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Date: 19990504

Dossier: 95-1005-IT-I

ENTRE :

DONALD B. HILL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel, régi par la procédure informelle, a été entendu à Toronto (Ontario), le 29 avril 1999. L'appelant et le chef Wellington Staats, le chef de la tribu de l'appelant, les Six Nations de Grand River à Ohsweken (Ontario), ont témoigné.

[2]            Les paragraphes 1 à 15 de la réponse à l'avis d'appel sont ainsi rédigés :

                                [TRADUCTION]

1.              Il admet que l'appelant a investi 30 000 $ auprès de la Banque Royale du Canada (l'" investissement ") au mois de février 1992.

2.              Il admet en outre qu'à l'égard de l'investissement l'appelant n'a pas déduit de montant dans le calcul du revenu pour l'année d'imposition 1992.

3.              Il admet en outre que l'appelant a retiré 32 100 $ (le " retrait ") de l'investissement et que 9 630 $ ont été déduits du retrait à titre d'impôt sur le revenu payable.

4.              Il admet en outre que l'appelant n'a effectué aucune déduction dans le calcul du revenu pour l'année d'imposition 1993 à l'égard de l'investissement.

5.              Il nie toutes les autres allégations de fait figurant dans l'avis d'appel de l'appelant.

6.              Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1993, l'appelant a inclus le retrait dans son revenu.

7.              Le ministre a établi une cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1993 au moyen d'un avis de cotisation posté le 11 octobre 1994 et, ce faisant, le ministre a inclus le retrait de l'investissement dans le revenu.

8.              En établissant ces cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              les faits admis précédemment dans les présentes;

b)             le principal établissement de la Banque Royale du Canada n'est pas situé sur une réserve au sens de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens;

c)              pendant l'année d'imposition 1993, l'appelant a retiré 32 100 $ de l'investissement duquel 2 100 $ représentait des intérêts produits par l'investissement (les " intérêts produits ");

d)             les intérêts produits par l'investissement ne constituent pas le bien meuble d'un Indien situé sur une réserve au sens de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens.

9.              Le ministre reconnaît que l'appelant n'a pas déduit une partie de l'investissement dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1992 ou toute autre année. Comme l'appelant a reçu le montant de 32 100 $ au cours de l'année d'imposition 1993, le ministre reconnaît que l'appelant a le droit de déduire le montant de l'investissement, ou 30 000 $, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1993.

B.             QUESTIONS EN LITIGE

10.            Il s'agit de déterminer si l'intérêt produit par l'investissement a été correctement inclus dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1993.

C.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET MESURE DE REDRESSEMENT DEMANDÉE

11.            Il se fonde sur les articles 3 et 4 et les alinéas 12(1)c) et 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") dans sa version modifiée pour l'année d'imposition 1993 et l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens.

12.            Il soutient que l'intérêt produit par l'investissement devrait être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1993 conformément à l'article 3 et à l'alinéa 12(1)c) de la Loi.

13.            Il soutient en outre que l'intérêt produit par l'investissement ne constitue pas une somme exonérée d'impôt par une autre loi fédérale au sens de l'alinéa 81(1)a) de la Loi car l'appelant ne l'a pas reçu d'une institution financière dont le principal établissement était situé sur une réserve comme le définit l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens.

14.            Il demande que l'appel portant sur l'année d'imposition 1993 soit admis et que la cotisation soit déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que le calcul du revenu doit être réduit d'un montant de 30 000 $ qui représente l'investissement.

15.            Il demande qu'à tout autre égard l'appel soit rejeté.                                                                                                       

                                                                                                                                                                (sic)

[3]            L'appel de l'appelant est admis en ce qui concerne le montant de 30 000 $ décrit au paragraphe 9 de la réponse.

[4]            Quant à l'appel concernant des intérêts produits de 2 100 $, le dépôt par l'appelant de 30 000 $ a été effectué dans une succursale de la Banque Royale du Canada, située sur la réserve des Six Nations de Grand River à Ohsweken. La somme d'argent a été déposée et reçue par l'appelant à cet endroit. L'appelant est un Indien qui résidait dans la réserve des Six Nations pendant toute la période pertinente. En 1993, il était le directeur d'une école située près de la réserve, et en plus il cultivait et fabriquait des aliments sur la réserve des Six Nations. Les alinéas 8a) et c) des hypothèses de la réponse sont exacts. L'hypothèse 8b) n'a pas été réfutée; il n'y a qu'une succursale de la Banque Royale du Canada sur la réserve des Six Nations.

[5]            Les intérêts de 2 100 $ sur le principal de 30 000 $ provenaient d'un dépôt à terme de un an à la banque. Rien dans la preuve n'indique que le principal de 30 000 $ a été investi d'une manière qui soit liée à la réserve des Six Nations. Au contraire, il a été mélangé avec le fonds général de la Banque Royale du Canada et investi là où le fonds est investi. Ainsi, le montant de 30 000 $ a été utilisé d'une manière semblable à celle des acceptations bancaires dans l'affaire R. Mark Recalma et al c. La Reine, C.A.F., no A-571-96, 27 mars 1998 ([1998] 2 C.T.C. 403). Aux paragraphes 13 et 14 de cette affaire, le juge Linden, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré ce qui suit :

13             À notre avis, en adoptant la méthode téléologique, le revenu de placement touché par ces contribuables ne peut être considéré comme un bien meuble " situé sur une réserve " et, par conséquent, il n'est pas exempt d'impôt.

14            En arriver à une conclusion différente permettrait à des autochtones bien nantis qui vivent dans les réserves du Canada de placer leurs dépôts dans des banques ou d'autres institutions financières situées dans des réserves et, par l'entremise de ces agences, d'investir dans des actions, des obligations et des hypothèques partout au Canada et dans le monde, sans que leurs profits soient assujettis à l'impôt sur le revenu. Nous ne croyons pas que les rédacteurs de l'article 87 aient envisagé un tel résultat. Bien entendu, le résultat pourrait être différent dans des situations où les fonds investis directement ou par l'entremise de banques dans les réserves sont utilisés exclusivement ou principalement pour consentir des prêts aux autochtones vivant dans les réserves. Lorsque des autochtones, quels que soient leur engagement envers leurs traditions, choisissent d'investir leurs fonds sur le marché ordinaire, ils ne peuvent échapper à l'impôt simplement en utilisant une institution financière qui est située dans une réserve.

La demande d'autorisation d'appel de l'affaire Recalma devant la Cour suprême du Canada a été rejetée [1998] S.C.C.A. no 250.

[6]            Pour les motifs prononcés dans l'affaire Recalma, l'appel à l'égard des intérêts de 2 100 $ est rejeté.

[7]            L'appel est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

[8]            L'appelant a dû parcourir une distance d'environ 200 kilomètres pour poursuivre son appel, il a échangé beaucoup de courrier et a connu beaucoup d'ajournements pendant la poursuite de cet appel et en attendant le résultat de l'affaire Recalma. Je lui adjuge un montant de 250 $ de dépens à titre de frais divers liés à l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mai 1999.

" D. W. Beaubier "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de novembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

95-1005(IT)I

ENTRE :

DONALD B. HILL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 29 avril 1999 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Sean O'Donnell

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

         

          L'appelant se voit adjuger des dépens de 250 $ pour des frais divers.


Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mai 1999.

" D. W. Beaubier "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de novembre 2001.

Martine Brunet, réviseure


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