appelant sont à l'effet qu'il avait demandé à ce qu'il en soit ainsi étant donné qu'il n'était pas connu à Stratford et surtout qu'il n'habitait pas les lieux. Il s'agit là d'explications plausibles et raisonnables.

[16]          Le fardeau de preuve que devait relever l'appelant est une prépondérance de la preuve et non pas une preuve hors de tout doute.

[17]          La preuve testimoniale soumise par l'appelant est validée par l'importance des travaux démontrés par les photos. Outre les photos, l'appelant a indiqué avoir contracté un emprunt d'un montant de plus de 40 000 $, établi par une preuve documentaire encore là incomplète, mais conforme aux explications verbales.

[18]          Le remplacement complet de la structure du toit, les réparations imposantes au mur du bâtiment, le revêtement extérieur, l'installation d'une fosse septique, l'installation de deux portes patio, des travaux électriques et le changement du système de chauffage sont des composantes significatives pour un bâtiment et nécessitent des déboursés dépassant le montant mentionné au permis de construction.

[19]          L'appelant a-t-il pour autant déboursé, comme il le prétend, un montant supérieur à 60 000 $ ? L'appelant a indiqué avoir fait en son possible pour garder toute la documentation et les pièces justifiant les divers déboursés, de manière à étoffer son argumentation lors d'une éventuelle vente à un tiers. Conséquemment, il est assez surprenant que les déboursés majeurs ne soient pas soutenus par une preuve documentaire adéquate.

[20]          Le document manuscrit (pièce A-6) fait état d'un déboursé total de 52 387 $. Cette ventilation des déboursés comprend le coût de la main-d'oeuvre et des matériaux. Or, l'appelant a lui-même indiqué que le montant de 6 000 $ n'avait pas été réellement déboursé et qu'un règlement était intervenu pour un montant de 3 000 $, diminuant pour autant cette rubrique. D'autre part, certains déboursés visaient l'achat d'effets mobiliers qui n'ont rien à voir avec l'immeuble.

[21]          À la lumière de la preuve, il est difficile, voire impossible de déterminer de façon précise la valeur ajoutée. J'évalue donc les déboursés devant être pris en considération pour établir le prix de base rajusté à 40 000 $.

[22]          L'appel de la cotisation pour l'année d'imposition 1994 est accordé, sans frais, et la cotisation déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en prenant pour acquis que l'appelant a déboursé 40 000 $ pour réparer et améliorer l'immeuble acquis en juin 1987.

Signé à Ottawa, Canada ce 10e jour novembre 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I

.No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-3920(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Fernand Tardif et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 18 septembre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 10 novembre 2000

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :          Me Patrick Poulin

Avocate de l'intimée :          Me Pascale O'Bomsawin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :       Me Patrick Poulin

                                Étude :     Joli-Coeur, Lacasse, Lemieux,

                                                Simard, St-Pierre

                                                Sillery (Québec)

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-3920(IT)I

ENTRE :

FERNAND TARDIF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 18 septembre 2000, à Québec (Québec), par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Patrick Poulin

Avocate de l'intimée :                          Me Pascale O'Bomsawin

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est accordé, sans frais, et la cotisation déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour novembre 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

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