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Date: 20010131

Dossier: 1999-5116-IT-I

ENTRE :

JEROME WALLSTEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 1999-5117-IT-I

ENTRE

LAKESIDE PROPERTIES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

POINT EN LITIGE

[1]            Il s'agit de savoir si Lakeside Properties Ltd. (" Lakeside "), société dont Jerome Wallsten (" M. Wallsten ") était un actionnaire et un administrateur, a à juste titre inclus la somme de 11 958 $ dans son revenu pour son année d'imposition 1997 ou si, comme l'indique la nouvelle cotisation, cette somme aurait dû être incluse dans le revenu de M. Wallsten pour son année d'imposition 1996.

FAITS

[2]            Il n'y a aucun différend quant au montant total de la commission versée à M. Wallsten par les assureurs, soit 63 852 $. Un relevé déposé avec la réponse à l'avis d'appel indique que les dépenses déduites par Lakeside étaient de 51 894 $, ce qui donnait un revenu net de 11 958 $. Le ministre semble avoir considéré tous les revenus et toutes les dépenses comme des revenus et des dépenses de M. Wallsten. Aucun élément de preuve concernant cette particularité n'a été présenté par l'intimée. La question en litige peut donc être réénoncée comme suit : le ministre a-t-il eu raison d'inclure les 11 958 $ dans le revenu de M. Wallsten[1].

[3]            M. Wallsten était un actionnaire, un administrateur et un employé de Lakeside; son épouse et ses enfants détenaient les autres actions émises et en circulation.

[4]            Avant 1996, M. Wallsten était un employé de Sun Life du Canada, Compagnie d'Assurance-Vie (" Sun Life "). M. Wallsten a ensuite conclu avec Sun Life un contrat écrit qui est entré en vigueur le 1er janvier 1996 et en vertu duquel M. Wallsten acceptait de vendre des produits de cette compagnie tout en étant libre d'exercer ses activités commerciales en représentant également d'autres compagnies d'assurances.

[5]            L'article XIII de la convention d'agent indépendant, intitulé NATURE DE LA RELATION, se lit comme suit :

[TRADUCTION]

La relation entre les parties sera une relation entre entrepreneurs indépendants. Aucune des modalités de la présente convention ne sera interprétée comme créant une relation employeur-employé entre Sun Life et l'Agent.

[6]            Une autre clause, intitulée CESSION EN GARANTIE, se lit comme suit :

[TRADUCTION]

L'Agent ne peut céder un droit ou avantage en vertu de la présente convention, sauf son droit à des commissions et primes, qui peut être cédé en garantie. Sun Life enregistrera toute mise en gage du droit de l'Agent à des commissions et primes.

[7]            Une convention écrite indiquée comme ayant été conclue le 1er janvier 1996 et décrite comme étant une DÉCLARATION DE FIDUCIE stipule en partie ceci :

[TRADUCTION]

1.              L'Agent consent à ce que les produits et autres fonds reçus par lui de Sun Life et/ou d'autres sociétés soient reçus au nom de la Société.

2.              L'Agent reconnaît qu'il n'a le droit de recevoir des produits ou rémunérations que conformément à son arrangement personnel avec la Société et que tous les revenus reçus par lui en tant qu'agent d'assurance-vie ou que travailleur dans un domaine connexe, par exemple en tant que vendeur de titres de fonds communs de placement ou d'autres titres, seront portés au crédit de la Société sans aucune déduction.

3.              La Société est autorisée à endosser au nom de l'Agent les chèques qu'elle dépose, et l'Agent lui accorde cette autorisation absolue pour une contrepartie de valeur.

[8]            Jerome Wallsten a témoigné qu'un résultat du nouvel arrangement était qu'il n'avait plus d'avantages en matière d'assurance-invalidité et d'autres types d'assurance. Il avait déterminé qu'il lui fallait devenir un employé de Lakeside pour obtenir des avantages d'une petite entreprise. Il a dit que Sun Life n'aurait pas délivré un permis au nom d'une société par actions à responsabilité limitée à un agent comme lui. Il a dit qu'il avait voulu faire en sorte que tous les revenus d'assurance aillent à Lakeside et qu'il reçoive un salaire comme n'importe quel employé. Il a dit qu'il désirait ainsi simplifier son mode de vie.

[9]            M. Wallsten a déclaré que tous les chèques provenant de Sun Life étaient payables à lui mais qu'ils étaient déposés dans le compte bancaire de Lakeside.

[10]          M. Wallsten avait inclus dans son revenu pour son année d'imposition 1996 la somme de 49 729 $ comme salaire provenant de Lakeside. Le ministre du Revenu national (le " ministre ") a, par voie de nouvelle cotisation, ajouté la somme de 11 958 $ dans le revenu de M. Wallsten pour cette année-là, soit une somme reçue de Sun Life par M. Wallsten et déposée dans le compte de Lakeside. La réponse à l'avis d'appel dit que le ministre a supprimé la somme de 11 958 $ du revenu de Lakeside.

[11]          M. Wallsten a témoigné que, pour la conduite de l'entreprise, il n'avait personnellement aucun matériel, bureau, véhicule, ordinateur spécial, télécopieur, pupitre, etc. et que tous ces instruments de travail étaient fournis par Lakeside. Il a dit que Lakeside payait les frais de publicité et les frais de fournitures de bureau et que les seuls biens personnels qu'il utilisait dans son entreprise, c'était ses vêtements.

[12]          Lors du contre-interrogatoire, lorsqu'on lui a demandé si Sun Life était au courant de son arrangement avec Lakeside, M. Wallsten a répondu que le directeur d'agence et le chef de groupe de Sun Life à Slave Lake étaient allés à son bureau à de nombreuses occasions. Il a dit qu'il n'y avait au bureau de Lakeside aucun écriteau faisant la publicité de Sun Life ou mentionnant le nom de cette dernière.

ARGUMENTS

[13]          L'avocat des appelants a dit que M. Wallsten savait à partir du 1er janvier 1996 que la société fournirait du matériel et recevrait des commissions et que M. Wallsten serait en mesure de recevoir des avantages de Lakeside, n'en recevant plus de Sun Life. L'avocat des appelants a soutenu que M. Wallsten aurait pu recevoir et conserver les commissions, que Lakeside aurait pu faire payer à M. Wallsten des honoraires de gestion d'un montant égal et que le résultat aurait été le même, comme l'affirment les appelants. L'avocat des appelants a fait référence à l'affaire Sa Majesté La Reine c. Dr H. Hoyle Campbell, [1980] 2 R.C.S. 256 (80 DTC 6239), soit une décision de la Cour suprême du Canada. Dans cette affaire, le docteur Campbell avait constitué une société pour l'exploitation d'un hôpital privé. Il détenait toutes les actions de la société. Cette dernière l'employait et lui versait un salaire fixe; quant à lui, il versait à la société tous les honoraires pour services médicaux qu'il recevait du régime d'assurance-maladie de la province. Le ministre avait imposé le docteur Campbell sur ce revenu. La Cour a conclu que la société n'exerçait pas la médecine. Elle a fait remarquer que la Couronne n'avait nullement allégué que la société était un trompe-l'oeil. Elle a en outre décidé que le fait que les honoraires payés en vertu du régime provincial d'assurance-maladie devaient être directement payés au médecin n'était pas l'élément dominant, puisqu'il y avait un arrangement valable entre le docteur Campbell et la société concernant le salaire payé au docteur Campbell et que les honoraires étaient versés à la société en tant qu'employeur. La Cour a déterminé que le revenu provenant des services professionnels fournis par le docteur Campbell était le revenu de la société.

[14]          En l'espèce, l'avocat de l'intimée a insisté sur le fait que l'intérêt de M. Wallsten dans la convention avec Sun Life ne pouvait être cédé, sauf en garantie, et qu'aucun élément de preuve n'indiquait que les commissions cédées par M. Wallsten à Lakeside avaient été cédées en garantie. L'avocat de l'intimée a fait référence au passage suivant extrait de la page 108 du jugement Linden Gardens Trust Ltd., [1994] 1 A.C. 86 (C.L.) :

[TRADUCTION]

                Donc, la jurisprudence existante établit qu'une tentative de cession de droits contractuels en violation d'une interdiction contractuelle est sans effet pour ce qui est du transfert de tels droits contractuels. À mon avis, cela est bien établi en droit. Sinon, ce serait contraire à l'objet commercial légitime de l'inclusion de l'interdiction contractuelle, qui est de veiller à ce que les parties initiales au contrat ne soient pas entraînées dans des relations contractuelles directes avec des tiers.

[15]          Toutefois, la question dans le présent appel n'a rien à voir avec un différend contractuel avec un tiers.

CONCLUSION

[16]          J'ai conclu que les appels devraient être couronnés de succès. Le fait que la convention entre les parties était contraire au contrat de M. Wallsten avec Sun Life n'influe pas sur l'obligation fiscale. Ma conclusion est conforme au raisonnement tenu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Campbell, précitée.

[17]          En conséquence, les deux appels sont admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2001.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juin 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-5116(IT)I

ENTRE :

JEROME WALLSTEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Lakeside Properties Ltd. (1999-5117(IT)I) le 9 août 2000, à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Russell A. Flint

Avocat de l'intimée :                            Me Mark Heseltine

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est admis, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2001.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de juin 2001.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-5117(IT)I

ENTRE :

LAKESIDE PROPERTIES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Jerome Wallsten (1999-5116(IT)I), le 9 août 2000, à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me Russell A. Flint

Avocat de l'intimée :                                      Me Mark Heseltine

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2001.

" R. D. Bell "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de juin 2001.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] M. Wallsten soutient dans son appel qu'il s'agit du revenu de Lakeside. Cette dernière soutient dans son appel que la somme de 11 958 $ a à juste titre été incluse dans son revenu.

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