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Date: 20010815

Dossier: 2000-1443-IT-I

ENTRE :

PIERRE MATHIEU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif à la déductibilité des honoraires professionnels payés pour obtenir l'annulation judiciaire des arrérages de pension alimentaire, le tout pour l'année d'imposition 1998.

[2]            La partie du litige ayant trait au paiement de la pension alimentaire a été extraite du dossier, l'intimée ayant admis que l'appelant avait bel et bien payé la somme de 3 080 $ au lieu et place du montant de 2 695 $, lui donnant ainsi raison quant à ce volet de l'appel.

[3]            Pour ce qui est des faits pris pour acquis au soutien de la cotisation, ils sont admis; ils se résument comme suit :

a)              l'appelant et Denyse Bergeron (ci-après " l'ex-conjointe ") sont divorcés depuis le 25 avril 1990;

b)             une convention faisant état d'une entente intervenue entre l'appelant et son ex-conjointe le 18 août 1998, fut soumise au Tribunal en même temps qu'une requête en annulation d'arrérages et de pension alimentaire demandée par l'appelant;

c)              le 18 août 1998, l'honorable Ross Goodwin, juge de la Cour supérieure rendit jugement sur la requête en annulation d'arrérages et de pension alimentaire demandée par l'appelant contre son ex-conjointe.

d)             par ce jugement, le Tribunal entérina et rendit exécutoires les paragraphes 2 et 4 de la convention signée le 18 août 1998 et donne acte aux parties de leur entente apparaissant aux paragraphes 1,3,5,6,7,8 et 9 de cette convention;

e)              au paragraphe 2 de cette convention, l'ex-conjointe de l'appelant renonça à tout arrérage de pension alimentaire que lui devait l'appelant en date du 18 août 1998;

f)              selon le paragraphe 3 de cette convention, toutes les autres clauses de la convention entérinée par le jugement de divorce continuent de s'appliquer, les parties étant d'avis que le paragraphe 9 s'applique désormais ce qui signifie que la pension alimentaire est fixée à 385 $, payable aux deux semaines;

g)             chaque partie fut tenue responsable de payer ses frais judiciaires et extrajudiciaires;

h)             pour appuyer sa déduction réclamée à titre de pension alimentaire, l'appelant a soumis les pièces justificatives suivantes :

·          une liste des chèques de pension alimentaire payable à son ex-conjointe durant l'année d'imposition 1998;

·          des photocopies de chèques payables à son ex-conjointe mais qui sont à peu près illisibles;

·          une photocopie de son carnet de banque dont certaines données sont aussi illisibles;

i)               le Ministre a pu identifier huit (8) paiements de 385 $ chacune et conséquemment, a admis comme déduction à titre de pension alimentaire la somme totale de 3 080 $;

j)               durant l'année en litige, l'appelant a payé la somme de 3 125,43 $ à la société d'avocats Garneau, Verdon, Michaud de Québec, au titre d'honoraires professionnels et de déboursés payés dans le cadre de procédures en vue d'obtenir une annulation de pension alimentaire des arrérages;

k)              les frais judiciaires engagés par l'appelant pour l'année d'imposition 1998, soit la somme de 3 125,43 $, n'ont pas été engagés en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou à une entreprise mais sont considérés comme des frais personnels ou de subsistance;

[4]            Dans un premier temps, l'appelant fut condamné à verser à son ex-épouse une pension alimentaire en vertu du jugement de l'honorable juge Paul-Étienne Bernier en date du 25 avril 1990, lequel se lisait comme suit :

JUGEMENT DE DIVORCE,

ORDONNANCE RELATIVE À MESURES ACCESSOIRES

et

ACTE DE RENONCIATION PARTIELLE

                ATTENDU l'action en divorce, avec conclusions additionnelles relatives à mesures accessoires instituée par le demandeur contre la défenderesse;

                ATTENDU que cette dernière s'est abstenue de comparaître et que défaut en conséquence a été enregistré contre elle;

                CONSIDÉRANT preuve faite en l'instance dont pièces produites au dossier;

                CONSIDÉRANT qu'il en appert échec du mariage;

                CONSIDÉRANT qu'au point de vue mesures accessoires, les parties ont versé au dossier convention intervenue entre elles le 15 août 1989 sous leurs signatures, dont original annexé aux présentes;

                CONSIDÉRANT renonciation partielle stipulée au paragraphe 22 de celle-ci;

                CONSIDÉRANT les dispositions des articles 8 et 12 de la Loi de 1985 sur le divorce et 462.10 C.c.Q.;

                PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

                ACCUEILLE l'action en divorce;

                PRONONCE divorce des parties, dont le mariage a été contracté le 29 mai 1965, à St-Antoine de Tilly (Lotnière, Qc), lequel prendra effet le trente et unième jour suivant la date du présent jugement;

                ENTÉRINE et REND EXÉCUTOIRE ladite convention intervenue entre les parties quant à mesures accessoires et LEUR ORDONNE de s'y conformer comme ci ici au long reproduite;

                DONNE à celles-ci ACTE de renonciation partielle à certains articles du patrimoine familiale;

                LE TOUT chaque partie payant ses frais.

                ...

                À CES CAUSES, LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

                ...

3.              Pierre Mathieu paiera à Denyse Bergeron, pour elle-même et les trois enfants, Claude, David et Annie une pension alimentaire de 960 $ payable aux deux semaines, au lieu que lui indiquera Denyse Bergeron, et ce, rétroactivement au 6 juillet 1989;

...

6.              Ladite pension alimentaire sera indexée au taux de 5% l'an le 1er juillet de chaque année;

...

9.              Advenant l'une des éventualités ci-après énumérées, Pierre Mathieu versera à Denyse Bergeron jusqu'à ce qu'il cesse de travailler, une pension alimentaire de 385 $ payable aux deux semaines, à savoir :

                a)              si Annie et David quittent la maison;

b)             si Annie et David sont autonomes même s'ils continuent de vivre avec Denyse Bergeron;

10.            Ladite pension alimentaire de 385 $ sera indexée au taux de 5% l'an à chaque année, à compte du 27e versement;

                ...

[5]            Ayant perdu son emploi, l'appelant a initié un autre recours devant la Cour supérieure pour annuler les arrérages de pension alimentaire. Des suites de cette procédure, l'honorable juge Ross Goodwin rendait le jugement suivant :

JUGEMENT SUR REQUÊTE EN ANNULATION

D'ARRÉRAGES ET DE PENSION ALIMENTAIRE

                Il y a lieu de faire droit à la demande, vu qu'une preuve suffisante a été faite.

                Une convention faisant état de l'entente intervenue entre les parties est soumise. Après examen, il y a lieu de l'entériner comme suit :

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ENTÉRINE ET REND EXÉCUTOIRES les paragraphes 2 et 4 de cette convention et DONNE ACTE aux parties de leur entente apparaissant aux paragraphes 1,3,5,6,7,8 et 9.

                ...

CONVENTION

                CONSIDÉRANT le jugement de divorce prononcé par l'honorable Paul-Étienne Bernier, juge de la Cour supérieure du Québec, le 25 avril 1990, entérinant une convention intervenue entre les parties;

                CONSIDÉRANT le désir des parties de continuer à être assujetties à telle convention, notamment à son paragraphe 9;

                CONSIDÉRANT QUE depuis la requête en annulation de pension alimentaire, le demandeur a trouvé un emploi lui permettant de générer des revenus annuels de quelques 80 000 $ dollars;

                CONSIDÉRANT QUE la défenderesse occupe un emploi lui procurant des revenus annuels de 34 000 $;

                CONSIDÉRANT la renonciation par la défenderesse à tout arrérage de pension alimentaire que lui devait le demandeur en date de ce jour;

                CONSIDÉRANT QU'Annie et Claude ne sont plus aux études, sont âgés de plus de 16 ans et ne sont plus dépendants financièrement;

                CONSIDÉRANT QUE David est âgé de 24 ans, qu'il poursuit ses études en maîtrise et que ses emplois à temps partiel lui permettent de générer des revenus significatifs;

                LES PARTIES DÛMENT REPRÉSENTÉES PAR LEUR PROCUREUR CONVIENNENT DE CE QUI SUIT ET PRIENT LE TRIBUNAL DE PRONONCER UN JUGEMENT ENTÉRINANT CETTE CONVENTION ET ORDONNANT AUX PARTIES DE S'Y CONFORMER :

1.              Le préambule fait partie intégrante de cette convention;

LES ARRÉRAGES

2.              La défenderesse renonce à toute pension alimentaire due à la date de la signature de cette convention;

3.              Toutes les autres clauses de la convention entérinée par le jugement de divorce continuent de s'appliquer, les parties étant d'avis que le paragraphe 9 s'applique désormais;

LA RENONCIATION ALIMENTAIRE

4.              Les parties renoncent irrévocablement à toute pension alimentaire à compter du 1er septembre de l'an 2003, quelle que soit leur situation financière;

5.              Les parties conviennent que le simple fait pour David de cesser ses études ne constituera pas un changement suffisant aux fins de l'article 17.4 de la loi tenant compte de la renonciation alimentaire de la défenderesse prévue au paragraphe précédant;

6.              Les parties reconnaissent avoir lu cette convention et en avoir compris la portée notamment celle concernant la renonciation alimentaire;

7.              Chaque partie reconnaît que cette convention lui a été expliquée et qu'elle représente fidèlement l'expression de sa volonté et de ses choix librement exprimés, sans contrainte ni pression de part et d'autre;

8.              Chaque partie se déclare satisfaite de cette convention et reconnaît qu'avant sa signature, elle a été adéquatement informée;

9.              Chaque partie paiera ses frais judiciaires et extrajudiciaires;

...

[6]            L'appelant a donc dû débourser la somme de 3 125,43 $, à titre d'honoraires professionnels, pour se faire représenter par un avocat pour obtenir le jugement ordonnant l'annulation des arrérages de pension alimentaire.

[7]            L'appelant voudrait déduire le montant de 3 125,43 $ de ses revenus pour l'année d'imposition 1998, soutenant qu'il s'agissait là d'une dépense qui lui a permis d'obtenir un avantage ou tout au moins de lui éviter un appauvrissement de son patrimoine.

[8]            Les représentants de l'appelant ont soutenu que le déboursé en question pouvait être déduit des revenus de l'appelant. Pour soutenir leurs prétentions, ils ont soumis un volumineux dossier de jurisprudence, regroupant les décisions suivantes :

                -                Canada Starch Co. Ltd. c. M.N.R., 68 DTC 5320;

                -                M.N.R. c. Kellogg Co. Ltd., 2 DTC 601;

                -                Kellogg Co. of Canada c. M.N.R., 2 DTC 548;

                -                R. c. Sills, [1985] 2 CF 201;

                -                Dionne c. R., 97 DTC 265;

                -                Boulangerie St-Augustin c. R., 95 DTC 56;

                -                Royal Trust Co. c. M.N.R., 57 DTC 1055;

                -                Premium Iron Ores Ltd. c. M.N.R., [1966] RCS 685;

                -                Evans c. M.N.R., 60 DTC 1047;

                -                R. c. Burgess, 81 DTC 5192;

-                Gallien c. Canada, [2000] A. Québec (Quicklaw) no 729 (C.C.I.);

                -                McCready Sembinelli c. Canada, [1993] A. Québec (Quicklaw) no 236 (C.C.I.);

                -                Nissim c. Canada, A. Québec (Quicklaw) no 658 (C.C.I.);

                -                Haley c. Canada, A. Québec (Quicklaw) no 233 (C.C.I.);

                -                Notre-Dame de Bon-Secours c. Communauté urbaine du Québec, 95 DTC 5091;

-                The Fundamentals of Canadian Income Tax, V. Krishna, Carswell 5e édition;

                -                P.W. Hogg, J.E. Magee et T. Cook, Principles of Canadian Income Tax Law;

                -                Bulletin d'interprétation IT-99R5, collection fiscale du Québec - février 2001;

                -                Rapport de la Commission royale d'enquête, tome I, 1966;

                -                Rapport de la Commission royale d'enquête, tome II, 1966.

[9]            De son côté, l'intimée s'est référée aux décisions suivantes :

-                La Reine c. Dr. Beverley A. Burgess, [1982] A. Ontario (Quicklaw) no 849 (C.F.C.);

-                Bayer c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1991] A. Québec (Quicklaw) no 511 (C.C.I.);

-                Leclaire Raymond c. Canada, [1992] A. Québec (Quicklaw) no 640 (C.C.I.);

-                McCready Sembinelli c. Canada, [1993] A. Québec (Quicklaw) no 236 (C.C.I.);

-                Sembinelli c. Canada, [1994] A. Québec (Quicklaw) no 1352 (C.F.C.);

-                Bergeron c. Canada, [1999] A. Québec (Quicklaw) no 510 (C.C.I.);

-                Gallien c. Canada, [2000] A. Québec (Quicklaw) no 729 (C.C.I.).

[10]          De toutes les décisions auxquelles se sont référés tant l'appelant que l'intimée, je considère que la décision la plus pertinente est celle de mon collègue, l'honorable juge Pierre Archambault, dans l'affaire de Bergeron (précitée).

[11]          Je m'y référerai donc pour disposer du présent appel. Mon collègue l'honorable juge Pierre Archambault a fait dans son jugement une analyse m'apparaissant exhaustive et très complète sur la question de déductibilité des frais judiciaires et extrajudiciaires (honoraires professionnels) pour obtenir ou contester une pension alimentaire.

[12]          Souscrivant entièrement au cheminement suivi par le juge Archambault et aux conclusions auxquelles il en est arrivé, il n'y a pas lieu de refaire l'exercice. Je reproduirai cependant, ci-après, certains extraits. Au paragraphe [7] de son jugement, le juge Archambault s'exprime comme suit :

                La Loi contient plusieurs dispositions permettant la déduction de frais juridiques ou judiciaires dans le calcul du revenu. Il y a notamment l'alinéa 8(1)b) qui permet la déduction de frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés par un employé pour recouvrer le salaire qui lui est dû ou pour établir un droit à celui-ci. L'alinéa 60o.1) de la Loi permet la déduction des frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés pour recouvrer une allocation de retraite ou une prestation prévue par une caisse de pension ou pour établir un droit à celles-ci. Il y a aussi l'alinéa 60o) à l'égard des frais engagés pour préparer, interjeter ou poursuivre un appel d'une cotisation d'impôt sur le revenu. Aux termes de l'alinéa 62(3)f) de la Loi, sont compris dans les frais de déménagement - qui peuvent faire l'objet d'une déduction en vertu de l'article 62 - les frais à l'égard des services juridiques relatifs à l'achat d'une nouvelle résidence. Comme on peut le constater, toutes ces déductions se retrouvent dans la sous-section e, sauf pour la première, qui est prévue à la sous-section a.

[13]          Il n'existe aucune disposition semblable autorisant la déduction des frais judiciaires déboursés dans le but de contester une requête en augmentation ou en annulation de pension alimentaire. Il n'y a donc aucune mesure dans la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") permettant de déduire de telles dépenses dans le calcul de ses revenus.

[14]          Plus loin, au paragraphe [10], le juge Archambault s'exprime comme suit :

                À mon avis les dispositions de l'article 18 n'ont rien à voir avec la déduction de frais juridiques engagés pour obtenir ou contester le versement d'une pension alimentaire : cet article n'est pertinent que pour le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien et non pour le calcul d'un revenu de pension alimentaire, qui représente un revenu tiré d'une autre source.

[15]          Le juge Archambault a aussi fait l'analyse dans son jugement des principales et plus importantes décisions ayant trait à cette question de la déductibilité des frais judiciaires. À la suite de son analyse, il s'est exprimé comme suit :

19             Il ressort de ces décisions que les frais judiciaires engagés par l'ex-épouse de monsieur Bergeron pour obtenir une augmentation de sa pension alimentaire seraient déductibles alors que ceux engagés par monsieur Bergeron pour contester une telle requête ne le seraient pas. Il m'apparaît tout à fait inéquitable que les deux conjoints ne soient pas traités fiscalement de la même façon. Il est déjà très onéreux que d'avoir à engager des frais juridiques pour obtenir ou contester une pension alimentaire; si en plus l'une des parties peut les déduire alors que l'autre ne le peut pas, cela peut créer dans certaines circonstances un déséquilibre injuste dans leurs rapports de force. On doit alors s'interroger si la position du ministre et celle adoptée dans certaines décisions des tribunaux sont bien fondées.

20            J'ai mentionné plus haut que monsieur Bergeron ne pouvait pas déduire ses frais juridiques parce qu'il n'y avait pas de disposition précise permettant une telle déduction. Toutefois cela ne signifie pas nécessairement qu'un contribuable ne peut alors jamais déduire de telles dépenses. Par exemple, un contribuable exploitant une entreprise ou détenant un bien dont il tire un revenu a le droit de déduire toutes les dépenses engagées dans le but de tirer un revenu de cette entreprise ou de ce bien, y compris des frais judiciaires ou extrajudiciaires.

...

25             Mais revenons à la question de savoir si la sous-section b s'applique ici. Il est vrai que la pension alimentaire constitue un revenu en raison de l'alinéa 56(1)b) de la Loi et que le droit à une pension alimentaire est un bien au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. Certains se fondent sur ces deux propositions pour conclure que la pension alimentaire constitue un revenu tiré d'un bien et que les frais juridiques engagés pour obtenir le recouvrement d'une pension alimentaire sont déductibles selon l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Je pense en particulier aux décisions rendues dans Boos, Burgess, Bayer et Sembinelli.

26             Sauf le respect que je dois aux tenants de l'opinion contraire, je crois qu'il faut considérer à nouveau le bien-fondé de ces décisions et déterminer s'il est juste en droit d'appliquer les articles 9 et suivants de la sous-section b pour décider de la déductibilité de frais juridiques engagés pour obtenir ou contester le versement d'une pension alimentaire.

Il enchaîne avec ce qui suit :

46             Non seulement une pension alimentaire n'est pas un revenu tiré d'un bien selon le sens ordinaire de cette expression, mais elle ne l'est pas non plus si l'on tient compte du contexte globale dans lequel l'expression revenu tiré d'un bien est utilisée dans la Loi. En effet, la disposition portant inclusion de la pension alimentaire dans le revenu se trouve au paragraphe 56(1) à la sous-section d intitulée " Autres sources de revenu " et non à la sous-section b. Si le législateur avait voulu que la pension alimentaire soit traitée comme un revenu tiré d'un bien, il l'aurait incluse au paragraphe 12(1) de la sous-section b comme il l'a fait à l'alinéa 12(1)m) pour le revenu provenant d'une fiducie. Si tel avait été le cas, dans le calcul du revenu net tiré d'un bien (soit le droit à une pension alimentaire) prévu au paragraphe 9(1), on aurait pu déduire de la pension les frais juridiques, sous réserve de l'application de certaines restrictions comme dans le cas de l'alinéa 18(1)h) de la Loi.

47             Compte tenu de la structure de la Loi, comment expliquer le fait que l'on puisse déduire aux fins du paragraphe 9(1) des frais judiciaires engagés pour recouvrer une pension alimentaire qui est incluse dans le revenu non pas comme revenu tiré d'un bien mais comme revenu d'une autre source selon la sous-section d? Il m'apparaît tout à fait invraisemblable que le législateur ait voulu un tel résultat.

48             De plus cela contreviendrait à la règle fondamentale du calcul du revenu énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi selon laquelle le contribuable n'a droit à aucune déduction dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition à l'exception des déductions qu'il est raisonnable de considérer comme entièrement applicables à la source de ce revenu. Permettre la déduction, en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi, des frais judiciaires engagés pour le recouvrement d'une pension alimentaire équivaudrait à reconnaître qu'une somme réputée être du revenu selon le paragraphe 56(1) de la sous-section d représente aussi un revenu tiré d'un bien au sens du paragraphe 9(1) à la sous-section b, ce qui m'apparaît comme un résultat absurde. Pour que la déduction soit admissible en vertu du paragraphe 9(1), il aurait fallu que la pension alimentaire ait été traitée comme un revenu tiré d'un bien en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi.

49             Comme le législateur a choisi de traiter la pension alimentaire comme un revenu tiré d'une autre source en ajoutant l'alinéa 56(1)b) à la sous-section d, force est de constater qu'il ne la considère pas comme du revenu tiré d'un bien et que les dispositions de la sous-section b ne doivent pas s'appliquer à cette "autre source de revenu"

et il conclut avec le paragraphe [57] comme suit :

                Comme il n'existe dans la Loi aucune disposition permettant la déduction de frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés pour recouvrer une pension alimentaire ou pour contester le paiement d'une telle pension, monsieur Bergeron ne peut pas, malheureusement, réclamer cette déduction dans le calcul de son revenu. Pour qu'il puisse y avoir droit, il faudrait que le législateur modifie à nouveau la Loi pour prévoir une telle déduction à l'article 60. J'ajouterais en outre qu'une telle modification serait aussi nécessaire pour permettre la déduction de frais juridiques engagés pour recouvrer une pension alimentaire ou pour établir un droit à une telle pension.

[16]          Souscrivant sans réserve au cheminement suivi par mon collègue, l'honorable juge Pierre Archambault, je n'ai aucune raison de conclure différemment. Je décide donc que les honoraires professionnels n'étaient pas déductibles d'où l'appel est rejeté. Je donne cependant acte de l'admission de l'intimée à l'effet qu'un montant de 3 080 $ a été payé à titre de pension alimentaire au lieu du montant originalement établi à 2 695 $ pour l'année d'imposition 1998.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'août 2001.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2000-1443(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Pierre Mathieu et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 5 avril 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                                      le 15 août 2001

COMPARUTIONS :

Représentants de l'appelant :                              Yannick Blouin et Marco Lavoie

Avocat de l'intimée :                                            Me Vlad Zolia

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-1443(IT)I

ENTRE :

PIERRE MATHIEU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 5 avril 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentants de l'appelant :                Yannick Blouin et Marco Lavoie

Avocat de l'intimée :                            Me Vlad Zolia

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'août 2001.

   " Alain Tardif "

J.C.C.I.


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