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Dossier : 2004-3391(IT)I

ENTRE :

CHARLES ROBERT ROGERS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 17 février 2005 à Calgary (Alberta).

Devant : L'honorable juge J.E. Hershfield

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Mark Heseltine

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002 est admis, avec dépens, pour et selon les motifs exposés dans les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2005.

« J.E. Hershfield »

Le juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2005.

Joanne Robert, traductrice


Référence : 2005CCI336

Date : 20050524

Dossier : 2004-3391(IT)I

ENTRE :

CHARLES ROBERT ROGERS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hershfield

[1]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi la cotisation relative à l'année d'imposition 2002 de l'appelant et a refusé la déduction de frais judiciaires s'établissant à 37 590 $. La cotisation partait du principe que ces dépenses n'avaient pas été engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[2]      Les frais judiciaires ont été engagés relativement à une action pour renvoi injustifié et salaires dus. L'appelant a tenté de déduire les frais à mesure qu'ils étaient engagés et payés, soit au cours des années allant de 1998 à 2002, mais on lui a dit d'attendre qu'il soit statué sur l'action. L'affaire a finalement été tranchée en 2002. L'appelant n'a pas eu gain de cause.

[3]      La réponse à l'avis d'appel comporte les hypothèses suivantes sur lesquelles le ministre s'est fondé pour confirmer la cotisation établie pour refuser les frais déduits :

a)        l'appelant n'a pas prouvé que son employeur ou ancien employeur lui devait des sommes d'argent;

b)       les frais judiciaires déduits n'ont pas été engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui est dû par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à un tel montant;

c)        les frais judiciaires n'ont pas été engagés pour tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

d)       les frais judiciaires n'ont pas été payés par l'appelant dans l'année en vue de recouvrer une prestation prévue par quelque régime ou caisse de pensions en raison de son emploi ou d'établir un droit à celle-ci;

e)        les frais judiciaires n'ont pas été payés par l'appelant dans l'année en vue de recouvrer une allocation de retraite de l'appelant ou d'établir un droit à celle-ci.

[4]      L'une des deux premières hypothèses ou les deux devaient manifestement laisser entendre que c'était à l'appelant qu'il incombait de prouver qu'il était réellement un employé du syndicat. Malgré que ces hypothèses n'atteignent pas clairement cet objectif, il ressort nettement de l'allégation de l'avocat de l'intimée que ce dernier estime qu'il s'agissait du fondement de la cotisation et que l'intimée peut, de toute façon, s'appuyer sur l'alinéa 8(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour refuser la déduction de l'appelant si, d'après la preuve présentée à l'audience, je conclus que l'appelant n'a pas rendu les services à titre d'employé[1]. L'intimée s'appuie également sur l'alinéa 60o.1) de la Loi dans la mesure nécessaire pour refuser la déduction des frais judiciaires engagés en rapport avec le volet renvoi injustifié de la poursuite. À ce propos, je rappelle que les dommages-intérêts pour renvoi injustifié sont une « allocation de retraite » selon la Loi[2] et que les frais judiciaires engagés pour établir un droit à une allocation de retraite sont déductibles uniquement en vertu de l'alinéa 60o.1) pour compenser les sommes reçues à titre d'allocation de retraite ou de prestation d'une caisse de pensions. En cas d'échec de l'action pour renvoi injustifié, le montant déductible sera alors réduit à zéro puisque aucune somme de ce genre ne sera reçue. La position de l'intimée selon laquelle l'appelant ne peut pas obtenir gain de cause en vertu de cet alinéa de la Loi semble fondée étant donné qu'il n'y a pas d'allégation concernant la réception d'une allocation de retraite ou d'une prestation d'une caisse de pensions. En conséquence, l'appel dépend de l'acceptation de la déduction en vertu de l'alinéa 8(1)b) de la Loi.

[5]      L'alinéa 8(1)b) de la Loi prévoit ce qui suit :

8. (1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

b)          les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires qu'il a engagées pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui est dû par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à ceux-ci;

[6]      L'avocat de l'intimée soutient que, pour se prévaloir de la disposition qui précède, une relation employeur-employé doit être établie. Même si, à première vue, c'est ce que semble exiger la disposition, en fait, dans le contexte du présent litige et d'une lecture sensée de la disposition, une telle interprétation n'est à mon avis pas justifiée. En l'espèce, l'appelant a entamé une action pour réclamer son salaire à titre d'employé. Sa réclamation a été rejetée, mais le fait qu'il n'a pas réussi à établir que des montants de salaire étaient dus en vertu des conditions alléguées d'un contrat de travail lui aussi allégué ne peut pas être un facteur déterminant de la déductibilité des frais judiciaires engagés. La disposition autorise clairement la déduction de frais judiciaires engagés pour établir un droit à des sommes dues au contribuable par un employeur, lesquels frais doivent, lorsque le droit dépend de la question de savoir s'il existe une relation employeur-employé, inclure les frais judiciaires engagés pour établir l'existence de cette relation advenant qu'elle soit contestée. La question du droit à un montant dû à titre de salaire par un « employeur » est inextricablement liée à celle de savoir s'il existe un contrat de travail, quand c'est ce sur quoi se fonde le non-paiement d'un montant de salaire réclamé dans le cadre d'une action en justice. De plus, et quoi qu'il en soit, l'appelant était en réalité un employé du débiteur allégué, et l'action civile a été intentée pour qu'il soit reconnu que les conditions d'emploi prévoyaient que le travailleur serait rémunéré à titre d'employé à temps plein pour une semaine de 40 heures au taux horaire convenu. Il n'a pas eu gain de cause, mais il a néanmoins le droit de déduire les dépenses réclamées à titre d'employé qui engage des frais judiciaires pour essayer d'établir son droit aux salaires réclamés.

[7]      L'avocat de l'intimée a fait valoir son opposition à ces conclusions concernant l'application de l'alinéa 8(1)a), mais avant d'analyser ses prétentions, nous donnons ci-dessous une brève description des faits qui ont donné lieu à ce différend au civil pour permettre de mieux saisir le contexte dans lequel l'application de l'alinéa 8(1)b) est envisagée.

[8]      L'appelant a témoigné qu'il avait agi à titre bénévole comme organisateur syndical pour un syndicat nommé à l'audience. À un moment donné durant son bénévolat, l'appelant a été rémunéré comme un employé pour les services qu'il rendait en vertu de conditions plutôt vagues, mais il affirme avoir été informé qu'il serait rémunéré, pour une semaine de travail à temps plein de 40 heures, au taux horaire syndical pour le travail qu'il accomplissait si le syndicat obtenait un financement. L'appelant croyait que les fonds nécessaires avaient été reçus par le syndicat et qu'il accomplissait alors son travail en vertu d'un contrat de travail à temps plein, pour la rémunération promise. Toutefois, le syndicat a nié qu'un contrat de travail à temps plein au taux syndical, tel que l'allègue l'appelant, ait jamais pris effet, et il n'a jamais versé à l'appelant la rémunération due en vertu de ce contrat. L'appelant a intenté une action pour récupérer le salaire impayé pour le travail accompli sur la foi d'un contrat qui, croyait-il, avait pris effet. De plus, comme il a été mis fin à ses services, il a affirmé avoir été congédié injustement par suite de la résiliation non motivée de son prétendu contrat de travail à temps plein.

[9]      L'avocat de l'intimée a prétendu que l'appelant n'avait jamais été un employé. La prétention partait du principe que l'allégation de renvoi injustifié avait été rejetée dans le cadre de l'action civile et que cette issue devait être utilisée pour confirmer qu'il n'y avait pas d'emploi auquel il pouvait être mis fin. Ce n'est pas ce que la poursuite civile donne à penser. Il a été établi au cours de l'action qu'il n'y avait pas d'emploi à temps plein à l'égard duquel un renvoi injustifié pouvait être allégué. De plus, au cours de l'action, le juge a clairement reconnu que des paiements de salaire avaient été versés par le syndicat au titre de services rendus par l'appelant en tant qu'employé, même s'il a vivement critiqué le fait qu'ils ont été payés dans le cadre d'une stratagème concernant l'assurance-emploi. Une relation employeur-employé a tout de même été reconnue. Si cela ne suffit pas, je dispose en preuve de la copie d'un T4 délivré par le syndicat qui fait état du salaire versé à l'appelant et déclaré par lui. Selon la preuve irréfutée, ces montants ont été payés à l'appelant pour les services rendus dans le cadre d'un emploi. En délivrant un T4, le syndicat a reconnu que l'appelant était un employé. Il a seulement nié que cet emploi se fondait sur les conditions alléguées par l'appelant. Si l'action civile avait confirmé le caractère à temps plein de l'emploi au taux syndical, le syndicat aurait eu des arriérés de salaire considérables à payer à l'appelant en tant qu'employé. Des frais judiciaires ont été engagés pour établir le droit de l'appelant à ce salaire impayé. Le fait que l'appelant n'a pas eu gain de cause ne nuit en rien à son droit de déduire de tels frais. Cette conclusion ressort clairement dans l'affaire Loo c. Canada[3] et dans l'affaire Fortin c. Canada[4].

[10]     Avant de commenter ces affaires, il peut s'avérer utile, par égard pour les prétentions de l'avocat de l'intimée, d'examiner brièvement la déclaration produite et les motifs du jugement prononcé par le juge Brooker de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta (les motifs du juge Brooker) relativement à la poursuite civile de l'appelant[5]. Selon la déclaration, l'appelant a rempli ses fonctions à titre d'employé à temps plein et il n'a pas reçu le salaire qui lui était dû. Toujours selon la déclaration, l'appelant a été démis de ses fonctions. En se fondant sur ces allégations, l'appelant a réclamé les traitements ou salaires qui lui sont dus au montant de 52 400 $ et des dommages-intérêts pour renvoi injustifié au montant de 4 366 $. Bien que l'appelant n'ait pas eu gain de cause, les motifs du juge Brooker ne permettent pas, comme l'a prétendu l'avocat de l'intimée, de tirer la conclusion selon laquelle il a été statué que l'appelant n'était pas un employé.

[11]     L'avocat de l'intimée a invoqué à mon intention plusieurs parties des motifs du juge Brooker. Par exemple, il m'a cité la phrase suivante du premier paragraphe de ces motifs : [Traduction] « Il s'agit d'une action en dommages-intérêts pour renvoi injustifié » . Si l'avocat de l'intimée souhaite que je considère cette déclaration et le rejet de la réclamation comme une preuve définitive qu'il n'y avait pas de réclamation de salaires perdus de manière à ce que je sois tenu de considérer cette affaire comme ayant à voir uniquement avec une allocation de retraite, je suis alors perplexe étant donné qu'il est clair comme de l'eau de roche, d'après les motifs du juge Brooker, qu'il a conclu, comme il se devait de le faire à la lumière des termes exprès de la déclaration, que le syndicat n'était pas responsable des salaires impayés selon les conditions alléguées de l'emploi de l'appelant. Pour rejeter cette réclamation (de même que la réclamation pour renvoi injustifié), il a été conclu dans le jugement qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves d'un engagement à temps plein selon les conditions alléguées pour justifier qu'il soit fait droit à la réclamation telle que plaidée. À la page 7 de ses motifs, le juge Brooker déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

Toutefois, la question dont je suis saisi est relativement simple - M. Jones a-t-il, au nom de la section locale, embauché M. Rogers comme organisateur à temps plein à compter du 1er mai 1995 au taux de rémunération industrielle ou commerciale des compagnons pour une semaine de 40 heures? Je le regrette, il m'est impossible de conclure que c'est ce qu'il a fait. C'est au demandeur qu'il incombe de prouver l'existence de ce contrat et de ses conditions. La preuve est établie selon la prépondérance des probabilités. Le demandeur ne m'en a pas convaincu.

[12]     Dans le dernier paragraphe de ses motifs, le juge Brooker réitère cette constatation dans des termes très semblables et conclut ce qui suit : [TRADUCTION] « et en conséquence je dois rejeter l'action du demandeur avec dépens » . Je suis certain que ce rejet n'est pas incompatible avec une constatation voulant que l'appelant soit un employé qui a engagé des frais judiciaires dans une action de bonne foi pour recouvrer des salaires dus.

[13]     Même si le bien-fondé de la réclamation peut ne pas être pertinent, je signale également ici qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit, selon le témoignage de l'appelant à l'audience et l'action en justice qu'il a intentée à un coût considérable, que l'appelant croyait sincèrement qu'il était employé par le syndicat selon des conditions qui lui permettraient d'avoir gain de cause dans son action pour salaires impayés[6]. Toutefois, ce qui ressort clairement des motifs du juge Brooker, c'est qu'il y avait des contradictions dans le dossier de l'appelant, de même que certaines tractations inadéquates se rapportant à la perception de prestations d'AE dont le syndicat faisait la promotion et dont bénéficiait apparemment l'appelant, qui n'ont pas servi la cause de ce dernier. Ces facteurs mis à part, le juge Brooker a accepté la version des événements donnée par le syndicat (telle qu'exposée aux pages 5 et 6 de ses motifs), dans laquelle le syndicat reconnaissait les services rendus par l'appelant au début à titre bénévole, et par la suite étant entendu que le syndicat le rémunérerait à l'occasion dans la mesure de ses moyens. Cela revient à reconnaître l'existence d'une relation employeur-employé et d'un travail accompli dans le cadre d'un emploi. En ce qui touche la mesure des moyens du syndicat, le syndicat, comme le laissent croire les motifs du juge Brooker, semble avoir admis qu'une recommandation de rémunérer l'appelant selon les conditions alléguées a été faite conditionnellement au renouvellement d'une subvention, mais il n'y a eu aucun aveu ni aucune preuve selon lesquels ce renouvellement a eu lieu. Tout cela vise à confirmer qu'une réclamation a été faite pour établir le droit de l'appelant, en tant qu'employé ayant travaillé à ce titre pour le syndicat, à un montant de salaire donné qui lui est dû conformément aux conditions alléguées d'un contrat. Les frais judiciaires engagés pour déposer une telle réclamation sont déductibles en vertu de l'alinéa 8(1)b) de la Loi, même si la réclamation a été rejetée, comme le confirme l'affaire Loo c. Canada[7].

[14]     L'appelant peut également invoquer à cet égard l'arrêt Fortin. Dans cette affaire, le juge Dussault de cette Cour fait brièvement état, au numéro 16, de l'historique de la disposition en cause. Je n'ai pas besoin de reproduire ici le renvoi, sauf pour dire que la version antérieure à 1990 de la disposition rendait problématique l'accueil d'une réclamation pour salaires. C'est ce sur quoi le Ministère a fondé sa position administrative, selon laquelle les frais judiciaires ne pouvaient pas être portés aux dépenses avant que le résultat de l'action en réclamation de salaires ne soit connu. Advenant que le contribuable obtienne gain de cause, il serait autorisé à remonter aux années antérieures pour déduire les frais judiciaires payés au cours de ces années. Étant donné que la dépense est déductible uniquement dans l'année où elle a été payée, la disposition en cause aurait inévitablement pour effet, sans cette pratique administrative, de refuser la dépense même qu'elle visait à admettre à moins que le paiement des frais judiciaires ne soit suspendu jusqu'à ce que l'action en réclamation de salaires ne soit tranchée - une option qui avait peu de chances d'être proposée par beaucoup d'avocats (qui auraient à penser à leurs propres frais généraux et problèmes de mauvaises créances)[8].

[15]     Le juge Dussault confirme, dans l'analyse qu'il a faite aux numéros 20 à 22, que la disposition modifiée, dans sa version applicable après 1989, n'exige pas qu'une action en réclamation de salaires connaisse une issue favorable - il suffit qu'une réclamation visant à établir le droit à un salaire soit déposée pour qu'une déduction prévue à la disposition en cause soit autorisée. Même s'il conçoit une restriction exigeant que cette Cour soit convaincue que le travail a été accompli dans le cadre d'un emploi à l'égard duquel une action en réclamation de salaires pouvait être intentée, cette restriction ne constitue pas un obstacle en l'espèce car je suis convaincu, d'après la preuve, que le travail a été accompli dans le cadre d'un emploi conformément aux constatations du juge Brooker. Je pense en outre que la restriction proposée par le juge Dussault n'était pas censée être considérée comme applicable à tous les cas. Il s'agit d'une restriction qui a été proposée dans la décision rendue par cette Cour dans l'affaire Turner-Lienaux v. Canada[9]. Toutefois, cette affaire elle-même n'incarne pas un principe aussi fondamental et vaste, même tel que confirmé par la Cour d'appel fédérale. Dans cette affaire, il n'a pas été allégué qu'un travail avait été accompli. Le refus de la déduction des frais judiciaires a été fondé sur le fait qu'il n'a pas été allégué qu'un travail avait été accompli, de sorte qu'il n'y avait pas d'action en réclamation de salaires - l'action avait une autre cause : la violation d'un contrat pour l'octroi d'une promotion ou le manquement au devoir d'appliquer des normes adéquates dans l'octroi de promotions, mais il n'y avait pas d'action en réclamation de salaires, comme l'exige la disposition. Quels principes pourraient être tirés de cette affaire lorsqu'il est allégué qu'un travail a été accompli dans le cadre d'un emploi? Quels principes peuvent être tirés lorsqu'il a été allégué que les conditions d'emploi prévoyaient une rémunération pour la disponibilité du travailleur par opposition à une rémunération pour le travail accompli, ou lorsqu'il s'agit de savoir si le travail a été effectué à titre de bénévole ou à titre d'employé? On pourrait alléguer qu'un travail a été accompli, mais sans en fournir une preuve adéquate de sorte qu'on serait débouté, cependant, il se peut fort bien qu'une action ait été intentée pour établir un droit au salaire. On pourrait soutenir que des montants de salaire sont dus en raison d'une disponibilité même si aucun travail n'a été accompli, mais sans fournir de preuve adéquate de la nature et des conditions de l'engagement, de sorte qu'on serait débouté, cependant, il se peut fort bien qu'une action ait été intentée en vue d'établir un droit au salaire. On pourrait aussi alléguer qu'une relation employeur-employé est entretenue pour l'obtention d'un salaire par opposition à une relation de bénévole, mais sans fournir de preuve de la nature et des conditions de l'engagement, de sorte qu'on serait débouté, cependant, il se peut fort bien qu'une action ait été intentée en vue d'établir un droit au salaire. Dans ce dernier cas, l'action intentée peut échouer au motif qu'il n'y avait pas d'emploi comme tel, mais il est difficile d'imaginer que l'action n'a pas été intentée pour établir un droit au salaire dû. Ce serait le cas en l'espèce si le juge Brooker avait établi que l'appelant n'était pas un employé, mais plutôt un bénévole. De fait, c'est ce que l'avocat de l'intimé semble vouloir que je retienne des motifs du juge Brooker, mais même si j'acceptais cette idée comme étant la conclusion formulée par le juge Brooker (ce qui n'est pas le cas), je ne considère pas la restriction du juge Dussault (qui limiterait la déduction de frais judiciaires aux cas où un travail a été accompli dans le cadre d'un emploi) comme applicable à autre chose qu'à la situation sur laquelle il se penchait quand il a prescrit cette restriction. Il cite et approuve le numéro 38 de l'arrêt Turner-Lienaux (C.C.I.), dans lequel le juge Margeson imagine une perspective plus vaste, qui veut tout simplement qu'il puisse y avoir une action en réclamation de salaires qui échoue en raison d'une preuve inappropriée ou d'une preuve insuffisante et à l'égard de laquelle des frais judiciaires ont été engagés pour établir un droit au salaire. Il en va de même, dans l'arrêt Loo, où la Cour d'appel fédérale reconnaît, au numéro 8, qu'un volet de l'alinéa 8(1)b) (le deuxième) vise une situation dans laquelle la question en litige est celle du droit au salaire réclamé. Les exemples d'application de ce volet donnés dans ce numéro ne se veulent manifestement pas exhaustifs. Ce deuxième volet tel que le décrit la Cour d'appel permet d'envisager de nombreux exemples, y compris ceux que j'ai mentionnés. De plus, je souligne qu'un exemple donné par la Cour d'appel constitue un litige concernant les conditions d'emploi, ce qu'est justement le cas en l'espèce, selon mon interprétation des faits.

[16]     Avant de conclure, je dois aborder deux autres points. Il se peut que cet appel soulève la question de la répartition des frais entre ceux payés pour le recouvrement du salaire et ceux payés pour l'obtention de dommages-intérêts pour renvoi injustifié, bien que l'intimée n'en ait pas fait mention. Bien qu'il s'agisse d'un motif suffisant pour que je ne m'y arrête pas, je constate que, d'après les sommes réclamées, les dommages-intérêts pour renvoi injustifié étaient symboliques par rapport aux sommes réclamées en salaires, de sorte qu'il ne semble guère approprié de procéder à une répartition proportionnelle des frais judiciaires. Les frais concernant l'action en recouvrement de salaires n'auraient pas été moindres si la réclamation pour renvoi injustifié n'avait pas été ajoutée. C'était une mince fraction des frais judiciaires et je suis d'avis qu'il n'est pas nécessaire, dans ces circonstances, de la comptabiliser séparément.

[17]     Enfin, je constate que la déduction offerte à l'alinéa 8(1)a) s'applique à une année particulière et se limite aux frais payés dans cette année-là. L'année faisant l'objet de l'appel est 2002. Je ne peux accorder les sommes payées au cours des années antérieures puisque ces années ne m'ont pas été soumises. En conséquence, l'appel peut seulement être et est seulement accueilli relativement aux frais payés en 2002. Toutefois, l'avocat de l'intimée a confirmé que l'Agence du revenu du Canada (ARC) réouvrait habituellement les dossiers des années antérieures pour autoriser la déduction des dépenses dans les années où elles ont été payées. J'espère que l'ARC fera tout ce qu'il faut en ce sens-là précisément. Il serait déraisonnable de penser qu'un contribuable, à qui il a été conseillé, conformément à des pratiques administratives reconnues, de ne pas déduire une dépense dans une année donnée puisque cette année-là serait réouverte au besoin, puisse se voir refuser la dépense parce que l'ARC n'a pas fait ce qu'il fallait pour autoriser la déduction dans l'année visée.

[18]     Pour et selon ces motifs, l'appel est admis avec dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2005.

« J.E. Hershfield »

Le juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2005.

Joanne Robert, traductrice




[1] Il ressort clairement de la réponse que celle-ci, de même que la cotisation et la confirmation reposent toutes principalement ou en partie sur l'hypothèse selon laquelle les frais judiciaires déduits n'ont pas été admis parce qu'ils n'ont pas été engagés dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, c.-à-d. l'hypothèse c). Cela laisse croire que la déduction n'était pas considérée comme une déduction au titre d'un emploi, ce qui donne à son tour à penser que l'intimée n'a pas accepté que l'appelant était un employé de la partie faisant l'objet d'une action pour salaires dus et renvoi injustifié. De telles conclusions, si logiques soient-elles, ne devraient pas avoir à être utilisées par l'intimée. Les hypothèses doivent être explicites et facilement compréhensibles si c'est à l'appelant qu'il doit incomber de les réfuter. Le point est dépourvu d'intérêt dans le présent litige étant donné que l'appelant s'est acquitté du fardeau de la preuve relativement à cette question.

[2] Au sens de l'article 248.

[3] [2004] A.C.F. no 1132 (C.A.F.)

[4] [2001] A.C.I. no 420

[5] Charles Rogers v. United Association of Journeymen et al.; action no 9801-1314, 29 avril 2002

[6] L'appelant a produit, comme pièce à l'audience, un affidavit de son avocat qui vient également confirmer la bonne foi avec laquelle l'action pour salaires a été intentée. Je n'ai pas exclu cet affidavit comme preuve, mais je note qu'il ne fait pas grand-chose de plus que confirmer mes constatations, qui n'en dépendent d'aucune façon. Les plaidoiries et les motifs du juge Brooker, de même que le témoignage de l'appelant, sont explicites. Pourtant, peu importe que la preuve de l'opinion de l'avocat n'ait pas été exigée et qu'elle se présente sous une forme moins fiable que ce qui est généralement accepté étant donné que l'avocat n'était pas disponible pour le contre-interrogatoire, il y a lieu, dans les affaires entendues sous le régime de la procédure informelle où l'appelant s'autoreprésente, de ne pas rejeter simplement une telle preuve admise, même si, en fin de compte, elle peut ne pas être invoquée ou ne pas être jugée importante ou pertinente. Les appelants doivent pouvoir se servir des règles de la procédure informelle, qui n'exigent pas une observation rigoureuse des règles en matière de preuve. Dans certains cas, une telle permissivité permettra de tenir compte de la fiabilité probable d'une preuve donnée par opposition à ce qu'il en coûterait pour déposer une meilleure preuve devant le tribunal.

[7] C.F.A., au numéro 8.

[8] Je signale ici que la pratique du Ministère sous le régime de la disposition modifiée ne semble pas avoir changé. L'avocat de l'intimée a reconnu que le ministre avait toujours l'habitude d'attendre qu'une décision soit rendue dans les poursuites de ce genre pour bien s'assurer que les prescriptions de cette disposition ont été respectées. Il a également confirmé que le ministère avait l'habitude de réouvrir des années pour s'assurer que les frais déductibles pouvaient être déduits dans l'année où ils avaient été payés conformément à cette disposition.

[9] [1996] A.C.I. no 943 (C.C.I.); [1997] A.C.F. no 562 (C.A.F.).

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