Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010508

Dossiers: 2000-3428-IT-I,

2000-3430-IT-I

ENTRE :

DIANA CHIARELLI et

BARBARA M. LICHMAN,

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Représentant des appelantes :            Stan Lichman

Avocate de l'intimée :                          Me Andrea Jackett

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario), le 6 avril 2001)

Le juge McArthur

[1]            Ces appels ont été entendus ensemble sur preuve commune et la question est de savoir si les appelantes ont droit à des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise de 17 781 $ pour leur année d'imposition 1995 respective. Les deux appelantes, qui sont enseignantes, n'ont pu comparaître à l'audience parce que l'on avait besoin d'elles dans leurs salles de classe lors d'une grève d'enseignants. Elles étaient représentées par l'époux de Barbara Lichman, Stan Lichman, qui était le mieux informé pour témoigner.

[2]            M. Lichman est un comptable, un entrepreneur et un ancien vérificateur du service des enquêtes spéciales de Revenu Canada. Il est également décrit comme étant un conseiller fiscal. Il a dit que Diana Chiarelli était une amie de longue date de lui-même et de son épouse, Barbara. Diana Chiarelli est divorcée depuis environ 20 ans et, depuis, M. Lichman et son épouse ont entrepris de l'aider au fil des ans. M. Lichman investissait apparemment l'argent de Diana Chiarelli au nom de cette dernière. M. et Mme Lichman combinaient leurs fonds dans des placements que M. Lichman gérait.

[3]            En 1995, M. Lichman avait avancé à CaraVac Vacations Ltd. des fonds provenant directement de son compte bancaire personnel. Il soutient que, sur un total de plus de 200 000 $, environ 47 000 $ représentaient une somme qui lui avait été avancée par les appelantes. Le Caribbean Cultural Committee (CCC) est une société de bienfaisance qui a été constituée en vertu des lois de la province d'Ontario. Il semble que la 1099212 Ontario Ltd. exploitait la même entreprise que CaraVac Vacations Ltd. CaraVac avait été établie en 1994 ou en 1995 pour exploiter les possibilités commerciales du festival Caribana, soit un festival annuel qui se tient à Toronto.

[4]            Bon nombre des éléments de preuve présentés dans ces appels étaient imprécis ou n'étaient pas étayés par une documentation claire. M. Lichman et des représentants de CCC et de CaraVac avaient conclu des ententes verbales en vertu desquelles M. Lichman, en échange d'une avance d'un montant non spécifié, recevrait jusqu'à 5/11 (environ 49 p. 100) des actions de la 1099212 ou de CaraVac. John A. Eversley, qui est avocat, a témoigné pour les appelantes et a dit que des négociations tenues à la fin de septembre et au début d'octobre 1995 avaient mené à plusieurs ententes, y compris une convention d'achat d'actions, une convention d'actionnaires et une convention de concession de licence. Le seul document qui ait été consigné en preuve est une ébauche, non signée, d'un protocole d'accord en date du 3 octobre 1995 (pièce A-1) entre CCC, Flight One Marketing Inc., Stan Lichman et la 1099212, faisant affaire sous le nom de CaraVac Vacations Ltd. Ce document semble être une convention type d'actionnaires et n'est guère utile à la Cour, voire nullement.

[5]            Une des nombreuses sources de confusion tient au fait que CaraVac est désignée comme étant une société existante, soit CaraVac Vacations Ltd., alors que la 1099212 prétend faire affaire sous le nom de CaraVac. De la manière dont je comprends le témoignage de M. Lichman, ce dernier avait avec empressement avancé plus de 200 000 $ à CaraVac pour l'achat d'actions en octobre, novembre et décembre 1995, ayant acquis la conviction que CaraVac Vacations serait une entreprise rentable en exploitant la marque de commerce du festival Caribana. Aucune action n'a été émise en faveur de M. Lichman.

[6]            Je conclus à l'exactitude des hypothèses suivantes du ministre, tirées du paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

a)              La 1099212 Ontario Limited a été constituée dans la province d'Ontario le 6 octobre 1994 et a été enregistrée sous le nom de " Caravac Caribbean Adventures & Vacations " (la " société ");

b)             la société est une filiale en propriété exclusive du Caribbean Cultural Committee;

c)              la société n'a pas produit de déclarations de revenus et aucun état financier officiel n'a été établi par la société;

d)             Stan Lichman (" Stan "), soit le représentant de l'appelante, a dit que, pour l'achat d'actions de la société, il avait avancé à la société 94 837,50 $, au nom de son épouse (25 p. 100), de Michel Benchimol (50 p. 100) et de Diana Chiarelli (25 p. 100), et ce, en vertu d'un contrat de fiducie;

(D'après le représentant des appelantes, M. Benchimol a décidé pour des raisons personnelles de ne pas faire appel de la cotisation de Revenu Canada relative à la PDTPE.)

e)              il n'y avait pas de contrat de fiducie en bonne et due forme à l'égard de cette opération particulière;

f)              malgré le fait qu'un protocole d'accord était censé avoir été conclu le 6 novembre 1995 ou vers cette date pour la vente de 60 p. 100 des actions de la société par le Caribbean Cultural Committee [...]

[7]            Vers la fin de décembre 1995, CCC a manqué à sa parole relativement au transfert des actions. Il s'agit donc de savoir si, par l'intermédiaire de M. Lichman, les appelantes ont présenté une preuve documentaire suffisante pour établir que les sommes ont été avancées à CCC et que M. Lichman agissait en fait au nom des appelantes et a été remboursé des avances qu'il dit avoir consenties au nom des appelantes.

[8]            Le 27 décembre 1995, CCC a tenu au Ryerson Institute de Toronto une réunion à laquelle plus de 200 membres ou actionnaires de cette organisation ont assisté. La réunion a apparemment été turbulente, et CCC a refusé de ratifier des arrangements entre M. Lichman et CaraVac. Le directeur général de CaraVac, Glen Logan a écrit à M. Lichman la lettre suivante, en date du 31 décembre 1995 (pièce A-2) :

[TRADUCTION]

Monsieur,

Je vous écris au nom du conseil d'administration de CARAVAC pour vous remercier de votre confiance en notre société, confiance dont témoignent les avances de 94 837,50 $ que vous avez faites jusqu'à maintenant. Les fonds ont été utilisés principalement au titre de frais d'exploitation et de frais juridiques et comptables.

Malheureusement, je dois vous informer que la société est insolvable et qu'il sera impossible de rembourser une partie quelconque du montant susmentionné.

Agréez, Monsieur, mes salutations distinguées.

Le directeur général,

Glen Logan

M. Logan n'a pas témoigné. Le montant de 94 837 $ mentionné dans sa lettre est un peu déroutant, car M. Lichman a soutenu tout au long de son témoignage qu'il avait avancé plus de 200 000 $. M. Lichman a dit à la Cour que la vérification relative aux deux appelantes avait été effectuée à cause d'une enquête criminelle à laquelle il avait été mêlé dans une tout autre affaire et qui avait résulté en une vengeance de Jack Meggetto, CMA, du service des enquêtes spéciales de Revenu Canada, qui, disait M. Lichman, avait été déraisonnable dans son enquête et dans sa vérification. Toutefois, j'ai trouvé impressionnant le témoignage que M. Meggetto a présenté pour l'intimée et je ne vois aucun fondement à ces allégations.

[9]            M. Meggetto avait entre autres demandé ce qui suit à Mme Chiarelli :

[TRADUCTION]

13.            Les originaux ou des copies conformes (recto verso) de chèques oblitérés confirmant le montant investi ou une autre preuve documentaire établissant clairement que l'argent a été transféré de votre compte personnel au compte de la société. CETTE DOCUMENTATION EST ESSENTIELLE, ET VOTRE DEMANDE POURRAIT ÊTRE REJETÉE INTÉGRALEMENT SI CETTE DOCUMENTATION N'ÉTAIT PAS PRODUITE.

Voici ce que M. Lichman avait répondu :

[TRADUCTION]

13.            Vous trouverez ci-inclus les originaux des chèques que m'a renvoyés la CIBC d'Avenue Road et Fairlawn et que j'avais faits en octobre, en novembre et en décembre relativement à une partie des fonds investis dans Caravac, soit des avances totalisant 24 500 $. Des fonds supplémentaires avaient été avancés au moyen du compte 511674-2 à Canada Trust et d'un compte 350737 à la CIBC, soit des fonds représentant plus que le solde déduit. Les chèques oblitérés relatifs à ces comptes sont en voie d'être obtenus des établissements financiers concernés; ils devraient être prêts à être livrés d'ici deux semaines. J'avais effectué des paiements à l'aide d'une Visa de la CIBC et d'une MasterCard de Canada Trust au titre de dépenses de Caravac en matière d'hôtels ainsi que de déplacements relatifs à la Jamaïque et concernant d'autres affaires de la société. La documentation originale (correspondant à environ 20 000 $) a été demandée, et je vous l'enverrai dès que je l'aurai reçue.

On est en train de réunir la documentation relative aux fonds qui m'avaient été avancés en fiducie par les contribuables susnommés, documentation qui devrait être prête dans une semaine à peu près. Je m'excuse du retard relatif à cette documentation, mais, comme vous le savez, j'ai été en République tchèque jusqu'au 27 mars, puis à Vancouver jusqu'au 4 avril.

La documentation mentionnée par M. Lichman n'a jamais été envoyée.

[10]          En conclusion, la preuve indique que Diana Chiarelli a avancé 8 400 $ comptant et transféré son chalet pour une valeur de 30 000 $ à M. Lichman. Cela représente au total 15 000 $ de plus que les 23 000 $ que Diana Chiarelli avait apparemment investis dans CaraVac. M. Lichman ne pouvait expliquer cet écart. Il a présenté des relevés bancaires de Canada Trust relatifs à Diana Chiarelli qui faisaient état de retraits d'un montant total de 8 400 $ effectués d'avril 1995 à janvier 1997, mais aucune preuve n'indique que l'argent a été donné à M. Lichman ou effectivement utilisé dans l'opération relative à CaraVac. Un acte indique que Diana Chiarelli a transféré son chalet à Stanley Lichman le 31 juillet 1996. M. Lichman a dit que Mme Chiarelli était en retard dans ses paiements relatifs à l'hypothèque, qui représentait environ 100 000 $, et que Mme Chiarelli avait des difficultés financières. M. Lichman avait pris ce bien pour recouvrer ce que Mme Chiarelli lui devait. Il avait signé un affidavit en matière de droits de cession immobilière indiquant qu'il avait payé ce bien 145 000 $ comptant. Cela ne semble pas coïncider avec son témoignage selon lequel le prix d'achat qu'il avait payé était de 175 000 $, dont une commission de 5 000 $ et une remise de dette de 30 000 $. Je me suis retrouvé face à des montants incompatibles et j'ai dû arriver à une conclusion par déduction.

[11]          Je conclus qu'il n'y a aucune preuve concluante que CaraVac devait une somme aux appelantes. Les éléments de preuve selon lesquels M. Lichman avançait son propre argent à condition que les appelantes le remboursent ne sont pas suffisants. Il n'y avait pas de contrats de fiducie, de billets, de chèques oblitérés, de documents de transfert d'actions ni de modalités écrites, et les appelantes n'ont pas comparu à l'audition de leurs propres appels. La seule preuve de cet arrangement est une affirmation de M. Lichman que je ne trouve pas crédible. Il semble que Diana Chiarelli ait été en quelque sorte une innocente victime, et il est difficile de croire qu'elle a investi dans une entreprise aussi douteuse, alors qu'elle avait des difficultés financières.

[12]          Nous n'avons vu aucune preuve documentaire autre que des chèques oblitérés (pièce R-1), soit des chèques représentant un montant de 19 000 $ faits par M. Lichman lui-même à CaraVac. Nous ne savons pas si ces 19 000 $ font partie des 200 000 $ que M. Lichman dit avoir personnellement investis dans la société. Le solde de 75 000 $ qui avait apparemment été avancé n'a nullement été expliqué. Nous n'avons rien vu qui indique que les appelantes ont remboursé à M. Lichman leur part proportionnelle des fonds transférés. Il n'y avait absolument aucune preuve documentaire indiquant que de l'argent avait été avancé par Mme Lichman à son époux ou à CaraVac. La déposition faite au nom des appelantes n'était que des généralités.

[13]          M. Lichman, qui est un conseiller fiscal d'expérience, a présenté de vagues explications dont l'acceptation exigerait un acte de foi que je ne suis pas disposé à faire. Je suis d'accord sur les observations formulées au nom de l'intimée quant au fait que M. Lichman comprend les exigences relatives à une PDTPE et comprend la documentation requise à l'appui. M. Meggetto avait demandé cette information à M. Lichman, qui ne l'a pas produite, alors qu'il devait le faire depuis 1997.

[14]          Pour avoir droit à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise, un contribuable doit remplir les conditions énoncées à l'alinéa 39(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cet alinéa dit qu'une " perte au titre d'un placement d'entreprise " inclut les pertes en capital résultant d'une disposition, à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique, d'un bien qui est une action d'une société exploitant une petite entreprise ou une créance sur une telle société. Le paragraphe 248(1) de la Loi définit une société exploitant une petite entreprise comme étant une société privée sous contrôle canadien dont la totalité ou presque de la juste valeur marchande des éléments d'actif était attribuable à un moment donné à des éléments qui étaient alors utilisés principalement dans une entreprise exploitée activement principalement au Canada. En vertu du paragraphe 50(1), un contribuable est réputé avoir disposé d'une créance ou d'une action d'une société à la fin de l'année pour un produit nul et l'avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l'année à un coût nul ou, dans le cas d'une créance qui est due au contribuable à la fin de l'année d'imposition, celui-ci doit établir que la créance s'est révélée être au cours de l'année une créance irrécouvrable.

[15]          Comme je l'ai mentionné, il n'y avait aucune preuve documentaire que CaraVac était une société qui était en faillite ou insolvable en 1995. Il y avait une preuve insuffisante en matière de prêts, de créances ou de pertes en capital. Je conclus que les appelantes n'ont pas subi une perte au titre d'un placement d'entreprise selon les alinéas 39(1)c) et 50(1)a) de la Loi pour l'année d'imposition 1995 et qu'elles n'ont pas droit à une PDTPE en vertu de l'alinéa 38(1)c) de la Loi pour 1995. Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2001.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

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