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Date: 20010410

Dossier : 1999-539-IT-G

ENTRE :

CIMI INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1994 et 1995.

[2]            Pour situer le dossier d'appel, il y a lieu de reproduire une partie de l'Avis d'appel et plus spécifiquement du premier paragraphe au sixième inclusivement :

Objet de l'appel

1.              Appel est par les présentes interjeté des nouvelles cotisations nos 5855664 et 5855665 émises par l'intimée le 12 août 1997 en vertu de la Loi sur l'impôt sur le revenu (“ L.I.R. ” ou la “ Loi ”) (L.R.C. 1985 (5e supplément), ch 1, tel que modifié) pour les années d'imposition 1994 et 1995, lesdites nouvelles cotisations ayant été ratifiées par l'intimée le 20 août 1998 suite à des avis d'opposition dûment produits.

Exposé des faits

2.              L'appelante a été constituée par certificat de fusion en date du 8 février 1994 suite à la fusion de CIMAC Inc. (ci-après désignée “ CIMAC ”) de CIMI Inc. (ci-après désignée “ CIMI 1 ”) et son actionnaire majoritaire est monsieur Yvon Pelchat;

3.              CIMAC avait été constituée le 25 novembre 1991 par messieurs Yvon Pelchat et Jacques Bédard, lesquels détenaient chacun directement cinquante pour cent (50 %) des actions ordinaires et indirectement par l'entremise de CIMI pour monsieur Pelchat et par l'entremise de ÉQUIMAC INC. (ci-après désignée “ ÉQUIMAC ”) pour monsieur Bédard, cinquante pour cent (50 %) des actions privilégiées. Monsieur Yvon Pelchat était l'actionnaire majoritaire de CIMI 1 et monsieur Jacques Bédard était l'unique actionnaire d'ÉQUIMAC;

4.              Il y eut mésentente entre messieurs Pelchat et Bédard quant au fonctionnement et aux opérations de CIMAC et une ordonnance de liquidation de CIMAC fut rendue le 9 juillet 1992 aux termes de laquelle un liquidateur fut désigné par le tribunal;

5.              Dans le cadre d'un règlement intervenu entre monsieur Yvon Pelchat et monsieur Jacques Bédard, monsieur Yvon Pelchat se porta acquéreur le 19 janvier 1994 de la totalité des actions détenues par monsieur Jacques Bédard et ÉQUIMAC dans le capital-actions de CIMAC. C'est alors que CIMAC et CIMI 1, deux (2) sociétés entièrement contrôlées par monsieur Yvon Pelchat, ont été fusionnées le 8 février 1994;

6.              Dans ses déclarations de revenus pour l'années d'imposition 1995 et 1995, l'appelante (résultant de la fusion de CIMAC et CIMI 1) réclama la déduction de pertes autres qu'en capital aux montants respectifs de cent vingt-cinq mille huit cent vingt et un dollars (125 821 $) et cinquante mille dollars (50 000 $) qui avaient été réalisées antérieurement par CIMAC.

[3]            En réplique, l'intimée a indiqué, pour justifier le bien-fondé des cotisations, les faits pris pour acquis. Il y a lieu de reproduire les paragraphes 10 à 36 de la Réponse à l'avis d'appel (la “ Réponse ”) :

...

10.            CIMI Inc. est une corporation dont l'actionnaire majoritaire est Yvon Pelchat.

11.            ÉQUIMAC Inc. est une corporation dont l'unique actionnaire est Jacques Bédard.

12.            Le ou vers le 25 novembre 1991, Yvon Pelchat et Jacques Bédard décident d'exploiter une entreprise par l'entremise d'une nouvelle cotisation, CIMAC Inc.

13.            CIMI Inc. et ÉQUIMAC Inc. deviennent détentrices du même nombre d'actions privilégiées dans CIMAC Inc.

14.            Yvon Pelchat et Jacques Bédard de leur côté, deviennent chacun détenteurs de 50% des actions ordinaires votantes de CIMAC Inc.

15.            Le 22 juin 1992, l'un des actionnaires, Jacques Bédard, dépose une requête demandant la mise en liquidation de CIMAC Inc.

16.            Le 9 juillet 1992, une ordonnance de liquidation de CIMAC Inc. est rendue et un liquidateur est nommé.

17.            Par suite d'un jugement de la Cour supérieure prononcé à l'automne 1992, les actifs de CIMAC Inc. sont vendus par vente aux enchères.

18.            En 1993, il n'y a pas d'employés au service de CIMAC Inc.

19.            Selon le liquidateur, son mandat était terminé dès l'automne 1993 et il aurait été prêt à distribuer aux actionnaires le résidu des biens de CIMAC Inc., soit l'encaisse de la compagnie.

20.            Toutefois, le liquidateur n'a pas été en mesure de procéder à la distribution en raison d'un conflit qui l'oppose à l'un des actionnaires, ou les deux, du fait que l'on conteste son mandat et ses honoraires.

21.            Le 14 janvier 1994, le liquidateur est indemnisé et dégagé de toute responsabilité par MM. Yvon Pelchat et Jacques Bédard relativement à son mandat de liquidateur de CIMAC Inc.

22.            Le 19 janvier 1994, une déclaration de règlement hors Cour est déposée à la Cour supérieure, dans laquelle MM. Yvon Pelchat et Jacques Bédard consentent à ce que le liquidateur dépose une requête afin que l'ordonnance de liquidation soit annulée.

23.            Le 19 janvier 1994, Yvon Pelchat achète toutes les actions ordinaires votantes de CIMAC Inc. que possédait Jacques Bédard.

24.            Par l'acquisition de ces actions, Monsieur Yvon Pelchat détient le contrôle de CIMAC Inc.

25.            Le 20 janvier 1994, le liquidateur dépose une requête en discontinuation des procédures de liquidation et libération du liquidateur, laquelle est accueillie le même jour.

26.            Le 9 février 1994, CIMAC Inc. et CIMI Inc. fusionnent pour former l'appelante.

27.            À l'automne 1992, CIMAC Inc. n'a ni administrateur, ni employé, ni inventaire, tout au plus y existe-t-il un compte de banque établissant son encaisse, mais dans lequel aucune opération commerciale n'y est reflétée par la suite.

28.            Du 9 juillet 1992 à janvier 1994, la seule activité de CIMAC Inc. consiste en la liquidation de celle-ci.

29.            Dès juillet 1992, CIMAC Inc. n'a pas exploité une entreprise en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit.

30.            CIMAC Inc. a établi le solde des pertes autres qu'en capital à 175 821 $ au 30 novembre 1992; l'appelante a réclamé une perte autre qu'en capital de 125 812 $ dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1994 et de 50 000 $ dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1995.

31.            Le Ministre a refusé les pertes autres qu'en capital ainsi réclamées par l'appelante, au motif que CIMAC Inc. n'a pas exploité une entreprise en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit pour ces années.

32.            En effet, CIMAC Inc., ayant vendu tous ses actifs, elle avait déjà cessé d'exploiter son entreprise avant l'acquisition de contrôle par Yvon Pelchat, le 19 janvier 1994.

33.            Par ailleurs, le Ministre, même s'il refusait les pertes, a néanmoins examiné le contenu de ces pertes autres qu'en capital.

34.            Le Ministre aurait de toute manière modifié ces pertes à la baisse, si elles avaient été admissibles.

35.            En effet, le Ministre aurait de toute manière refusé 40 500 $ du montant de 175 821 $, puisque ce montant réfère à un achat d'inventaire de 40 500 $ en mai 1992 qui, dans les faits, n'a jamais eu lieu.

36.            De plus, le Ministre aurait refusé un montant additionnel de 65 607 $ représentant des dépenses d'honoraires de liquidateur, lesquelles sont de nature capitale.

[4]            L'intimée a formulé les questions en litige, comme suit :

                Il s'agit déterminer si l'appelante a droit de réclamer en 1994 et 1995 des pertes autres qu'en capital provenant de CIMAC Inc.

                Alternativement, si l'appelante a droit à ces pertes, si l'appelante a droit de réclamer au-delà de 69 714 $.

[5]            L'appelante a admis les paragraphes 10 à 18 inclusivement, 21 à 26 inclusivement ainsi que le paragraphe 30 de la Réponse, lesquels ont été reproduits précédemment.

[6]            La preuve de l'appelante a été constituée essentiellement du témoignage de monsieur Yvon Pelchat. Quant à l'intimée, elle a fait témoigner madame Johanne Tremblay, responsable du dossier de l'appelante.

[7]            L'appel concerne deux volets : le premier comité à déterminer si la compagnie CIMAC Inc. a été en activité au cours des années 1992 à 1994. Le deuxième, déterminer si le montant des pertes réclamées de 175 821 $ doit être réduit d'un montant de 40 500 $, correspondant à l'achat d'inventaire, et d'un montant additionnel de 65 607 $ représentant des dépenses d'honoraires de liquidateur.

[8]            Bien que la réponse à la première question pourrait avoir comme conséquence de rendre superflue la deuxième, je disposerai dans un premier temps du second point.

[9]            Selon l'intimée, les dépenses au montant 106 107 $ ne sont pas recevables étant donné qu'un montant de 40 500 $ aurait servi à l'achat d'inventaire non réalisé et le montant de 65 607 $ aurait servi à payer les honoraires pour la liquidation. L'intimée a soutenu que de tels honoraires sont des dépenses de nature capitale.

[10]          À cet égard, la preuve soumise par l'appelante ne permet pas de réfuter les prétentions de l'intimée; en effet, la prépondérance de la preuve milite et soutient la conclusion de cette dernière. Bien plus, l'appelante n'a apporté aucune preuve pour réfuter ou contredire que le montant de 40 500 $, avait servi à autre chose qu'à l'achat d'une pièce d'inventaire non complète n'ayant dans les faits, jamais eu lieu.

[11]          L'appelante a essentiellement plaidé que le chèque, en apparence déboursé pour l'acquisition de la pièce d'inventaire et re-déposé dans le compte plus d'une année après son émission, n'avait aucune valeur marchande, étant donné le délai entre son émission et son dépôt.

[12]          La valeur ou la qualité du chèque émis le 8 mai 1992, au montant de 43 335 $ (pièce I-10), et re-déposé dans le compte le 3 février 1994 (pièce I-11) n'était aucunement pertinente. La preuve aurait plutôt dû porter essentiellement sur l'objet du chèque ou ce qui aurait été encore plus percutant sur la réalité de la dépense.

[13]          Avait-il été émis ou non pour l'achat d'un bien faisant partie de l'inventaire ? Il n'y a eu aucune preuve de l'appelante à cet égard. Je m'en remets donc aux explications de l'intimée pour conclure qu'il s'agissait bel et bien d'un déboursé fait pour l'achat d'un bien devant être comptabilisé dans les inventaires. Quant au pourquoi le chèque a été re-déposé, le Tribunal est resté sur son appétit, en ce qu'aucune explication n'a été apportée. Il y a lieu de présumer que la pièce d'inventaire visé par le chèque n'a jamais été acquise.

[14]          Pour ce qui est des honoraires au montant de 65 607 $, encore là, l'appelante n'a soumis aucune preuve, sinon admis en partie qu'il s'agissait de déboursés de nature capitale. En effet, l'appelante a essentiellement plaidé qu'une partie du montant aurait pu être admis, sans définir ce montant ou surtout sans expliquer pourquoi.

[15]          Conséquemment, il y a lieu de confirmer la conclusion de l'intimée quant au montant total de 106 107 $, représentant 40 500 $ pour une pièce d'inventaire et 65 607 $ pour honoraires du liquidateur.

[16]          Dans les faits, la preuve de l'appelante n'a porté que sur le reliquat des dépenses, soit 69 714 $ correspondant à la différence entre 175 821 $ et 106 107 $. Le montant de 69 714 $ n'a fait l'objet d'aucune preuve ou discussion, la preuve a porté exclusivement sur la question de savoir si la compagnie CIMAC Inc. avait toujours été active.

[17]          Le droit aux pertes suite à une fusion, est régi par les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ( la “ Loi ” ) à l'article 111(5), se lisant comme suit :

(5)            En cas d'acquisition, à un moment donné, du contrôle d'une société par une personne ou un groupe de personnes, aucun montant au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant avant ce moment n'est déductible par la société pour une année d'imposition se terminant après ce moment et aucun montant au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant après ce moment n'est déductible par la société pour une année d'imposition se terminant avant ce moment. Toutefois :

a)              la fraction de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d'imposition se terminant avant ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme résultant de l'exploitation d'une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par la société pour une année d'imposition donnée se terminant après ce moment :

(i)             que si, tout au long de l'année donnée, cette entreprise a été exploitée par la société en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii)            qu'à concurrence du total du revenu de la société provenant de cette entreprise pour l'année donnée et — dans le cas où des biens sont vendus, loués ou mis en valeur ou des services rendus dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise avant ce moment — de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables;

b)             la fraction de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d'imposition se terminant après ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme résultant de l'exploitation d'une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par la société pour une année d'imposition donnée se terminant avant ce moment :

(i)             que si, tout au long de l'année d'imposition et de l'année donnée, cette entreprise était exploitée par la société en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii)            qu'à concurrence du revenu que la société a tiré pour l'année donnée de cette entreprise et de toute autre entreprise dont la presque totalité des revenus provient de la vente, de la location ou de la mise en valeur de biens semblables aux biens vendus, loués ou mis en valeur ou de la prestation de services semblables aux services rendus dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise avant ce moment.

[18]          Ainsi, pour se prévaloir des pertes autres qu'en capital de CIMAC Inc., pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelante devait faire la preuve que la compagnie CIMAC Inc. avait exploité une entreprise, en vue d'en tirer un profit, tant lors de l'acquisition du contrôle que tout au long des années 1994 et 1995.

Prétentions de l'appelante

[19]          L'appelante a soutenu qu'il y avait toujours eu une continuité; en d'autres termes, l'appelante a soutenu que la compagnie CIMAC Inc. n'avait jamais cessé ses opérations. Il a d'abord été établi que la compagnie CIMAC Inc. avait été créée et constituée avec des actifs provenant de la compagnie ÉQUIMAC Inc., contrôlée par un certain Jacques Bédard et par des actifs émanant de la compagnie CIMI Inc., contrôlée par monsieur Yvon Pelchat.

[20]          Après quelques mois d'opération, les relations entre messieurs Pelchat et Bédard se sont détériorées au point de nuire considérablement aux activités commerciales de la nouvelle entreprise.

[21]          Monsieur Yvon Pelchat a témoigné à l'effet qu'il avait maximisé les efforts et déployé toutes ses énergies pour en arriver à un dénouement rapide, peu coûteux, avec un minimum de conséquences sur les affaires de CIMAC Inc.

[22]          Préoccupé par les coûts financiers très élevés de la chicane et soucieux de réduire au maximum les conséquences du brouille entre lui et Bédard, il a indiqué qu'il avait tout fait pour que la compagnie CIMAC Inc. perde le moins possible dans l'aventure et demeure active.

[23]          Il a expliqué avoir fait lui-même les démarches pour récupérer une partie des créances recevables; il a affirmé avoir finalisé deux ventes d'abord initiées par des contrats de location et avoir également satisfait aux attentes de ces mêmes acheteurs quant au respect des garanties inhérentes.

[24]          Finalement, il a indiqué avoir été directement associé aux diverses exigences liées au service, tant à la suite des contrats de location que des ventes.

[25]          Il n'y a aucun doute que toutes ces démarches furent effectuées dans le but de conserver la clientèle non informée de la chicane et ultimement, toucher l'importante commission de 65 pour-cent sur les profits réalisés.

[26]          Yvon Pelchat a aussi justifié son implication et intérêt, du fait que les inventaires de CIMAC Inc. et CIMI Inc., compagnies qu'il contrôlait, étaient sur le même terrain; l'administration et les locaux administratifs étaient également dans le même immeuble.

[27]          Yvon Pelchat a expliqué avoir été très préoccupé par la situation; de ce fait, il a indiqué avoir tout mis en oeuvre pour écourter le processus de la liquidation. Il aurait ainsi convenu d'une entente informelle avec monsieur Bédard, lors d'une rencontre dans un restaurant, laquelle fut, par la suite, reniée. Il a aussi soumis une offre que le liquidateur, monsieur John P. Buzzetti, aurait acceptée pour les actifs, mais qui n'a jamais été finalisée.

[28]          Ayant échoué dans ses tentatives de régler à l'amiable, l'encan a été ordonné par le Tribunal, le 22 octobre 1992 (pièce I-3). Des suites du jugement, il semble que les embûches se soient multipliées et que le dossier ait piétiné durant de longs mois.

[29]          Ce n'est qu'au début de 1994 que le dossier est redevenu actif et à ce stade-ci, il y a lieu de reprendre les allégués de 21 à 26 de la Réponse qui décrivent le cheminement, d'autant plus que ces paragraphes ont tous été admis :

21.            Le 14 janvier 1994, le liquidateur est indemnisé et dégagé de toute responsabilité par MM. Yvon Pelchat et Jacques Bédard relativement à son mandat de liquidateur de CIMAC Inc.

22.            Le 19 janvier 1994, une déclaration de règlement hors Cour est déposée à la Cour supérieure, dans laquelle MM. Yvon Pelchat et Jacques Bédard consentent à ce que le liquidateur dépose une requête afin que l'ordonnance de liquidation soit annulée.

23.            Le 19 janvier 1994, Yvon Pelchat achète toutes les actions ordinaires votantes de CIMAC Inc. que possédait Jacques Bédard.

24.            Par l'acquisition de ces actions, Monsieur Yvon Pelchat détient le contrôle de CIMAC Inc.

25.            Le 20 janvier 1994, le liquidateur dépose une requête en discontinuation des procédures de liquidation et libération du liquidateur, laquelle est accueillie le même jour.

26.            Le 9 février 1994, CIMAC Inc. et CIMI Inc. fusionnent pour former l'appelante.

[30]          De son côté, l'intimée soutient que la compagnie CIMAC Inc. a cessé ses opérations, dès l'émission de l'ordonnance d'injonction provisoire rendue le 2 juillet 1992, par l'honorable juge André Desmeules (pièce I-1) et dont les conclusions étaient les suivantes :

...

                ORDONNE à Yvon Pelchat de ne tirer aucun chèque sur les comptes de banque appartenant à la compagnie Équipement Cimac Inc. et ce, sans le consentement exprès de Jacques Bédard;

                ORDONNE à Yvon Pelchat de ne poser aucun geste d'administration de la compagnie sans le consentement exprès de Jacques Bédard;

                ORDONNE à Yvon Pelchat de ne disposer d'aucune pièce d'équipement faisant partie de l'inventaire de la compagnie ou d'aucun actif de la compagnie, ni d'aucun bien présentement situé sur le terrain de la compagnie Équipement Cimac Inc sans le consentement exprès de Jacques Bédard;

                DISPENSE Jacques Bédard de fournir caution;

                DÉCLARE que le présent jugement est exécutoire nonobstant appel;

                DISPENSE de la signification du présent jugement.

                LE TOUT SANS FRAIS.

[31]          L'injonction a été suivie le 9 juillet 1992 (pièce I-2) par une ordonnance rendue par l'honorable juge Jacques Blanchard, enjoignant la liquidation de la compagnie; les conclusions se lisaient comme suit :

                ORDONNE la liquidation de la compagnie Équipement Cimac Inc. suivant toutes les formalités et dispositions de la loi;

                NOMME monsieur John Buzzetti pour être et agir comme liquidateur avec tous les pouvoirs nécessaires ou utiles et permissives en loi pour remplir toutes les tâches, fonctions et obligations relevant de semblables fonctions, conformément aux articles 24 et suivants de la Loi sur la liquidation des compagnies et autres statuts et lois applicables;

                ORDONNE que le liquidateur soit rémunéré à même le produit de la liquidation en priorité aux créanciers;

                ORDONNE la distribution des actifs de la compagnie mise en cause selon la loi et que la distribution ou collocation soit faite selon les dispositions de la loi en pareil cas faites et pourvues;

                ORDONNE la remise de tous documents, livres, minutes, certificats, sceau ou autres choses se rapportant à la compagnie mise en cause audit liquidateur pour qu'il en soit traité selon la loi;

                ORDONNE qu'après enquête complétée, le liquidateur rende compte, selon les formalités prescrites par la loi, de son administration;

                ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel;

                RÉSERVE au requérant tous les autres recours qu'il peut faire valoir à l'encontre des conventions R-1, R-2 et R-3;

                DISPENSE le liquidateur de fournir caution;

                Le tout, sans frais.

[32]          Quelques mois plus tard, soit le 22 octobre 1992 (pièce I-3), l'honorable Edouard Martin, juge à la Cour supérieure ordonnait au liquidateur, John P. Buzzetti, de procéder à la vente des actifs. Ce jugement de 22 pages illustre bien à quel point la mésentente était grave, profonde et irréconciliable.

[33]          L'intimée a soutenu que les seules activités de la compagnie n'avaient rien à voir avec sa vocation fondamentale, soit celle de vendre, louer et réparer de la machinerie lourde, mais qu'elle s'étaient plutôt orientées vers un seul objectif, soit la liquidation pure et simple.

[34]          Pour soutenir et confirmer ses prétentions, l'intimée a produit les pièces I-5, I-6 et I-7, pour les périodes suivantes :

                a)              du 01-12-91 au 30-11-92 (pièce I-5);

                b)             du 01-12-92 au 30-11-93 (pièce I-6); et

                c)              du 01-12-93 au 08-02-94 (pièce I-7).

[35]          En vertu de cette preuve documentaire (pièces I-6 et I-7) monsieur Pelchat, personne dûment qualifiée, a attesté par sa signature qu'il s'agissait bel et bien d'une “ Compagnie inactive ” la question était : Quelle est la principale activité commerciale de la Corporation ?

[36]          Les trois formulaires ont été complétés par la signature de monsieur Pelchat le même jour, soit le 27 juillet 1994 et ont été reçus le même jour par le ministère de Revenu Canada, le 30 août 1994.

Analyse

[37]          La preuve de l'intimée est soutenue et étoffée par une preuve documentaire simple, mais combien efficace; elle répond aux deux questions fondamentales, messieurs Pelchat et Bédard, seules personnes physiques, capables et en mesure de gérer des activités commerciales pour et au nom de la compagnie CIMAC Inc., pouvaient-ils agir légalement ?

[38]          La réponse est évidemment négative puisque tant l'injonction que l'ordonnance de liquidation empêchaient les deux principaux actionnaires, messieurs Pelchat et Bédard, d'agir.

[39]          Dans les faits, ont-ils agi ou effectué des faits et gestes permettant de conclure que la compagnie avait généré des activités dont l'objectif était de faire des profits ? La réponse à cette question est plus délicate.

[40]          L'appelante soutient que la réalité a possiblement enfreint la légalité, mais qu'en matière fiscale la cotisation doit découler de la seule réalité. Dans l'hypothèse où je serais tenté de retenir cet argument, je dois répondre à une autre question très certainement tout aussi pertinente, à savoir comment et pourquoi monsieur Pelchat a-t-il lui-même attesté et certifié à deux reprises par sa signature qu'il s'agissait d'une compagnie inactive ?

[41]          Conscient des conséquences de telles déclarations dûment signées, l'appelante réplique qu'il ne faut pas attacher trop d'importance à de telles signatures puisqu'il s'agissait là de signatures effectuées par routine, les comptables ayant préalablement préparé le tout pour signature.

[42]          Je ne crois pas qu'une telle explication soit recevable. Certes, les comptables ont pu compléter les formulaires; ils ne sont certainement pas les seuls responsables de ces affirmations. Le dirigeant de l'appelante en est imputable puisque sa vocation est de faire du commerce de machinerie lourde. En qualité d'homme d'affaires, sa vocation ou mission première n'est peut-être pas de compléter des formulaires mais il doit tout de même vérifier et prendre connaissance du contenu de ce qu'il atteste par sa signature.

[43]          En résumé, le dossier a cheminé comme suit : Après quelques semaines d'activités, une profonde et irréparable rupture survient entre messieurs Pelchat et Bédard, deux seuls véritables intéressés et piliers de la nouvelle entreprise.

[44]          Les actifs de CIMAC Inc sont tous situés sur un terrain contigu à celui occupé et utilisé par l'appelante. Les locaux administratifs sont la propriété de la compagnie IMPEL, contrôlée par la même personne qui contrôle l'appelante, à savoir monsieur Yvon Pelchat.

[45]          Monsieur Pelchat, qui contrôle et dirige l'appelante, veut sauvegarder la bonne réputation de celle-ci et veut aussi travailler à son expansion d'autant plus que l'aventure avec monsieur Bédard, par le biais de CIMAC Inc., s'est avérée un échec total.

[46]          Il met donc tout en oeuvre pour minimiser ses pertes dans l'aventure CIMAC Inc. tout en travaillant très fort pour s'assurer que l'appelante pourra éventuellement reprendre voire même devenir plus prospère qu'avant la création de CIMAC Inc.

[47]          Les fondements de la preuve soumise par l'appelante n'ont d'ailleurs fait état que de deux dossiers très particuliers, lesquels ont été conduits de la même façon selon le cheminement suivant : contrats de location avec option d'achat; réalisation de l'option de l'achat; service et respect des garanties inhérentes et comptabilité de la commission payable à CIMAC Inc.

[48]          Certes, il s'agissait là de deux exemples concrets, mais très peu significatifs pour une entreprise d'une telle dimension; d'autant plus qu'il s'agissait là de gestes intéressés dont le seul objectif était non pas l'intérêt de CIMAC Inc., mais essentiellement celui de l'appelante en prévision de l'après-tempête.

[49]          Ces faits confirment donc l'exactitude et la conformité des faits attestés par la signature de monsieur Pelchat. (pièces I-5, I-6 et I-7)

[50]          Conséquemment, je conclus que la compagnie CIMAC Inc. n'exploitait plus une entreprise en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit en 1994 et 1995.

[51]          Pour ces motifs l'appel est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada ce 10e jour d'avril 2001.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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