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Date: 20000915

Dossiers :1999-4021-IT-I

ENTRE :

JEAN-ROCH MASSÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997.

[2]            Les questions en litige sont :

a)              l'appelant avait-il une expectative raisonnable de tirer un profit de la location d'immeubles, pour le condominium, au cours des années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997 ?

b)             Dans l'hypothèse où l'appelant avait une expectative raisonnable de tirer un profit de la location d'immeubles, pour le condominium, au cours des années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997, les revenus nets de location déclarés par l'appelant ont-ils été calculés correctement par ce dernier ?

[3]            Au soutien des nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a pris pour acquis les faits suivants :

a)              l'appelant a acquis, en mars 1992, un condominium en Floride;

b)             le condominium acquis était l'unité 161 de la bâtisse 28 situé au Waterside Village de Palm Beach;

c)              selon le contrat d'assurance effectif au 20 mars 1992, obtenu de l'appelant, le condominium a été assuré pour un montant de 77 990 $(US);

d)             à l'état des loyers de biens immeubles (Waterside Village Floride) pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 (l'état de 1997 n'étant pas disponible au ministre, l'appelant ayant produit une déclaration électronique), un montant de 106 250 $ pour l'immeuble et de 13 161 $ pour les meubles sont indiqués au 31 décembre à titre de fraction non amortie du coût en capital;

e)              afin de financer l'acquisition de son condominium en Floride, l'appelant a déclaré avoir ré-hypothéqué sa résidence personnelle à Ste-Foy, et effectué un emprunt personnel;

f)              les sommes empruntées pour faire l'acquisition du condominium en Floride ont été estimées à 88 900 $;

g)             pour les années d'imposition 1993 à 1997 inclusivement, l'appelant a déclaré les revenus bruts et nets de location suivant ;

                Années                   Revenu brut                                           Perte nette

                1993                                         5 250                                                        (11 654)

                1994                                         2 926                                                        (10 719)

                1995                                         5 192                                                        (10 793)

                1996                                         3 719                                                        (9 812)

                1997                                         4 232                                                        (6 972)

h)             pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, les revenus bruts de location déclarés étaient inférieurs au montant des intérêts qui étaient de 8 340 $ en 1994, 8 001 $ en 1995 et de 7 603 $ en 1996;

i)               selon des informations obtenues de l'appelant, le condominium a été loué 4 semaines en 1993, 4 semaines en 1994, 5 semaines en 1995, 4 semaines en 1996 et 4 semaines en 1997;

j)               pour l'année d'imposition 1996 de l'appelant, celui-ci a mentionné avoir déclaré un revenu de location provenant de lui-même pour deux des quatre semaines en location;

k)              l'appelant a déclaré avoir utilisé son condominium à des fins personnelles durant deux semaines et ce, pour chacune des années en litige;

l)               concernant le condominium, aucune déduction pour usage personnel n'a été faite par l'appelant aux états de loyer de bien immeubles soumis par celui-ci pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996;

m)             l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées relativement au condominium pour les années d'imposition en litige, ont été engagées par ce dernier en vue d'un profit dans une expectative raisonnable de profit;

n)             le 27 avril 1998, l'appelant a signé le formulaire T-2029 intitulé " RENONCIATION À L'APPLICATION DE LA PÉRIODE NORMALE DE NOUVELLE COTISATION " pour l'année d'imposition 1994, relativement à ses revenus et dépenses de location;

o)             le ministre a émis des nouvelles cotisations à l'appelant refusant les pertes de location réclamées par ce dernier relativement au condominium situé en Floride pour les années d'imposition en litige.

[4]            L'appelant a admis tous les faits sur lesquels l'intimée s'est appuyée, à l'exception des sous-paragraphs d), l) et m).

[5]            La preuve a révélé que l'appelant était un homme d'affaires avisé, méthodique et méticuleux pour l'administration de sa compagnie. D'ailleurs, ses représentations devant le Tribunal furent articulées et soutenues par des graphiques très bien faits.

[6]            L'appelant a fait l'acquisition d'un condominium (" condo ") en Floride, lequel faisait partie d'un immense complexe construit par une importante compagnie du Québec à savoir le " Groupe Pomerleau ". L'achat s'est effectué en mars 1992.

[7]            Au moment de l'acquisition, le promoteur immobilier faisait valoir à tous les intéressés, dont l'appelant, qu'un service de location était disponible pour louer l'unité acquise si l'acheteur le désirait. L'appelant a indiqué que le projet lui était apparu très intéressant, du fait qu'il pouvait espérer des revenus relativement satisfaisants, à court terme, de l'ordre de 11 000 $ US par année.

[8]            Sur cette seule base, n'ayant fait aucune recherche dans le but de vérifier le réalisme de la possibilité de tels revenus, l'appelant a investi. Il s'est vite rendu compte que la situation n'était pas aussi simple et prometteuse. De fait, il a constaté que la personne responsable de la location, une ancienne directrice d'un hôtel floridien, était peu dynamique et peu enthousiaste pour la location des unités de condo déjà vendus.

[9]            Après son acquisition en mars 1992 et après avoir constaté que les revenus étaient très décevants, l'appelant décida, près de trois ans plus tard, de mandater en 1995 une voisine, une dame Rioux, elle-même propriétaire d'un condo sur le même site, pour s'occuper de la location de son unité. Il a reconnu que les initiatives de sa voisine visaient d'abord la location du condo de cette dernière et qu'il profitait des locataires qu'elle ne pouvait pas accommoder. Selon l'appelant, la formule était fort intéressante, ayant au surplus l'avantage de ne pas être onéreuse.

[10]          L'appelant n'a pas été en mesure d'indiquer ou décrire les démarches effectuées par cette dame pour louer son condo, si ce n'est qu'il croyait qu'elle faisait paraître de petites annonces à différents endroits.

[11]          L'appelant a aussi soutenu qu'à la suite du mandat confié à sa voisine, les choses s'étaient considérablement améliorées.

[12]          Dans les faits, tel qu'admis au sous-paragraph i), le condo a été loué quatre semaines en 1993, quatre semaines en 1994, cinq semaines en 1995, quatre semaines en 1996 et quatre semaines en 1997. Le prix de location avait été fixé à 550 $ par semaine durant la haute saison, de la période des fêtes en décembre jusqu'à la fin mars. En basse saison, la balance de l'année, le prix du loyer était de 350 $ par semaine.

[13]          Pour les années en litige, l'appelant a reçu des revenus de location de 2 926 $ en 1994, 5 192 $ en 1995, 3 719 $ en 1996 et 4 232 $ en 1997. Ces revenus incluaient le montant du loyer qu'il se facturait lui-même pour l'occupation personnelle.

[14]          De ces faits, essentiellement mathématiques et qui ne prêtent à aucune interprétation, il est difficile de comprendre et surtout constater en quoi et comment la situation s'est améliorée suite au mandat confié à madame Rioux.

[15]          L'analyse des revenus a aussi permis de constater que les prix de location n'étaient pas fermes et que l'appelant avait été accommodant avec certains locataires. Explication : " Mieux valait réduire le loyer et louer plutôt que de ne pas louer ".

[16]          La preuve a aussi révélé que la majorité des locataires avait été, soit des amis de l'appelant, soit des relations d'affaires, soit lui-même avec sa famille. Très peu d'inconnus ou de tiers ont occupé le condo de l'appelant, au cours des années en litige, ce qui contredit également son appréciation d'efficacité des services de madame Rioux.

[17]          Pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, les revenus bruts de location étaient inférieurs au montant des intérêts qui étaient de 8 340 $ en 1994, 8 001 $ en 1995 et de 7 603 $ en 1996. Après 1996, sans doute à la suite de la vérification de son dossier, le montant des intérêts a chuté, l'appelant ayant réduit le montant de l'hypothèque.

[18]          Les principaux faits révélés par la preuve avaient d'ailleurs été communiqués à l'intimée, lors d'un questionnaire complété par l'appelant. Il y a lieu de le reproduire :

Questionnaire

1.              Veuillez nous soumettre le contrat d'achat de l'immeuble précité

                Vous trouverez en annexe à ce présent questionnaire, une photocopie de la documentation américaine, relative au contrat d'achat de mon condominium à Waterside.

                Description de l'unité louée (par ex. duplex, appartement au sous-sol, chalet, etc.)

                Il s'agit d'un condominium.

                Superficie de l'unité louée :

                Environ 1040 pieds carrés.

                L'âge de la propriété, à l'achat :

                Le condominium était entièrement neuf lors de l'achat.

                Nombre de pièces louées (s'il y a lieu) :

                Il s'agit d'un condominium de cinq pièces et demie, entièrement disponible à la location.

                Nombre et nature des services fournis :

                Le condominium comprend toutes les commodités que l'on retrouve habituellement dans une résidence condominiale, et il y a accès à la télévision canadienne et à tous les services habituels qu'ont les propriétaires sur le site de Waterside Village (comme une salle communautaire, deux piscines, des surfaces de jeux comme le tennis, un service d'accueil..).

                Si vous louez une partie de votre résidence personnelle, veuillez répartir la superficie de celle-ci en fonction du nombre de pieds carrés de la partie louée et celle que vous occupez :

                Ce condominium est entièrement occupé par le locataire, lorsqu'il est loué.

                Si une résidence principale a été convertie en bien locatif, indiquez la juste valeur marchande du bien, au moment de la conversion :

                Cette résidence floridienne a toujours été entièrement un bien immeuble destiné à la location.

2.              Dans quel but le bien a-t-il été acheté à l'origine ?

                Le but initial et ultime de cet achat de condominium en Floride, a été et demeure toujours la location.

                À l'achat, le vendeur m'avait même dit que je pourrais en retirer un revenu annuel de location de 10 000 $ à 11 000 $, juste en utilisant les services existants sur place.

3.              À quel moment avez-vous commencé à louer le bien ? Veuillez indiquer le mois et l'année.

                Le condominium a été rendu disponible à la location dès le début.

4.              Quelles ententes de financement ont été prises afin de louer le bien ?

                Il n'y eut aucune entente de financement, autre que celle de payer entièrement le coût de location dès le moment où il y a entente de location.

                Veuillez nous soumettre le contrat d'emprunt ainsi que les confirmations des intérêts déduits[1] contre votre revenu de location, pour :

                1994 :                     8340 $

                1995 :                     8001 $

                1996 :                     7603 $

                Il y a deux contrats d'emprunts d'argent pour le financement de ce condominium :

·          Un premier contrat hypothécaire a eu lieu sur mon condominium à Sainte-Foy, pour financer le condominium de Floride.

La raison est qu'une institution prêteuse canadienne ne peut pas prêter pour un financement hypothécaire, d'un immeuble situé à l'étranger.

·          Un deuxième contrat de financement pour le solde, eut lieu par un prêt investissement, à la même caisse populaire à l'origine.

                                En annexe au présent questionnaire, vous trouverez les deux documents à cet effet.

                                Je vous prie de noter que ces financement, ne sont maintenant plus à la caisse populaire Laurier, mais à celle de Sainte-Foy.

                                Quant à la confirmation des intérêts à cet effet, vous trouverez également une documentation de référence en annexe au présent formulaire.

                        5.      Quelles améliorations ont été apportées au bien afin d'en faciliter la location ?

                                Soyez précis quant au genre de réparations ou d'améliorations apportées à l'unité de location dont il est question. Y indiquer les coûts et les années en cause.

                                Dans un premier temps, il y eut à l'origine, ameublement complet avec le maximum de facilités pratiques et de confort pour les locataires : articles multiples de cuisine, de blanchisserie, de serviettes, de draps, de toilette..

                                Finalement, en 1996, il y eut peinture de tous les murs et plafonds.

                        6.      Sur une base mensuelle, s'il y a lieu, fournissez les détails suivants pour les années d'imposition : 1993 à 1997 incl.

                        ANNÉE           MONTANT DE                   NOM DU                               LIEU DU

                                                                LOYERS                  LOCATAIRE                         LOCATAIRE

                                                                                                                                                                AVEC VOUS

                                                                                                                                                                (Parent,Ami...)

                   1992[2]     1100,00$ US - 2 sem                             M. Denis Malépart                Aucune relation

                                                1100,00$ US - 2 sem                             M. André Breton Aucune relation

                   1994      1400,00$ Can - 2 sem                            Béco Inc.                                Relations d'affaires

                                                                                                                                                                M. Yvan Leblanc

                                                1526,00$ Can - 2 sem                            (Le bail est inexistant)          Aucune relation

                   1995      1400,00$ Can - 2 sem           Béco Inc.                                                Relations d'affaires

                                                                                                                                                                M. Gilles Huard

                                                2169,00$ Can - 3 sem                            (Le bail est inexistant)          Aucune relation

                   1996      1400,00$ Can - 2 sem                            Béco Inc.                                Relations d'affaires

                                                                                                                                                                M. Yvan Leblanc

                                                1054,00$ Can - 2 sem                            M Jean-Roch Massé[3]           N/A

                   1997      1350,00$ US - 2 sem                             M. Jn-Philippe Jacquet         Aucune relation

                                                1100,00$ US - 2 sem                             M. William                              Aucune relation

                   1998[4]     1600,00$ US - 4 sem                             M. Benoît Boivin Aucune relation

                                                785,00$ US - 1.5 sem                            Béco Inc.                                Relation d'affaires

                                                                                                                                                                M. Yvan Leblanc

                                                1600,00$ US[5] - 4 sem                            M. Jean-Guy Caron               un Ami

                                                350,00$ US[6] - 1 sem                              M. Daniel Morin ca               Comptable de mon

                                                                                                                                                                entreprise, Béco Inc.

                                Veuillez nous soumettre les baux concernés.

                                Vous trouverez en annexe, les seuls baux faits pour ces locations, sauf lorsque c'était mon entreprise qui louait directement mon condominium pour ses relations d'affaires (À ce moment-là , elle me payait directement).

7.              De quelle façon établissez-vous le coût de location pour chaque unité ?

                                par ex., par des comparaisons avec le marché, en vue d'attirer un genre précis de locataire, etc.)

                                Pour moi, le seul élément qui guide la détermination des coûts de location au village Waterside, est la politique de l'association des copropriétaires. Cette politique est à l'effet qu'en haute saison le coût hebdomadaire visé est de 550 $ par semaine et en basse saison ce coût est de 350 $. Quelqu'un peut louer quelque peu en bas de ce tarif, mais cela ne doit pas être la règle.

8.              Si, pendant une période donnée de temps, l'unité n'était pas louée, indiquer si elle était disponible pour location. Sinon, en expliquer les raisons.

                                Mon condominium a toujours été disponible pour location.

9.              Si l'unité était disponible pour location, quels efforts avez-vous faits pour trouver des locataires ? Décrivez de façon précise la publicité que vous avez faite, en fournissant les documents à l'appui pour les annonces placées, les agences de location utilisées etc.

                                Jusqu'à récemment la responsabilité de location de mon condominium en Floride a toujours été aux mains de Mme Nicole Côté, qui était lors de mon achat, responsable de l'administration du village Waterside et de la location. La copropriété favorisait et favorise toujours la location directe au bureau de l'association en Floride.

                                Rien n'empêche cependant un propriétaire de faire lui-même ses annonces et d'en faire un suivi. Cependant, comme je suis consultant dans le développement de systèmes et que j'ai une entreprise (tout mon temps doit être consacré à la gestion de mes activités d'affaires à Québec même), c'est pour cette raison que j'ai confié à Mme Côté le mandat verbal d'assurer la location de mon condominium en Floride.

                                Par contre, récemment j'ai décidé de procéder autrement, car j'avais la conviction qu'il pouvait être davantage loué. J'ai en conséquence confié à une amie à Québec avant la Noël 1997, qui possède aussi un condominium en Floride et qui le loue au moyen d'annonces dans les journaux, la responsabilité de louer le mien moyennant une commission de 10% sur le revenu brut.

                                Elle accepta ce marché et déjà, elle m'a trouvé deux locations et n'eut été d'un ami qui me réserva un mois, déplaça son séjour à cause du verglas, pour finalement le reporter à l'automne prochain, j'en aurais eut avec elle un autre d'un mois.

                                Je suis enfin bien content maintenant, car cette dame intervient de façon très rigoureuse, avec des fiches de suivi, des modèles de contrats, de la documentation d'instructions pour les locataires, reçoit ces locataires avant de procéder à la location (afin de s'assurer qu'ils sont convenables) etc..

10.           Le bien est-il loué en ce moment ? Sinon, veuillez expliquer. Si le bien a été vendu, veuillez nous en soumettre le contrat de vente.

                                Le bien est loué actuellement et n'a pas été vendu, car je suis maintenant davantage convaincu que la personne que j'ai mandatée pour sa location, sera plus efficace que la première.

11.           Le bien locatif, autre que votre résidence personnelle, est-il utilisé par vous-même, par des membres de votre famille ou par des amis à des fins récréatives ou pour des vacances ? Si oui, exigez-vous des frais de location et quel en est le montant ?

                                Mon condominium de Floride n'est utilisé sans rémunération que par moi, pour des fins de visites de propriétaire, dans une période creuse pour la location et où c'est certain qu'il est encore plus difficile de le louer (basse saison).

                                Cependant, il est arrivé que mon entreprise le loue avec rémunération en prévision de rendre service à sa clientèle.

12.           Veuillez nous soumettre l'état des revenus et dépenses pour l'année 1997, si disponible.

                                Cet état des revenus et dépenses n'est pas disponible actuellement. Il le sera à la fin du mois d'avril actuel et transmis à votre ministère.

13.           Décrivez en détail les raisons des pertes locatives subies dans les années 1993 1996 incl. Quelles mesures avez-vous prises afin de réduire les dépenses ou d'accroître les revenus ?

                                L'une des raisons était que je m'attendais à plus de la personne responsable de la location, qu'on m'avait présentée comme compétente en ce domaine lors de l'achat de mon condominium en Floride.

                                Cependant, plusieurs facteurs déterminants et catastrophiques pour la location en Floride, pour les petites gens qui n'ont pas les réseaux du Hilton, du Holiday Inn et autres, se présentèrent rapidement.

                                Il faut se rappeler à ce sujet, les assassinats de touristes qui eurent lieu durant plus d'une année et qui firent chuter la venue de touristes en Floride.

                                De plus et surtout, il faut penser à la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain, qui chuta davantage quelques temps après l'acquisition de mon condominium en Floride.

                                Je me rappelle à cet effet, que dès la finalisation de ma promesse d'achat avec la signature du contrat, j'ai eu en une semaine une somme de 5 000 $ excédant mes prévisions à débourser, justement à cause du taux de change.

                                Actuellement, les choses ne se sont pas améliorées à ce titre, elles sont pires. Ce taux dépasse même les 40% pour l'acquisition d'argent américain.

                                Quant aux mesures maintenant prises, il n'est pas nécessaire de mentionner que je n'y peux rien pour le taux de change. Il me faut aussi demeurer dans les paramètres suggérés par l'association des propriétaires pour le prix hebdomadaire de location (350 $ US en basse saison et 550 $ US en haute saison). Il y a quelques baisses de prix compensatoires pour le taux de change, mais ils ne peuvent pas être exagérées, car cela risquerait trop d'amener une clientèle indésirable et ses conséquences sur le site.

                                La mesure déterminante que j'ai prise, se résume à avoir confier la responsabilité de location de mon condominium à cette amie que j'ai maintenant et qui en possède un sur le même site. Elle a le temps de s'occuper pleinement de son condominium et obtient du succès. Cela débuta l'automne dernier et pour elle, s'occuper de la location de mon condominium ne nécessite pas plus de frais et d'activités que celles de la seule location de son condominium.

14.           Décrivez votre expérience de location, antérieure à l'achat de l'immeuble qui nous concerne.

                                Je n'avais et je n'ai toujours pas beaucoup d'expérience en ce domaine. Je crois que c'est le cas pour la majorité des propriétaires de condominium qui loue, sur le site de Waterside Village. Cependant, j'ai déjà été copropriétaire d'un hôtel / motels à Québec.

                                De plus, mes activités de consultant en développement de systèmes de gestion et d'administration de mon entreprise, prennent le maximum de mon temps et je dois par conséquence me référer à quelqu'un d'autre pour cela.

15.           Combien de temps consacrez-vous par jour/semaine/mois au bien locatif. Quelle tâche précise accomplissez-vous vous-même (par exemple : entretien, perception des loyers, choix des locataires, etc. ?)

                                Les seules tâches que j'accomplis moi-même, sont de type entretien lorsque j'y vais en visite comme propriétaire, faire de la peinture comme en 1996. Je m'occupe de la perception des revenus, de l'administration des dépenses et des communications avec celle qui fait les locations pour moi. Finalement, je sollicite quelques connaissances pour le louer.

                                À savoir combien de temps que tout cela représente sur une base annuelle, c'est très difficile à évaluer. J'estimerais cela entre 75 à 100 heures par année.

16.           Décrivez votre plan de rentabilisation, lorsque vous avez commencé à louer votre immeuble; annexez les documents concernés, s'il y a lieu.

                                Je n'en avais aucun, si ce n'est de faire confiance à l'infrastructure de vente en place au Waterside Village. Bref, j'estimais que ce n'était pas nécessaire pour une si petite affaire, il ne s'agissait que d'un condominium et on d'un complexe de condominiums.

17.           Décrivez votre plan de rentabilisation actuel pour que votre activité devienne enfin productive de revenus nets; annexez les documents concernés s'il y a lieu.

                                Que mon condominium de Floride devienne productif de revenus nets, je l'espère fortement.

                                Je crois quand même, que pour y arriver, il n'est pas nécessaire de faire autre chose que d'utiliser les services de quelqu'un qui loue déjà son propre condominium sur le même site. Cela me coûtera déjà 10% des revenus bruts, qu'il générera (une amie propriétaire, ci-haut mentionnée)

                                J'ai à faire un choix, mon entreprise au Québec avec des employé(e)s ou des activités de location à plus grande échelle. Le choix que j'ai fait sera moins onéreux et me rapportera davantage, en considérant qu'il faut également gérer mon entreprise, laquelle nécessite beaucoup de temps.

[19]          Pour déterminer s'il existe une expectative raisonnable de tirer un profit de la location d'un condo, il est essentiel que le propriétaire puisse démontrer qu'il avait un plan d'affaires permettant d'espérer de façon réaliste et raisonnable des revenus valables, tenant compte de tous les éléments reliés à l'investissement.

[20]          Sur cette importante et fondamentale question, l'appelant a essentiellement indiqué que le promoteur immobilier lui avait laissé voir la possibilité de revenus pouvant se situer aux environs de 11 000 $ par année, ce qui, selon l'appelant, constituait une entreprise rentable.

[21]          Or, l'appelant a attendu plus de deux ans, avant de constater que le service de location offert par le promoteur du projet était inefficace, inadéquat et ne donnait aucun résultat. Il a alors décidé de s'en remettre à madame Rioux, une voisine qui n'a guère été plus active, si l'on évalue les résultats obtenus.

[22]          Peut-on conclure à partir des faits soumis en preuve que l'appelant, un homme d'affaires avisé et structuré, avait mis en place un projet sérieux dont le but ultime était d'en faire une opération rentable ? Si tel était le cas la preuve ne l'a pas démontré.

[23]          Au contraire, la prépondérance de la preuve a plutôt établi que l'appelant était certes intéressé à ce que l'affaire devienne viable, mais que les initiatives et efforts pour ce faire avaient été plus que marginaux. Je crois que la préoccupation première de l'appelant était beaucoup plus axée sur son mieux-être personnel généré par une propriété en Floride que la ferme et arrêtée intention d'en tirer un profit.

[24]          Si le projet avait été réalisé dans un but véritable de profit, l'appelant aurait certainement pu et dû faire la démonstration qu'il avait vraiment tout mis en place pour s'assurer des revenus supérieurs à ceux qu'il a touchés. Il existe une multitude de moyens disponibles pour louer un condo en Floride. Tout ce que l'appelant a cru bon faire a été de s'en remettre au promoteur qui avait sans doute lui-même des dizaines d'autres unités à louer et, dans un deuxième temps, à une voisine qui elle-même était locataire d'un condo semblable.

[25]          L'appelant est sans doute parti du principe que son investissement serait théoriquement profitable sur le plan fiscal; mais il n'a pas compris que les faits réels devaient soutenir la théorie. La mise en place d'une véritable entreprise dont l'objectif principal est de faire des profits, doit être précédé d'un plan d'affaires objectivement réaliste et raisonnable assujetti à des démarches sérieuses et appropriées.

[26]          Pour constituer une source de revenus, un contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. Dans l'optique où il n'y a pas d'espoir raisonnable de profit, il n'y a alors aucune source de revenus et aucune base permettant au contribuable de calculer une perte locative, s'il s'agit d'un condominium.

[27]          Il a été admis que le montant des intérêts était supérieur aux revenus bruts pour les années 1994, 1995 et 1996 (Sous-paragraph h) de la Réponse). Il s'agit là d'un élément déterminant sur lequel l'honorable juge Robertson de la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Mohammad c. La Reine, [1998] 1 C.F. 165, 97 DTC 5503 p. 173 s'exprimait comme suit :

                ...

                ...Trop fréquemment, le montant des intérêts annuels payables sur le prêt dépasse de beaucoup les revenus de location auxquels on pouvait raisonnablement s'attendre. Cela est vrai, même en faisant abstraction des baisses imprévues du marché locatif ou de la survenance d'autres événements qui ont des répercussions négatives sur la rentabilité de l'activité locative, par exemple, les frais d'entretien et de réparation et des dépenses autres qu'en capital. Dans bon nombre de cas, la composante intérêts est si importante qu'une perte locative est enregistrée avant même que d'autres dépenses locatives autorisées soient prises en compte dans l'état des résultats. Les faits sont tels qu'il n'est pas nécessaire d'avoir l'expérience d'un analyste du marché immobilier pour comprendre qu'un bénéfice ne peut être réalisé tant que les frais d'intérêts ne sont pas réduits en remboursant le principal du prêt. Autrement dit, il y a des cas où le contribuable n'est pas en mesure de respecter à première vue la doctrine de l'expectative raisonnable de profit. Il ne s'agit pas de cas où l'on demande à la Cour de l'impôt de faire des conjectures sur le sens des affaires d'un contribuable dont l'entreprise commerciale ou l'investissement se révèle moins rentable que prévu. Ce sont plutôt des cas où, dès le départ, les contribuables savent qu'ils subiront une perte et qu'ils devront compter sur d'autres sources de revenu pour payer la dette relative à l'immeuble en location.

...

[28]          Certes, l'appelant a réduit la dette hypothécaire et par voie de conséquence le montant des intérêts, mais il semble que l'intervention de Revenu Canada ne soit pas étrangère à ce revirement. Dans un deuxième temps, il n'y a eu aucun changement de cap quant aux énergies consacrées pour augmenter les revenus et ce, bien que les pertes aient été importantes.

[29]          L'appelant n'a consulté personne et n'a fait aucun plan d'affaires ou plan de relance. Il a laissé aller les choses et continué de faire confiance à une formule qui, après plusieurs années, n'a donné que des résultats plus que décevants.

[30]          L'avantage fiscal étant présent, l'appelant n'a pas cru bon de réviser le cheminement de son dossier par une remise en question ou la considération de d'autres moyens pour augmenter les revenus prétendant que son entreprise occupait toute sa disponibilité.

[31]          En outre, il ne s'agissait pas d'une activité purement commerciale; l'acquisition du condo constituait une véritable source d'avantages personnels pour l'appelant. D'ailleurs, une partie des revenus provenait de son utilisation personnelle et celle de sa famille.

[32]          Il est normal pour toute entreprise de connaître des débuts difficiles et de subir des pertes les premières années, le temps de faire certains ajustements et de bien situer le projet. Cela sous-entend cependant que le tout a été réalisé suivant un plan d'affaires sérieux et objectif où tant les dépenses que les revenus sont évalués régulièrement. Il n'est pas essentiel que la matérialisation d'un projet soit totalement conforme au plan initial. Plusieurs imprévus peuvent survenir lesquels commandent toutefois des réactions, une remise en question ou la prise en considération de correctifs.

[33]          En l'espèce, l'appelant a investi dans un projet de toute évidence embelli par le vendeur, sans vérifier au préalable si les représentations étaient raisonnables et réalistes. Il a financé le projet de façon à ce que les pertes soient importantes. Finalement, il a confié la location de son condo à des personnes qui manifestement n'avaient pas l'intérêt, l'expertise et la volonté réelle de maximiser les revenus, un volet pourtant fondamental.

[34]          Il y a donc lieu de croire que la considération principale de l'appelant n'était pas la recherche de profit à tout prix mais plutôt l'avantage personnel de posséder un condo en Floride, dont une partie des coûts serait assumée par l'État.

[35]          L'ensemble de la preuve a démontré que la recherche de profit n'avait pas été, au cours des années en litige, l'ultime but recherché; les faits et gestes de l'appelant ont démontré que la notion de profit n'avait fait l'objet d'aucune priorité.

[36]          Compte tenu de la prépondérance de la preuve et des critères retenus par la jurisprudence, je conclus qu'en 1994, 1995, 1996 et 1997, l'appelant n'avait pas d'expectative raisonnable de profit suite à son acquisition d'un condo en Floride en 1992.

[37]          Conséquemment, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 15e jour de septembre 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-4021(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Jean-Roch Massé et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 18 juillet 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 15 septembre 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                    L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :          Me Valérie Tardif

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-4021(IT)I

ENTRE :

JEAN-ROCH MASSÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 18 juillet 2000, à Québec (Québec), par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Valérie Tardif

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.




[1] Vous remarquerez que les intérêts déduits pour fins d'impôts sont inférieurs aux intérêts réels, figurant sur les avis émis par l'institution prêteuse. la raison en est qu'un solde hypothécaire sur ma résidence à Sainte-Foy, existait à l'époque et que le comptable utilisait seulement la partie d'intérêts qui concernait le financement du condominium de Floride.

[2] Je vous remets ici, les seuls baux que j'ai.

[3] Comme l'année 1996 fut encore creuse malheureusement, le comptable me suggéra que je me déclare deux revenus de location pour deux semaines chacun, provenant de moi-même, bref, il s'agissait de payer mes deux séjours (Tous les deux en basse saison, même si le coût d'un de ces séjours figure comme si c'était en haute saison). Cela, en plus des revenus de location provenant de ma propre entreprise Béco Inc.

[4] J'ai décidé d'ajouter l'année 1998, afin de montrer qu'il y a enfin progression vers la rentabilité, avec le changement apporté au niveau de la responsabilité de location. De plus, avec la diminution annuelle du coût de financement, cela aidera aussi à ce que ce condominium devienne bientôt rentable.

[5] Il s'agit d'une réservation de quatre semaines pour l'automne 1998. Cette location devait avoir lieu en janvier 1998. Elle fut remise à cause du verglas.

[6] Il s'agit d'une réservation pour une semaine à la fin du mois de juillet 1998.

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