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Date: 20000928

Dossier: 1999-1143-IT-I

ENTRE :

MAX CHARLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant les années d'imposition 1993 et 1994. La question en litige est de savoir si pour les années en litige, l'appelant travaillait pour " Les Entreprises N. Giguère Enr. " à titre d'employé ou à titre de travailleur autonome.

[2]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") comme suit :

a)              la déclaration de revenus de l'appelant pour chacune des années d'imposition 1993 et 1994, devait être produite respectivement au plus tard le 30 avril 1994 et le 30 avril 1995 ;

b)             l'appelant n'avait pas produit de déclaration de revenus pour les années d'imposition 1993 et 1994 ;

c)              l'appelant ayant failli de produire ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1993 et 1994, le ministre, à partir de renseignements en sa possession, a fixé l'impôt payable, les intérêts et la pénalité pour production tardive à l'égard de chacune des dites années d'imposition ;

d)             l'appelant a soumis, dans le cadre des oppositions, des déclarations amendées de revenus à l'égard des années d'imposition 1993 et 1994 dans lesquelles il prétendait exploiter une entreprise à l'égard des services rendus principalement chez Normand Giguère exploitant sous la raison sociale de " Les Entreprises N. Giguère Enr. " ;

e)              l'appelant réclamait les dépenses suivantes à l'égard des années d'imposition en litige :

                                                                                                1993                        1994

i)               assurances                                                              850,00                      850,00

ii)              comptabilité                                                            250,00                      250,00

iii)             véhicule à moteur                                                5 490,00                   4 535,00

iv)            dépenses de bureau                                           1 140,00                   1 200,00

v)             entretien et réparations                                         410,00                      380,00

vi)            intérêts et frais bancaires                                        95,00

vii)           livraison et transport                                             295,00                      280,00

viii)          location d'équipement                                           583,00                      490,00

ix)             outillage et fournitures                                       1 790,00                   1 098,55

x)              taxes d'affaires                                                                                        390,00

xi)             frais de gestion                                                                                       115,00

xii)            téléphone et services publics                                                              120,00

xiii)           déduction pour amortissement                      2 332,50                                      

                                                                                            13 235,50                  9 708,55

f)              le ministre examina les conditions de travail de l'appelant chez " Les Entreprises N. Giguère Enr. " :

i)               l'appelant n'était pas habituellement obligé de travailler ailleurs qu'au lieu d'affaires du payeur,

ii)              l'appelant ne devait pas payer pour des frais engagés dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées,

iii)             l'appelant n'était pas tenu de louer un bureau hors du lieu du payeur ou d'utiliser une partie de son domicile,

iv)            l'appelant n'était pas tenu d'acheter les fournitures qui sont utilisées directement dans l'accomplissement de ses fonctions,

v)             lorsque l'appelant devait aller réparer des voitures dans un lieu autre que celui de la place d'affaires du payeur, il utilisait un véhicule du payeur.

[3]            L'appelant a admis les alinéas 7 a) à 7 e) de la Réponse.

[4]            En ce qui concerne l'énoncé du sous-alinéa 7 f)(i), l'appelant a dit qu'il lui arrivait de travailler ailleurs qu'au garage de l'entreprise dans les cas où il y avait des appels pour voitures en panne.

[5]            En ce qui concerne le sous-alinéa 7 f)(ii), l'appelant a dit qu'il devait fournir son coffre à outils. Il a aussi fait état que quelques fois, il lui est arrivé de prendre son propre véhicule pour se rendre dans des lieux où il devait faire des réparations.

[6]            En ce qui concerne l'énoncé concernant la dépense de bureau, il a soutenu que cela lui était nécessaire pour établir une fois par semaine la facture que l'entreprise lui demandait d'établir pour se faire payer à titre de travailleur autonome. Ces factures ont été produites comme pièce A-1. Les factures montraient au début un taux horaire 13 $ et à partir du 3 mai, un taux horaire de 14 $. La moyenne des heures travaillées par semaine est d'environ 46 heures. L'appelant a fait état que le nombre d'heures travaillées n'était pas toujours identique. Cela pouvait varier de quelques heures à une dizaine d'heures par semaine. Ceci est montré par le tableau récapitulatif de la facturation pour l'année 1993, qui a été déposé comme pièce A-2.

[7]            Les pièces I-1 et I-3 sont les déclarations de revenus établies par le Ministre pour les années 1993 et 1994. La rémunération totale pour l'année 1993 était de 30 031,50 $ provenant entièrement de " Les Entreprises N. Giguère Enr. " Pour l'année 1994, la rémunération fut de 4 520,30 $ provenant de " Les Entreprises N. Giguère Enr. " et de 6 160 $ provenant de " Les excavations Maurice Daoust Inc. "

[8]            Les pièces I-2 et I-4 sont les déclarations de revenus préparées à la suite de celles du Ministre, par le contribuable, pour les années 1993 et 1994. Dans ces déclarations de revenu, l'appelant se présente comme travailleur autonome et réclame les dépenses mentionnées à l'alinéa 6e) de la Réponse.

[9]            Monsieur Normand Giguère a témoigné pour l'intimée. Il a confirmé que l'appelant n'était pas obligé de travailler ailleurs qu'au garage, sauf dans les cas où il y avait des appels d'urgence. À ce moment, l'appelant utilisait le véhicule du garage. L'appelant n'avait aucun frais à payer, sauf à fournir son coffre d'outils bien que le garage ait fourni la majorité de l'outillage requis. Il a dit que si le travail était repris, il était repris aux frais du garage. L'appelant avait mentionné qu'il lui était arrivé quelques fois de ne pas inclure les heures faites s'il y avait eu nécessité de réparation d'un travail fait. La pièce I-5 est la déclaration des conditions de travail de l'appelant établies par l'employeur en date du 16 février 1998. La description des conditions de travail confirme les faits pris en compte par le Ministre et décrits dans la Réponse.

[10]          Le représentant de l'appelant a également mis en cause l'équité procédurale en regard de la vérification faite par les agents de l'assurance-emploi à l'égard de " Les Entreprises N. Giguère Enr. ". Cette entreprise avait comme politique de recruter ses travailleurs à titre de travailleurs autonomes. La preuve n'a pas révélé si les travailleurs signaient un contrat d'entreprise. Aucun contrat n'a été produit. Les agents de vérification de l'assurance-emploi ont déterminé que ces travailleurs étaient des employés. Ce à quoi, l'employeur a agréé.

[11]          Le relevé de compte du vérificateur a été déposé comme pièce A-3. Ce compte a été accepté par l'employeur. Il ne semble pas que le vérificateur ait rencontré les travailleurs. Monsieur Giguère a relaté à cet égard qu'il avait demandé aux travailleurs d'aller rencontrer les vérificateurs, mais que ces derniers n'y sont jamais allés.

Conclusion

[12]          Il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il s'agit d'un contrat d'emploi et non d'un contrat d'entreprise. L'appelant a travaillé tous les jours de la semaine, en moyenne 46 heures, pour la même personne. C'est ce qu'on appelle un emploi à plein temps. L'appelant n'avait aucun risque de perte, il était payé pour les heures travaillées. Il n'engageait pas lui-même ses aides. Il ne pouvait pas se faire remplacer. Il ne trouvait pas lui-même ses clients. Il n'y a vraiment aucun élément qui indique que l'appelant était dans une situation d'entreprise.

[13]          En ce qui concerne les déductions possibles relativement à un emploi, c'est l'article 8 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") qui les prévoit. La lecture de cet article nous informe que la seule déduction qui pourrait être applicable serait celle prévue par le sous-alinéa 8(1)i)(iii) qui se lit comme suit :

8(1)          Éléments déductibles — Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

...

                i)...

                ...

                (iii) coût de fournitures qui ont été consommées directement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi et que le contrat d'emploi du cadre ou de l'employé l'obligeait à fournir et payer.

...

[14]          L'appelant n'a toutefois pas fait état d'outils qui sont habituellement détruits par leur usage ou de matériel utilisé directement dans l'accomplissement de ses fonctions. Il ne s'est référé qu'au coût d'acquisition d'outils paraissant dans son état des dépenses cité au paragraphe 7e) de la Réponse, ci-dessus, sans expliquer de quels outils il s'agissait. Dans ces circonstances, il n'y a pas d'application de l'article 8 de la Loi.

[15]          En ce qui concerne l'argument concernant l'équité procédurale, le représentant de l'appelant soutient qu'avant d'en arriver à une entente ou une décision concernant le statut d'emploi assurable à l'égard des travailleurs de cette entreprise, le vérificateur aurait dû rencontrer ces derniers pour connaître leurs conditions de travail. Il suggère que, puisque la décision a été prise sans avoir rencontré les travailleurs, ceci les a empêché de pouvoir intervenir en temps et lieu utile et a brimé leurs droits.

[16]          Il me faut faire remarquer que la Loi de l'assurance-emploi prévoit un processus d'appel d'une décision du Ministre voulant qu'une personne soit dans une situation d'emploi assurable. C'est ce mode d'appel qu'il aurait fallu suivre si l'on n'était pas satisfait pour quelques raisons de la décision concernant l'emploi assurable. Je n'ai aucun droit de me prononcer sur une décision prise par le Ministre en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, alors que la cause d'appel devant moi est une cotisation établie par le Ministre en vertu de la Loi. C'est sur la validité de cette cotisation seulement que j'ai à me prononcer.

[17]          Le paragraphe 152(7) de la Loi prévoit que le Ministre n'est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable. Ce paragraphe se lit comme suit :

152(7)      Cotisation indépendante de la déclaration ou des renseignements fournis. Le ministre n'est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l'établissement d'une cotisation, il peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l'absence de déclaration, fixer l'impôt à payer en vertu de la présente partie.

[18]          Il y a des moyens de contestation prévus par la Loi, soit l'opposition auprès du Ministre et l'appel à cette Cour. L'appelant n'a pas soutenu qu'il avait été privé de ses moyens de contestation relativement à la cotisation.

[19]          Je suis donc d'avis que la cotisation du Ministre a été correctement établie, et selon la preuve, je ne peux que conclure que l'appelant était un employé et non un travailleur autonome.

[20]          Les appels sont en conséquence rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-1143(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Max Charland et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 28 juillet 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 28 septembre 2000

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelant :               Raymond Charland

Représentante de l'intimée :Annick Provencher (Stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-1143(IT)I

ENTRE :

MAX CHARLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 28 juillet 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Représentant de l'appelant :                 Raymond Charland

Représentante de l'intimée :                  Annick Provencher (Stagiaire en droit)

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "   

J.C.C.I.


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