Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990602

Dossiers: 96-2445-GST-G; 96-3870-GST-G;

1999-2332-GST-G; 98-1666-GST-G

ENTRE :

ROBERT WOOD,

JAMES R. McMURTER s/n McMURTER HOME CENTRE,

JAMES R. McMURTER s/n McMURTER HOME CENTRE,

ROBIN GILES BRANT s/n FREE FLOW GAS BAR,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifsde l'ordonnance

Le juge Bowie, C.C.I.

[1]            Les trois appels sont à l'encontre de cotisations de taxe sur les produits et services (TPS) établies sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise. Lorsqu'ils ont déposé leurs appels, les appelants, des Indiens inscrits, ont tous choisi la procédure informelle de la Cour, qui ne prévoit ni la production de documents, ni la tenue d'interrogatoires préalables. Dans chaque cas, en vertu de l'article 18.3002 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt (la " Loi "), le procureur général du Canada a demandé que les appels soient régis par la procédure générale de la Cour, probablement parce que tous les appels soulèvent des questions complexes de droit constitutionnel, de droit des traités et de droit législatif relativement à l'imposition des Indiens inscrits. Nombre de ces questions sont communes aux trois appels.

[2]            Depuis que les appels ont été interjetés, il y a eu un certain nombre de requêtes interlocutoires. Le 26 mars 1998, mon collègue le juge Rip a rendu dans l'appel Wood une ordonnance établissant un calendrier pour la production de documents, la tenue d'interrogatoires préalables et le dépôt de déclarations sous serment de témoins experts. Subséquemment, au terme d'une audience sur l'état de l'instance tenue par conférence téléphonique, il a modifié son ordonnance dans l'appel Wood et a rendu des ordonnances dans les appels McMurter et Brant, ainsi que dans un autre appel lié qui a été abandonné depuis; ces ordonnances fixaient de nouveaux délais aux fins de la production de documents, de la tenue d'interrogatoires préalables et du dépôt de déclarations sous serment de témoins experts, et précisaient une date de procès pour les quatre appels, qui devaient être entendus sur preuve commune. Elles prévoyaient que le procès durerait six semaines et commencerait le 15 novembre 1999. Suivant ces ordonnances, les parties devaient avoir produit les documents au plus tard le 29 janvier 1999, les interrogatoires préalables devaient être terminés au plus tard le 30 avril 1999, et tout engagement en découlant devait être respecté au plus tard le 30 juin 1999.

[3]            Au début du mois de janvier 1999, l'avocat des appelants s'est engagé à déposer et à signifier, dans l'appel Brant, un avis d'appel modifié de nouveau qui exposerait en détail le fondement des prétentions selon lesquelles, en vertu de la loi, des traités et de la constitution, les appelants ne sont pas tenus de percevoir la TPS auprès de leurs clients. Des demandes visant à obtenir ces mêmes précisions dans les autres appels étaient en suspens depuis de nombreux mois.

[4]            L'intimée m'a soumis une requête afin d'obtenir une ordonnance visant le production de listes de documents, de l'avis d'appel modifié et des précisions, et afin d'obtenir la prolongation du délai applicable à l'interrogatoire préalable. La déclaration sous serment à l'appui de cette requête énumère les nombreuses lettres que l'avocat de l'intimée a envoyées à l'avocat des appelants et qui sont restées sans réponse ainsi que les nombreux appels téléphoniques auxquels il n'a pas été donné suite. L'avis de requête a été déposé le 28 avril 1999. L'audition de la requête était prévue pour le 12 mai 1999, date à laquelle je l'ai ajournée au 26 mai 1999, la condition étant que l'avocat des appelants s'engage à déposer et à signifier les listes de documents et les avis d'appel modifiés de nouveau au plus tard le 25 mai 1999. C'est ce qui a été fait et, le 26 mai 1999, j'ai rendu une ordonnance modifiant de nouveau les dates fixées aux fins des interrogatoires préalables et du dépôt des déclarations sous serment des témoins experts. Les deux avocats ont accepté ces dates à l'audition du 26 mai 1999. La seule question non réglée est celle des frais de la requête.

[5]            L'avocat de l'intimée demande que les frais de la requête soient fixés à 3 000 $, payables solidairement par les appelants le 31 mai 1999 au plus tard. Le pouvoir de rendre une telle ordonnance est prévu à l'article 147 des Règles.

[6]            L'avocat des appelants soutient que je ne dois pas rendre une telle ordonnance sur les frais des présentes requêtes. Il fait valoir que l'article 18.3007 de la Loi règle la question des frais en l'espèce et que c'est le juge de première instance qui doit se prononcer à cet égard. À l'appui de sa prétention, il m'a reporté à la décision que j'ai rendue dans une requête antérieure, soit Wood c. La Reine[1]. Dans cette affaire, j'ai ordonné, en vertu de l'article 18.3007, que l'appel soit régi par la procédure générale; M. Sherry m'a alors demandé de rendre une ordonnance contraignant l'intimée à payer les frais de l'appelant pour toute l'affaire, quelle que soit l'issue de la cause, et à l'avance. J'ai refusé de rendre une ordonnance sur les frais de l'appel. Plusieurs raisons ont justifié ce refus, notamment le fait que, à mon avis, il est préférable de laisser au juge de première instance le loisir d'exercer le pouvoir discrétionnaire de la Cour sur la question des frais.

[7]            Je me pencherai en premier lieu sur la question de savoir si l'adjudication des frais, à l'égard de laquelle la Cour a normalement compétence, cesse d'être du ressort de cette dernière dans les présentes requêtes par l'application de l'article 18.3007 de la Loi.

18.3007 (1) La Cour peut, si les circonstances le justifient, ne rendre aucune ordonnance concernant les frais et dépens ou allouer ceux-ci à la personne qui a interjeté appel même si, d'après ses règles, ils doivent être payés à Sa Majesté du chef du Canada ou aucune ordonnance les concernant ne peut être rendue si les conditions suivantes sont réunies :

a) une ordonnance a été rendue en vertu du paragraphe 18.3002(1) relativement à l'appel;

b) l'appel n'est pas visé au paragraphe 18.3002(3);

c) le montant qui fait l'objet de l'appel est égal ou inférieur à 50 000 $;

d) le total des fournitures pour l'exercice précédent de la personne qui a interjeté appel est égal ou inférieur à 6 000 000 $.

(2) Les frais et dépens sont alloués au moment où l'ordonnance est rendue.

[8]            Cette disposition signifie clairement que, lorsqu'il tranche un appel auquel cette disposition s'applique, le juge de première instance peut, dans les circonstances décrites, rendre une ordonnance de la nature de celle qui y est décrite, malgré le fait que, si l'appelant avait choisi la procédure générale, une ordonnance moins favorable aurait été appropriée en toutes circonstances. Le libellé de cette disposition n'a pas pour objet de supplanter les dispositions portant sur les frais, à l'article 147 des Règles, qui s'appliquent habituellement.

[9]            J'en arrive à la question de savoir quelle ordonnance doit être rendue en vertu de l'article 147 des Règles. Les circonstances en l'espèce sont très différentes de celles de l'appel Wood. Dans cette dernière affaire, on a dès le début des procédures demandé une ordonnance qui réglerait complètement la question des frais. En l'espèce, la question en litige porte sur les frais des requêtes interlocutoires que j'ai entendues et tranchées. Grâce aux déclarations sous serment qui ont été déposées, je connais parfaitement les circonstances qui ont mené au dépôt des requêtes et le bien-fondé des thèses des parties. L'avocat des appelants ne m'a fait part d'aucun facteur qui fasse en sorte que le juge de première instance soit mieux placé que moi pour régler la question. En outre, lorsqu'il tranchera la question des frais des appels, le juge de première instance connaîtra l'ordonnance que je rends aujourd'hui sur les frais des présentes requêtes et sera en mesure d'en tenir compte s'il y a lieu.

[10]          Les facteurs suivants sont pertinents au regard de l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire.

1.                     Les présentes requêtes auraient été inutiles n'eût été l'omission de l'avocat des appelants de se conformer à l'ordonnance qu'a rendue le juge Rip au terme de l'audience sur l'état de l'instance concernant la production de documents, et n'eût été son omission de fournir les précisions demandées dans les appels McMurter et Wood et de déposer et signifier l'avis d'appel modifié de nouveau, comme il s'était engagé à le faire dans l'appel Brant.

2.                     L'avocat des appelants a déposé une déclaration écrite exposant sa thèse aux fins de la requête. Il n'y traite pas de toutes les mesures de redressement demandées mais y convient que l'intimée a droit au redressement demandé. À l'audition de la requête, l'avocat des appelants a très volontiers reconnu que les autres mesures de redressement demandées par l'intimée étaient raisonnables, à l'exception uniquement des frais et dépens.

3.                     Dans le cadre de la requête, les appelants ont déposé une déclaration sous serment, mais celle-ci n'offrait aucune explication raisonnable sur leur omission de se conformer à l'ordonnance du juge Rip ou de demander que cette ordonnance soit modifiée de nouveau. La déclaration sous serment déposée à l'appui de la requête contient une longue énumération des omissions de l'avocat des appelants de répondre aux appels et aux lettres, en plus de rappeler son omission de se conformer aux conditions énoncées dans les Règles et dans l'ordonnance rendue au terme de l'audience sur l'état de l'instance. La déclaration sous serment déposée pour le compte des appelants ne contient pas de dénégation de l'existence de ces omissions. Elle porte en grande partie sur des sujets qui ne sont pas pertinents relativement aux questions qui sont en litige en l'espèce.

4.                     En raison des retards causés dans les présentes procédures par les omissions de l'avocat des appelants de se conformer aux Règles et à l'ordonnance rendue au terme de l'audience sur l'état de l'instance, telle qu'elle a été modifiée, la date du procès fixée par le juge Rip risque de ne pas être respectée. Je surveillerai le déroulement des appels à compter d'aujourd'hui jusqu'à la date du procès, comme les deux avocats l'ont demandé, mais il est fort possible que le procès ne commence que l'an prochain.

[11]          Parmi les facteurs susmentionnés, le plus important est l'omission des appelants de se conformer à l'ordonnance du juge Rip, et, par le fait même, de prendre des mesures pour en demander la modification. Si les appelants n'ont demandé aucune modification, c'est probablement parce qu'ils n'avaient aucun motif raisonnable de le faire. L'époque où les plaideurs pouvaient à loisir franchir les diverses étapes du processus sans se presser est depuis longtemps révolue. Les ressources judiciaires se font rares, et elles sont coûteuses. Les audiences sur l'état de l'instance tenues devant la Cour canadienne de l'impôt et les ordonnances qui en découlent visent à encourager une utilisation efficace des ressources judiciaires et des installations de la Cour ainsi qu'à favoriser le bon déroulement des appels. La présentation de requêtes comme celles qui sont en cause en l'espèce constitue non seulement un affront à la Cour, mais aussi un gaspillage de ressources publiques précieuses.

[12]          L'intimée a droit aux frais des présentes requêtes, quelle que soit l'issue de la cause, payables au plus tard le 30 juin 1999. Je fixe les frais de chacun des trois appels à 850 $. Ce montant tient compte du fait que les requêtes ont été entendues ensemble, mais sur deux jours, et du fait également que les appelants ont remédié à certaines de leurs omissions entre la première journée et la deuxième. L'avocat des appelants doit

remettre une copie de mon ordonnance et des motifs de celle-ci à chacun des appelants, en mains propres ou par courrier recommandé, d'ici le 11 juin 1999. Il devra déposer une preuve qu'il a respecté cette obligation au plus tard le 18 juin 1999. Si les frais ne sont pas payés au 30 juin 1999, l'intimée peut demander le rejet des appels à une date qui sera fixée par le greffe de la Cour, sur demande.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 1999.

" E. A. Bowie "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de novembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

ENTRE :

96-2445(GST)G

ROBERT WOOD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

96-3870(GST)G

JAMES R. McMURTER s/n McMURTER HOME CENTRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

1999-2332(GST)G

JAMES R. McMURTER s/n McMURTER HOME CENTRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

98-1666(GST)G

ROBIN GILES BRANT s/n FREE FLOW GAS BAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requêtes entendues le 26 mai 1999 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

Avocat des appelants :                         Me Michael Sherry

Avocat de l'intimée :                           Me Ernest Wheeler

ORDONNANCE

          Vu la demande de l'avocat de l'intimée dans les présents appels afin d'obtenir des ordonnances réglant le déroulement des procédures préalables au procès et, notamment, modifiant de nouveau les ordonnances rendues par l'honorable juge G. J. Rip le 23 octobre 1998 dans les appels nos 98-1666(GST)G, 96-3870(GST)G et 96-2445(GST)G concernant le délai dans lequel les interrogatoires préalables doivent être terminés, lecture faite des déclarations sous serment de Gordon Bourgard et de Camille Sherry et audition faite des avocats des parties, qui ont tous deux accepté le libellé des paragraphes 1 à 6 de la présente ordonnance;

IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ :

          1.        Que l'appelant Robert Wood dépose un avis d'appel modifié de nouveau dans l'appel no 96-2445(GST)G au plus tard le 31 mai 1999;

          2.        Que l'appel de James R. McMurter s/n McMurter Home Centre, no 1999-2332(GST)G, soit entendu sur preuve commune avec les appels nos 96-3870(GST)G, 96-2445(GST)G et 98-1666(GST)G;

          3.        Que les deux parties déposent et signifient leurs listes de documents dans l'appel no 99-2332(GST)G au plus tard le 15 juin 1999;

          4.        S'il lui est conseillé de le faire, que l'intimée dépose et signifie une demande de précisions relativement à l'un de ces appels au plus tard le 3 juin 1999 et, le cas échéant, que l'appelant ou les appelants y donnent suite au plus tard le 17 juin 1999;

          5.        a)        Que les interrogatoires préalables portant sur les questions commerciales soulevées dans chacun des présents appels soient terminés au plus tard le 30 juin 1999, et que tout engagement en découlant soit respecté au plus tard le 15 juillet 1999;

                   b)       Que les interrogatoires préalables portant sur les questions de droit et les questions constitutionnelles soulevées dans chacun des présents appels soient terminés au plus tard le 31 août 1999, et que les engagements en découlant soient respectés au plus tard le 30 septembre 1999;

c)                  Que les déclarations sous serment des témoins experts soient déposées au plus tard le 14 octobre 1999;

                   Et que les ordonnances modifiées rendues par le juge G. J. Rip dans les appels de Robert Wood ( 96-2445(GST)G), James R. McMurter s/n McMurter Home Centre (96-3870(GST)G) et Robin Giles Brant s/n Free Flow Gas Bar (98-1666(GST)G) soient par les présentes modifiées en conséquence;

          6.        Que des audiences sur l'état de l'instance soient tenues dans chacun des appels le 28 juillet 1999 à 9 h 30, à la Cour canadienne de l'impôt, pièce 902, Tour Merrill Lynch Canada, 200, rue King Ouest, Toronto (Ontario);

         

          7.        Que les appelants dans chacun des appels de Robert Wood ( 96-2445(GST)G), James R. McMurter s/n McMurter Home Centre (96-3870(GST)G) et Robin Giles Brant s/n Free Flow Gas Bar (98-1666(GST)G) paient à l'intimée les frais de la présente requête quelle que soit l'issue de la cause. Ces frais sont par les présentes fixés à 850 $ pour chaque appel et doivent être payés au plus tard le 30 juin 1999.

          8.        Que l'avocat des appelants remette, en mains propres ou par courrier recommandé, à chacun des appelants, Robin Giles Brant, James R. McMurter et Robert Wood, une copie de la présente ordonnance et des motifs de l'ordonnance au plus tard le 11 juin 1999, et qu'il dépose une preuve qu'il s'est conformé à cette obligation au plus tard le 18 juin 1999.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 1999.

" E. A. Bowie "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de novembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur




[1]               Décision non publiée, 15 novembre 1996.

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