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Dossier : 2000-4481(IT)G

ENTRE :

WILLIAM QUIGLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Requête entendue le 22 octobre 2003 à Toronto (Ontario),

Par l'honorable juge J. M. Woods

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Frederick S. Wang

Avocate de l'intimée :

Me Eleanor H. Thorn

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ORDONNANCE

          SUR REQUÊTE de l'appelant pour nouvel examen des termes du prononcé du jugement rendu dans la présente affaire le 18 septembre 2003;

          ET vu les allégations des parties et l'examen des documents déposés;

          J'ORDONNE le rejet de la requête. L'intimée a droit aux frais de la requête.


Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de novembre 2003.

« J. M. Woods »

Juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juin 2005.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2003CCI778

Date : 20031107

Dossier : 2000-4481(IT)G

ENTRE :

WILLIAM QUIGLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Woods

[1]      Se fondant sur l'article 168 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (Procédure générale) (les « Règles » ), William Quigley demande à la Cour d'effectuer un nouvel examen des termes du prononcé d'un jugement au motif qu'on a négligé de traiter dans celui-ci d'une question dont on aurait dû traiter. M. Quigley, qui avait agi pour son compte au stade de l'appel, affirme que j'aurais dû lui offrir plus d'aide à l'audience et que je devrais aujourd'hui lui offrir la possibilité de produire une nouvelle preuve.

[2]      M. Quigley a interjeté appel de cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997. J'ai entendu l'appel à Toronto le lundi 8 septembre 2003. Il avait été interjeté sous le régime de la procédure générale, et l'audition a duré toute une journée. Quatre jours plus tard, j'ai rendu ma décision et j'ai prononcé les motifs oralement à l'audience. Le jugement formel a été signé le 18 septembre 2003. Le 7 octobre 2003, un avis de requête a été déposé en vertu de l'article 168 des Règles de la Cour, en vue d'un nouvel examen des termes du prononcé du jugement. L'article 168 est libellé dans les termes suivants :

168.      Lorsque la Cour a prononcé un jugement disposant d'un appel, toute partie peut, dans les dix jours de la date à laquelle elle a pris connaissance du prononcé du jugement, demander, par voie de requête, un nouvel examen des termes du prononcé du jugement, mais seulement pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs, le cas échéant;

b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter dans le jugement d'une question dont on aurait dû traiter.

Question préliminaire

[3]      Au cours de l'audition de la requête, l'avocat de M. Quigley a soulevé une objection lorsque la Couronne a présenté des documents contenant des arguments juridiques et une copie de décisions qu'elle avait l'intention d'invoquer. L'avocat de l'appelant a fait valoir que tous les éléments de preuve documentaires qu'un intimé entend utiliser à l'audition d'une requête doivent être déposés et signifiés au requérant au moins deux jours avant la date à laquelle la requête doit être entendue, conformément à l'article 68 des Règles. Il a affirmé que, non seulement l'article 68 interdit la présentation d'arguments juridiques écrits, mais il interdit également à l'avocat d'invoquer de tels documents pour s'en inspirer au cours de sa plaidoirie. L'article 68 est reproduit ci-après :

68.(1) Un intimé peut déposer une déclaration sous serment ou d'autres éléments de preuve documentaire qui seront utilisés lors de l'audition de la requête.

(2) Toutes les déclarations sous serment ou autres éléments de preuve documentaire qui seront utilisés par un intimé lors de l'audition de la requête doivent être déposés et signifiés au requérant au moins deux jours avant la date à laquelle la requête doit être entendue.

[4]      Après avoir entendu les observations des deux avocats, j'ai déterminé que l'article 68 n'interdisait pas la présentation d'arguments juridiques écrits à l'audition. L'objet de l'article 68 est de faire en sorte qu'un intimé révèle les faits avant la tenue de l'audience. La disposition correspondante, en ce qui concerne la communication par le requérant, est le paragraphe 67(6). Ces dispositions ne visent pas à restreindre l'utilisation d'arguments juridiques écrits. M. Quigley n'a subi aucun préjudice du fait de cette décision. Son avocat a répliqué à chacun des arguments et des décisions invoqués par la Couronne, et il n'a pas demandé qu'on lui accorde un délai pour déposer des observations écrites une fois l'audition terminée.

Question en litige

[5]      La principale question à trancher est celle de savoir s'il y a lieu d'effectuer un nouvel examen des termes du prononcé du jugement au motif qu'on a négligé de traiter dans celui-ci d'une question dont on aurait dû traiter.

[6]      L'avocat de M. Quigley a indiqué qu'il s'agissait en l'espèce d'une cause où il convenait d'effectuer le nouvel examen prévu à l'article 168 parce que son client ne s'était pas fait représenter et qu'il n'avait pas compris la nature de la preuve qu'il devait présenter pour établir ses prétentions. L'avocat a fait valoir que j'aurais dû offrir à M. Quigley l'occasion d'aborder toutes les questions et tous les faits pertinents. Il a affirmé que, depuis longtemps, la Cour canadienne de l'impôt aide les plaideurs qui agissent sans le concours d'un avocat, et que le fait que je n'avais pas offert au requérant une aide adéquate était un facteur qui avait été négligé et qui pouvait être corrigé en vertu de l'article 168. L'avocat a cherché à obtenir, pour M. Quigley, la possibilité de produire de nouveaux éléments de preuve, que ce soit oralement ou par écrit.

Analyse

[7]      L'article 168 énonce une règle qui permet, pour certaines raisons seulement, de modifier des jugements après leur signature : Molinaro c. La Reine, (C.C.I.), 19 mars 1998, no 96-1523-IT-G ([1998] 2 C.T.C. 3115). Elle constitue une exception à la doctrine, reconnue en common law, de functus officio, qui interdit à un tribunal de revoir ses propres jugements. De manière générale, on ne peut se pencher sur le bien-fondé d'un jugement qu'en appel : Curoe v. M.N.R., 91 DTC 782 (C.C.I.).

[8]      J'ai conclu que l'article 168 ne me permet pas de revoir mon jugement dans les circonstances de la présente affaire. L'article 168 permet l'examen d'un jugement si quelque chose a été omis dans le jugement. M. Quigley ne prétend pas qu'un élément présenté à l'audition le 8 septembre 2003 a été omis dans le jugement. Il soutient plutôt que, de la manière dont l'audition a été menée, le juge a négligé son devoir de fournir certaines possibilités à un plaideur qui agit pour son compte. À mon avis, l'article 168 ne permet pas que les jugements soient revus pour cette raison. Cependant, ces jugements peuvent être examinés en appel : Ray c. Canada, (C.A.F.), 7 août 2003, no A-179-03 (2003 DTC 5596).

[9]      Même si l'article 168 me permettait de revoir mon jugement, je n'en ferais rien, puisque je suis convaincu que M. Quigley a obtenu une audition équitable le 8 septembre 2003. Premièrement, M. Quigley a choisi d'agir pour son compte à l'audition, et il doit assumer les conséquences de cette décision. Deuxièmement, M. Quigley a indiqué clairement, au cours de l'audition de l'appel, qu'il avait déterminé quels éléments seraient présentés, et qu'il n'était pas disposé à déroger à cette décision.

[10]     Par exemple, à l'ouverture de l'appel, l'avocate de la Couronne a décrit diverses concessions que sa cliente était disposée à faire en faveur de M. Quigley. J'ai demandé à l'avocate de rédiger ces concessions de manière qu'elles soient prises en considération. L'avocate a indiqué qu'elle demanderait à M. Quigley d'y consentir, mais, au moment opportun, elle m'a informé du refus de ce dernier à cet égard. Par conséquent, j'ai dû me lancer dans la tâche difficile qui consiste à tenter de déchiffrer les concessions en question sur le seul fondement de la présentation orale de l'avocate.

[11]     M. Quigley a aussi refusé de présenter une preuve sur certains faits pertinents, ce qui illustre encore une fois son insistance pour mener son propre appel. La déclaration suivante de M. Quigley est tirée d'une transcription de l'instance :

            [TRADUCTION] Donc, j'ai les reçus. Je peux les apporter, mais je ne le souhaite pas - nous allons commencer à débattre les 14 ou 15 déductions que j'ai faites; par exemple, nous allons admettre celle-ci, nous allons refuser celle-là. Il [le vérificateur de l'ADRC] a pris sa décision. Il a décidé que j'étais un employé. Par conséquent, toutes les dépenses seront refusées.

            J'aimerais que cette demande soit accueillie et que les dépenses soient traitées comme un tout. Soit elles sont admises, soit elles sont refusées. Je ne vais pas permettre à la Cour de tout décortiquer et de débattre ces dépenses. Le vérificateur en a déjà eu l'occasion, et il a refusé de le faire. Il voulait tout avoir.

(Transcription, pages 200-201)

[12]     Enfin, j'ai fait droit à certaines des demandes de M. Quigley, lui accordant ainsi le bénéfice du doute concernant des questions factuelles, dans toute la mesure possible compte tenu du fait qu'il agissait pour son compte. Si M. Quigley avait pu obtenir un meilleur résultat en étant représenté par un avocat compétent, c'est sa propre décision d'agir pour son compte qui l'a empêché d'obtenir ce résultat.

[13]     La requête est rejetée et la Couronne a droit aux frais de la requête.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de novembre 2003.

« J. M. Woods »

Juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juin 2005.

Mario Lagacé, réviseur

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