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Date: 19990525

Dossier: 98-1063-UI, 98-169-CPP

ENTRE :

CAMION HOLDINGS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            Le 17 juin 1998, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a déterminé que Brian Adams (le travailleur) exerçait un emploi assurable du 1er janvier 1996 au 28 octobre 1997, au motif qu'il était employé en vertu d'un contrat de louage de services et qu'il était donc un employé de Camion Holdings Inc. (le « payeur » ) en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi et de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage.

[2]            Le 17 juin 1998, le ministre a déterminé que Brian Adams exerçait un emploi ouvrant droit à pension en vertu de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada du 1er janvier 1996 au 28 octobre 1997, au motif qu'il était employé en vertu d'un contrat de louage de services et qu'il était donc un employé du payeur. L'appelant a interjeté appel — 98-169(CPP) — de cette décision et les parties ont convenu que l'issue de l'appel en instance s'appliquerait à cet appel.

[3]            L'appelant a produit un recueil d'éléments de preuve, comportant sept onglets, sous la cote A-1 et, à moins d'indication contraire, la mention d'un numéro d'onglet s'entend de la pièce A-1.

[4]            Hazel Wiens a témoigné qu'elle est la gestionnaire, présidente et seule actionnaire de Camion Holdings Inc. (Camion). Camion — qui exploite son entreprise à Dalmeny (Saskatchewan) — possède des camions et de l'équipement qu'elle loue à Tri-Line Expressways Ltd. (Tri-Line), une société de transport. Camion, qui a été constituée en 1986, est propriétaire de 10 camions. Au cours de la période antérieure au 1er août 1995, Camion embauchait des conducteurs pour conduire ses camions, dont elle contrôlait également la répartition aux fins du ramassage et de la livraison des marchandises. Après le 1er janvier 1998, Camion a embauché des conducteurs, qu'elle a inscrits sur sa feuille de paye comme employés. Cependant, au cours de la période visée par l'appel, Camion a exploité son entreprise en tenant pour acquis que ses conducteurs, qui conduisaient les véhicules qu'elle louait à Tri-Line, étaient des entrepreneurs indépendants embauchés en vertu d'un contrat de sous-traitance. Mme Wiens a déclaré que Camion recrute des conducteurs en faisant de la publicité dans des agences, en affichant des avis dans des relais routiers ou en donnant suite à des recommandations de Tri-Line. Cette dernière, a-t-elle précisé, exige que les conducteurs aient une feuille de route impeccable, un casier judiciaire vierge, ainsi que plusieurs années d'expérience comme conducteurs de différents types de semi-remorques. À son avis, Tri-Line était très exigeante, car elle n'acceptait qu'une candidature sur dix et rejetait parfois des personnes que Camion aurait embauchées. Lorsqu'il est impossible de trouver un conducteur compétent pour conduire un camion appartenant à Camion et transporter des marchandises pour le compte de Tri-Line, le véhicule demeure immobilisé. Tri-Line s'occupait de faire assurer les véhicules de Camion et exigeait que les conducteurs aient des feuilles de route impeccables, de l'expérience comme conducteurs et un casier judiciaire vierge afin de pouvoir entrer aux États-Unis. Il est arrivé que Tri-Line refuse de faire transporter sa marchandise par un conducteur particulier dans le cadre du contrat conclu avec Camion. Mme Wiens a fait référence à un document appelé compte rendu d'incident — onglet 3 — établi par Tri-Line relativement au travailleur Brian Adams, qui n'aurait pas informé Tri-Line de deux contraventions reçues pour excès de vitesse. Il était indiqué dans le document que M. Adams avait reçu un « avertissement verbal seulement et qu'on lui avait rappelé les politiques de la compagnie » , qu'il avait été informé que le gérant du terminal allait s'occuper à l'avenir des incidents du genre et que l'infraction allait être consignée à son dossier à titre documentaire. Mme Wiens a déclaré par après que Tri-Line l'avait informée qu'elle entendait refuser de faire livrer de la marchandise dans un véhicule de Camion conduit par M. Adams, et Camion avait donc affecté M. Adams à une autre compagnie, où on avait utilisé ses services comme surnuméraire. Étant donné que Camion ne faisait pas la vérification des permis et des références des candidats conducteurs, c'est Tri-Line qui s'en chargeait; c'est ainsi qu'elle a découvert qu'un conducteur — qui utilisait un permis de conduire de l'Alberta — avait commis différentes infractions en Saskatchewan, lesquelles avaient été inscrites à son dossier de conducteur dans cette province. Tri-Line offrait un cours de formation de deux jours, mais les conducteurs y assistaient à leurs frais. Chacun des conducteurs de Camion devait entretenir lui-même l'équipement, en plus de charger et de décharger la marchandise, au besoin, et de vérifier les arrimages, ainsi que le bâchage des cargaisons. Les conducteurs de Camion n'étaient pas assujettis à un code vestimentaire lorsqu'ils travaillaient pour Tri-Line. Ils devaient être titulaires d'un permis de catégorie 1, avoir une feuille de route impeccable et de l'expérience de travail; ils devaient se soumettre à un examen médical effectué par des médecins dont les services avaient été retenus par Tri-Line en plus de posséder les compétences nécessaires pour transporter des matières dangereuses; ils étaient en outre tenus de participer à un programme de dépistage des drogues et de l'alcool assorti de tests au hasard, dont le coût était pris en charge par Tri-Line. La relation entre Camion et Tri-Line était définie par contrat, et Tri-Line dépêchait un conducteur directement pour livrer la marchandise à un endroit donné. Un conducteur avait le droit de refuser une livraison, dans lequel cas Tri-Line en embauchait un autre. Tri-Line compte 12 terminaux au Canada et aux États-Unis; un conducteur communique avec un terminal pour savoir s'il y a un chargement à livrer à une destination quelconque. Il arrive aussi qu'un conducteur communique avec un terminal pour l'informer qu'il ne sera pas disponible pendant une certaine période et qu'il ne pourra pas transporter de chargements. Camion pouvait contacter un conducteur en demandant à un terminal de Tri-Line d'entrer en communication avec un camion particulier au moyen du système de communications par satellite de Tri-Line. Il incombait aux conducteurs de tenir leur journal de bord et Tri-Line refusait de confier une autre livraison à un conducteur qui n'avait pas respecté les limites réglementaires dans un territoire donné. Le conducteur d'un véhicule de Camion transportant des marchandises pour Tri-Line pouvait ne pas communiquer avec le bureau de Camion pendant tout un mois. Les conducteurs n'étaient assujettis à aucun horaire de travail particulier. En ce qui concerne plus particulièrement le travailleur Brian Adams, Mme Wiens a déclaré qu'après le 1er décembre 1997, parce que Tri-Line refusait que M. Adams transporte de la marchandise pour elle, Camion avait rémunéré elle-même M. Adams, qui avait continué de conduire le même camion, mais avait transporté des marchandises pour une autre compagnie ayant conclu un contrat de location avec Camion. Elle a fait référence au contrat daté du 4 mars 1996 conclu entre Brian Adams et Camion — onglet 2 —, dans lequel M. Adams accepte d'être un entrepreneur indépendant quand il conduira un véhicule de Camion. En conformité avec un contrat distinct conclu entre Camion et Tri-Line, cette dernière obtenait les immatriculations nécessaires pour les véhicules, Mme Wiens a-t-elle affirmé, mais c'est Camion qui payait pour ceux-ci en bout de ligne. Les véhicules appartenant à Camion devaient faire l'objet d'une inspection de sécurité chaque mois et Camion payait le coût de ce service ainsi que les primes d'assurance automobile. Tous les coûts liés à l'obtention et au maintien des permis des conducteurs étaient pris en charge par les conducteurs eux-mêmes. Au plus tard le 20e jour du mois suivant celui où la livraison avait été effectuée, Tri-Line remettait à Camion un relevé — dont on trouve un modèle à l'onglet 4 — relativement à un camion conduit par Brian Adams. Le document, intitulé « rapport sur les produits du contrat » — auquel des imprimés d'ordinateur sont annexés —, a été préparé par Tri-Line et fournit une profusion de détails sur l'activité de ce camion au cours de la période visée, dont les kilomètres parcourus et la répartition des produits bruts entre Tri-Line et Camion. Mme Wiens a expliqué que le conducteur — Brian Adams — était ensuite payé par Camion suivant une échelle progressive, et certains montants, comme les cotisations syndicales — qui avaient été payées initialement par Tri-Line — et des avances en espèces obtenues par M. Adams au moyen du système de chèque de Tri-Line étaient également prélevés sur le paiement final. On trouve à l'onglet 5 un modèle d'état de paiement. Camion utilisait un système de primes fondé sur une combinaison de facteurs, dont les kilomètres parcourus et la faible consommation de carburant, le bon état d'entretien du camion et la conduite sans accident, autrement dit l'absence de dommages matériels attribuables à une négligence du conducteur. Dans le modèle fourni à l'onglet 4, on voit que les conducteurs — un couple faisant équipe — ont obtenu un montant égal à 95 % de la prime payable au total, laquelle prime correspondait à 1 % des produits bruts associés au camion qu'ils conduisaient. Le 15e jour de chaque mois, Camion déposait la somme de 800 $ dans le compte bancaire d'un conducteur, qui pouvait ensuite y accéder à l'aide d'une carte de service. Les revenus variaient selon le type de chargement et, aux dires de Mme Wiens, un conducteur pouvait gagner jusqu'à 20 % de plus par mois en transportant des chargements particuliers, en chargeant et en déchargeant son propre camion et en gérant efficacement son temps, autrement dit en profitant des heures de clarté pour transporter des charges surdimensionnées ou en appelant d'avance le terminal de Tri-Line approprié pour qu'on lui prépare un autre chargement, de façon à limiter les périodes d'inactivité. À l'onglet 6 — un état délivré par Camion à Larry et Connie Miles —, il est indiqué qu'une prime de 264 $ a été versée pour le transport d'une cargaison de toute urgence — à la demande de Tri-Line —, ce qui a valu une prime de 400 $ à Camion. Celle-ci a décidé d'attribuer les deux tiers de ce montant aux Miles. Camion prenait en charge les frais d'immatriculation, de carburant, d'entretien, d'assurance automobile, ainsi que tous les autres frais de fonctionnement du camion, tandis que les conducteurs payaient leurs frais de repas, de logement, leurs cotisations syndicales, leurs primes d'assurance collective, les cargaisons perdues ou endommagées en raison d'une erreur ou d'une omission de leur part, ainsi que toute amende imposée pour non-respect du code de conduite. Les conducteurs fournissaient leur matériel de couchage, leurs glacières, leurs appareils de télévision, leurs fours micro-ondes, leurs calculatrices, leurs mallettes, leurs vêtements de travail, leurs casques et leurs vestes de protection, ainsi que leurs outils manuels. Tri-Line payait, initialement, les cotisations à la Commission des accidents du travail pour le compte des conducteurs de Camion, mais elle retenait ensuite le montant payé à ce titre sur les produits bruts de Camion pour une certaine période. Tri-Line avançait aussi jusqu'à 50 $ par jour aux conducteurs par le truchement d'un système interne de chèques, mais toutes ces sommes étaient ensuite retenues par elle sur la part des produits de Camion, qui — quant à elle — déduisait ces montants des sommes versées aux conducteurs. Camion a conclu avec Tri-Line un contrat, daté du 29 août 1995 — onglet 1 —, dans lequel elle convenait de transporter de la marchandise, exclusivement, pour Tri-Line. Étant donné que Tri-Line avait un contrat de main-d'oeuvre avec un syndicat, Camion s'engageait — au paragraphe 11 du contrat avec Tri-Line — à ce que tous ses conducteurs deviennent — et demeurent — membres du syndicat (ou des syndicats) signataire(s) d'une convention collective avec Tri-Line. Camion avait également dû s'engager à prendre en charge le coût des primes d'assurance collective pour les conducteurs, mais elle déduisait ensuite ces primes du paiement qu'elle leur versait, comme il est indiqué sur l'état mensuel. À l'onglet 2 — le contrat conclu entre Camion et Brian Adams — annexe A —, il était question du paiement du revenu gagné, des primes de rendement et de la méthode de paiement. Sous cette dernière rubrique, M. Adams acceptait que Camion retienne 20 % du revenu qui lui était par ailleurs payable et que ce montant soit placé dans un compte portant intérêt — à son nom — et que les sommes ne lui soient versées qu'une fois qu'il aurait préparé toutes les déclarations de revenu nécessaires pour l'année fiscale pertinente. Même alors, le montant retenu servait à effectuer un paiement à Revenu Canada au titre des obligations fiscales de M. Adams, et c'est seulement après que toute somme due à Camion pour diverses raisons — prévues dans le contrat — avait été déduite que le solde, le cas échéant, était remis à M. Adams. Mme Wiens a déclaré que cette clause avait antérieurement été insérée dans le contrat à la demande d'un conducteur et que Camion a décidé par la suite d'en faire une clause type de tous les contrats conclus ultérieurement avec les conducteurs. Ces derniers avaient le droit d'embaucher des conducteurs compétents pour effectuer le travail à leur place — paragraphe 6.02 du contrat — onglet 2 — et ils assumaient la responsabilité des dommages causés à la marchandise, comme il est précisé au paragraphe 7.01. Tri-Line proposait un itinéraire aux conducteurs pour se rendre à une destination particulière, mais ils étaient libres d'en choisir un autre. Camion avait conclu 10 contrats distincts avec des conducteurs qui conduisaient chacun un véhicule appartenant à Camion.

[5]            En contre-interrogatoire, Mme Wiens a déclaré que, même si la décision du ministre visait expressément Brian Adams, la relation de travail entre Camion et les autres conducteurs était essentiellement la même. M. Adams ne travaille plus pour Camion. Mme Wiens a reconnu un contrat — pièce R-1 — conclu entre Camion et Tri-Line concernant le camion conduit par Brian Adams, dont on trouve une description à l'annexe A dudit contrat. Camion ne concluait pas de contrat avec un conducteur tant que Tri-Line ne l'avait pas avisée qu'elle jugeait que la personne satisfaisait à ses exigences pour effectuer des livraisons à la demande de Tri-Line. À l'occasion, Camion a accepté de laisser conduire l'un de ses véhicules par un conducteur que la direction de Camion ne connaissait pas parce que Tri-Line avait indiqué que cette personne possédait les compétences voulues. Tri-Line ne se préoccupait pas de savoir qui conduisait un véhicule particulier tant que le conducteur possédait les compétences voulues et satisfaisait aux normes de Tri-Line et à la politique de la compagnie. Au paragraphe 6 du contrat, Camion avait convenu d'assujettir ses serviteurs, mandataires ou employés à la totalité des règles et règlements de Tri-Line. Mme Wiens a confirmé qu'il n'existait pas de contrat distinct entre Brian Adams et Tri-Line. Au paragraphe 10, Camion s'engageait à remettre des rapports occasionnels à Tri-Line sur des questions déterminées par cette dernière. Même si Mme Wiens l'a mentionné durant son interrogatoire principal — en réponse à une question de l'avocate de l'intimé —, elle a affirmé a nouveau que Camion avait promis à Tri-Line de faire en sorte que chaque conducteur de Camion devienne membre du syndicat approprié, aux termes de toute convention collective en vigueur, mais elle n'était au courant d'aucune transaction ou ni d'aucune entente entre Tri-Line et une quelconque unité de négociation. Au paragraphe 16, Camion a accepté de prendre en charge le coût des primes d'un régime d'assurance-maladie et d'assurance invalidité pour un employé de Camion chargé de conduire le véhicule précisé à l'annexe A. Mme Wiens a admis que le contrat conclu entre Camion et Tri-Line ne contenait aucune clause indiquant, semble-t-il, qu'un conducteur de Camion pouvait se voir accorder tout autre statut que celui d'employé, de serviteur ou de mandataire. Faisant référence au contrat conclu avec Brian Adams — onglet 2 — Mme Wiens a déclaré qu'il s'agissait d'une entente aux termes de laquelle M. Adams convenait d'assurer l'entretien d'une partie particulière de l'équipement, c'est-à-dire le camion qu'il conduisait. Au paragraphe 1:00(b), M. Adams avait convenu de se mettre à la disposition de Camion, selon les besoins, dans les deux heures suivant la réception d'un avis en ce sens, mais Mme Wiens a déclaré que, dans les faits, cette clause n'était pas appliquée parce que Tri-Line attribuait les livraisons aux conducteurs. À son avis, les autres clauses du contrat étaient respectées à la lettre. En 1995, Camion a pris la décision de cesser de traiter directement avec ses clients, ce qui l'a amenée à louer ses camions à Tri-Line. Elle a admis que c'est Camion qui décidait en bout de ligne qui conduisait — ou pouvait conduire — les camions de la compagnie. De nombreux conducteurs, dont Brian Adams, avaient travaillé pour Camion avant 1995, à titre d'employés. Ils avaient alors reçu des relevés T4 et les retenues appropriées avaient été effectuées sur leur paye. Pendant cette période, Camion louait aussi des camions à une autre entité — IDW Trucking Ltd —, dont Mme Wiens était l'un des administrateurs, et son époux, le principal actionnaire. Les camions qui appartenaient antérieurement à cette société avaient alors été vendus à Camion. Dans l'état financier de Camion pour l'année 1996, il est indiqué que le montant de 369 000 $ a été versé au titre des salaires, mais Mme Wiens a déclaré qu'il y avait eu erreur et que le montant représentait en réalité le total des sommes versées aux sous-entrepreneurs. Au paragraphe 5.00 de l'entente qui se trouve à l'onglet 2, il est précisé que l'entrepreneur (M. Adams) doit employer un conducteur pour conduire la semi-remorque particulière et les autres contrats contenaient la même clause, à cette différence que Larry et Connie Miles ont demandé à Camion de déposer les montants — dus au conducteur — dans un compte conjoint, ce que Camion a accepté de faire. Mme Wiens a reconnu divers rapports de produits du contrat — pièce R-2 — se rapportant à Brian Adams ainsi que des dossiers des paiements effectués — pièce R-3 — pour les mois de janvier 1996 à décembre 1997. Mme Wiens a déclaré que la clause portant sur la retenue d'un montant égal à 20 % du revenu du conducteur au titre des obligations fiscales faisait partie du contrat et que quiconque souhaitait conduire un véhicule pour Camion devait accepter cette clause. Le moyen par lequel les conducteurs obtenaient de l'argent pour payer les péages et les autres menues dépenses ou des avances personnelles faisait partie du système établi par Tri-Line. À l'occasion, les conducteurs pouvaient obtenir des prêts, lesquels étaient déduits des montants qui leur étaient dus à la fin de chaque mois. S'il y avait un solde négatif, en ce sens que le conducteur devait de l'argent à Camion, ce solde était reporté au mois suivant. Les conducteurs se faisaient rembourser les péages, les frais, les tarifs, etc., qu'ils payaient eux-mêmes pendant leurs voyages. Tous les véhicules (camions) de Camion portaient les couleurs de Tri-Line et les semi-remorques étaient fournies par Tri-Line. M. Adams travaillait exclusivement pour Camion mais, en vertu du contrat qui le liait à celle-ci, il se peut qu'il ait travaillé pour d'autres compagnies pendant la période pertinente.

[6]            L'avocate de l'appelante a convenu que Tri-Line n'était pas l'employeur du travailleur, M. Adams, pas plus que ne l'était Camion. En fait, M. Adams était un conducteur de camion en affaires pour son propre compte qui pouvait réaliser des bénéfices et subir des pertes, compte tenu des modalités de son contrat. Camion n'exerçait aucun contrôle sur les revenus de M. Adams et Tri-Line versait des montants additionnels pour la livraison de certains chargements dans diverses conditions et M. Adams aurait pu embaucher un conducteur pour faire le travail à sa place à la condition que cette personne répondît aux normes de Tri-Line. Selon l'avocate, les éléments de preuve révèlent que Camion n'exerçait aucun contrôle sur M. Adams et que l'entente avec le conducteur ne pouvait être résiliée qu'avec un préavis écrit de 30 jours.

[7]            L'avocate de l'intimé a fait valoir que l'entreprise était clairement celle de Camion, qui avait fait le choix de conclure un contrat avec Tri-Line et de lui attribuer le droit d'exercer un certain contrôle sur les conducteurs de Camion. Il n'y avait pas véritablement de chances de bénéfice ou de risques de perte, et, tout compte fait, le travailleur — M. Adams — était manifestement un employé engagé en vertu d'un contrat de louage de services et la décision de l'intimé était correcte.

[8]            Dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national), [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), la Cour d'appel fédérale a approuvé l'examen de la preuve en fonction des critères suivants, en soulignant que ces critères devaient être considérés comme un seul critère composé de quatre parties intégrantes qu'il fallait appliquer en insistant sur l'ensemble des éléments qui entrent dans le cadre des opérations. Les critères sont les suivants :

                1. Le critère du contrôle

                2. La propriété des instruments de travail

                3. Les chances de bénéfice et les risques de perte

                4. Le critère de l'intégration

[9]            Dans l'appel en instance, Camion — aux termes du contrat conclu avec Tri-Line — a convenu d'assujettir ses serviteurs, mandataires ou employés à l'ensemble des règles et règlements de Tri-Line. Par ailleurs, Camion a également accordé à Tri-Line le droit d'attribuer la livraison de certains chargements et de traiter directement avec les conducteurs de Camion relativement à différents aspects de l'entreprise de transport de marchandises. Dans le cas particulier de Brian Adams, Camion, à la demande de Tri-Line, qui exerçait le droit qui lui était accordé aux termes du contrat conclu avec Camion, a insisté pour que M. Adams cesse de transporter les marchandises de Tri-Line. Camion a décidé de ne plus faire appel aux services de M. Adams pour le compte de Tri-Line et l'a affecté à la livraison d'autres chargements — à bord du même véhicule — pour un autre transporteur. Si un employeur prête un employé à une autre personne ou à une autre entité ou — pour s'exprimer en termes plus relevés — permet au travailleur, dans le cadre d'une affectation, d'assurer des services à une autre personne ou entité et convient de confier la gestion quotidienne de cette personne au bénéficiaire du service, on ne peut conclure, sans disposer de plus de renseignements, que l'employeur n'exerce toujours pas de contrôle sur l'employé en question. Dans l'appel en instance, Camion a donné son accord à Tri-Line pour syndiquer les employés de Camion et les assujettir à la loi sur l'indemnisation des accidents du travail. Les cotisations et les primes pertinentes ont subséquemment été payées par M. Adams et les autres conducteurs, comme en témoignent les montants prélevés sur les paiements effectués par Camion au titre des services fournis et dont on trouve le détail dans l'état de paiement. Outre le fait qu'il soit raisonnable de supposer que l'adhésion à un syndicat — et les avantages qui en découlent au titre des régimes d'assurance-maladie et d'assurance invalidité —, ainsi que la protection assurée par la loi provinciale sur l'indemnisation des accidents du travail sont des avantages qui s'appliquent à un employé plutôt qu'à un entrepreneur indépendant, on trouverait plutôt bizarre que, dans le cadre d'une relation de travail, une entité en oblige une autre à souscrire une certaine assurance ou à adhérer à certaines organisations qui ne font que procurer un avantage au travailleur et n'ont rien à voir avec l'exécution du travail à proprement dit.

[10]          En ce qui concerne la propriété des instruments de travail, le véhicule appartenait à Camion. Les autres menus articles que pouvaient posséder certains conducteurs — peut-être même Brian Adams — servaient, pour la plupart, à assurer leur confort personnel lorsqu'ils étaient sur la route pendant de longues périodes et n'étaient pas raisonnablement reliés à la réalisation de recettes, qui résultait de transport, du point A au point B, des marchandises chargées dans une semi-remorque appartenant à Tri-Line arrimée à un véhicule de Camion.

[11]          Mme Wiens a indiqué au cours de son témoignage qu'un conducteur pouvait accroître quelque peu son revenu en acceptant un autre chargement plus payant d'un terminal de Tri-Line ou en gérant mieux son temps, mais la différence serait, en réalité, très minime dans l'ensemble. Rien dans la preuve ne permet de confirmer l'affirmation de Mme Wiens selon laquelle un conducteur pouvait gagner jusqu'à 20 % de plus. En outre, les primes de rendement étaient en grande partie versées selon le bon vouloir de la direction de Camion, en fonction de certains critères établis unilatéralement par la compagnie de temps à autre. Un examen de l'état des paiements effectués à Brian Adams — pièce R-3 — pour les mois de janvier 1996 à décembre 1997 montre qu'il n'y a pas eu ne serait-ce qu'un paiement au titre d'une prime ou d'un partage des recettes pour attester du fait que M. Adams avait permis d'accroître les recettes réalisées dans le cadre du contrat avec Tri-Line en exerçant son droit d'accepter des chargements plus payants. Même si certaines clauses du contrat conclu entre Camion et M. Adams — onglet 2 — portaient prétendument sur la question du risque, Camion souscrivait toutes les assurances nécessaires et le revenu généré par le conducteur, qui était rémunéré en fonction du nombre de kilomètres parcourus et des recettes réalisées, ne se trouvait pas véritablement compromis. En outre, au paragraphe 19 du contrat conclu entre Camion et Tri-Line — onglet 1 —, Camion accorde à Tri-Line le droit de régler les réclamations émanant d'une tierce partie, jusqu'à concurrence de 2 500 $, sans obtenir le consentement de Camion et convient que tout montant versé sera déduit de la part des recettes de cette dernière. Il s'agirait d'une proposition fort particulière — en droit — si Camion déduisait à son tour un montant égal du revenu d'un conducteur qui n'a aucune connexité d'intérêt par contrat avec Tri-Line.

[12]          En ce qui concerne le critère de l'intégration, le juge Mogan, de la C.C.I., s'est penché sur la relation qui existait entre un particulier et une société dans l'affaire David T. McDonald Co. Ltd. c. M.R.N., C.C.I., no 89-2960 (IT), 30 juillet 1992 (92 DTC 1917), pour déterminer si ce particulier était un employé ou un entrepreneur indépendant. À la page 11 (DTC : à la page 1922), il a déclaré ce qui suit :

                   Dans l'affaire Wiebe Door, le juge MacGuigan a cité à la page 5030, en y souscrivant, le jugement Market Investigations, dans [lequel] la question suivante est posée : [VERSION FRANÇAISE OFFICIELLE] « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte? » Pour répondre à cette question, il faut voir si la personne en question est ou non capable de se lancer à son propre compte dans les affaires considérées. Si elle a l'expérience, les connaissances et la clientèle nécessaire dans le domaine, il est plus facile de conclure qu'elle est capable de s'y lancer à son propre compte et n'est pas simplement un employé incorporé. Cette conclusion s'impose tout particulièrement lorsque la personne n'avait pas antérieurement de lien d'emploi avec la partie qui bénéficie de ses services. Toutefois, si elle ne possède pas l'expérience, les connaissances ou la clientèle nécessaire dans le domaine et offre uniquement des compétences personnelles non liées aux affaires considérées, il est plus difficile de conclure que cette personne est capable de se lancer à son propre compte dans les affaires considérées; il serait alors probablement plus raisonnable de la considérer comme un employé de la partie qui bénéficie de ses services.

[13]          Dans l'appel en instance, Brian Adams a travaillé pour Camion, avant 1995, en qualité d'employé assujetti aux retenues habituelles sur la paye, et sa tâche est demeurée à peu près la même lorsqu'il a assuré les mêmes services à Camion en vertu du contrat. Il n'existait pas antérieurement de relation commerciale entre M. Adams et Tri-Line, une partie qui bénéficiait également de ses services; qui plus est, les permis, la relation commerciale et la structure générale étaient ceux de Camion, et c'était la relation commerciale que cette dernière entretenait avec Tri-Line qui était à l'origine des produits réalisés. La tâche de M. Adams était de conduire le camion. En concluant qu'il était en quelque sorte un entrepreneur qui assurait l'entretien d'une partie particulière de l'équipement — un camion —, immatriculé au nom de Camion, qui en était aussi la propriétaire, pour tirer une semi-remorque appartenant à Tri-Line et transporter des chargements attribués par Tri-Line, et qui était rémunéré à tant du kilomètre parcouru par Camion, à qui incombait la décision de lui verser aussi une prime, je me trouverais à faire fi de la jurisprudence, laquelle exige, dans le cas de ce critère, que l'existence d'un contrat d'entreprise soit établi au moyen d'éléments de preuve pertinents et significatifs. La preuve ne montre pas que la relation de travail entre Brian Adams et Camion présente, en ce qui le concerne, les caractéristiques permettant de conclure à l'existence d'une structure ou de fonctions véritablement distinctes, qui sont généralement le propre d'une relation avec un entrepreneur indépendant. La retenue obligatoire de 20 % effectuée sur le revenu de M. Adams et des autres conducteurs au titre des obligations fiscales montre que Camion n'était pas certaine du prétendu statut d'entrepreneur indépendant qu'elle essayait d'attribuer par contrat aux conducteurs et qu'elle voulait mettre de l'argent de côté au cas où un règlement — ultérieur — établissant que les conducteurs étaient des employés lui cause des difficultés parce qu'elle n'avait pas effectué les retenues auxquelles un employeur est assujetti en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les conducteurs n'avaient manifestement aucun pouvoir de négociation puisqu'ils devaient respecter cette clause du contrat ou renoncer à conduire un véhicule de Camion. L'un des critères d'une relation de travail est la manière dont l'une ou l'autre des parties — ou les deux — se conduisent à l'égard d'une tierce partie qui est directement ou indirectement associée à l'activité productrice de recettes globale. De toute évidence, Tri-Line, aux termes du contrat conclu avec Camion, n'avait aucune raison de croire que les conducteurs de Camion allaient s'acquitter de leurs tâches autrement qu'à titre d'employés de Camion, ce que confirme le libellé uniforme du contrat pertinent. Tri-Line n'a certainement pas négocié avec Camion en tenant pour acquis que Camion allait s'acquitter de ses obligations contractuelles en concluant une série de contrats de sous-traitance avec des conducteurs. Camion a plutôt convenu de s'acquitter de ses obligations en engageant des personnes assujetties à sa gestion et à son contrôle en tant qu'employés, serviteurs ou mandataires.

[14]          Peu importe comment les parties ont qualifié leurs relations, les faits demeurent inchangés. Dans l'affaire Le Ministre du Revenu national c. Emily Standing, C.A.F., no A-857-90, 29 septembre 1992 (147 N.R. 238), le juge Stone a déclaré ce qui suit à la page 2 (N.R. : aux pages 239-240) :

Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égard aux circonstances entourantes [sic] appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

[15]          Dans l'affaire F.G. Lister Transportation Inc. c. M.R.N., 96-2163(UI), non publiée, datée du 23 juin 1998, je me suis penché sur la situation de conducteurs de grands routiers et j'ai conclu qu'ils étaient des employés assujettis à un contrat de louage de services. Comme l'issue de la plupart des affaires du genre repose parfois sur une différence de faits qui peut sembler banale, j'ai formulé les observations suivantes au paragraphe 13 de ma décision dans l'affaire Lister :

                                Je me vois maintenant contraint de faire ressortir les différences qui existent entre les faits de l'appel en l'instance et ceux de deux autres affaires dans lesquelles j'ai conclu que les conducteurs étaient des entrepreneurs indépendants. Dans l'affaire Lee c. Canada (ministre du Revenu national — M.R.N.), [1995] A.C.I. no 426, j'ai conclu que le conducteur d'un grand routier était un entrepreneur indépendant. Dans cette affaire, le conducteur avait inscrit son entreprise aux fins de la taxe sur les produits et services, avait tenu un compte de banque commercial et avait produit des déclarations de revenu en tenant pour acquis qu'il travaillait à son compte. Dans l'affaire Lee, l'appelant avait déjà été un employé du payeur et avait accepté de modifier la relation de travail; en outre, la preuve permettait clairement d'établir que l'appelant aurait pu embaucher un remplaçant pour conduire les grands routiers à sa place et réaliser ainsi un bénéfice. Aussi, dans l'affaire Lee, la question se résumait à choisir entre deux versions du cadre dans lequel s'inscrivait une relation de travail, et le choix ne favorisait pas le travailleur. J'ai également conclu que les instruments de travail étaient les compétences personnelles du conducteur à titre de personne qualifiée capable de conduire une remorque remplie de marchandises sur de longues distances. Pour tirer cette conclusion, je me suis appuyé sur le fait que le conducteur exploitait une entreprise sous la raison sociale Rick's Driving Services, qu'il avait un compte de banque à ce nom et qu'il faisait par ailleurs affaire avec des tierces parties sous ce nom. Sur ses déclarations de revenu, le travailleur avait indiqué qu'il travaillait pour son compte.

                                Dans une autre décision que j'ai rendue dans l'affaire Metro Towing Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national — M.R.N.), [1991] A.C.I. no 717, j'ai conclu qu'un conducteur de dépanneuse était un entrepreneur indépendant. Dans cette affaire, même si le travailleur était assujetti à un contrôle étroit, il avait loué le véhicule et tout l'équipement nécessaire pour effectuer son travail et il prenait à sa charge la totalité des frais connexes, dont les primes d'assurance. Ce conducteur courait également un risque élevé de perte relativement à l'utilisation du véhicule s'il ne générait pas suffisamment de recettes brutes, lesquelles fluctuaient d'un mois à l'autre, tout comme, dans une moindre mesure, ses frais d'utilisation. Dans cette affaire, comme dans l'affaire Lee, précitée, le travailleur avait déjà été un employé de l'entreprise et il avait décidé de conclure un nouveau contrat de travail aux termes duquel il louait un camion et une partie de l'équipement et avait le droit de conserver 30 % des recettes brutes découlant des appels de dépannage que lui adressait Metro Towing Ltd. Dans l'affaire Metro Towing Ltd., la preuve a révélé que les autres conducteurs de dépanneuse fournissaient leurs services par le truchement d'une société à responsabilité limitée ou en vertu de contrats de société.

                                Dans l'affaire Summit Gourmet Foods Inc. c. M.R.N. 97-470(UI), une décision de l'honorable juge Mogan, de la C.C.I., datée du 24 novembre 1997, le juge Mogan s'est penché sur la situation d'une personne — Freeman Walters, l'intervenant — qui conduisait un camion pour l'appelante, une société exploitant une entreprise comme fournisseur de pizzerias. Le juge Mogan a conclu que le conducteur exerçait un emploi assurable et il a déclaré ce qui suit, à la page 5 et aux pages suivantes :

                    En ce qui a trait au contrôle, je considère que ce critère favorise légèrement la thèse selon laquelle Freeman était un employé et non un entrepreneur indépendant, quoique l'avocat de l'appelante ait souligné que l'on ne disait pas à Freeman comment accomplir son travail. J'accepte cela. Par contre, on attribuait à Freeman des voyages à faire; il pouvait déterminer l'ordre et la date des livraisons, mais les produits devaient être livrés en une semaine, et il devait téléphoner au bureau de l'appelante chaque matin. C'est ce qu'a révélé le témoignage de Freeman, qui a dit : [TRADUCTION] « Toute personne conduisant un camion doit communiquer avec le bureau, et c'est ce que je faisais. Je devais appeler chaque matin pour dire où j'allais, pour qu'on sache où je serais ce jour-là et pour qu'on sache si des clients avaient passé des commandes supplémentaires que je pourrais avoir à exécuter en utilisant les produits supplémentaires que je transportais » . L'appelante a eu la possibilité de produire une contre-preuve pour contredire cette simple assertion de Freeman, mais elle ne l'a pas fait. Me fondant sur le bon sens, je crois cette assertion.

                    Eric a décrit un camion congélateur que Freeman utilisait et qui coûtait entre 70 000 $ et 80 000 $. Lorsqu'une entreprise envoie une personne quelque part dans un camion de cette valeur appartenant à l'entreprise, elle veut savoir où le camion se trouve chaque jour et, lorsqu'il s'agit de servir une clientèle bien établie, elle veut savoir en temps opportun si ces clients se font effectivement servir, car cette clientèle est vitale pour une entreprise. Je ne peux croire qu'une personne dans la situation de Freeman ne serait pas tenue de signaler chaque jour où elle était allée, quels clients elle avait servis et s'il y avait eu des commandes nouvelles.

                    Le fait que Freeman pouvait déterminer l'ordre dans lequel il servirait ces clients ou le moment où il entreprendrait un voyage indique qu'il avait une certaine autonomie, mais, tout compte fait, je dirais que, bien qu'il n'ait pas été directement contrôlé par l'appelante, cette dernière savait quotidiennement où il était, ce qu'il faisait et quels clients il avait servis. Donc, pour ce qui est du critère du contrôle, je conclus que la preuve indique davantage l'existence du type de contrôle exercé sur un employé que l'existence de la simple orientation donnée à un entrepreneur indépendant.

                    En ce qui a trait au critère de la propriété des instruments de travail, il favorise très nettement la thèse selon laquelle Freeman était un employé et non un entrepreneur indépendant. Les seuls instruments pertinents pour ce genre de travail sont le camion et le chariot, qui appartenaient tous les deux à l'appelante. L'avocat de l'appelante a porté à mon attention une cause semblable en Saskatchewan, dans laquelle le juge Kyle de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan avait dit :

[TRADUCTION]

[...] Faire un parallèle entre la propriété des instruments de travail dans le cas d'un homme de métier et la propriété de l'hôtel et du matériel qu'il contient dans un cas comme celui-ci semble forcer à outrance le raisonnement de l'arrêt Montreal Locomotive.

Je suis d'accord là-dessus. Je pense que, il y a un demi-siècle, les savants juges qui ont établi ces premiers critères et qui parlaient de la propriété des instruments de travail n'ont jamais eu à l'esprit un camion de 80 000 $. À mon avis, ils parlaient des outils d'un homme de métier, par exemple le marteau et la scie d'un menuisier. Toutefois, le fait est que, dans une société plus complexe, le camion en question représentait le seul instrument au moyen duquel le service était fourni. Le permis de conduire détenu par Freeman était une condition préalable de son embauchage par l'appelante; Freeman n'aurait pu être embauché s'il n'avait pas eu un permis de conduire. Je ne considère pas le permis de conduire de Freeman comme un instrument de travail. Je prends en considération la seule chose que Freeman utilisait pour fournir les services, soit un véhicule hautement perfectionné et très coûteux. Donc, le critère de la propriété des instruments de travail favorise l'existence d'un emploi.

                    En ce qui concerne les chances de bénéfice et les risques de perte, je conclus que ce critère aussi favorise l'existence d'un emploi, car il n'y avait pratiquement aucun risque de perte. Il y avait une chance de rémunération, car tout ce que Freeman avait à faire était d'effectuer le voyage aller-retour pour recevoir la somme dont il avait convenu avec l'appelante dans la pièce A-1. Dans ce contexte, la rémunération n'est pas un bénéfice. L'avocat de l'appelante a soutenu que Freeman pouvait subir une perte, puisque, pour ce qui était des produits excédentaires qu'il transportait, il pouvait dire : [TRADUCTION] « Je vais en acheter et les revendre à profit moi-même » . S'il avait conclu ce type d'arrangement, il aurait pu acheter le produit au moment d'entreprendre un voyage; il aurait pu acheter 10 caisses de pizzas préparées, disons, et courir la chance de les vendre au cours de ce voyage et de gagner de l'argent en faisant le commerce de produits de pizza. Il peut avoir eu cette possibilité, mais je conclus que les produits supplémentaires n'étaient pas destinés simplement aux activités commerciales du conducteur. Ils étaient également destinés à répondre aux besoins de clients établis qui, durant le voyage, pouvaient décider qu'il leur fallait plus que les produits qui leur étaient destinés au moment du départ du camion.

[16]          Les observations qui précèdent et le renvoi à l'affaire Summit Gourmet Foods, précitée, s'appliquent en l'espèce.

[17]          L'appelante n'ayant pas établi que la décision du ministre était erronée, je confirme donc cette décision. En conséquence, le présent appel est rejeté. Compte tenu de l'entente intervenue entre les parties au début de l'audience, l'appel 98-169(CPP) est également rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 28e jour de mai 1999.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de mars 2001.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-1063(UI)

ENTRE :

CAMION HOLDINGS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Camion Holdings Inc. (98-169(CPP)) le 5 mars 1999 à Saskatoon (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Avocate de l'appelante :                       Me Kerry M. O'Shea

Avocate de l'intimé :                            Me Elaine Lee

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 28e jour de mai l999.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mars 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-169(CPP)

ENTRE :

CAMION HOLDINGS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Camion Holdings Inc. (98-1063(UI)) le 5 mars 1999 à Saskatoon (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Avocate de l'appelante :                       Me Kerry M. O'Shea

Avocate de l'intimé :                            Me Elaine Lee

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 28e jour de mai l999.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mars 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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