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Date: 20000130

Dossier: 97-3401-IT-G

ENTRE :

MIOMIR PETROVIC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1]            L'appelant interjette appel des cotisations dans lesquelles, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "), le ministre du Revenu national (le " ministre ") lui a refusé la déduction de pertes nettes de 38 615,49 $, 43 698,02 $ et 39 033,39 $ respectivement pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 relativement à une activité que l'appelant exerçait sous le nom de Jackie's Fashion Design (" Jackie ").

[2]            Les faits dont les parties ont convenu ont été énoncés dans les termes suivants dans un exposé conjoint des faits :

                [TRADUCTION]

1.           Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelant exerçait une activité consistant à concevoir, à confectionner et à vendre des bijoux, des accessoires pour les cheveux et des vêtements sous le nom de Jackie's Fashion Design (l'" activité "). L'appelant a entrepris cette activité en 1987.

2.           En outre, pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelant travaillait à temps plein pour Recherches Bell Northern, aujourd'hui appelée Nortel Networks Corporation.

3.           Pendant toutes les périodes pertinentes, la conjointe de l'appelant travaillait à temps plein à l'activité.

4.           Les travaux se rapportant à l'activité étaient essentiellement effectués à la résidence de l'appelant et de sa conjointe.

5.                L'appelant tenait les livres et les registres relatifs à l'activité.

6.                La marchandise confectionnée dans le cadre de l'activité était vendue à un certain nombre de points de vente.

7.                Des frais de gestion versés à la conjointe de l'appelant faisaient partie des dépenses liées à l'activité.

8.                La conjointe de l'appelant a déclaré les frais qui lui ont été versés dans ses déclarations de revenus T1 des années en cause, et elle a payé de l'impôt à cet égard.

9.                En 1989, le ministre du Revenu national (le " ministre ") a vérifié les déclarations de revenus produites par l'appelant pour 1987 et 1988. Au terme de cette vérification, il a informé l'appelant que tout était en ordre.

10.             Dans ses déclarations de revenus T1 de 1987 à 1998, l'appelant a déclaré, relativement à l'activité, les recettes, les dépenses, les coûts des marchandises vendues, les bénéfices (pertes) nets, ainsi que les frais payés à sa conjointe, reproduits à l'annexe A, qui est jointe aux présentes et incorporée par renvoi à l'exposé conjoint des faits*. L'annexe A présente aussi le revenu d'emploi de l'appelant de 1987 à 1998.

11.             Au cours de l'année d'imposition 1996, le ministre a effectué à l'égard de l'appelant une deuxième vérification, au terme de laquelle il a déterminé que l'activité ne permettait pas à l'appelant d'avoir une attente raisonnable de profit, et refusé la déduction des pertes que l'appelant avait déclarées relativement à l'activité.

12.             Dans de nouvelles cotisations datées du 10 septembre 1996 (les " nouvelles cotisations ") et se rapportant aux années d'imposition 1993, 1994 et 1995, le ministre a refusé à l'appelant les pertes nettes qu'il avait déduites relativement à l'activité dans chacune de ces années.

13.             Le 9 décembre 1996, l'appelant a signifié au ministre des avis d'opposition aux nouvelles cotisations.

14.             Dans un avis de ratification daté du 19 août 1997, le ministre a ratifié les nouvelles cotisations.

15.             À ce jour, le ministre n'a établi aucune nouvelle cotisation à l'égard de la conjointe de l'appelant en vue de soustraire de son revenu les frais de gestion qu'elle a touchés relativement à l'activité, qu'elle a déclarés à titre de revenu et à l'égard desquels elle a payé de l'impôt.

[3]            L'appelant a témoigné que sa conjointe, Jagoja Petrovic, et lui étaient originaires de la Yougoslavie et avaient immigré au Canada en juillet 1986. L'appelant, qui avait obtenu un baccalauréat en génie électrique en Yougoslavie, était, avant sa venue au Canada, directeur de l'électronique grand public dans une grande compagnie. Son épouse, qui détient un baccalauréat en sciences économiques, travaillait comme créatrice de mode dans l'entreprise de création de mode de son père en Yougoslavie. Un an et demi avant de venir au Canada, elle a lancé sa propre compagnie de création de mode, qui faisait surtout de la confection de vêtements. Elle avait un ou deux employés, et son entreprise était rentable.

[4]            À son arrivée au Canada, l'appelant a trouvé un emploi, dont il tirait un revenu annuel de 20 000 $. D'après l'annexe A de l'exposé conjoint des faits, son salaire est passé à 45 000 $ en 1987 et a augmenté graduellement jusqu'en 1996, année où il a atteint 98 000 $.

[5]            L'appelant et sa conjointe souhaitaient alors lancer une entreprise semblable à celle que Mme Petrovic avait exploitée en Yougoslavie. Selon l'appelant, ils ont effectué une étude de marché, c'est-à-dire qu'ils ont consulté certains des amis qu'ils avaient ici ainsi que des comptables afin de déterminer si une entreprise de confection de vêtements serait rentable. Ils se sont cependant rendu compte qu'il leur serait préférable d'entreprendre, dans leur pays d'adoption, quelque chose de plus facile; ils ont donc décidé de confectionner des accessoires pour les cheveux, espérant ainsi fidéliser des clients. En 1988, ils ont commencé à vendre des bijoux.

[6]            Mme Petrovic était la principale travailleuse dans l'entreprise. Elle travaillait 12 heures par jour et parfois les fins de semaine. Au cours des premières années, elle a touché un salaire peu élevé pour son travail (entre 6 000 $ et 10 000 $). Au début, l'appelant et elle achetaient à des grossistes des bijoux qu'ils revendaient à différentes boutiques. Ils ont cependant vite fait de constater qu'ils ne pourraient ainsi réaliser aucun profit, en raison de leur faible marge bénéficiaire. Toutefois, selon l'appelant et sa conjointe, ils se sont graduellement implantés sur le marché, ce qui constituait l'un des objectifs à atteindre s'ils voulaient pouvoir un jour réaliser des profits.

[7]            Après un certain temps, ils ont décidé de confectionner leurs propres bijoux afin de réduire leurs coûts. Ainsi, croyaient-ils, leur marge pourrait représenter deux fois et demie leur coût, comparativement à une marge variant entre 10 et 20 p. 100 lorsqu'ils revendaient des bijoux achetés à des grossistes.

[8]            En 1990, leurs recettes brutes avaient atteint les 40 000 $, mais les pertes avaient elles aussi augmenté. L'appelant a témoigné qu'ils vendaient encore à cette époque-là davantage de bijoux achetés à des grossistes, ce qui avait pour effet de diminuer leur marge bénéficiaire. Il a déclaré qu'ils auraient alors pu cesser de chercher à accroître leur clientèle, réduire leurs coûts et se contenter de recettes brutes de 40 000 $, mais, a-t-il dit, ils n'avaient pas fait tout ce travail pour ensuite s'arrêter là.

[9]            Alors que les recettes de 1990 s'élevaient à 40 000 $, elles n'étaient plus que de 21 000 $ en 1991. D'après l'appelant, l'adoption de la taxe sur les produits et services (la " TPS ") a eu un effet sur leurs clients. Il pouvait donc soit fermer l'entreprise, soit essayer de trouver de nouveaux clients. Il a opté pour la seconde solution. Cependant, pour élargir leur clientèle et trouver des clients à l'extérieur d'Ottawa, Mme Petrovic devait se déplacer davantage.

[10]          En 1992, les recettes ont atteint 29 000 $. Aux dires de l'appelant, à ce moment-là, de 1 à 2 p. 100 des recettes brutes étaient attribuables aux accessoires pour les cheveux, de 20 à 25 p. 100 à la revente de bijoux et le reste, à la vente des bijoux qu'ils avaient eux-mêmes confectionnés.

[11]          Dans les années en cause (de 1993 à 1995), les ventes ont atteint les 45 000 $. À ce moment-là, l'appelant et sa conjointe confectionnaient chez eux leurs propres bijoux et quelques vêtements. Ils avaient besoin de peu d'équipement (quelques machines à coudre, des fers à repasser et une salle d'ordinateur) et leurs stocks étaient peu élevés — Mme Petrovic produisait selon la demande. Ils ne faisaient pas de publicité dans les journaux ni dans les pages jaunes, mais ils donnaient des réceptions au cours desquelles ils essayaient de vendre leur marchandise à leurs invités. Cependant, ces réceptions ne se sont pas révélées aussi profitables qu'ils l'avaient espéré car leurs clients, dont le revenu moyen était peu élevé, préféraient acheter des bijoux moins coûteux chez des détaillants bien connus comme Winners ou Wal-Mart.

[12]          L'appelant a témoigné qu'il avait financé l'entreprise de bijoux au moyen de ses remboursements d'impôt et des économies qu'il avait placées dans ses REÉR (approximativement 58 000 $). En outre, il a utilisé une marge de crédit de 5 000 $ à des fins de financement provisoire, mais, à part cela, il n'a emprunté aucun montant d'argent en vue de l'injecter dans l'entreprise. L'appelant lui-même consacrait une journée par semaine à l'entreprise, alors que son épouse y travaillait à temps plein. Il leur est arrivé à l'occasion d'engager un ou deux employés à temps partiel pour répondre à la demande.

[13]          Bien que les recettes aient augmenté au cours des années en cause (jusqu'à 45 817 $ en 1994), les pertes ont aussi augmenté sensiblement (de 22 181 $ qu'elles étaient en 1992, elles sont passées à 38 615 $ en 1993 et à 43 698 $ en 1994). Pour expliquer les pertes des années en question, l'appelant a dit qu'il avait dû acheter une nouvelle automobile Honda pour son épouse et hausser le salaire de cette dernière, lequel est passé de 7 000 $ à 26 690 $ en 1993, puis à 29 300 $ en 1994, avant d'être ramené à 21 552 $ en 1995. L'appelant a déclaré qu'ils cherchaient maintenant à attirer des clients bien nantis et qu'ils devaient donc se tourner vers des marchés autres que celui d'Ottawa. L'automobile devenait donc une nécessité puisque son épouse devait se déplacer pour trouver de nouveaux clients. Pour ce qui est du salaire de son épouse, l'appelant a témoigné que cette dernière avait à cette époque exprimé le souhait de trouver un emploi plus lucratif. Pour poursuivre l'activité, il a donc dû offrir à son épouse un véritable salaire (qu'il jugeait malgré tout encore très peu élevé étant donné le travail qu'elle effectuait).

[14]          Dans ce contexte, l'appelant estimait que, pour que l'activité devienne rentable, il fallait vendre annuellement environ 100 000 $ de bijoux (effectivement, en 1993 et en 1994, le coût des marchandises vendues et les dépenses ont totalisé entre 80 000 $ et 90 000 $). Il fallait donc, compte tenu d'un prix de vente moyen de 10 $ par article, vendre environ 10 000 articles par année. D'après l'appelant, il était possible de produire une telle quantité de bijoux avec l'aide de travailleurs supplémentaires. En réponse à une question de son avocate, l'appelant a expliqué qu'il n'avait pas atteint cet objectif dans les années en question pour plusieurs raisons. Premièrement, ils avaient dû investir dans des fournitures de qualité supérieure pour répondre aux besoins des clients bien nantis (l'achat des nouvelles fournitures a donc entraîné une hausse des coûts) et, dans ce contexte, ils avaient dû trouver un créneau complètement nouveau de boutiques haut de gamme. Deuxièmement, il y avait une récession économique marquée au cours des années en question. Bon nombre des boutiques qui achetaient leur marchandise ont été acculées à la faillite ou ont dû fermer leurs portes (de 65 à 70 p. 100 des boutiques avec lesquelles ils faisaient affaire, selon les estimations de l'appelant).

[15]          Pour étayer cette affirmation, l'appelant a appelé à la barre des témoins Mme Marlene Shepherd, propriétaire de Shepherd's Fashion Accessories Limited (" Shepherd "), société en affaires depuis 21 ans. Shepherd est la principale cliente de Jackie, et toutes deux faisaient affaire ensemble depuis 10 ans. Mme Shepherd a déclaré qu'elle avait acheté annuellement à Jackie de 10 000 $ à 12 000 $ de marchandises, sauf pendant les années de récession. Elle a affirmé que le produit de Jackie se vendait très bien, que Mme Petrovic travaillait de façon très consciencieuse, qu'elle fabriquait les produits recherchés par les clients, qu'elle était capable de produire rapidement, à bref préavis, qu'elle avait retravaillé la conception de ses produits pour satisfaire dans certains cas aux exigences de Shepherd, et qu'elle n'avait jamais refusé de commande. Mme Shepherd a dit de Mme Petrovic qu'elle était très dynamique et qu'elle ne donnait pas l'impression de ne pas se préoccuper de la rentabilité de l'entreprise.

[16]          Mme Shepherd a témoigné que les produits de Jackie représentaient un volet important de son entreprise de bijoux de fantaisie. Elle a déclaré qu'elle achetait en grandes quantités et à bon prix à Jackie, ce qui, d'après elle, est important dans ce type d'entreprise.

[17]          Mme Shepherd a indiqué qu'elle avait auparavant exploité trois boutiques, mais qu'elle avait dû fermer l'une d'elles en 1996 en raison de la récession. Elle a déclaré que, pendant les années 1990, il y avait constamment des faillites de magasin. Elle a témoigné que Shepherd n'était pas rentable dans les années 1990. Elle a, pendant deux ans au moins, subi d'importantes pertes (elle a perdu près de 200 000 $ au milieu des années 1990). Sa mère et elle ont alors dû investir leur propre argent et accepter d'importantes baisses de salaire. Le salaire de Mme Shepherd, une fois réduit, se situait autour de 30 000 $ à 40 000 $ par année, bien qu'elle travaillât peut-être jusqu'à 60 heures par semaine.

[18]          En contre-interrogatoire, Mme Shepherd a déclaré que, à compter de 1978, année au cours de laquelle elle avait ouvert ses boutiques, il y avait toujours eu une augmentation constante et prévisible des ventes, les activités se soldant normalement par des profits. En 1989, cependant, les ventes ont commencé à diminuer. Cette tendance s'est maintenue jusqu'en 1998. En 1998 et en 1999, elle a de nouveau atteint le chiffre de ventes obtenu dans ses meilleures années entre 1980 et 1988, avec une bonne marge bénéficiaire.

[19]          Lors de l'interrogatoire principal, l'avocate de l'appelant a demandé à son client la raison pour laquelle il avait augmenté les dépenses au milieu de la récession. Il a répondu qu'il était difficile de prévoir combien de temps la récession durerait. Comme un bon nombre de concurrents fermaient leurs portes, son épouse et lui ont décidé de rester en affaires pour conserver leurs clients bien nantis. Il a indiqué que, chaque année, il avait fait des prévisions financières pour l'année suivante (ces prévisions n'ont cependant pas été produites en preuve), mais que le marché ne lui avait pas permis d'obtenir les résultats escomptés.

[20]          En 1997 et en 1998, l'activité n'a pas été déficitaire, se soldant par un très faible profit dans un cas (300 $ en 1998) et par un bénéfice nul dans l'autre cas (en 1997). L'appelant a expliqué qu'il avait pu obtenir ces résultats parce qu'il n'avait payé aucun salaire à son épouse. En fait, il a reconnu que, n'eût été le salaire de son épouse et la déduction des dépenses liées à l'utilisation de la résidence à des fins commerciales, l'activité aurait pu entraîner un profit.

[21]          L'appelant a témoigné qu'ils n'avaient pas changé leur gamme de produits au fil des années, mais qu'il croyait encore pouvoir un jour réaliser des profits en raison de la vaste expérience que son épouse et lui avaient acquise. Ils essaient aujourd'hui de vendre leurs bijoux sur Internet et espèrent ainsi déclarer un profit.

[22]          En contre-interrogatoire, on a montré à l'appelant un questionnaire d'entreprise qu'il avait rempli et dans lequel il indiquait que ses coûts de démarrage totalisaient 3 400 $ seulement. L'appelant a expliqué qu'ils n'avaient pas acheté une grande quantité de fournitures. Ils se procuraient exactement ce dont ils avaient besoin pour les commandes de chaque client. Dans le même questionnaire, l'appelant avait indiqué qu'ils consacraient (son épouse, surtout) de 61 à 92 heures par semaine à l'exploitation de l'entreprise ainsi qu'à la promotion et à la mise en marché de leurs produits.

[23]          L'état des activités de l'entreprise déposé avec la déclaration de revenus de l'appelant pour les années d'imposition en cause (pièce R-1, onglets 4, 5 et 6) fournit les renseignements suivants :

1993

1994

1995

Revenu brut

43 347,58 $

45 817,04 $

31 949,94 $

Coût des marchandises

                                vendues

19 159,72

18 826,02

14 099,52

Bénéfice brut

24 187,86

26 991,02

17 850,42

Dépenses

Publicité

1 625,41

3 305,65

2 884,32

Taxe d'affaires, droits

865,78

1 832,36

0

Assurance

284,40

292,00

267,00

Intérêt

1 118,49

1 239,00

1 620,29

Entretien et réparations

244,34

537,55

0

Frais de gestion

29 698,76

29 300,00

21 552,65

Repas et frais de

Représentation

1 357,16

1 855,50

1 362,82

Dépenses reliées à l'utilisation de l'automobile

13 774,09

14 426,22

12 673,18

Frais de bureau

3 106,16

917,02

2 129,44

Honoraires d'avocat et frais comptables

326,48

380,41

581,75

Impôt foncier

984,91

1 272,34

1 269,47

Loyer

0

3 412,49

3 287,33

Fournitures

3 125,16

1 100,44

0

Salaires

3 865,52

5 286,80

2 867,00

Déplacements

1 087,61

1 634,10

1 205,17

Téléphone et services publics

0

2 463,43

3 661,21

Déduction pour amortissement

1 339,08

1 433,73

1 522,18

Dépenses totales

62 803,35 $

70 689,04 $

56 883,81 $

Perte nette

-38 615,49

-43 698,02

-39 033,39

[24]          L'appelant a témoigné que le salaire versé à son épouse était très peu élevé. Elle méritait beaucoup plus, compte tenu de son expérience et de sa participation aux activités de l'entreprise : elle concevait tous les produits et entretenait d'étroites relations avec les clients afin de se tenir au courant des nouvelles exigences du marché. À cet égard, Mme Petrovic a témoigné que, en 1993, elle avait commercialisé des bijoux de cristal, ce qui représentait un changement important dans l'entreprise. Elle pouvait ainsi obtenir une marge plus élevée. Dans les années en cause, elle vendait ses produits à 15 boutiques importantes, Shepherd étant son principal client. En 1993, 27 519 $ de marchandises ont été facturés à Shepherd, soit 63 p. 100 des ventes totales de 43 663 $; en 1994, cette proportion est passée à 70 p. 100, puis elle a été ramenée à 50 p. 100 en 1995 (voir pièce R-1, onglet 3). Mme Petrovic a déclaré que certaines des boutiques qui achetaient ses produits se trouvaient hors de la région d'Ottawa. Bon nombre d'entre elles avaient dû fermer leurs portes au cours de la récession des années 1990. Dans son témoignage, Mme Petrovic a déclaré que ce n'était alors pas le moment d'investir davantage ni d'agrandir l'entreprise. Elle a dit, pour reprendre ses termes, que tout le monde essayait de survivre et qu'elle avait tenté de s'adapter au marché dans toute la mesure du possible. Elle avait consacré tous ses efforts à rester en affaires.

Thèse de l'appelant

[25]          L'avocate de l'appelant a fait valoir que la question soulevée dans la présente affaire était de savoir si Jackie était une entreprise au sens de la Loi, et si l'appelant pouvait à ce titre déduire des pertes d'entreprise. Elle a soutenu que le critère de l'attente raisonnable de profit (" ARP ") ne s'appliquait pas lorsqu'il s'agissait de décider de la déductibilité des pertes d'entreprise. La question véritable est celle de savoir si les dépenses déduites par l'appelant relativement aux activités de Jackie ont été engagées en vue de tirer un revenu au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.

[26]          L'avocate a invoqué les arrêts de la Cour suprême du Canada 65302 British Columbia Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 804 (99 DTC 5799), et Shell Canada Limitée c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622 (99 DTC 5669). Dans des remarques incidentes, la Cour a affirmé qu'il y avait lieu de se fonder sur le sens ordinaire des dispositions de la Loi pour déterminer les conséquences fiscales; dans la même décision, elle a indiqué de façon incidente également que les tribunaux devaient se garder d'enjoliver une disposition non équivoque de la Loi. L'avocate a fait valoir que l'application en l'espèce du critère de l'ARP pour déterminer si l'appelant exploitait une entreprise aurait pour effet d'enjoliver une disposition non équivoque de la Loi, à savoir l'alinéa 18(1)a), ou d'attribuer au législateur une intention non explicite. Il en découlerait alors, selon l'avocate, une application discrétionnaire d'un critère anti-évitement élaboré par les tribunaux, ce que la Loi n'exige pas expressément. En fait, la Cour suprême du Canada a déclaré dans l'affaire Symes c. La Reine, [1993] 4 R.C.S. 695, à la page 736 :

[...] on n'a proposé aucun critère qui améliorerait ou modifierait sensiblement un critère reposant directement sur le libellé de l'al. 18(1)a). L'analyse nous ramène à la source, et je peux simplement me poser la question suivante : l'appelante a-t-elle engagé des frais de garde d'enfants en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou de faire produire un revenu à l'entreprise?

[27]          De fait, l'avocate a-t-elle fait valoir, le législateur a intégré le critère de l'ARP à la Loi dans les cas où il a choisi d'en exiger l'application. Ainsi, la définition de frais personnels ou de subsistance — frais dont la déduction est interdite aux termes de l'alinéa 18(1)h) de la Loi — figurant à l'article 248 de la Loi renvoie au critère de l'ARP. Par conséquent, ce critère ne devrait s'appliquer que dans la mesure où certains biens personnels sont utilisés dans le cadre des activités de Jackie (l'avocate parlait ici des dépenses reliées à l'utilisation de la maison et de l'automobile). Cependant, l'avocate a affirmé que cela ne justifiait pas l'application du critère de l'ARP à la totalité des dépenses déduites relativement à ces activités.

[28]          Pour ce qui est du sens du terme " entreprise ", il a été analysé dans l'affaire Timmins c. La Reine, [1999] 2 C.F. 563, à la page 571 (99 DTC 5494, à la page 5498) :

[...] Bien que le mot " entreprise " tel qu'on l'emploie dans la Loi désigne généralement une activité pouvant générer un bénéfice*, il n'est pas exigé que cette activité soit entreprise ou exercée dans le but " prépondérant " de réaliser un bénéfice.

_______________

* Ce sens est dicté par la raison d'être fondamentale de la Loi, soit l'imposition des bénéfices, et s'applique à moins qu'un autre sens puisse ressortir de l'emploi de termes particuliers ou par déduction nécessaire (voir, par ex., la définition de " frais personnels ou de subsistance " à l'art. 248(1) ou le libellé de la restriction relative au report prospectif d'une perte à l'art. 111(5)a)(i)).

[29]          L'avocate a indiqué que les activités de Jackie constituaient une entreprise au sens de la Loi et pouvaient générer des profits. D'après l'avocate, les recettes brutes de 1987 à 1998, soit approximativement 380 000 $ au total, sont le signe d'un important volume d'activités, lesquelles ont certainement été exercées dans le but de générer un profit, et non à titre de passe-temps. L'avocate a indiqué que, si l'appelant avait simplement voulu annuler son revenu d'emploi, il n'aurait pas eu à travailler avec tant d'ardeur aux activités de Jackie. Elle a fait valoir que, dans les années en cause, Mme Petrovic avait mérité son salaire, et que la baisse de salaire qu'elle avait dû accepter en 1997 et en 1998 n'était pas anormale puisque Jackie éprouvait des difficultés.

[30]          L'avocate a reconnu que les activités de Jackie étaient financées au moyen de remboursements d'impôt, mais elle a fait valoir que ces montants d'argent étaient investis dans l'exploitation d'une entreprise, ce qui est parfaitement acceptable sous le régime de la Loi. Si l'activité n'a pas généré les recettes prévues, l'avocate a-t-elle expliqué, c'est en raison du déclin de l'économie, qui était imprévisible et sur lequel l'appelant n'avait aucun pouvoir. L'appelant avait réduit les dépenses en 1995, ce qui, de l'avis de l'avocate, n'est pas le signe d'une " indifférence totale à la rentabilité de l'entreprise " (transcription, vol. II, pages 45 et 46).

[31]          Subsidiairement, l'avocate a fait valoir que, s'il est déterminé que le critère de l'ARP s'applique, l'appelant a fait la preuve qu'il existait une attente raisonnable de profit. De fait, un bénéfice a été réalisé en 1997 avant le report sur les exercices ultérieurs des dépenses liées à l'utilisation de la maison à des fins commerciales, et un léger bénéfice a été généré en 1998 après le report sur les exercices ultérieurs de ces dépenses. L'avocate a soutenu que toute prétention selon laquelle les pertes subies par Jackie auraient été le résultat de dépenses engagées dans un but personnel ou dans un but non lié à l'entreprise était sans fondement. Le critère de l'ARP devrait par conséquent être appliqué avec modération et suivant une attitude favorisant le contribuable, comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73 (96 DTC 6001) (C.A.F.). L'avocate a fait valoir que l'intimée n'a pas pris en considération les difficultés imprévues auxquelles Jackie a dû faire face en raison du déclin marqué et prolongé de l'économie au cours des années 1990. L'avocate s'est fondée sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Labrèche v. Canada (M.N.R.), [1998] A.C.F. no 1875 (Q.L.), où l'on trouve une liste des facteurs objectifs qu'il faut prendre en considération pour déterminer si une dépense est déductible ou non. Ces facteurs sont les suivants :

-                       le nombre d'années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées;

-                       le temps requis pour rentabiliser l'activité;

-                       le temps consacré à l'entreprise;

-                       l'état des profits et des pertes des années postérieures aux années en litige;

-                       les raisons qui sous-tendent l'accroissement des dépenses et la diminution des revenus;

-                       la persistance des facteurs qui causent les pertes;

-                       la présence ou l'absence d'ajustements.

[32]          L'avocate s'est également fondée sur cette affaire pour soutenir qu'un élément personnel peut coexister avec un but lucratif. Elle s'est également fondée sur l'arrêt Kuhlmann c. La Reine, C.A.F., no A-981-96, 30 octobre 1998 (98 DTC 6652), où la Cour d'appel fédérale a énoncé les obligations d'un tribunal :

-                       il ne doit pas accorder à l'élément personnel une portée plus grande que celle que lui donne la jurisprudence;

-                       il ne doit pas s'appuyer exclusivement sur le montant des dépenses engagées;

-                       il ne doit pas faire des conjectures sur les décisions commerciales prises par le contribuable;

-                       il doit prendre en considération les risques inévitables associés à l'industrie en cause;

-                       il doit reconnaître qu'il faut un minimum d'années, même dans les circonstances les plus favorables, pour qu'une activité génère des profits.

[33]          L'avocate a fait valoir qu'il y avait dans la présente affaire une entreprise légitime dont l'attente de profit n'était pas irrationnelle, absurde ou ridicule, pour reprendre les termes employés dans l'arrêt Kuhlmann, précité. Se trouvant aux prises avec des pertes et un marché déprimé et instable, l'avocate a-t-elle soutenu, l'appelant a apporté des changements aux produits confectionnés par l'entreprise dans le but de réaliser un profit. Cependant, a-t-elle fait valoir, chaque changement signifiait que l'entreprise aurait besoin d'un peu plus de temps pour devenir rentable.

Thèse de l'intimée

[34]          L'avocat de l'intimée a fait valoir que, dans l'arrêt Timmins, précité, la Cour d'appel fédérale avait reconnu le fait qu'il ne pouvait y avoir d'entreprise que s'il y avait attente raisonnable de profit. S'il n'est pas nécessaire que le profit soit le motif prépondérant, le contribuable doit au moins pouvoir s'attendre à réaliser un profit quelconque. En outre, dans l'arrêt G. g. du Canada c. Mastri, [1998] 1 C.F. 66 (97 DTC 5420) (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a réitéré que, même en l'absence d'un élément personnel, le tribunal peut appliquer le critère de l'ARP pour déterminer si une entreprise existe, mais il doit alors l'appliquer avec plus de modération.

[35]          L'avocat a soutenu qu'il y avait des éléments personnels dans la présente affaire. À son avis, l'activité de Jackie a permis à l'appelant et à son épouse d'accroître leur niveau de vie à des conditions avantageuses (compte tenu du fait que l'appelant a réduit son fardeau fiscal en déduisant certaines dépenses ayant par ailleurs un caractère personnel).

[36]          Grâce à l'activité en question, l'appelant a pu partager son revenu avec son épouse, qui était assujettie à un taux marginal d'imposition moins élevé, ce qui leur laissait davantage d'argent après impôt. De l'avis de l'avocat, au cours des trois années en cause, l'augmentation appréciable des frais de gestion versés à Mme Petrovic empêchait toute possibilité de tirer un profit de l'activité.

[37]          D'après l'avocat, l'activité n'offrait aucun espoir raisonnable de profit. Dans les années en cause, on ne peut parler d'activité de démarrage. L'appelant a reconnu que les frais de démarrage étaient très peu élevés (3 400 $ d'après le questionnaire d'entreprise qu'il avait rempli, produit sous la cote R-1, onglet 7). La preuve a révélé également que le montant total des capitaux requis était très limité. Il n'y avait pas eu de grosse machine à acheter et à amortir au fil des ans. Aucune immobilisation importante n'était nécessaire pour développer ce type d'activité.

[38]          En outre, l'activité s'est soldée par des pertes au cours de chacune des six années qui ont précédé les années en cause. Puis, en 1993, l'appelant a augmenté les frais de gestion versés à son épouse sans égard au fait que, au cours des années précédentes, la possibilité de réaliser des profits ne s'était jamais concrétisée.

[39]          De plus, Mme Shepherd a été appelée à témoigner pour l'appelant afin d'exprimer le point de vue du détaillant. Dans son témoignage, elle a déclaré que, en 1998, sa propre entreprise de mode avait commencé à réaliser des profits aussi élevés qu'ils l'avaient été au cours de la période faste des années 1980. Si, comme Mme Shepherd l'a déclaré dans son témoignage, la récession donnait son plein dans l'industrie de la mode dans les années en cause et qu'elle fût terminée en 1998, il n'y paraît pas dans l'état des résultats des activités de Jackie. De fait, les recettes brutes tirées de l'activité étaient à leur plus haut niveau dans les années en cause, et avaient diminué en 1998.

[40]          L'avocat a également fait valoir que les bénéfices bruts (avant la déduction des dépenses) avaient été inférieurs aux frais de gestion versés à Mme Petrovic dans chacune des années en cause. L'appelant a en fait admis que, si un salaire était versé à Mme Petrovic, l'activité ne pouvait réaliser un profit. De plus, l'épouse de l'appelant consacrait déjà de nombreuses heures à l'activité en régime normal. Si, comme l'appelant l'a affirmé dans son témoignage, ils devaient vendre pour 100 000 $ de marchandises par année pour réaliser un bénéfice compte tenu des coûts réels d'exploitation, il faudrait manifestement, d'après l'avocat, augmenter soit les heures de travail de Mme Petrovic et ses frais de gestion soit les salaires versés à des employés. Les coûts d'exploitation seraient ainsi plus élevés et l'attente de profit serait de ce fait sérieusement compromise, en plus d'être irréaliste.

[41]          De l'avis de l'avocat, l'activité n'était pas viable tant que des frais de gestion étaient payés. On peut donc difficilement prétendre qu'il y avait attente raisonnable de profit dans les années 1993, 1994 et 1995.

Contre-preuve de l'appelant

[42]          L'avocate de l'appelant a répliqué que les frais de gestion n'avaient pas été versés en une somme globale, qu'ils avaient plutôt été payés périodiquement et que, à cette époque-là, l'appelant espérait encore réaliser des profits. Ce n'est qu'avec le recul que l'on peut constater que les frais de gestion étaient élevés. De fait, en 1995, ils ont été réduits. Il était impossible de prévoir que les ventes n'augmenteraient pas dans ces années-là. Personne ne savait combien de temps durerait la récession. Les dépenses ont été accrues dans l'espoir que l'entreprise génère un jour des profits.

Analyse

[43]          En ce qui concerne le premier argument invoqué par l'avocate de l'appelant, je suis d'avis que la Cour d'appel fédérale a clairement établi dans ses décisions les plus récentes que, pour qu'il y ait source de revenu pour l'application de la Loi, le contribuable doit réaliser un profit ou avoir une attente raisonnable de profit. (Voir Tonn, précité, Mastri, précité, La Reine c. Milewski, A-596-99, 26 septembre 2000 (C.A.F.), et Stewart c. La Reine, [2000] A.C.F. no 238 (C.A.F.).) Le critère de l'ARP, comme l'appelle l'avocate de l'appelant, tel qu'il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213), est encore très actuel en droit fiscal. Dans l'arrêt Tonn, la Cour d'appel fédérale a déclaré ceci à la page 100 (DTC : à la page 6011) :

[...] lorsque le contribuable exploite une entreprise commerciale à perte dans le but d'obtenir des remboursements fiscaux ou de tirer d'autres conséquences de cette nature, le tribunal jugera vraisemblablement que l'entreprise ne satisfait pas au critère de l'arrêt Moldowan. Dans d'autres cas, le tribunal décidera que, même si le contribuable désirait vraiment tirer profit d'une activité purement commerciale, l'intention n'était pas réaliste, l'attente de profit n'était pas raisonnable et, par conséquent, l'activité n'était pas une entreprise.

Si l'on se fie à la Cour d'appel fédérale, l'obligation qu'une activité puisse générer des profits pour être reconnue comme entreprise est dictée par la " raison d'être " de la Loi, soit l'imposition des bénéfices (Timmins, précité, à la page 571 (DTC : à la page 5498)). Ainsi que le juge Rothstein l'a déclaré dans l'arrêt Stewart, précité, aucune décision subséquente de la Cour suprême du Canada n'a modifié le principe énoncé dans l'arrêt Moldowan. Cela étant dit, je sais cependant que l'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été accordée dans l'affaire Stewart, [2000] A.C.S.C. no 184, et également dans l'affaire Walls c. La Reine, [2000] A.C.S.C. no 22[1].

[44]          Si je comprends bien, l'une des questions soulevées devant la Cour suprême du Canada dans les affaires Stewart et Walls est celle de savoir si le critère de l'ARP énoncé dans l'arrêt Moldowan, précité, pour déterminer l'existence d'une source de revenu pour l'application de la Loi est en fait applicable dans les seuls cas où l'activité en question comprend un élément personnel. Cette question naît du fait qu'un nombre de plus en plus important d'écrits contestent l'acceptation dans la plupart des cas sans discernement, par les tribunaux, du critère de l'ARP. D'après certains auteurs, ce critère doit recevoir une application très limitée (voir Thomas E. McDonnell, " Rental Losses Denied - Confusion Compounded ", (2000), vol. 48, no 2, Revue fiscale canadienne, pages 444 à 451, qui renvoie à nombre d'articles rédigés sur le sujet, à la page 450). Dans cet article, Thomas E. McDonnell affirme ceci aux pages 450 et 451 :

                [TRADUCTION]

[...] Lorsque la source du revenu est un bien et que les montants déduits sont des frais d'intérêt, on peut soutenir de façon convaincante que le critère de l'ARP ne s'applique pas du tout. Lorsque la source du revenu est une entreprise, l'application du critère peut être d'une certaine utilité, mais seulement pour trancher la question préliminaire de savoir s'il existe une entreprise.

[45]          Un autre auteur, analysant les conséquences de l'arrêt Tonn, a dit ceci :

                                [TRADUCTION]

                Les pertes d'entreprise surviennent lorsque les dépenses excèdent les revenus, et il existe depuis longtemps un ensemble de droit sur la déductibilité des dépenses. Nous soutenons que la question ne devrait pas être de savoir si la déduction d'une perte doit être refusée, mais si la déduction des dépenses qui ont donné lieu à la perte doit être refusée. Ce n'est pas une simple question de sémantique, car le régime fiscal prévoit une méthode ou une hiérarchie pour ce qui est de décider de la déductibilité des dépenses [...]

                Donc, la définition de profit d'entreprise et la condition prévue à l'alinéa 18(1)a) commandent un critère subjectif ou fondé sur l'objet ou le but. Si le but du contribuable, si optimiste qu'il soit, est de réaliser un profit, la dépense est déductible. Les dépenses de nature purement personnelle ou non liées à l'entreprise ne satisferaient pas à ce critère. La tâche du tribunal consisterait non pas à évaluer objectivement la sagesse du contribuable, mais plutôt à évaluer la crédibilité de son but avoué (pp. 27-1,2,3) (Warren J. A. Mitchell, " Tonn and On and On ", in Report of Proceedings of the Forty-Eighth Tax Conference, 1996 Conference Report, vol. 1 (Toronto : Association canadienne d'études fiscales, 1997), 27:1-5 aux pages 27-1,2,3).

[46]          Dans l'affaire Kaye c. La Reine, C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998 (98 DTC 1659), à la page 2 (DTC : à la page 1660), le juge Bowman a dit ceci relativement à l'application du critère de l'ARP :

                Je ne trouve pas particulièrement utile, dans les cas de ce genre, l'utilisation de l'expression rituelle, et je préfère formuler ainsi la question : " Y a-t-il une entreprise véritable? " C'est une question plus générale qui, je crois, revêt plus de sens et qui, du moins en ce qui me concerne, mène à une série de questions et de réponses plus concluantes. Il ne fait pas de doute qu'elle englobe la question du caractère raisonnable de l'attente de profit du contribuable, mais elle va aussi plus loin. Comment peut-on dire qu'un entrepreneur faisant le forage de puits d'exploration a une attente raisonnable de profit et qu'il exploite une entreprise quand on connaît le très faible taux de succès de ce genre d'entreprise? Pourtant, personne ne conteste le fait que les compagnies du genre exploitent une entreprise. C'est le caractère commercial de l'entreprise, révélé par sa structure, qui en fait une entreprise. L'intention subjective de faire de l'argent entre certes en ligne de compte, mais ce n'est pas le facteur déterminant, bien que l'absence d'une telle intention puisse nuire à l'assertion qu'une activité est une entreprise.

[47]          Dans la présente affaire, je conclus, contrairement à ce que l'appelant a prétendu, qu'il existe certainement un élément personnel dans les circonstances et que, à première vue, l'entreprise n'a révélé, dans son organisation, aucun caractère commercial inhérent. Dans l'arrêt Tonn, précité, le juge Linden a déclaré ceci à la page 95 (DTC : à la page 6009) :

Quelles que soient les circonstances examinées, les transactions contraires aux fins de la Loi sont celles dont l'objet sous-jacent est d'éviter illégalement de payer de l'impôt. Un bon exemple est le cas du contribuable qui tente de déduire à titre de dépenses d'entreprise des frais qui constituent essentiellement des frais relatifs à un passe-temps ou des dépenses personnelles. Comme le bon sens l'indique, il est difficile de dire que cet évitement est l'un des objets fondamentaux visés par la Loi. À mon avis, c'est dans cet esprit que le juge Dickson a formulé le critère dans l'arrêt Moldowan.

Je me suis attardé à l'origine du critère de " l'attente raisonnable de profit ", parce qu'il est nécessaire de bien comprendre ce concept pour trancher la présente demande. Comme formulation jurisprudentielle des objets de la Loi, le critère de l'arrêt Moldowan convient on ne peut mieux aux situations dans lesquelles le contribuable cherche à éviter de payer de l'impôt en structurant ses affaires de façon inappropriée, notamment lorsqu'il tente de déduire une dépense engagée pour obtenir un remboursement d'impôt26 ou de déduire des dépenses d'entretien ménager personnelles sous le couvert d'une entreprise de services de dactylographie exploitée par son épouse27. Il s'agit, dans tous ces cas, de situations dans lesquelles le contribuable applique la Loi à des fins inappropriées et dans lesquelles le critère de l'arrêt Moldowan a été appliqué à juste titre pour refuser la déduction, parce que celle-ci allait à l'encontre des objets de la Loi.

______________

26              Voir Moloney c. La Reine, C.A.F., no A-73-89, 5 octobre 1992 (92 DTC 6570).

27              Geurts c. R., C.C.I., no 92-2701(IT)G, 9 septembre 1994 (95 DTC 89), le juge en chef Couture, C.C.I.

[48]          Il suffit d'examiner l'état des activités de l'entreprise déposé avec les déclarations de revenus de l'appelant pour constater que, mis à part les frais de gestion, les dépenses importantes déduites sont celles qui sont liées à l'utilisation du véhicule et de la maison. Ces dépenses auraient été engagées même sans l'existence d'une entreprise et sont par conséquent de nature personnelle. De fait, lorsqu'elle a énoncé les facteurs à prendre en considération pour déterminer si une déduction doit être permise à titre de dépense d'entreprise, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Symes, précité, à la page 737 :

                Il pourrait également être pertinent d'examiner si une dépense donnée aurait été engagée si le contribuable ne visait pas la production d'un revenu d'entreprise. Voici les commentaires du professeur Brooks sur ce point (à la p. 258) :

[TRADUCTION] Lorsqu'une personne aurait engagé une dépense particulière même si elle ne travaillait pas, il y a de bonnes raisons de penser que cette dépense sert une fin personnelle.

[49]          En outre, le fait que, au cours des années en cause, l'appelant a versé plus du quart de son salaire personnel à son épouse, ce qui représentait un montant supérieur aux bénéfices bruts générés par l'activité, tend à montrer, à mon avis, que l'appelant a cherché à éviter de payer de l'impôt en organisant ses affaires de façon inappropriée, au sens où on l'entendait dans l'arrêt Tonn. En conséquence, le critère de l'arrêt Moldowan convient on ne peut mieux à ce genre de situation, ainsi que le juge Linden l'a dit.

[50]          Je suis donc d'avis que la jurisprudence est telle que le critère de l'ARP s'applique pour déterminer si, dans la présente affaire, l'activité représentait une source de revenu pour l'appelant. De plus, même si j'ai énoncé avec exactitude l'une des questions soulevées devant la Cour suprême du Canada dans les arrêts Stewart et Walls, précités, les décisions qui seront rendues à cet égard ne devraient avoir aucune incidence sur la présente affaire puisque j'ai conclu qu'il y a en l'espèce des éléments personnels.

[51]          Je me pencherai maintenant sur l'argument subsidiaire invoqué par l'appelant. Dans l'arrêt Tonn, précité, on a dit que le critère de l'arrêt Moldowan doit être appliqué avec modération lorsque l'appréciation commerciale du contribuable est en cause, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Aux pages 103 et 104 (DTC : à la page 6013), le juge Linden ajoute ceci :

[...] Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

[52]          L'avocate de l'appelant a énoncé certains des facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer s'il y a attente raisonnable de profit. D'autres facteurs sont énumérés dans l'affaire Sipley c. La Reine, C.C.I., no 94-80(IT)I, 21 octobre 1994 ([1995] 2 CTC 2073), et repris dans l'arrêt Tonn, à la page 104 (DTC : à la page 6013) :

Le critère objectif comporte un examen de l'état des profits et pertes pour les années antérieures, un examen du plan opérationnel et des circonstances qui ont donné lieu à sa mise en oeuvre, y compris de la voie sur laquelle le contribuable entend s'engager. Le critère comporte également un examen du temps consacré à l'activité, ainsi que des antécédents, de la formation et de l'expérience du contribuable.

[53]          Dans l'affaire Kaye, précitée, le juge Bowman a analysé la question sous un angle légèrement différent à la page 2 (DTC : à la page 1660) :

                On ne peut considérer le caractère raisonnable de l'attente de profit de façon isolée. Il faut se demander : " Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise? " Pour répondre à la question, la personne raisonnable fictive examinerait entre autres choses la structure du capital, les connaissances du participant et le temps consacré à l'activité. Elle évaluerait également si la personne qui prétend exploiter une entreprise a procédé de façon ordonnée et méthodique, de la manière dont une personne en affaires procéderait normalement.

[54]          Dans la présente affaire, je conviens avec l'avocat de l'intimée que l'appelant n'a pas démontré qu'il pouvait raisonnablement s'attendre à tirer un profit de son activité. Celle-ci avait été exercée pendant presque 10 ans lorsque l'appelant a été l'objet d'une seconde vérification. L'activité se soldait chaque année par des pertes. D'après l'appelant lui-même, il était impossible de réaliser des profits si des frais de gestion étaient payés. De fait, dans chacune des années d'imposition en cause, le bénéfice brut, avant la déduction de quelque dépense que ce soit, était inférieur aux frais de gestion versés à l'épouse de l'appelant.

[55]          L'appelant a estimé qu'il faudrait vendre 100 000 $ de marchandises avant de pouvoir même songer à réaliser des profits. Or, en 1994, la meilleure année sur le plan des ventes, celles-ci n'ont même pas atteint les 50 000 $. Il a été établi que, dans les années en cause, on avait consacré de 60 à 90 heures par semaine à l'activité. On peut difficilement imaginer que Mme Petrovic, qui était la personne s'occupant réellement de cette activité, eût pu consacrer plus de temps à celle-ci. Pour atteindre l'objectif de 100 000 $ de ventes, il est évident que l'appelant aurait dû engager d'autres personnes, ce qui aurait entraîné une hausse proportionnelle des coûts.

[56]          Il est vrai que les tribunaux accordent un délai de grâce aux nouvelles activités (ce que la Cour d'appel fédérale a confirmé dans les arrêts Tonn et Labrèche, précités). De fait, comme l'a indiqué le juge Linden dans l'arrêt Tonn, il peut s'écouler plusieurs années avant que l'on puisse dire si une entreprise sera rentable. Je suppose que c'est en fait la raison pour laquelle le ministre a accepté dans les premières années la déduction des pertes de l'appelant à l'égard de l'activité. Cependant, avec les années en cause, l'activité avait été exercée pendant six ans sans qu'il y eût eu quelque profit que ce soit. En 1990, soit une très bonne année comparativement aux autres, les recettes ont atteint 40 000 $ et les frais de gestion n'ont pas été très élevés. Pourtant, l'activité n'a généré aucun profit.

[57]          Dans les années en cause, le coût des marchandises vendues était moins élevé (l'appelant ayant choisi de tenir des stocks moins importants), mais les pertes étaient encore plus élevées en dépit du fait que les recettes avaient atteint leur plus haut niveau, car l'appelant avait décidé d'augmenter sensiblement la rémunération de son épouse (les frais de gestion). Il est évident que le genre d'activité en cause ici ne nécessitait pas de mise de fonds importante. Il ne s'agit pas d'un cas où l'on n'a pas accordé à l'appelant suffisamment de temps pour prouver la viabilité de l'activité.

[58]          L'appelant attribue les pertes subies dans les années en cause à la récession. Or, d'après son propre témoin, Mme Shepherd, le secteur de la création de mode a connu ses pires années au milieu des années 1990 et est redevenu rentable en 1998. Dans le cas de l'appelant, le revenu brut qu'il a tiré de l'activité a atteint un sommet en 1993 et en 1994. En 1998 et en 1999, l'activité n'a enregistré aucune perte car, pendant ces années, les frais de gestion étaient soit peu élevés, soit nuls.

[59]          Il est donc difficile d'attribuer les pertes de l'appelant à la seule récession. Bien qu'il n'appartienne pas à la Cour de l'impôt de mettre en question le sens des affaires d'un contribuable qui se lance de bonne foi dans une activité commerciale qui se révèle moins profitable que prévu, il doit y avoir suffisamment d'indices de commercialité pour justifier la conclusion selon laquelle une véritable entreprise commerciale est exploitée (voir Riddell v. The Queen, [1996] T.C.J. no 1100 (C.C.I.)). Il est vrai que Mme Petrovic avait de l'expérience dans le domaine et que son salaire n'aurait pas été déraisonnable dans d'autres circonstances. Cependant, ainsi que le juge en chef Couture (tel était alors son titre) l'a dit dans l'affaire Geurts, précitée, ce salaire était disproportionné par rapport au chiffre d'affaires nominal de l'entreprise. Dans cette affaire, l'épouse du contribuable exploitait un service de dactylographie à la pige dont le contribuable était l'unique propriétaire. Le juge en chef Couture a refusé dans les termes suivants, aux pages 4 et 5 (DTC : à la page 91), les pertes dont la déduction avait été demandée :

[...] Comme je l'ai dit plus tôt, il n'est peut-être pas nécessaire d'effectuer une étude de marché en bonne et due forme, mais il faut qu'il y ait au moins quelque indice de rentabilité potentielle pour l'entreprise. On ne peut s'en remettre uniquement aux bonnes intentions et à l'espoir pour convaincre la Cour que l'entreprise était exploitée depuis le début dans une attente raisonnable de profit.

Par exemple, l'appelant n'a pas démontré à la Cour qu'il y avait, dans les frais relatifs aux services rendus par sa femme, un élément de profit. Ainsi, en 1987, elle travaillait au taux de 15 $ de l'heure d'après son témoignage, mais il n'existe aucune preuve selon laquelle, quel que soit le taux facturé au client - qu'il s'agisse d'un taux horaire ou d'une autre formule - pour les services qu'elle rendait, l'entreprise réalisait un profit. À mon sens, il est indispensable que l'appelant démontre à la Cour qu'il existait un élément de profit dans le chiffre d'affaires de l'entreprise et qu'une augmentation de ce dernier aboutirait à terme à la réalisation d'un bénéfice net.

À la lumière de la preuve qui a été produite, rien ne me permet de conclure que l'entreprise était exploitée dans une attente raisonnable de profit; aussi me faut-il rejeter les appels.

[60]          En l'espèce, je ne crois pas que l'appelant ait démontré la rentabilité économique éventuelle de l'activité. Je conclus que, comme dans l'affaire Geurts, l'appelant n'a pas fait la preuve qu'il y avait, dans les frais relatifs aux services rendus par son épouse, un élément de profit, à savoir que ces services étaient facturés aux clients ou que des profits ont été réalisés par l'entreprise suivant une autre formule. Au contraire, l'appelant a reconnu qu'il était impossible de réaliser des profits si ces frais de gestion étaient payés. Si l'on applique des normes courantes de gestion d'entreprise, cela n'est certainement pas la façon dont une personne raisonnable exploiterait une entreprise. À mon avis, ce n'est pas non plus une façon appropriée d'organiser les affaires d'un contribuable que de ne verser aucun salaire à son employé principal uniquement pour faire état d'un profit. (En réalité, je suis frappé par le fait que l'appelant ait réduit les frais de gestion versés à son épouse au cours des années qui ont suivi la deuxième vérification.) En fait, je ne crois pas qu'une personne en affaires aurait engagé un employé pendant si longtemps s'il en avait résulté des pertes d'année en année. Je ne crois pas non plus qu'une personne en affaires se serait attendue dans quelque circonstance que ce soit à pouvoir garder un employé essentiel sans lui verser de salaire.

[61]          Enfin, je ne crois pas que l'appelant ait élaboré de plan d'action relativement à l'activité en question. La preuve révèle qu'il essayait de rajuster son tir chaque année, sans toutefois investir trop d'argent. En fait, il n'avait pas grand-chose à perdre puisque l'activité était exercée dans sa résidence. Je ne crois pas que l'on puisse dire de cette façon d'agir qu'elle constituait la mise en oeuvre d'un plan d'exploitation. Au contraire, tout était organisé de façon à profiter à l'appelant, qui pouvait obtenir des remboursements d'impôt grâce à la déduction de dépenses personnelles.

[62]          En conclusion, je n'irai pas jusqu'à qualifier l'attente de profit de l'activité d'absurde et de ridicule (facteur qui semble avoir été ajouté à la liste dans l'affaire Kuhlmann, précitée), et l'appelant a peut-être eu l'intention sincère de réaliser des profits grâce à cette activité, mais il ne m'a pas convaincu que cette intention était réaliste et que l'attente de profit était objectivement raisonnable. Je doute que, d'un point de vue purement commercial, l'appelant aurait exercé cette activité à perte pendant dix ans, ou que, suivant les normes courantes de gestion commerciale, on aurait pu s'attendre à ce qu'une personne en affaires subisse de telles pertes pendant si longtemps dans des circonstances semblables.

[63]          Le passage qui suit de l'arrêt Landry c. La Reine, C.A.F., no A-392-93, 5 juillet 1994, aux pages 2 et 3 (94 DTC 6624, à la page 6625) est à propos ici :

                Quelqu'un peut bien, avec la meilleure volonté du monde, exercer une activité qui prend tout son temps, sans que cette activité ne devienne pour autant une entreprise pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu [...]

                Il vient donc un temps, dans la vie de toute entreprise déficitaire, où le ministre doit pouvoir déterminer objectivement, après, le cas échéant, avoir donné la chance au coureur pendant un certain nombre d'années, qu'un espoir raisonnable de profit s'est transformé en rêve impraticable.

[64]          Dans les circonstances, l'appelant n'a à mon avis pas prouvé selon la prépondérance des probabilités qu'il exploitait une entreprise au cours des années en cause. Le ministre a donc refusé à juste titre la déduction par l'appelant des pertes nettes subies au cours de ces années.

[65]          Pour ces motifs, les appels sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

ANNEXE " A "

Jackie's Fashion Design

Montants déclarés par l'appelant dans ses déclarations de revenus T1 de 1987 à 1998

Année d'imposition

Recettes

Dépenses

Coût des marchandises vendues   

Frais de gestion

Revenu net/

(perte nette)

Revenu d'emploi

1987

17 367,00 $

? &

? &

6 000,00 $

(12 424,00 $)

45 000,00 $

1988

23 538,03

12 674,45 $

24 152,74 $

10 500,00

(13 289,16)

53 966,34

1989

30 403,30

9 187,17

29 725,68

7 170,00*

(8 509,55)

56 276,14

1990

40 485,32

23 104,05

32 450,39

7 707,00*

(15 069,12)

? &

1991

21 651,13

22 234,11

17 053,78

7 105,00

(24 662,00)

? &

1992

29 774,35

38 436,91

13 518,64

? &

(22 181,20)

66 612,82

1993

43 347,58

62 803,35

19 159,72

26 690,00

(38 615,49)

69 414,36

1994

45 817,04

70 689,04

18 826,02

29 300,00

(43 698,02)

79 203,38

1995

31 949,94

56 883,81

14 099,52

21 552,65

(39 033,39)

81 985,19

1996

20 451,99

36 816,84

7 321,44

8 550,00

(23 686,29)

98 298,07

1997

41 771,73

15 466,22

20 348,97

1 000,00

     0,00+

82 914,00

1998

34 068,17

13 347,58

16 320,21

     0,00

    303,16+

85 745,00

* Montant non déduit comme dépense découlant de l'activité.

+ Après le report sur les exercices ultérieurs et l'imputation des dépenses liées à l'utilisation de la maison à des fins commerciales. Avant ce report sur les exercices ultérieurs et cette imputation des dépenses, le revenu net était en 1997 de 5 956,54 $ et, en 1998, de 4 400,38 $.

& Information non disponible.

97-3401(IT)G

ENTRE :

MIOMIR PETROVIC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 10 février 2000, à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocate de l'appelant :               Me Shelley J. Kamin

Avocat de l'intimée :                   Me Charles Camirand

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'août 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



*               Par souci de commodité, l'annexe A est reproduite à la fin des présents motifs de jugement.

[1]               La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Walls c. La Reine, [1999] A.C.F. no 1823 (Q.L.), a été rendue à l'audience à Vancouver (C.-B.), le 23 novembre 1999. Il y est déclaré que le juge de première instance a commis une erreur dans l'application du critère de l'ARP. Comme le juge Robertson s'est reporté à la décision Mastri, dont il a lui-même rédigé les motifs, je ne crois pas, contrairement à ce que certains pourraient être tentés de faire, que le principe qui sous-tend la décision rendue dans l'arrêt Walls est que, en l'absence d'un élément personnel, une entreprise commerciale active est automatiquement soustraite à l'application du critère de l'ARP. À mon avis, cet arrêt signifie que, dans les circonstances, il a simplement été satisfait au critère de l'ARP.

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