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Date: 20010105

Dossier: 1999-4517-IT-I

ENTRE :

LYNN WALSH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            L'appelante interjette appel d'une cotisation d'impôt sur le revenu établie pour l'année d'imposition 1999. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) l'a avisée qu'à compter du mois de septembre 1998 elle n'avait plus droit à la prestation fiscale pour enfants puisqu'elle n'avait plus la garde de ses deux enfants; il a recalculé le montant de la prestation et demandé le remboursement d'un montant de 2 300,92 $ payé en trop pour la période de septembre 1998 à janvier 1999.

[2]            L'appelante a témoigné qu'elle réside à Mackenzie (Colombie-Britannique) et qu'elle est mère de deux enfants, Nathan, né le 2 mai 1992, et Haxton, né le 23 mars 1994. En 1991, elle a épousé Bradley Walsh, avec qui elle a vécu à Tumbler Ridge (Colombie-Britannique) jusqu'à leur séparation en décembre 1996. À la suite de cette rupture, les enfants ont fait le va-et-vient entre la résidence de l'appelante et celle de son ancien époux selon l'horaire de travail de ce dernier. À l'automne de 1996, l'appelante a commencé à fréquenter le collège à Tumbler Ridge en vue de parfaire son éducation. Il n'y avait alors aucun accord écrit de séparation ni d'ordonnance judiciaire en vigueur. Cependant, le 27 août 1998, le juge Cleaveley, de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, a rendu une ordonnance — pièce A-1 — dont la partie pertinente est libellée dans les termes suivants :

                                [TRADUCTION]

LA COUR ORDONNE que la résidence principale des enfants [...] soit à titre provisoire celle du requérant Bradley WALSH.

LA COUR ORDONNE EN OUTRE que les enfants passent trois (3) fins de semaine par mois avec l'intimée, Lynn WALSH, ainsi qu'il a été convenu entre les parties.

[3]            L'ordonnance prévoyait que l'affaire serait examinée de nouveau le 19 novembre 1998 lors d'une séance qui se déroulerait à Tumbler Ridge. Peu de temps avant que l'ordonnance soit rendue, l'appelante s'était installée à Dawson Creek (Colombie-Britannique), soit à une heure et demie de route de Tumbler Ridge. Nathan — aujourd'hui âgé de 6 ans — a commencé l'école à Tumbler Ridge et son père, Bradley Walsh, a continué de travailler à la mine de charbon de Bullmoose. Un ami de l'appelante allait chercher les deux enfants le vendredi après-midi, les amenait chez l'appelante à Dawson Creek, où ils restaient, puis les ramenait à Tumbler Ridge tôt le lundi matin. Le père des enfants devait travailler 12 heures par jour, 4 jours par semaine, puis il avait quatre jours de congé; parfois, il travaillait deux jours, avait une journée de congé, puis travaillait deux autres jours. À la fin de septembre 1998, toutefois, Bradley Walsh a été congédié; il est resté à la maison jusqu'au mois de janvier 1999. Le 18 mai 1999, la première ordonnance — produite sous la cote A-1 — a été revue par le juge Cleaveley, qui a ordonné que la résidence principale des deux enfants soit celle de Lynn Eileen Walsh, l'appelante dans la présente affaire. Il a en outre accordé à Bradley Walsh un droit d'accès raisonnable aux enfants. L'appelante a expliqué que, du 1er septembre 1998 au 18 mai 1999, les enfants avaient vécu chez elle, à Dawson Creek, trois fins de semaine par mois, la fin de semaine de l'Action de grâce, et une semaine à Noël. Avant sa séparation d'avec son époux, elle avait toujours été celle qui, principalement, avait fourni des soins aux enfants et, après qu'elle a eu quitté la résidence conjugale, elle a continué de s'occuper des enfants en ce qui concernait notamment la garderie, l'école, les déplacements et les activités récréatives, ainsi que d'assister à divers événements, comme des parties de soccer, même après avoir déménagé à Dawson Creek. Entre le début du mois de décembre 1995, lorsqu'elle et son époux se sont séparés, et le 1er septembre 1998, date à laquelle elle a déménagé à Dawson Creek, elle a maintenu une résidence séparée à Tumbler Ridge, de sorte que les enfants ont vécu dans les deux maisons, où ils avaient chacun une chambre, des vêtements, des meubles et des jouets. L'appelante a déclaré qu'elle assistait aux rencontres entre les parents et les professeurs et aux entrevues avec ces derniers, qu'elle guidait les enfants et leur prodiguait des conseils, et qu'elle assumait ses responsabilités parentales en tout temps en restant en contact très étroit avec ses enfants. L'appelante a déposé — sous la cote A-3 — des photocopies d'une liasse de reçus attestant les dépenses qu'elle avait faites pour les enfants du mois de juillet 1998 au mois de janvier 1999. Il s'agit notamment d'essence pour le véhicule utilisé aux fins du transport des enfants, de matériel de camping, de frais pour les camps d'été, d'articles récréatifs, de jouets et de divertissements. L'appelante a calculé qu'au cours de la période en question dans cet appel les enfants avaient été avec elle entre 38 et 50 p. 100 du temps. Lorsqu'elle vivait à Dawson Creek, elle a fait en sorte que les enfants obtiennent des conseils professionnels à Tumbler Ridge pour faire face aux difficultés découlant de sa séparation d'avec leur père. De plus, elle était en contact avec l'instructeur de patinage de son fils. Elle a souligné que la plupart des enfants — même dans une famille biparentale — sont confiés aux soins d'instituteurs, de conseillers, d'entraîneurs ou de dispensateurs de soins pendant une bonne partie du temps.

[4]            En contre-interrogatoire, l'appelante a déclaré que son époux, Bradley Walsh, avait convenu de payer une pension alimentaire pour les enfants et qu'il avait bel et bien effectué les paiements. À la suite de la séparation, l'appelante a étudié pendant huit mois en administration des affaires au collège à Tumbler Ridge. Son époux, qui avait une nouvelle conjointe de fait, a par la suite emménagé chez cette dernière. L'appelante a indiqué avoir compris que, pour obtenir un meilleur emploi, elle devrait quitter Tumbler Ridge. Elle a obtenu un emploi de technicienne juridique à Dawson Creek; elle a travaillé de 8 h 30 à 16 h du lundi au vendredi jusqu'à la fin du mois de décembre 1998; elle a alors trouvé un autre emploi à Dawson Creek. Après avoir déménagé à Dawson Creek, elle a loué une maison où ses fils avaient chacun une commode, un lit et des jouets. De l'avis de l'appelante, l'ordonnance produite sous la cote A-1 reposait en grande partie sur le fait que l'école et la communauté de Tumbler Ridge représentaient un environnement familier pour les enfants. Elle savait que l'ordonnance du 27 août 1998 avait été rendue à titre provisoire car, sinon, elle aurait déménagé à Tumbler Ridge — même si cela signifiait qu'elle devrait vivre de l'assistance sociale — pour obtenir la garde permanente de ses enfants. Le partage de la garde avec son époux était parfois difficile et le fait que ce dernier avait une nouvelle conjointe — avec qui il avait de nombreuses disputes domestiques — n'était pas propice à un environnement sain pour ses enfants. Même après que les enfants eurent déménagé à Dawson Creek le 1er juin 1999 pour vivre avec elle conformément à l'ordonnance rendue le 18 mai 1999 — pièce A-2 — elle a continué de les conduire à leurs parties de soccer et d'assister aux événements scolaires à Tumbler Ridge jusqu'à la fin de l'année scolaire en juin. Les enfants ont passé un mois avec leur père à Tumbler Ridge mais, au 1er septembre 1999, leur vie était centrée à Dawson Creek. Le père a déménagé dans le sud de la Colombie-Britannique, de sorte qu'il n'a pu par la suite rendre visite aux enfants que de façon irrégulière. L'appelante a déclaré que, pendant qu'elle vivait à Dawson Creek et que les enfants vivaient avec son époux à Tumbler Ridge, il lui était arrivé, certains jours d'hiver, de ne pas pouvoir se déplacer pour aller les voir. Elle est restée en contact avec le médecin des enfants à Tumbler Ridge, car elle estimait ne pas toujours pouvoir compter sur son époux pour obtenir des renseignements sur leur santé. Son époux payait les frais de garderie, mais elle payait les cours de patinage et l'inscription au soccer.

[5]            L'appelante a déclaré qu'elle s'était beaucoup occupée de ses enfants au cours de la période où elle avait vécu à Dawson Creek et que, en dépit de la séparation physique, c'était elle qui avait assumé principalement la responsabilité pour leur soin et leur éducation, s'acquittant de ce rôle depuis leur naissance.

[6]            L'avocat de l'intimée a fait valoir que la vie des enfants au cours de la période en cause en l'espèce était centrée à Tumbler Ridge et que la Cour provinciale avait reconnu que leur résidence principale était celle de leur père. En conséquence, l'appelante n'avait pas droit à la prestation fiscale pour enfants parce qu'elle n'était pas un « particulier admissible » au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[7]            À l'alinéa 122.6 g) de la Loi, on renvoie au règlement pris par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social. L'article 6302 du Règlement est pertinent.

[8]            L'effet combiné des dispositions pertinentes, soit l'article 122.6 de la Loi et l'article 6302 du Règlement, est le suivant :

122.6        « particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment:

                a) elle réside avec la personne à charge;

                b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

                c) elle réside au Canada; [...]

Pour l'application de la présente définition: [...]

                h) les critères qui servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne peuvent être énoncés dans des règlements pris par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre du Développement des ressources humaines.

Critères 6302:

Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible:

                a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

                b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

                c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

                d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

                e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

                f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

                g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider,

                h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[9]            Dans l'affaire M.R.N. c. Stephen Marshall et Victoria Marshall, C.C.I., no 94-891(IT)I, 7 mai 1996 ([1996] 3 C.T.C. 2106), le juge Bell, de la Cour canadienne de l'impôt, a été appelé à trancher de nouveau, conformément à une directive de la Cour d'appel fédérale rendue dans le cadre d'un contrôle judiciaire, une affaire dans laquelle il avait conclu que chacun des parents était un particulier admissible au sens de l'article 122.6 de la Loi pour les motifs qu'il avait énoncés à la page 4, à partir du paragraphe 9 de son jugement :

9.               Comme je l'ai mentionné dans les motifs du jugement que j'ai rendu oralement, j'ai conclu :

[TRADUCTION]

Qui a droit à la prestation? Les deux y ont droit. Stephen et Victoria étaient chacun un « particulier admissible » en vertu de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Chacun résidait avec les deux garçons pendant la période en cause et chacun, pendant qu'il résidait avec eux, assumait principalement « la responsabilité pour le soin et l'éducation » des garçons.

10.            Cette conclusion était fondée sur la définition de « particulier admissible » s'agissant, à un moment donné, de la personne qui, à ce moment, « réside avec la personne à charge » ainsi que sur la preuve selon laquelle le père et la mère s'occupaient chacun des garçons à tous les égards lorsque ceux-ci étaient avec lui.

11.            Dans les motifs du jugement qu'elle a rendu lors du contrôle judiciaire, la Cour d'appel fédérale a dit que c'était la mère qui, selon les faits auxquels cette cour avait conclus, était la personne qui « assum[ait] principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation » des enfants issus du mariage et qu'elle seulement pouvait à juste titre être considérée comme la personne ayant droit aux prestations fiscales pour enfants prévues à l'article 122.6 de la Loi et à l'article 6302 du Règlement. La Cour d'appel fédérale a ajouté ceci :

Cet article de la Loi prévoit qu'un seul des deux parents est un « particulier admissible » aux fins d'admissibilité aux avantages. L'article ne prévoit aucun partage proportionnel entre deux parents qui prétendent être des parents admissibles. Seul, le Parlement peut prévoir le partage proportionnel des avantages, mais il ne l'a pas fait.

12.            Dans les motifs du jugement qu'elle a rendu, la Cour d'appel fédérale n'a pas mentionné que chaque parent résidait avec les garçons. Elle doit avoir décidé que Victoria Marshall était le seul parent qui résidait avec les garçons. Aucun fondement n'a été énoncé à l'appui de cette décision, mais il est à supposer que la décision était fondée sur le fait que la mère passait plus de temps avec les enfants que Stephen Marshall.

[10]          Dans l'affaire Piorkowski c. Sa Majesté La Reine, C.C.I., no 1999-283(IT)I, 24 janvier 2000 ([2000] C.T.C. 2308), le juge Dussault, de la Cour canadienne de l'impôt, a examiné l'appel d'une contribuable qui avait vécu en union de fait avec le père de deux enfants partageant la garde avec la mère de ces derniers. Le litige portait sur le droit à la prestation fiscale pour enfants. À la page 7 — et aux pages suivantes — de son jugement, à partir du paragraphe 28, le juge Dussault dit ceci :

28.            J'ai devant moi deux parties, d'une part la mère des enfants, de l'autre le père (et sa nouvelle conjointe) qui ont tous, à n'en pas douter, fait de leur mieux pour accorder le plus d'attention possible aux soins aux enfants et à l'éducation de ceux-ci dont ils partageaient la garde, une situation en général difficile. Chacun s'est occupé des enfants, chacun a participé aux activités des enfants, chacun a joué son propre rôle selon ses propres moyens.

29.            Lorsque les éléments de preuve dans l'ensemble ne font pas pencher la balance clairement en faveur d'une partie ou de l'autre, on aimerait bien trouver une solution qui répond à la volonté des parties de partager également la garde de leurs enfants, ce dont les parties ont essentiellement convenu et ce qu'elles ont respecté en l'espèce.

30.            Malheureusement, sauf dans le cas où les parties s'entendraient pour partager la prestation fiscale pour enfants sur une base semestrielle, ce que Revenu Canada accepte aux termes d'une de ses pratiques administratives, il n'est pas possible de diviser la prestation comme l'a décidé la Cour d'appel fédérale dans Canada v. Marshall, [1996] A.C.F. no 431.

31.            Compte tenu des facteurs qui doivent être considérés et qui sont fondés sur le soin, l'attention et la participation, compte tenu des éléments de preuve présentés en l'espèce, je dois conclure que l'appelante n'a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle respecte la condition établie au paragraphe b) de la définition de "particulier admissible" à l'article 122.6 de la Loi, c'est-à-dire qu'elle était, durant les périodes en question, la personne qui s'occupait principalement du soin et de l'éducation des deux enfants.

32.                  Les appels sont donc rejetés.

[11]          Dans l'affaire Vaillancourt et Sa Majesté La Reine (1999-3801(IT)I), une décision récente, la juge Lamarre-Proulx a conclu que, au cours de toutes les périodes en cause dans l'appel à l'exception d'une seule, la contribuable n'était pas le « particulier admissible » compte tenu de l'endroit où les enfants avaient vécu et de la personne qui avait assumé principalement la responsabilité pour leur soin et leur éducation. Dans cette décision, la juge Lamarre-Proulx a dit espérer que l'appelante comprenne que, même si la Cour devait déterminer que l'un des parents assumait principalement la responsabilité pour le soin des enfants, cela ne signifiait pas que la participation substantielle de l'autre parent n'était pas essentielle au bien-être des enfants.

[12]          Dans le présent appel, il ne fait pas de doute que l'appelante avait très à coeur le bien-être de ses enfants et qu'elle a consacré beaucoup de temps et d'énergie à rester en contact étroit avec eux au cours de la période en cause, même si elle résidait à 180 kilomètres de l'endroit où ses enfants vivaient avec leur père. Elle a passé beaucoup de temps avec eux et ils ont passé chez elle à Dawson Creek trois fins de semaine par mois, dans la mesure où les conditions météorologiques l'ont permis, et de plus longues périodes au cours d'une longue fin de semaine et du congé de Noël. Elle a continué à s'occuper de leurs études, de leurs loisirs et d'autres activités semblables, à prendre des dispositions pour qu'ils obtiennent des conseils professionnels ou à communiquer avec leur médecin de famille. Elle a aussi payé de sa poche les activités des enfants à Tumbler Ridge, où elle a assisté à des événements même si l'aller-retour prenait au moins trois heures en voiture lorsque les conditions routières étaient bonnes. Malgré cela, si l'on examine les critères énoncés à l'article 6302 du Règlement, il ne fait pas de doute que le père des enfants, Bradley Walsh, fournissait la résidence principale des enfants, ainsi que le prévoyait l'ordonnance judiciaire produite sous la cote A-1. De plus, il assumait principalement la responsabilité pour le maintien d'un milieu sûr là où les enfants résidaient, et c'est lui qui aurait eu la tâche de surveiller les activités quotidiennes des enfants, de veiller à leur hygiène corporelle de façon régulière et de prendre des dispositions pour les amener à l'école et aux rencontres sportives au sens du libellé du Règlement pris dans son ensemble. Les enfants ont passé la majorité de leur temps avec leur père, et la disposition législative en cause renvoie à la quantité de temps et non à une évaluation qualitative des capacités des deux parents d'assumer certaines des fonctions prévues à l'article 6302 du Règlement. L'appelante jouait assurément un rôle important dans les soins fournis de façon constante aux enfants, et ces derniers étaient très chanceux d'avoir une mère aussi dévouée malgré ses difficultés financières et la distance séparant le lieu de son emploi et de sa résidence de Tumbler Ridge. Il convient de la féliciter des efforts qu'elle a fournis pour se perfectionner et ainsi obtenir un emploi lui permettant de prendre soin de ses enfants de façon permanente. Cependant, compte tenu de la preuve, je ne peux conclure que le ministre a eu tort de déterminer que Bradley Walsh, l'époux de l'appelante, était au cours de la période visée par l'appel le particulier admissible au sens de l'article 122.6 de la Loi. C'est à l'appelante qu'il incombait d'établir son droit selon la prépondérance des probabilités. La garde partagée ou conjointe est aujourd'hui chose courante, surtout lorsque les deux parents exercent un ou plusieurs emplois et qu'ils doivent confier leurs enfants à une variété d'instructeurs, d'enseignants, d'entraîneurs et de dispensateurs de soins — en dehors du cadre scolaire. Dans l'affaire récente Nelson c. P.G. du Canada, C.A.F., no A-467-99, 3 octobre 2000 (2000 DTC 6556), la Cour d'appel fédérale a examiné le cas d'un contribuable qui demandait l'équivalent du montant pour conjoint même s'il avait payé une pension alimentaire pour son fils et avait pu déduire le montant correspondant. À la page 6559 de son jugement, la juge Sharlow, se prononçant pour la Cour d'appel, a dit ceci :

13.            Le postulat qui sous-tend l'argument de M. Nelson est que le législateur fédéral devrait offrir le même allégement fiscal à tous les parents célibataires qui subviennent aux besoins de leurs enfants en vertu d'un accord de garde partagée. Il s'agit là sans doute d'un objectif louable de politique publique, mais ce n'est pas un objectif qui puisse être avancé dans une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte. M. Nelson ne peut que s'en remettre au législateur fédéral.

14.            Je note que la Cour de l'impôt est arrivée à la même conclusion dans l'affaire Werring c. Canada, [1997] A.C.I. no 361 (QL); 97 D.T.C. 3290. M. Nelson a présenté ses arguments un peu différemment. Il a fait valoir ce qu'il appelait les droits des enfants, en affirmant que les enfants sont défavorisés par une fiscalité qui offre un dégrèvement fiscal moins généreux aux parents qui exercent une garde partagée et qui ont l'obligation juridique de verser une pension alimentaire pour enfants, qu'aux parents qui n'ont pas cette obligation juridique. Le dossier ne renferme aucun fondement factuel à l'appui de cet argument. Il ne dit pas non plus que, dans l'hypothèse où les enfants sont ainsi défavorisés, le problème ne peut être adéquatement résolu au moyen d'une demande présentée au tribunal de la famille pour qu'il rajuste en conséquence les obligations alimentaires des parents.

15.            La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[13]          Il est évident que certains changements législatifs s'imposent. Habilité à ce faire par la Loi, le ministre est tout à fait compétent pour trancher des questions portant sur l'utilisation de véhicules et d'autres biens et pour déterminer dans quelle proportion ceux-ci sont utilisés à des fins commerciales ou personnelles. De même, le ministre peut rendre une décision en tenant compte de l'opportunité ou non de partager les profits et les pertes d'une société de personnes entre des parties ayant un lien de dépendance, selon les circonstances d'une affaire. Dans les cas où il y a garde partagée ou conjointe — ce qui n'a rien à voir avec les droits d'accès ou de visite raisonnables et structurés d'il y a deux décennies — il ne serait pas difficile de prévoir le partage de la prestation fiscale pour enfants à certaines conditions. Le partage effectué par le ministre sur le fondement de la preuve présentée s'appliquerait jusqu'à ce qu'il soit modifié par un tribunal d'appel. Ces décisions, prises après un examen des faits fournis par les parties dans des questionnaires ou des renseignements fournis par d'autres moyens de communication, donneraient probablement lieu à très peu de litiges.

[14]          L'appelante nous a présenté une vision modérée et instructive des problèmes qui entourent cette disposition législative, et il est malheureux que ses efforts au cours de la période en cause ne puissent être reconnus dans le cadre du régime actuel de la Loi. Cependant, mon rôle consiste à déterminer si le ministre a commis une erreur lorsqu'il a décidé que l'appelante n'avait pas droit à la prestation fiscale pour enfants. La décision du ministre était correcte, et l'appel est rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 5e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4517(IT)I

ENTRE :

LYNN WALSH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 24 octobre 2000, à Prince George (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                   Me Eric Douglas

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

         


Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 5e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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