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Date: 20001228

Dossier: 97-3094-IT-G

ENTRE :

MARION E. HALLATT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 97-3095-IT-G

ENTRE :

HERBERT E. HALLATT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Les appels ont été entendus ensemble. Les avis d'appel soulevaient un certain nombre de questions, mais, au procès, la seule question en litige était la valeur des actions de Brantwood Manor Nursing Homes Limited ( « Brantwood » ) au 31 décembre 1971 (jour de l'évaluation). Il est convenu que l'appel de M. Hallatt pour 1986 doit être admis sans dépens en conformité avec un consentement qui, autant que je sache, n'a pas été déposé. Aucune des autres questions n'a été soulevée à l'audience.

[2]            Ainsi, le litige porte sur les cotisations établies à l'égard de M. et Mme Hallatt pour 1988. Par suite de toute modification que la Cour pourrait ordonner relativement à la cotisation établie à l'égard de Mme Hallatt pour 1988, il pourrait ou non y avoir des ajustements corrélatifs de la cotisation établie à l'égard de Mme Hallatt pour 1989, uniquement au titre de l'intérêt sur les acomptes provisionnels.

[3]            Le 31 décembre 1971, M. et Mme Hallatt détenaient chacun 50 p. 100 de toutes les actions de Brantwood. En décembre 1988, chacun d'eux a vendu ses actions à 712101 Ontario Limited pour 2 417 753 $. La commission de vente totale a été de 25 000 $. En produisant sa déclaration de revenu, chaque appelant a indiqué 1 250 000 $ comme prix de base rajusté de ses actions.

[4]            En se basant sur un prix de base rajusté de 250 000 $, l'intimée a imposé le gain en capital tiré par chaque appelant de la disposition de ses actions.

[5]            Les appelants ont obtenu de Campbell Valuation Partners Limited une estimation de la valeur des actions au jour de l'évaluation. Selon cette estimation, chacune des actions valait entre 1 650 000 $ et 1 900 000 $, soit en moyenne 1 775 000 $, c'est-à-dire 887 500 $ pour chaque appelant. C'est sur ce chiffre que les appelants se fondent maintenant.

[6]            M. Alan Jones, un évaluateur, a été appelé à la barre des témoins par l'intimée. Il estimait que la valeur des actions de Brantford au jour de l'évaluation se situait entre 476 000 $ et 530 000 $, soit une valeur moyenne de 503 000 $, c'est-à-dire 251 500 $ pour chaque appelant.

[7]            M. Wayne Eagle, évaluateur immobilier employé par l'ADRC, estimait que l'immeuble appartenant à Brantwood valait 610 000 $ au 31 décembre 1971.

[8]            Me Gamble affirmait que, comme M. Eagle et M. Jones étaient des employés de l'ADRC, leurs témoignages à titre d'experts ne devraient pas être acceptés, en raison du manque manifeste d'indépendance. Je n'ai pas souscrit à cette affirmation. Une personne par ailleurs reconnue comme étant une experte peut se trouver être une employée de la partie qui l'appelle à témoigner; ce n'est pas une raison pour exclure son témoignage. Si l'on a une raison de croire que son témoignage peut être entaché par un parti pris ou un manque d'indépendance, cette question peut être explorée au cours du contre-interrogatoire. Pour l'essentiel, j'adhère aux observations que le juge Bowie a formulées à cet égard dans l'affaire Gilvesy Enterprises Inc. c. La Reine, C.C.I., no 93-802(IT)G, 17 octobre 1996, à la page 11 (97 DTC 811, à la page 815).

[9]            Le 10 mai 1999, l'avocat des appelants a déposé auprès de la Cour un rapport d'évaluation établi par Nora V. Murrant. Dans son attestation, l'avocat des appelants dit être convaincu que le rapport de Nora Murrant correspond à la preuve que Howard Johnson est disposé à présenter.

[10]          Me Gamble a expliqué qu'il n'avait pu appeler Mme Murrant à témoigner parce qu'elle n'était plus au service de Campbell Valuation Partners Limited, travaillant maintenant pour l'Ontario Institute of Chartered Accountants. Selon les modalités de l'emploi de Mme Murrant, il était absolument interdit à cette dernière de fournir un témoignage d'expert, et Me Gamble était réticent à citer Mme Murrant à comparaître. Me Gamble a plutôt cherché à faire admettre le rapport de Mme Murrant en appelant à la barre Howard Edward Johnson, évaluateur expert auprès de Campbell Valuation Partners Limited, pour qu'il le présente, ce qu'il a tenté de faire.

[11]          Naturellement, je n'ai pas permis que le rapport de Mme Murrant soit présenté par l'intermédiaire de M. Johnson. Un expert ne peut évidemment pas présenter le rapport d'un autre expert. Je n'ignorais pas que, en excluant le rapport, je sapais complètement la cause des appelants, car il n'y avait par ailleurs aucune preuve pour réfuter l'hypothèse du ministre selon laquelle les actions valaient 500 000 $ au jour de l'évaluation. D'une manière générale, l'objet d'une instance judiciaire est de garantir que justice soit faite. Je n'estimais pas que ce serait servir les fins de la justice que de rejeter simplement les appels des deux appelants pour cause d'inobservation d'une règle. On a jusqu'à un certain point tenté, quoique maladroitement, de respecter la règle.

[12]          La solution à laquelle je suis arrivé était, à la réflexion, imparfaite, mais elle était préférable au simple rejet des appels. J'ai permis que M. Johnson exprime verbalement son opinion et j'ai ordonné que la transcription de son témoignage soit établie et remise à l'intimée, aux frais des appelants, et que l'audience soit ajournée pour permettre à l'avocat de l'intimée de préparer son contre-interrogatoire.

[13]          Je passe maintenant à la seule et unique question, soit la valeur des actions de Brantwood au jour de l'évaluation.

[14]          M. et Mme Hallatt avaient acheté les actions de Brantwood en 1966. La maison Brantwood était un établissement privé de soins infirmiers consistant en un immeuble situé sur une parcelle de 1,6 acre, c'est-à-dire de 350 pieds sur 200. La pièce A-1, soit un plan du bien, montre une annexe, du côté ouest, quadrillée en jaune. Cette annexe n'a été construite que longtemps après le jour de l'évaluation.

[15]          Pour ce qui est de l'immeuble que l'on voit à la pièce A-1, la partie de cet immeuble qui a été décrite en preuve comme étant le « noyau central » était utilisée comme établissement privé de soins infirmiers. La construction de la partie située à l'est de la partie centrale a été entreprise en septembre 1971, quoique les plans de cet ajout aient été établis à l'automne 1970. Les plans ont été soumis au ministère de la Santé, pour approbation. Les plans prévoyant 140 lits en tout ont été approuvés le 26 octobre 1971. Toutefois, à la fin de 1971, seulement 129 lits étaient « ouverts » [1]. En fait, cette situation s'est poursuivie jusqu'en 1980. Au cours du contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimée a montré à M. Hallatt une lettre que ce dernier avait écrite à l'honorable George Kerr le 25 septembre 1980. Cette lettre se lit comme suit :

[TRADUCTION]

En 1972, nous avons établi et fait approuver des plans pour la rénovation de notre maison de soins infirmiers comptant 60 lits et pour l'adjonction d'une nouvelle aile de 105 lits. La nouvelle aile devant être construite et l'installation existante devant être rénovée comportaient au total 140 lits et ont été approuvées par le ministre, qui a signé et estampillé les dessins de travail finis.

La construction a été entreprise à la fin de l'automne 1970, et l'ensemble du projet a été terminé en mars 1972. La construction initiale de l'aile de 105 lits a été achevée en août 1972 et, en vue d'ouvrir les lits le plus vite possible, nous avons alors demandé que le ministère effectue une inspection, pour fins d'approbation. La rénovation de la maison de soins infirmiers existante venait de commencer. Ainsi, l'inspectrice a approuvé les 105 nouveaux lits et les 24 lits existants, ce qui nous a alors donné un permis relatif à une capacité d'accueil correspondant à 129 lits. Elle a dit que, lorsque toutes les rénovations de l'aile existante seraient terminées, les 11 lits supplémentaires seraient approuvés pour fins d'occupation. Nous devions aviser le ministère en conséquence, lequel effectuerait ensuite une autre inspection pour l'approbation des 11 lits supplémentaires. Une fois les rénovations terminées, nous avons demandé au ministère de faire l'inspection requise pour l'approbation de ces 11 lits.

Toutefois, on nous a promptement avisé d'un gel de l'octroi de permis relatifs à de nouveaux lits d'établissements de soins infirmiers — pour des raisons budgétaires apparemment — et notre demande a été rejetée. Nous avons souligné que ce que nous demandions en fait, c'était simplement une confirmation de la capacité d'accueil initialement approuvée, soit 140 lits. Nous n'avons jusqu'à maintenant pas obtenu satisfaction et nous estimons que la position du ministère est intenable en droit et représente un précédent très dangereux. Après avoir officiellement approuvé l'aménagement d'un nombre de lits précis, sur lequel le propriétaire et les financiers avaient basé toutes les études de faisabilité, comment le ministère peut-il, une fois le projet terminé, arbitrairement annuler son engagement, ébranlant ainsi l'ensemble du projet et risquant même de le saboter?

Pour cette raison, nous estimons qu'il convient de prendre des mesures pouvant aller jusqu'à des poursuites judiciaires et, à cette fin, nous désirons retenir vos services.

[16]          M. Hallatt a témoigné que la construction de l'aile située du côté est était terminée dans une proportion se situant entre 85 et 90 p. 100 et qu'ils avaient commencé à y transférer de nombreux patients à la fin de février 1972. Il a également témoigné qu'il y avait alors un taux d'inoccupation nul à la maison de soins infirmiers.

[17]          Mme Hallatt est administratrice de profession; elle se spécialisait dans les soins de longue durée et dirigeait la maison de soins infirmiers. Comme témoin, elle a fait bonne impression, et sa mémoire était excellente. Elle a confirmé qu'il y avait un taux d'inoccupation nul à la maison Brantwood à l'époque pertinente. En fait, il y avait une liste d'attente.

[18]          Quoique la preuve sur ce point ne soit pas aussi claire qu'elle pourrait l'être, étant donné que nous cherchons à reconstituer des événements qui se sont produits il y a presque 30 ans, je pense qu'il convient davantage de considérer que, le 31 décembre 1971, la maison Brantwood avait une capacité d'accueil correspondant à 140 lits, mais que, légalement, elle ne pouvait exploiter que 129 lits. Il était toutefois raisonnable à cette époque de s'attendre à ce que les 11 lits supplémentaires soient approuvés par voie de permis, même si cela ne s'était pas encore concrétisé en 1980. Je fonde essentiellement cette conclusion sur le témoignage de Mme Hallatt.

[19]          La loi intitulée Nursing Homes Act, 1972 est entrée en vigueur en 1972. Elle remplaçait la loi précédente intitulée Nursing Homes Act, dont elle représentait une révision majeure. Une modification importante tenait compte de la loi intitulée Health Insurance Act, 1972. L'article 14 de la loi intitulée Nursing Homes Act, 1972 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

                Si le détenteur d'un permis fournit des services assurés en vertu de la loi intitulée The Health Insurance Act, 1972, le paiement de ces services sous le régime de cette loi sera, avec toute quote-part éventuelle prévue par règlement, réputé un paiement intégral.

[20]          Ni l'une ni l'autre de ces lois n'était en vigueur le 31 décembre 1971. Elles sont entrées en vigueur en 1972. Manifestement, leur adoption imminente était prévue en 1971.

[21]          Il semblerait raisonnable de conclure que l'on s'attendait en Ontario au vaste remaniement du système de soins de santé auquel ont donné effet les lois intitulées Health Insurance Act, 1972 et Nursing Homes Act, 1972, et que cette attente pouvait influer sur le prix auquel des maisons de soins infirmiers étaient achetées et vendues. M. Jones, un évaluateur, a été appelé à la barre par l'intimée. Il mentionnait dans son rapport que, le 26 avril 1971, la province d'Ontario avait annoncé que, au 1er avril 1972, les soins fournis dans des maisons de soins infirmiers seraient un service assuré; il y mentionnait également que, le 17 mai 1971, le ministre de la Santé avait annoncé que la création et l'expansion de maisons de soins infirmiers seraient autorisées selon une ligne directrice prévoyant 3,5 lits par millier d'habitants. Ni M. Jones ni les autres témoins n'ont fait de remarques sur l'effet, le cas échéant, que ces annonces pouvaient avoir eu sur le prix des maisons de soins infirmiers dans la province.

[22]          Donc, le 31 décembre 1971, la société Brantwood était propriétaire d'une maison de soins infirmiers en grande partie achevée et ayant une capacité d'accueil correspondant à 140 lits, dont 129 étaient légalement exploitables.

[23]          M. Johnson a été appelé à témoigner par les appelants en qualité d'expert. Il a dit qu'il était convaincu que les actions de Brantwood avaient une valeur se situant entre 1 650 000 $ et 1 900 000 $. Je tenterai de résumer sur quoi il fonde cette conclusion. M. Johnson a utilisé ce qui peut être décrit comme la méthode de capitalisation de la marge d'autofinancement discrétionnaire, par opposition à la méthode de capitalisation des bénéfices utilisée par M. Jones.

                Nombre de lits libres             140

                Taux d'inoccupation de 5 %               7

                                133

                Revenus annuels basés sur un rapport de

                                Chambers & Company Limited[2]          681 000 $

(Le rapport Chambers n'a pas été consigné en preuve.)

                Frais d'exploitation : 70 % des revenus

                                681 000 $ x 70 % = 476 700 $, arrondis à            477 000 $

                Marge brute d'exploitation normalisée

                                (bénéfices avant intérêts, impôts et

                                amortissement basés sur

                                le rapport Chambers)            204 000 $

                Moins impôt sur le revenu (estimation)            90 000 $

                                                114 000 $

                Moins réinvestissement

                                de maintien             14 000 $

                                moins DPA             5 000 $

                                                9 000 $    9 000 $

                Marge d'autofinancement discrétionnaire représentative             106 000 $[3]

[24]          Supposons une moyenne pondérée de 9,43 p. 100 à la fin de 1971 comme coût d'un emprunt hypothécaire ordinaire. Comme ce coût est déductible d'impôt, la déduction fiscale doit être incorporée comme suit :

                9,43 x [1-49 %] = 4,8093 x 0,75 (ratio emprunts / capital total) = 3,6 %;

le pourcentage de 3,6 p. 100 représente donc le coût après impôt de l'élément « emprunts » de la moyenne pondérée du coût du capital.

[25]          La deuxième partie du calcul consiste à déterminer le coût des fonds propres, en gardant à l'esprit qu'une proportion de 75 p. 100 représentera des emprunts et qu'une proportion de 25 p. 100 représentera des fonds propres. M. Johnson a supposé un pourcentage de 23,4 p. 100 comme coût des fonds propres tenant compte de l'effet de levier (selon l'hypothèse qu'il n'y a aucun emprunt); 25 p. 100 de ce chiffre (ratio emprunts / capitaux propres) donnent 5,9 p. 100. Avec les 3,6 p. 100 calculés précédemment comme coût après impôt des emprunts, cela donne un total de 9,5 p. 100. On déduit de cela un taux d'inflation de 4,5 p. 100 pour arriver à 5 p. 100 comme coût pondéré du capital.

[26]          On prend ensuite ce taux comme taux de capitalisation et on divise par ce taux de 5 p. 100 les 106 000 $ (marge d'autofinancement discrétionnaire représentative) pour arriver à 2 120 000 $. Il faut apporter certains ajustements à cela, soit :

a)              ajouter les 71 000 $ du compte débiteur des prêts aux actionnaires;

b)             déduire la dette portant intérêt s'élevant à 392 000 $ à la fin de 1971;

c)              déduire 400 000 $ comme frais de construction estimatifs pour l'achèvement de la nouvelle aile, déduction faite de 98 000 $, soit la valeur actuelle de la DPA à l'égard d'une telle dépense en capital;

d)             ajouter la valeur actuelle de la DPA à l'égard des actifs existants, soit le montant de 72 000 $;

e)              ajouter la valeur du terrain excédentaire — environ un demi-acre (ou 22 000 pieds carrés) — à 8,66 $ le pied carré, soit environ 190 000 $.

[27]          Le résultat est le suivant :

2 120 000 $ + 71 000 $ - 392 000 $ - [400 000 $ - 98 000 $] + 72 000 $ + 190 000 $ = 1 759 000 $, arrondis à 1 760 000 $.

[28]          M. Johnson a conclu que la moyenne approximative entre 1,65 et 1,9 million de dollars, soit 1,76 million de dollars, représente une juste valeur marchande appropriée pour les actions de Brantwood.

[29]          M. Johnson a parlé de « synergies après-acquisition » pouvant influer sur la valeur, mais je ne vois pas clairement, même en supposant que je sache ce que sont ces synergies, comment celles-ci — soit essentiellement des économies éventuelles au titre des coûts administratifs — pourraient influer sensiblement sur le prix qu'un acheteur paierait.

[30]          Je n'ai aucune difficulté particulière à comprendre les calculs mathématiques fournis par M. Johnson. Il faut toutefois garder à l'esprit que ce que la Cour doit faire dans une cause d'évaluation de ce genre, c'est de tenter d'arriver au prix sur lequel s'entendraient des vendeurs et des acheteurs sérieux et bien informés[4]. C'est une tâche relativement banale dans laquelle le bon sens et la réalité commerciale jouent nécessairement un grand rôle. En général, les actions d'une société fermée qui compte peu d'actionnaires doivent être évaluées selon l'hypothèse que la société continuera à faire affaire en tant qu'entreprise en exploitation. En d'autres termes, la valeur de liquidation n'est pas un critère approprié lorsque la société exploite une entreprise activement. L'évaluation de M. Johnson part évidemment du principe que la société continuera à exploiter la maison de soins infirmiers.

[31]          La différence entre l'évaluation de 503 000 $ de M. Jones et l'évaluation de 1 760 000 $ de M. Johnson est pour le moins surprenante.

[32]          L'intimée a consigné en preuve deux rapports de témoins experts. M. Eagle évaluait à 610 000 $ la maison de soins infirmiers en tant qu'immeuble faisant partie d'une entreprise en exploitation. M. Jones a utilisé certaines des conclusions de M. Eagle dans son rapport.

[33]          On peut lire ce qui suit dans le rapport Jones :

[TRADUCTION]

Au 31 décembre 1971, la société détenait, en plus des actifs nécessaires pour l'exploitation d'une maison de soins infirmiers de 55 lits, un terrain adjacent sur lequel on avait commencé à construire des locaux pouvant contenir 85 lits supplémentaires approuvés par voie de permis. La demande de permis était faite à la date de l'évaluation, et l'on s'attendait à ce qu'elle soit acceptée avant la fin de la construction.

On avait obtenu d'un évaluateur immobilier accrédité une estimation officielle permettant de déterminer la valeur de la maison de soins infirmiers en exploitation, ainsi que celle du terrain excédentaire appartenant à la société et celle de la construction inachevée au 31 décembre 1971.

Rapport entre les méthodes

Méthode des transactions comparables                           476 000 $

Méthode des bénéfices capitalisés                                    530 000 $

Méthode de l'approximation                                                               476 000 $

[34]          Le montant de 476 000 $ calculé selon la méthode des transactions comparables se compose des éléments suivants :

[TRADUCTION]

Valeur des actions de Brantwood Manor

Nursing Homes Limited

au 31 décembre 1971 selon la

méthode des transactions comparables

Avoir des actionnaires         41 509 $

                Valeur estimative de la maison de

                soins infirmiers existante     341 000 $

                Coût à ce jour de l'adjonction de l'aile est        149 900 $

                Valeur estimative du terrain pour l'ajout           58 000 $

                Valeur estimative du terrain excédentaire          60 000 $

                                650 409 $

                Demande de permis (2 000 $ x 90 % x 85)           153 000 $

Total        803 409 $

Moins :

                Valeur comptable de l'immeuble         317 206 $

                Valeur comptable des actifs incorporels           9 804 $     327 010 $

Valeur comptable nette ajustée                           476 399 $

En chiffres ronds                   476 000 $

[35]          Le montant de 530 000 $ calculé selon la méthode des bénéfices capitalisés a été obtenu comme suit :

[TRADUCTION]

Valeur des actions de Brantwood Manor

Nursing Homes Limited

au 31 décembre 1971 selon la

méthode des bénéfices capitalisés

Revenus annuels estimatifs

                55 lits @ 12,50 $ x 365           250 938 $

                85 lits en attente

                @ 12,50 $ x 365 x 90 %        349 031 $

                                599 969 $

*               Moins : taux
d'inoccupation estimatif (7,5 %)         44 998 $ 554 971 $

* Dépenses prévues (70 %)                                388 480 $

Revenu net prévu avant impôt                           166 491 $

Impôt sur le revenu                               70 746 $

Bénéfices représentatifs estimatifs                    95 745 $

**            Capitalisés @ 11 %                               870 412 $

                Moins : frais de construction à engager                           400 000 $

                                                470 412 $

                Ajouter la valeur estimative du

                terrain excédentaire                               60 000 $

Juste valeur marchande des actions                  530 412 $

En chiffres ronds                   530 000 $

*               Estimations compilées par le ministère de la Santé de l'Ontario.

**            Taux de capitalisation basé sur notre examen                 d'indicateurs économiques au 31 décembre 1971.

[36]          J'ai de la difficulté à accepter intégralement l'une ou l'autre évaluation. L'opinion de M. Johnson sur la valeur des actions est fondée sur un certain nombre d'hypothèses non corroborées. Par exemple, les revenus annuels de 681 000 $, basés sur le rapport Chambers, qui n'a pas été consigné en preuve, ne sont pas étayés. En fait, le revenu de l'année se terminant le 31 décembre 1971 a été de 241 616 $. Cela ne tient évidemment pas compte du revenu prévu tiré des lits supplémentaires. Les dépenses totales avant impôt sur le revenu s'élevaient à 226 985,73 $. Si l'on défalque de ce montant les frais d'intérêt (22 435 $) et l'amortissement (18 056 $), les dépenses avant intérêts, amortissement et impôt sur le revenu sont de 186 494 $, soit 77 p. 100 du revenu brut et non pas 70 p. 100 comme l'avaient présumé M. Jones et M. Johnson.

[37]          La déduction du taux d'inflation (4,5 p. 100) des 9,5 p. 100 calculés précédemment pour arriver à un taux de capitalisation de 5 p. 100 n'a pas été expliquée. M. Jones a choisi un taux de capitalisation de 11 p. 100. Le choix de ce pourcentage n'a pas été expliqué non plus, et M. Jones n'a rien déduit au titre de l'inflation. Je présume que la différence entre les taux de capitalisation peut être attribuable en partie au fait que M. Johnson et M. Jones déterminaient des taux de capitalisation dans le contexte de méthodes d'évaluation différentes et aux fins de ces méthodes différentes.

[38]          Un des éléments de l'opinion de M. Johnson que je trouve particulièrement difficile à accepter, c'est que M. Johnson estime qu'un acheteur informé aurait, le 31 décembre 1971, payé jusqu'à 1,7 million de dollars pour une société dont l'état des résultats pour l'année se terminant le 31 décembre 1971 indique un profit net après impôt de 11 318,27 $. Cela m'apparaît irréaliste. Il est vrai qu'il pouvait raisonnablement être prévu que, une fois la nouvelle aile terminée et tous les lits pleinement opérationnels, les revenus augmenteraient et qu'un acheteur pourrait très bien considérer les états des résultats comme étant peu importants. Néanmoins, il serait étonnant qu'un acheteur éventuel ne tienne aucun compte des résultats financiers obtenus dans l'année d'acquisition. De plus, quoique j'aie décidé que la méthode des transactions comparables n'est pas fiable en l'espèce, il semble bel et bien que le montant de 1,7 million de dollars soit tout à fait aberrant quand on considère qu'un établissement de 51 lits de la rue Victoria à Hamilton (dont il est question plus loin) s'est vendu 386 000 $ en 1974.

[39]          Une différence importante entre l'évaluation de M. Johnson et celle de M. Jones tient à la déduction, par M. Johnson, d'un facteur de 4,5 p. 100 au titre de l'inflation. M. Jones ne fait aucune déduction semblable. Le problème est que je n'ai aucune preuve dans un sens ou dans l'autre qui justifierait l'inclusion ou l'exclusion d'un facteur au titre de l'inflation. Le calcul du taux de capitalisation effectué par M. Johnson est raisonnablement compréhensible jusqu'à la déduction des 4,5 p. 100 au titre de l'inflation. Le traitement de l'inflation dans l'évaluation d'une entreprise est une question complexe. Dans certaines circonstances, l'exclusion de l'inflation peut être justifiée et, dans d'autres circonstances, l'inclusion de l'inflation peut être appropriée. Le traitement de l'inflation, quel qu'il soit, déterminé par un évaluateur donné exige une explication complète et détaillée. Aucune explication semblable n'a été fournie.

[40]          Avant que je formule ma conclusion, des explications et observations préliminaires s'imposent. La charge de la preuve incombe au premier chef aux appelants. Il y a toutefois une tendance regrettable dans les appels en matière d'impôt sur le revenu à insister indûment sur le fardeau de la preuve. Nous savons tous ce qui a été dit par le juge Rand dans l'affaire Johnston v. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486, et par le juge Cattanach dans l'affaire M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184. Dans le premier cas, le juge Rand disait qu'il s'agissait de « démolir » le fait de base sur lequel reposait l'imposition. Le terme « démolir » n'est pas très heureux en ce qu'il signifie ici saper complètement le fondement factuel de la cotisation et qu'il implique une norme de preuve rigoureuse[5]. La norme est une norme civile et elle exige une preuve selon la prépondérance des probabilités. Une preuve prima facie suffit si elle n'est pas réfutée. Ce point de vue est étayé par le jugement qu'a rendu le juge Duff de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Anderson Logging Co. v. The King, [1925] R.C.S. 45, à la page 50.

[41]          Une analyse exhaustive du fardeau de la preuve dans des causes d'impôt a récemment été faite dans l'affaire Hickman Motors Ltd c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, aux pages 378 à 380, par le juge L'Heureux-Dubé, qui a exposé une approche générale et tiré des conclusions auxquelles souscrivaient les juges McLachlin, LaForest et Major. Il est intéressant de comparer les déclarations faites dans l'affaire Hickman Motors avec la déclaration faite dans l'affaire Communauté Urbaine de Québec et al c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, dans laquelle le juge Gonthier disait, à la page 15 :

[...] Le fardeau de preuve repose donc sur le fisc lorsqu'on est en présence d'une disposition qui impose une charge fiscale et sur le contribuable dans le cas d'une disposition qui porte exemption de taxe.

Le juge Gonthier examinait évidemment une disposition d'exemption de la loi québécoise sur les taxes municipales.

[42]          « Démolir » un simple fait, c'est une chose. Démolir une opinion d'expert sur laquelle une cotisation est fondée, c'est un peu plus compliqué. La juste valeur marchande d'un bien est une question d'opinion d'expert, mais c'est en définitive une question de fait relativement à laquelle la Cour doit s'inspirer comme elle peut des opinions divergentes des experts pour arriver au bout du compte à sa propre décision quant à la valeur : Grove Crest Farms Limited c. La Reine., C.C.I., no 92-2396(IT)G, 14 décembre 1994 (96 DTC 1166); Western Securities Limited c. La Reine, C.C.I., no 94-1471(IT)G, 23 janvier 1997 (97 DTC 977); Erb c. La Reine, C.C.I., no 97-3216(IT)G, 26 novembre 1999 (2000 DTC 1401); Bibby exécutrice c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-3587-82, 17 mars 1983, à la page 19 (83 DTC 5148, à la page 5157). Dans l'affaire Western Securities, j'ai dit aux pages 5 et 6 (DTC : à la page 979) :

                Un autre problème se pose dans les évaluations de ce genre. En général, les deux parties font appel à des témoins experts. Dans de nombreux cas, ces témoins ne divergent pas sur les grands principes, encore qu'ils puissent à l'occasion être en désaccord sur l'utilisation optimale du bien qui est évalué. La principale différence réside en général dans le choix des biens comparables utilisés et dans les rajustements positifs ou négatifs à apporter à tel ou tel d'entre eux, en fonction de facteurs tels que l'emplacement, le moment de la vente ou d'autres caractéristiques physiques du bien. Il arrive souvent que le juge établisse une valeur qui se situera quelque part entre les positions antagonistes des experts, non par désir de rendre un jugement de Salomon, mais parce qu'il sait que les positions adoptées par les experts correspondent aux pôles extrêmes de la valeur. Il existe un risque que les experts jouent, en toute bonne foi, le rôle de défenseurs et que leurs positions fassent obstacle à la concertation. C'est pourquoi un arbitre impartial doit souvent conclure qu'il n'est pas sage d'adopter entièrement la position de l'un ou de l'autre et qu'il est probable que la juste valeur - j'hésite à utiliser des expressions telles que « valeur exacte » ou « valeur véritable » dans le domaine nécessairement imprécis qu'est l'évaluation - se trouve quelque part entre les deux extrêmes.

[43]          Dans des causes dans lesquelles la détermination de la valeur comporte des questions de fait, de droit et d'opinion - par exemple dans des causes en matière de recherche scientifique comme Northwest Hydraulic Consultants Limited c. La Reine, C.C.I., no 97-531(IT)G, 1er mai 1998 (98 DTC 1839) -, cela devient encore plus complexe. Il importe de reconnaître en quoi consiste le rôle de l'expert. Dans l'affaire RIS-Christie Ltd c. La Reine, C.A.F., no A-710-96, 21 décembre 1998 (99 DTC 5087), le juge d'appel Robertson a décrit comme suit le rôle de l'expert, à la page 7 (DTC : à la page 5089) :

[11]          À titre préliminaire, les parties soulèvent la question du rôle qu'il convient de reconnaître aux experts dans l'interprétation des dispositions de la Loi relatives aux recherches scientifiques. Vu la conclusion de M. Razaqpur que la possibilité de répéter l'expérience est un attribut essentiel de la recherche scientifique, il est nécessaire d'éclaircir ce point.

[12]          La question de savoir en quoi consistent les recherches scientifiques au regard de la Loi est une question de droit ou une question mixte de droit et de fait, à trancher par la Cour canadienne de l'impôt, et non par les experts cités comme témoins, contrairement à ce que, trop souvent, pensent les avocats des contribuables comme du ministre. Un expert peut aider le juge à jauger les preuves et témoignages de nature technique et peut chercher à le convaincre que les recherches poursuivies n'ont pas abouti ou ne pourraient aboutir à une avancée technologique. Mais, somme toute, son rôle se borne à mettre à la disposition du juge des verres correcteurs à travers lesquels celui-ci peut saisir les données techniques avant de les analyser et évaluer. Sans doute, l'expert cité par une partie cherchera à faire en sorte que ses spécifications focales soient adoptées par la Cour. Cependant, il est loisible au juge de première instance de préférer une ordonnance à une autre.

[44]          Il ressort de ce qui précède que la Cour n'est pas tenue d'accepter une opinion d'expert. En fait, comme la fonction de l'expert est d'aider la Cour à arriver à sa propre conclusion, la conclusion de l'expert est souvent moins importante que le raisonnement qui la sous-tend.

[45]          M. Jones a mentionné trois méthodes possibles : la méthode des transactions comparables, la méthode des bénéfices capitalisés et la méthode de l'approximation. La dernière de ces méthodes consistait essentiellement à multiplier le nombre de lits par un montant allant de 3 500 à 7 800 $ selon les renseignements obtenus de l'Ontario Nursing Home Association. La preuve portant sur l'exactitude de ces chiffres est insuffisante pour que je trouve cette méthode utile.

[46]          L'application de la méthode des transactions comparables mentionnée par M. Jones a consisté à comparer les ventes de quatre maisons de soins infirmiers. Je traite brièvement de ces biens ci-dessous, mais je ne trouve aucun de ces biens suffisamment comparable pour constituer une base d'évaluation solide. Trois de ces biens sont situés à Hamilton, et l'autre, à Mount Forest.

7, rue Blake, Hamilton : il s'agissait d'un immeuble de 80 ans d'une superficie de 8 900 pieds carrés, qui comportait 40 lits. Il s'est vendu en 1973 pour 227 000 $, soit 5 675 $ par lit. Il semble que c'était un vieil immeuble d'habitation qui a été converti à un moment donné en maison de soins infirmiers.

176, rue Victoria Nord, Hamilton : il s'agissait d'un immeuble relativement neuf d'une superficie de 9 700 pieds carrés, qui comportait 51 lits. Il s'est vendu en 1974 pour 386 000 $, soit 7 569 $ par lit. C'est peut-être le bien qui se compare le mieux avec la maison Brantwood, mais la preuve, un peu mince, semble indiquer que l'emplacement et les installations générales de cette dernière sont supérieurs.

57, boul. Proctor, Hamilton : ce bien a été vendu en 1975. Il s'agissait d'un immeuble de 50 ans, soit une habitation qui a été convertie et qui comportait 20 lits. Cet immeuble s'est vendu 102 000 $, soit 5 100 $ par lit. Je ne l'ai trouvé nullement comparable.

465, rue Dublin, Mount Forest : Mount Forest est située au nord de Hamilton, à environ 2 heures de route. Ce bien, soit un immeuble de 80 ans comportant 77 lits, s'est vendu en 1972 pour 465 000 $, soit 6 039 $ par lit.

[47]          M. Eagle a conclu que la maison de soins infirmiers comportant 55 lits avait une valeur de 6 200 $ par lit, soit une valeur totale de 341 000 $.

[48]          Si je devais utiliser cette méthode, je prendrais le prix de 7 569 $ par lit relatif à la vente du bien situé rue Victoria, à Hamilton. Il n'y aucun élément de preuve sur lequel je pourrais me fonder pour ajuster ce montant de manière à tenir compte du fait que ce bien s'est vendu en 1974. Cela donnerait une valeur de 416 295 $ pour ce qui est de la maison de soins infirmiers existante comportant 55 lits.

[49]          M. Eagle conclut que la valeur des 74 lits supplémentaires (pour un nombre total de 129 lits et non 140) était de 207 900 $ (arrondis à 207 000 $ par M. Jones), compte tenu du coût d'un groupement de terrains pour une maison de soins infirmiers à Hamilton. C'est à mon avis un chiffre réaliste, mais quelque peu prudent. On obtiendrait à peu près le même résultat si on prenait la même valeur par lit de 7 569 $, pour arriver à une valeur de 243 365 $ : 85 x 7 569 $ = 643 365 $ moins des frais de construction estimatifs de 400 000 $. Si le calcul était fondé sur seulement 74 nouveaux lits, le chiffre serait un peu moins élevé que celui auquel est arrivé M. Eagle. Cette méthode donnerait un montant de 719 660 $ : 416 295 $ (55 lits existants) + 243 365 $ (adjonction de 85 lits) + 60 000 $ (terrain libre). Cela représente environ 109 000 $ de plus que le montant de 610 000 $ obtenu par M. Eagle.

[50]          La méthode des transactions comparables est tout à fait correcte lorsqu'il y a suffisamment de données pour en justifier l'utilisation. Cependant, sur la foi de la preuve présentée, cette méthode n'est pas fiable dans le cas présent.

[51]          Il me reste donc le choix entre la méthode de capitalisation des bénéfices retenue par M. Jones et la méthode de capitalisation de la marge d'autofinancement discrétionnaire retenue par M. Johnson. Les deux méthodes semblent être des façons reconnues d'évaluer des entreprises privées. Alors, pourquoi devrais-je choisir l'une plutôt que l'autre? Il est clair que les deux méthodes mènent à des conclusions très différentes. Le bon sens me dit que le montant de 1,7 million de dollars n'est pas réaliste. Si j'étais un acheteur prudent désireux d'acquérir la maison Brantwood, que M. Jones me dise que je ne devrais pas payer plus de 500 000 $ et que M. Johnson me dise que je pourrais facilement payer 1 700 000 $, de qui suivrais-je le conseil? Instinctivement, je ne serais aucunement disposé à payer une somme de 1 700 000 $ pour une société dont l'immeuble ne valait guère plus de 600 000 $.

[52]          Ainsi, je suis plus enclin à accepter le rapport de M. Jones, simplement parce qu'il donne un chiffre plus conforme au bon sens et à la réalité.

[53]          Je suis disposé à accepter le calcul de M. Jones, qui donne des revenus annuels de 554 971 $, à ceci près. Je pense que son taux d'inoccupation estimatif de 7,5 p. 100 est élevé, à la lumière de la preuve présentée par M. et Mme Hallatt. Utiliser un taux d'inoccupation nul dans l'évaluation de l'entreprise serait commercialement irréaliste. Un taux de 2,5 p. 100 est peut-être plus conforme à la réalité, vu la preuve non contredite selon laquelle il n'y avait pas de lits libres à Brantwood. Je pense qu'un acheteur prudent et avisé utiliserait probablement un taux de 2,5 p. 100.

[54]          Ces ajustements auraient les résultats suivants.

Revenus bruts annuels        599 969 $

                moins taux d'inoccupation de 2,5 % 15 000 $

                                                584 969 $

Moins dépenses prévues de 70 %

                (pourcentage adopté par les deux évaluateurs)               409 478 $

Revenu net avant impôt                       175 491 $

Moins impôt sur le revenu à 42,5 % (chiffre de M. Jones)             74 583 $

Bénéfices représentatifs estimatifs                    100 908 $

Capitalisés à 11 %[6]                                917 345 $

Moins frais de construction à engager

                (les deux évaluateurs ont utilisé ce chiffre)                      400 000 $

                                                517 345 $

Ajouter la valeur du terrain excédentaire                          60 000 $

                (Chiffre de M. Eagle             adopté par M. Jones. M. Johnson

                a supposé 8,66 $ le pied carré, soit un montant de

                190 000 $, mais la preuve n'étaye pas un tel chiffre.)

                                                577 345 $

Ajouter le montant du compte débiteur des prêts aux actionnaires             71 000 $

                (ajouté par M. Johnson mais pas par M. Jones)

                                                648 345 $

En chiffres ronds                   650 000 $

Valeur de toutes les actions de Brantwood

au jour de l'évaluation                         650 000 $

Valeur des actions de chaque appelant                             325 000 $

[55]          Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et une nouvelle cotisation selon les motifs du jugement.

[56]          Le succès est partagé. Il n'y aura aucune ordonnance pour ce qui est des dépens.

[57]          Il est ordonné aux parties de déposer le consentement à jugement mentionné au début des présents motifs concernant les années et les questions non abordées dans les présents motifs et de soumettre à la Cour une ébauche de jugement formel.

Signé à Toronto, Canada, ce 28e jour de décembre 2000.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           La preuve est un peu contradictoire sur ce point. À un certain moment, on a dit que 129 lits étaient ouverts à la fin de 1971 et, à un autre moment, on a dit que seulement 55 lits étaient en fait ouverts.

[2]           Revenus majorés compte tenu du fait que Chambers & Company Limited avait fondé ses calculs sur 137 lits plutôt que 140.

[3]           Chiffre fourni par M. Johnson (114 000 $ - 9 000 $ = 105 000 $).

[4]           Il n'est pas nécessaire de citer l'énoncé classique sur la juste valeur marchande fait par le juge Cattanach dans l'affaire Henderson exécuteur et Bank of New York c. M.R.N., C.F. 1re inst., no T-358-71, 6 septembre 1973, aux pages 10 à 14 (73 DTC 5471, aux pages 5476 et 5477); conf. par C.A.F., no A-158-73, 28 juillet 1975 (75 DTC 5332).

[5]           Dans l'affaire Wong c. La Reine, numéro de dossier 98-2787(IT)G, le juge McArthur semble partager mes réserves au sujet de l'emploi de ce terme.

[6]           Une des questions les plus difficiles qu'il m'a fallu trancher dans mon analyse en l'espèce a été le choix d'un taux de capitalisation approprié. Ma préférence serait allée au taux de 9,5 p. 100 déterminé par M. Johnson, sans la déduction qu'il a faite d'un facteur d'inflation de 4,5 p. 100, simplement parce que M. Johnson a expliqué un peu plus clairement comment il était arrivé au pourcentage de 9,5 p. 100. J'ai toutefois décidé que ce choix ne serait pas approprié, simplement parce que M. Johnson déterminait un taux de capitalisation aux fins de la méthode de capitalisation de la marge d'autofinancement discrétionnaire, tandis que M. Jones déterminait un taux de capitalisation aux fins de la méthode de capitalisation des bénéfices. Dit simplement, ils choisissaient des taux de capitalisation devant s'appliquer à des chiffres dont les origines et les fins étaient différentes. Donc, une approche hybride éclectique n'est pas justifiable. Toutefois, ce que cela démontre, c'est que le choix d'un taux de capitalisation, quelle que soit la méthode utilisée, est d'une importance cruciale et peut avoir de lourdes conséquences. Néanmoins, cela comporte un élément d'arbitraire et de subjectivité appréciable. Lorsque, comme en l'espèce, le taux de capitalisation revêt une telle importance, les experts devraient dans leur rapport expliquer d'une manière complète et détaillée comment et pourquoi ils en sont arrivés à un tel taux.

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