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Date: 20010628

Dossier: 2000-2265-IT-I

ENTRE :

JAMES K. SCOTT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Hershfield, C.C.I.

Faits

[1]            Le présent appel sous le régime de la procédure informelle est interjeté à l'encontre d'une nouvelle cotisation refusant la déduction pour 1997 de paiements de pension alimentaire que l'appelant a faits cette année-là à Catherine Anne Stenger Mass.

[2]            Les faits de l'espèce ne sont pas en litige. Le stagiaire représentant l'intimée a convenu des faits suivants attestés par l'appelant :

a)              l'appelant est le père naturel de Jesse Angus Scott Mass et Mme Mass est la mère de Jesse;

b)                   en 1990, lorsque Jesse est né, l'appelant vivait avec Mme Mass en union conjugale. La nature et la durée d'une telle cohabitation feraient que, si le sens élargi de " conjoint " donné au paragraphe 252(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") s'appliquait, Mme Mass serait considérée comme ayant été la conjointe de l'appelant à ce moment et pendant une période se terminant en 1992, lorsque la cohabitation a cessé;

c)              conformément à un accord écrit en matière de garde conclu entre Mme Mass et l'appelant, ce dernier a consenti à payer, à partir de mai 1992, une pension à Mme Mass pour subvenir aux besoins de cette dernière et de Jesse;

d)             les paiements de pension alimentaire sont effectués depuis mai 1992, l'appelant acceptant de bon gré ses obligations morales et juridiques de subvenir aux besoins de ces personnes. Bien qu'il s'agisse de ouï-dire, un élément de preuve, à l'égard duquel on n'a formulé aucune objection (sauf quant à la pertinence), indique que Mme Mass a fait état de paiements de pension alimentaire dans ses déclarations de revenu pour chaque année au cours de laquelle elle a reçu de tels paiements, y compris 1997;

e)              les paiements de pension alimentaire pour 1997, d'un montant de 7 900 $, ont été faits à Mme Mass conformément à l'accord écrit en matière de garde;

f)              toutes les conditions de la Loi pour la déduction de la somme de 7 900 $ étaient réunies, sauf celle qui est en litige en l'espèce, à savoir si, en 1997, Mme Mass était l'ancienne conjointe de l'appelant aux fins de l'alinéa 60b) de la Loi. Dans l'affirmative, l'intimée reconnaît que la déduction est permise et que l'appel devrait être admis.

[3]            La condition selon laquelle Mme Mass devait être l'ancienne conjointe de l'appelant est énoncée à l'alinéa 60b) de la Loi, ainsi que dans la définition de " pension alimentaire " qui figure au paragraphe 56.1(4). L'alinéa 60b) prévoit une formule indiquant le montant déductible. Il inclut une " pension alimentaire " et réduit cette inclusion dans des circonstances non applicables en l'espèce. Ainsi, le paiement serait déductible en vertu de l'alinéa 60b) s'il s'agissait d'une " pension alimentaire " au sens du paragraphe 56.1(4).

[4]            La définition de " pension alimentaire " figurant au paragraphe 56.1(4) se lit comme suit :

" pension alimentaire " Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)       le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)     le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[5]            L'alinéa b) de la définition de " pension alimentaire " permettrait la déduction demandée si l'appelant avait une ordonnance. Comme l'appelant n'a pas d'ordonnance, le paiement doit, pour être déductible, entrer dans le cadre de l'alinéa a) de la définition de " pension alimentaire ". Comme je l'ai dit, dans le cas de la condition énoncée à l'alinéa a), il s'agit de savoir si la bénéficiaire, Mme Mass, était l'ancienne conjointe du payeur, l'appelant. Le fait que l'appelant n'était pas légalement marié à Mme Mass m'amène à examiner la définition élargie de " conjoint " figurant dans la Loi.

[6]            La définition élargie de " conjoint " figure au paragraphe 252(4) de la Loi tel qu'il se lisait en 1997, soit :

a) les mots se rapportant au conjoint d'un contribuable à un moment donné [l'italique est de moi] visent également la personne de sexe opposé qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et a vécu ainsi durant une période de douze mois se terminant avant ce moment ou qui, à ce moment, vit avec le contribuable en union conjugale et est le père ou la mère d'un enfant dont le contribuable est le père ou la mère, autrement que par l'effet du sous-alinéa (2)a)(iii) [...].

[7]            Ce paragraphe, ajouté en 1994, est applicable après 1992. Autrement dit, en vertu de la règle transitoire, ce sens élargi de " conjoint " doit être considéré comme faisant partie de la Loi au 1er janvier 1993. Comme la Loi est considérée en l'espèce par rapport à l'année 1997 (l'année du paiement), la définition élargie de " conjoint " s'applique indiscutablement. Comme la définition élargie de " conjoint " s'applique, elle doit être appliquée conformément à ses termes, lesquels exigent l'examen de la relation en cause (pour déterminer s'il s'agit d'une union conjugale) à un moment (c'est-à-dire " à un moment donné ", ce qui inclut un moment antérieur au 1er janvier) auquel la relation doit être déterminée, soit le moment auquel la mention d'un conjoint est examinée en vertu de la Loi. Comme le contexte ici détermine une " ancienne " relation (un ancien conjoint), le moment de la détermination de la relation sera presque invariablement antérieur à l'année en question. Par exemple, une cohabitation conjugale commençant en 1995 et se terminant en 1996 sera reconnue en 1997 comme établissant l'existence d'anciens conjoints[1]. Autrement dit, pour déterminer si une personne est un ancien conjoint, la définition élargie doit être rétrospective. La définition élargie n'impose aucune limite quant à savoir jusqu'où regarder en arrière. Au contraire, elle indique qu'on peut en fait regarder ce qu'il en était " à un moment donné ". La définition élargie s'applique " à un moment donné " où la relation doit être examinée, y compris une relation ayant commencé avant 1993 ou ayant commencé et s'étant terminée avant 1993. Si la définition élargie devait s'appliquer d'une autre manière, on y aurait expressément indiqué des dates avant et après lesquelles la relation peut ou non être prise en considération. Si l'on veut un modèle législatif illustrant de telles applications temporelles, il suffit d'examiner une autre définition figurant au paragraphe 56.1(4), soit la définition de " date d'exécution ". L'ajout de cette définition s'applique après 1996, mais la Loi ne se lit pas alors comme si la définition ne dépend pas d'autres dates pertinentes. Il faut déterminer à un moment donné après 1996 s'il y a une date d'exécution, mais la question de savoir si une date d'exécution existe ou non en fait dépend d'événements survenus avant avril 1997 ou après mai 1997, comme l'indique expressément la définition de " date d'exécution ". Si le législateur avait voulu que des unions de fait antérieures à 1993 ne puissent pas être reconnues, la période de cohabitation mentionnée au paragraphe 252(4) pourrait de même comporter des dates pertinentes quant à savoir quand la cohabitation devait avoir commencé ou s'être terminée. Le seul fait que l'année d'entrée en vigueur soit 1993 n'a pas un tel effet à mon avis, du moins dans ce cas-ci, où la formulation expresse de la disposition modifiée invite à une interprétation qui permet (dicte) d'examiner une relation " à un moment donné ", ce qui, comme je l'ai dit, inclut clairement un moment antérieur à la date d'entrée en vigueur de la modification. Je ne vois aucune autre approche interprétative en l'espèce[2].

[8]            Il est à noter que, contrairement au paragraphe 252(3), le paragraphe 252(4) ne mentionne pas les termes " ancien conjoint ". On pourrait soutenir que cette omission au paragraphe 252(4) étaye le point de vue selon lequel une personne pourrait avoir un conjoint de fait qui serait reconnu sans qu'un ancien conjoint après la fin de l'union de fait soit reconnu. En un sens littéral, le paragraphe 252(4) ne définit que le mot " conjoint ". Il indique quand une partie sera aux fins de la Loi considérée comme un conjoint. Il ne dit pas qu'une personne considérée comme un conjoint aux fins de la Loi doit être considérée comme un ancien conjoint aux fins de la Loi lorsque la définition élargie de " conjoint " ne s'applique plus à la relation particulière. Par ailleurs, les termes " ancien conjoint " ne sont pas définis dans la Loi, si ce n'est au paragraphe 252(3), dans le contexte de mariages nuls ou annulables. Ainsi, l'expression " ancien conjoint " doit être considérée comme ayant son sens ordinaire lorsqu'elle est utilisée dans d'autres contextes, et ce sens ordinaire inclut une personne qui a été un conjoint, effectivement ou selon la définition élargie, mais qui ne l'est plus. À mon avis, la déduction que permet de faire le paragraphe 252(3) n'est pas suffisante pour écarter une telle interprétation de l'expression " ancien conjoint ".

[9]            En conséquence, je conclus que les paiements en cause ont été faits à un ancien conjoint comme l'exige l'alinéa 60b), et l'appel est admis, selon les présents motifs du jugement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2001.

" J. E. Hershfield "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2265(IT)I

ENTRE :

JAMES K. SCOTT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 3 avril 2001 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge J.E. Hershfield

Comparutions

Pour l'appelant :                         l'appelant lui-même

Pour l'intimée :                           Cary Clark (stagiaire)

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2001.

" J. E. Hershfield "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de décembre 2001.

Martine Brunet, réviseure




[1] La seule autre manière d'interpréter la définition serait de rattacher les termes " à un moment donné " au moment auquel le conjoint (l'ancien conjoint) est mentionné dans la Loi, soit 1997 en l'espèce. Si telle était la manière d'interpréter la définition, il serait impossible qu'elle permette de reconnaître une union de fait ayant commencé et s'étant terminée avant l'année de référence, même si la relation avait commencé et s'était terminée après 1992.

[2] Notre cour est en fait divisée sur ce point jusqu'à maintenant : voir l'affaire John Carey c. La Reine, avril 1999, numéro de dossier de la Cour 98-169(IT)I, comparativement à l'affaire Brownie c. La Reine, décembre 2000, numéro de dossier de la Cour 2000-3281(IT)I.

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