Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001220

Dossier: 98-2778-IT-G

ENTRE :

BRENT GLYNN McCLELLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION :

[1]            L'intimée a produit un avis de requête en vue d'obtenir de cette cour :

a)              une ordonnance radiant l'avis d'appel et rejetant l'appel;

b)             subsidiairement, une ordonnance mettant fin à l'appel.

LOI ET RÈGLES :

[2]            Les passages pertinents de l'article 58 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) sont ainsi rédigés :

58.            (1) Une partie peut demander à la Cour,

[...]

b) soit de radier un acte de procédure au motif qu'il ne révèle aucun moyen raisonnable d'appel ou de contestation de l'appel,

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

(2)           Aucune preuve n'est admissible à l'égard d'une demande,

[...]

b) présentée en vertu de l'alinéa (1)b).

[3]            Le paragraphe 165(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) est en partie ainsi rédigé :

(1)            Le contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d'opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents [...]

[4]            Le paragraphe 169(1) de la Loi est en partie ainsi rédigé :

Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

b) après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation [...]

ARGUMENTS DE L'INTIMÉE :

[5]            Pour ce qui est de la partie a) de la requête, l'avocat de l'intimée a déclaré ce qui suit en ce qui concerne le passage de l'avis d'appel portant sur le « redressement demandé » :

                                [TRADUCTION]

Selon le premier paragraphe, l'appelant demande à cette cour de conclure que l'avis d'appel et l'avis d'opposition portant sur ces années d'imposition sont valables.

[6]            Sous cette rubrique, l'alinéa 1 a) est ainsi rédigé :

                                [TRADUCTION]

1.              L'appelant demande par conséquent ce qui suit :

a)              Que l'appel soit admis et que l'avis d'opposition daté du 2 janvier 1998 et visant les cotisations établies à l'égard de l'appelant par le ministre, pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995 et 1996, soit considéré comme valable;

[7]            L'alinéa suivant est ainsi rédigé :

                                [TRADUCTION]

b)            Que l'avis d'opposition de l'appelant daté du 2 janvier 1998 soit déféré au ministre pour examen;

c)              Les frais raisonnables et légitimes de la présente action;

d)             Une ordonnance annulant la procédure de saisie-arrêt intentée contre l'appelant;

e)              toute autre mesure de redressement que cette cour estime juste.

[8]            L'avocat a ensuite mentionné l'article 171 de la Loi, dont le paragraphe (1) est ainsi libellé :

(1)            La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel :

a)             en le rejetant;

b)             en l'admettant et en :

(i)             annulant la cotisation,

(ii)            modifiant la cotisation,

(iii)           déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

[9]            Selon l'avocat :

                                [TRADUCTION]

[...] il ne s'agit pas en l'espèce d'un appel interjeté à l'encontre de cotisations.

[10]          Puis, il a déclaré ceci :

                                [TRADUCTION]

La question est celle de savoir si l'essence de l'appel formé devant cette cour entre dans le cadre de ces trois sous-alinéas, puis nous passerons à la question de savoir ce qui constitue une cotisation et ce qui constitue un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation, étant donné que, pour que je puisse vous expliquer pourquoi le présent appel ne constitue pas un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation en vertu de l'article 169 ni ne permet à la Cour d'accorder un redressement prévu à l'article 171, je dois examiner ce qui constitue une cotisation et ce qui constitue un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation.

[11]          L'avocat a fait valoir avec fermeté sa position selon laquelle :

                                [TRADUCTION]

Il ne s'agit pas en l'espèce d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation. Il s'agit en fait d'une demande de l'appelant pour que l'avis d'opposition soit déféré au ministre pour qu'il rende une décision à son égard.

[12]          Il a soutenu que :

                               

                                [TRADUCTION]

La cotisation n'a fait l'objet ni d'une opposition ni d'une contestation. Vous pouvez examiner l'avis d'opposition et vous pouvez lire toutes les pages, et vous verrez que l'appelant ne déclare nulle part que son impôt est trop élevé.

[13]          Puis a eu lieu l'échange suivant :

                                [TRADUCTION]

M. le juge : Croyez-vous un seul instant que l'avis d'opposition a été produit pour une raison autre qu'un désaccord au sujet de la cotisation?

Me Yaskowich : Monsieur le juge, il peut y avoir un désaccord, mais je prétends que les contribuables ont également l'obligation de soulever une question que le ministre est en mesure de corriger.

[14]          L'avocat a ensuite renvoyé la Cour à un certain nombre de décisions[1]. L'avocat a soutenu :

                                [TRADUCTION]

[...] qu'un appelant ne peut se présenter devant cette cour et lui demander de déférer un avis d'opposition au ministre lorsqu'il ne trouve pas d'erreur dans une cotisation établie par le ministre. Ce qu'il demande, c'est un acte déclaratoire.

[15]          L'avocat a également soutenu ce qui suit :

                                [TRADUCTION]

[...] il demande également que l'appel soit admis, et j'ai déclaré, et je crois que vous connaissez ma position sur ce point, que vous ne pouvez simplement l'admettre sans point de repère. Il vous faut l'admettre tout en chargeant le ministre de faire quelque chose, parce que, si vous ne le faites pas, vous vous retrouverez assis ici devant des avis de cotisation qui seront toujours là, à moins que vous n'annuliez les cotisations, et je laisserais supposer, Monsieur le juge, qu'il n'y a pas [...] qu'il n'y a rien dans les actes de procédure qui met en cause les cotisations. À mon avis, il ne peut être remédié au présent appel tel qu'il est formulé. L'appelant ne conteste le bien-fondé d'aucun des éléments figurant dans la cotisation établie par le ministre.

[16]          Après avoir présenté ses observations en ce qui concerne l'alinéa 58(1)b) des Règles, l'avocat s'est reporté à un exposé conjoint des faits pour formuler au titre de l'alinéa 58(3)a) des Règles ses arguments portant que la Cour n'avait pas compétence sur le sujet.

[17]          L'exposé conjoint des faits indiquait notamment que les déclarations pour les années susmentionnées avaient été produites avec une lettre d'accompagnement datée du 11 septembre 1997, qui précisait que les déclarations étaient produites au nom de l'appelant [TRADUCTION] « sous réserve de ses droits de déclarer ses frais d'artiste à une date ultérieure » .

[18]          Pour les années en litige, l'appelant a déclaré un revenu d'emploi. Il a également déclaré sous la rubrique « Revenu d'entreprise brut » un revenu qui était identique aux montants de chaque année figurant à la rubrique « Revenu d'entreprise net » . Une nouvelle cotisation a été établie à l'égard de l'appelant pour toutes ces années. Celui-ci a ensuite produit un avis d'opposition, dans le délai prescrit, dans lequel il exposait ce qui suit :

                                [TRADUCTION]

Je m'oppose aux cotisations mentionnées ci-dessus, puisque je souhaite inclure mon art à titre d'entreprise aux fins du calcul de mon impôt sur le revenu des particuliers. [...] J'ai engagé des dépenses au titre de la location d'un atelier, de l'achat de fournitures artistiques et de déplacements reliés à mon art.

[19]          Cet avis d'opposition traite de ses antécédents artistiques et de l' « attente raisonnable de profit » , l'appelant ayant apparemment eu une discussion sur ce concept avec Revenu Canada. Il y a ensuite eu un échange de lettres entre l'appelant et Revenu Canada. Une lettre de Revenu Canada datée du 1er juin 1998 est ainsi rédigée :

                                [TRADUCTION]

Selon le ministère, au moment où vous avez produit vos oppositions, vous auriez dû avoir en votre possession les documents et les renseignements nécessaires pour appuyer la(les) question(s) en litige. Vous disposiez d'un délai supplémentaire, puisque l'opposition a été produite le 2 janvier 1998, pour établir les documents nécessaires. En conséquence, une prorogation finale au 30 juin 1998 a été accordée, de façon que les renseignements requis puissent être fournis pour fins d'examen. Aucune autre prorogation ne sera accordée. Si je n'ai pas reçu les renseignements requis le 30 juin 1998 ou avant cette date, je recommanderai que les cotisations soient confirmées.

[20]          Après l'échange d'autres lettres entre l'appelant et Revenu Canada, l'appelant a reçu une lettre datée du 17 juillet 1998 de Amir Bhaloo, chef des appels à Revenu Canada, qui était en partie ainsi rédigée :

                                [TRADUCTION]

Les oppositions susmentionnées ne peuvent être reconnues comme valables à ce stade-ci. La raison en est que vous n'avez pas précisé ce que vous contestiez comme l'exige le paragraphe 165(1) de la Loi.

Une cotisation ayant été établie pour chacune des déclarations produites pour les années 1988 à 1996 inclusivement, telles qu'elles ont été produites, il nous est impossible de déterminer quelle partie des cotisations vous contestez.

[21]          L'avocat de l'intimée a ensuite déclaré ceci, en ce qui concerne l'avis d'opposition :

                                [TRADUCTION]

[...] il ne soulève pas une seule fois une question relative au revenu tiré de l'art ou à toute dépense qu'il déclare. Il n'est pas clair s'il déclare qu'il y a une attente raisonnable de profit, telle que cette expression a été utilisée. [...] nous ne savons pas si l'entreprise qu'il déclare exploiter a subi une perte. Nous ne savons rien, parce que ce document ne contient aucun renseignement.

[22]          Il a également déclaré :

                                [TRADUCTION]

Je suis d'avis que, si vous êtes saisi d'une affaire et qu'une cotisation fiscale ne soit pas en litige, cette cour n'a pas compétence pour entendre l'affaire.

[23]          L'avocat a plus tard déclaré que son client :

                                [TRADUCTION]

[...] souhaite que Revenu Canada rende cette décision, mais il ne veut pas lui donner de documents ou de reçus établissant un certain nombre de dépenses, ce qui permettrait à n'importe qui - un comptable ou n'importe qui de Revenu Canada ou d'ailleurs - d'examiner ce que l'appelant déclare être une entreprise.

[24]          Il a déclaré que l'avis d'appel ne soulevait pas de question sur laquelle la Cour pouvait statuer.

[25]          Enfin, l'avocat a déclaré ceci :

                                [TRADUCTION]

Si vous convenez avec moi que l'avis d'appel ne soulève pas la question de savoir s'il s'agit d'une entreprise ou non, alors, et c'est la raison pour laquelle nous avons été contraints de présenter la requête, c'est donc dire que s'il ne soulève pas la question de savoir s'il y a une entreprise, s'il y a des pertes, s'il y a des dépenses et si ces dépenses sont raisonnables, alors il n'y a pas véritablement appel d'une cotisation et c'est ce qui nous amène à l'argument relatif à la compétence qui forme le fondement de la présente requête.

ARGUMENTS DE L'APPELANT :

[26]          L'avocat de l'appelant a renvoyé la Cour aux mots susmentionnés de l'avis d'opposition et a soutenu que les motifs de cet avis étaient indiqués dans ce document. Il a également déclaré que l'avis d'appel renvoyait à l'avis d'opposition. À l'alinéa 1 a) de la rubrique « Redressement demandé » , citée ci-dessus, on demande notamment :

                                [TRADUCTION]

Que l'appel soit admis.

[27]          On y demande également que l'avis d'opposition soit considéré comme valable. L'avocat a éprouvé certaines difficultés à l'égard de la proposition selon laquelle l'appelant pourrait interjeter appel, après l'expiration d'une période définie suivant la production de l'avis d'appel, sans avoir reçu de confirmation ou tout autre document de la part du ministre. Il a prétendu que le paragraphe 165(3) exigeait que le ministre prenne des mesures. Cette disposition est ainsi rédigée :

Sur réception de l'avis d'opposition, le ministre, avec diligence, examine de nouveau la cotisation et l'annule, la ratifie ou la modifie ou établit une nouvelle cotisation. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[28]          L'appelant semble avoir été si absorbé par la décision de M. Bhaloo selon laquelle l'avis d'opposition n'était pas valable qu'il ne s'est pas bien rendu compte qu'il pouvait produire un avis d'appel en dépit de la décision de M. Bhaloo. Le paragraphe 169(1) prévoit que le contribuable qui a signifié un avis d'opposition à une cotisation peut interjeter appel de la cotisation après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition si le ministre n'a pas notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou qu'il a procédé à une nouvelle cotisation. Cela semble être la raison pour laquelle cette partie du redressement demandé par l'appelant visait une conclusion portant que l'avis d'opposition était valable.

[29]          Je conclus qu'il était clair que l'avis d'opposition indiquait que la question des dépenses était litigieuse. Il est à remarquer que le revenu brut, pour chaque année de déclaration de l'appelant, était identique au revenu net. De toute évidence, les dépenses n'ont pas été déduites de ce revenu. Même un examen rapide des déclarations de revenus et de l'avis d'opposition aurait informé Revenu Canada de ce fait évident. Ce fait, ainsi que les termes employés par l'appelant dans son avis d'opposition, à savoir :

                                [TRADUCTION]

Je m'oppose aux cotisations mentionnées ci-dessus, puisque je souhaite inclure mon art à titre d'entreprise aux fins du calcul de mon impôt sur le revenu des particuliers. [...] J'ai engagé des dépenses au titre de la location d'un atelier, de l'achat de fournitures artistiques et de déplacements reliés à mon art.

me convainc que l'avis d'opposition établit suffisamment de motifs et de faits pour qu'il soit considéré comme valable. Il est bien connu que presque tout avis écrit indiquant ne serait-ce qu'une tentative de s'opposer à une cotisation a été accepté par Revenu Canada pendant de nombreuses années. Une telle tentative, soit la présente requête, d'empêcher un contribuable d'avoir accès au système judiciaire en ce qui concerne sa plainte est à la fois regrettable et non appropriée. Je conclus non seulement que l'avis d'opposition est clair[2] pour ce qui est de la demande de l'appelant, mais aussi que l'avis d'appel est valable puisqu'il mentionne l'avis d'opposition et qu'on y demande que l'appel soit admis.

[30]          La position de Revenu Canada, selon laquelle l'Agence ne disposait pas de renseignements pour ce qui est des chiffres, n'a pas d'importance. Les interrogatoires préalables ne sont pas seulement prévus par la procédure générale, mais ils ont lieu presque systématiquement. Ces interrogatoires permettront en l'espèce à l'Agence d'obtenir des réponses à toutes ses questions.

[31]          La requête sera rejetée. Une conférence téléphonique sera organisée, conformément aux discussions tenues avec les avocats, afin d'entendre les arguments sur la question des frais.

[32]          L'appelant aiderait beaucoup sa cause s'il produisait un avis d'appel modifié, lequel serait également très utile à l'intimée et à la Cour.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2778(IT)G

ENTRE :

BRENT GLYNN McCLELLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requête entendue le 27 juin 2000 à Calgary (Alberta) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Kerry McClelland

Avocat de l'intimée :                            Me James Yaskowich

JUGEMENT

          La requête du 16 juin 2000 visant l'obtention d'une ordonnance radiant l'avis d'appel ou rejetant l'appel ou, subsidiairement, l'obtention d'une ordonnance mettant fin à l'appel est rejetée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada ce 20e jour de décembre 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de juillet 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           La Reine c. B. & J. Music Ltd., [1980] 2 C.F. 775; McMillen Holdings Ltd. c. M.R.N., C.C.I., no 85-259(IT), 25 septembre 1995 (87 DTC 585); Toner c. Le ministre du revenu national, C.C.I., no 89-2070(IT), 27 juin 1990 (90 DTC 1675); Consoltex Inc. c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 91-231(IT), 19 décembre 1991 (92 DTC 1567); Keyes c. Le ministre du revenu national, C.C.I., no 88-381(IT), 13 janvier 1989 (89 DTC 91); Route Canada Real Estate Inc. (mise sous séquestre) c. R., C.C.I., no 92-1582(IT)G, 19 mai 1995 (1995 2 C.T.C. 2430).

[2]           Bien qu'il ne prévoie pas de détail pécuniaire.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.